Étudier et promouvoir les langues de la Bretagne

Même territoire, mêmes combats ?

DOI : 10.57086/cpe.1724

Cette contribution restitue les échanges d’une rencontre entre deux spécialistes des langues et cultures de Bretagne, sollicités pour partager les résultats de leurs analyses sur la place du breton et du gallo, reconnus aujourd’hui comme des langues de Bretagne, aux côtés du français. Attentifs aux problèmes théoriques et pratiques que posent la description et la diffusion de ces idiomes, les échanges ont porté sur les recherches dans les universités bretonnes, sur les collectes qui les ont précédées ou accompagnées, mais aussi sur les politiques publiques qui promeuvent ces langues dans la région. Il a également été question de la transmission ainsi que de l’écriture de ces langues et de leurs variétés.

This paper reports on a meeting between two experts in the languages and cultures of Brittany (France), who were invited to share their insights on the status of Breton and Gallo, which have now been recognised as languages of Brittany alongside French. Focusing on the theoretical and practical issues associated with the description and dissemination of these idioms, the discussions covered research in Breton universities, the collections that preceded or accompanied it, and the public policies that promote these languages in the region. The transmission and writing of these languages and their varieties were also discussed.

In diesem Beitrag werden die Inhalte eines Treffens zwischen zwei Experten für die Sprachen und Kulturen der Bretagne dargelegt. Die beiden wurden gebeten, die Ergebnisse ihrer Analysen über die Stellung des Bretonischen und des Gallo, welche heute neben dem Französischen als Sprachen der Bretagne anerkannt sind, auszutauschen. Unter Berücksichtigung der theoretischen und praktischen Herausforderungen, die mit der Beschreibung und Verbreitung dieser Idiome einhergehen, konzentrierte sich der Austausch auf die Forschung an den bretonischen Universitäten, auf die Sammlungen, die ihnen vorausgingen oder sie begleiteten, sowie auf die öffentliche Politik, die diese Sprachen in der Region fördert. Zudem wurden die Weitergabe und das Schreiben dieser Sprachen und ihrer Varietäten erörtert.

Text

Cette contribution restitue les échanges d’une rencontre organisée à l’initiative de la revue, par l’intermédiaire des membres du Centre de recherches bretonne et celtique (CRBC) de l’université de Bretagne occidentale (UBO), que nous remercions pour leur aide. L’entretien d’1h45 a été enregistré via l’outil de visioconférence Big Blue Button le 24 juillet 2024. La transcription a été revue, reformulée et augmentée par les auteurs. Comme les autres contributions de la revue, le texte a été soumis à une double expertise anonyme suite à laquelle le texte a encore été retravaillé.

Nous avons réuni deux spécialistes des langues et cultures de Bretagne, Mannaïg Thomas, maîtresse de conférences en littérature de langue bretonne à l’UBO, et Bèrtran Ôbrée, directeur du centre linguistique Chubri à Rennes (organisme dédié à l’inventaire linguistique et l’actualisation du gallo). Nous les avons invités à nous faire partager les résultats de leurs analyses sur la place du breton et du gallo, les désignations usuelles mais réductrices de ces idiomes. Les échanges ont porté sur les recherches qui traitent de ces « langues-cultures », et sur les politiques qui les promeuvent dans la région. Nous avons invité nos collègues à nous parler de thèmes et de problèmes qui suscitent parfois de vifs désaccords, entre les citoyens comme entre les chercheurs. Nous remercions les intervenants d’en avoir traité si sereinement et si précisément.

Si ces pages examinent des problèmes trop peu traités, elles ne parlent néanmoins pas de ce qui oppose les définitions politiques du « breton » et du « gallo » (celles des autorités nationales et régionales, et celles des associations de militants) à celles que leur ont données les sciences du langage. En effet, si le breton et le gallo ont été officiellement reconnus comme des langues de France, ils n’ont ni la même histoire ni les mêmes caractéristiques linguistiques (l’un est celtique, l’autre est roman). De même, il aurait fallu s’interroger sur la manière dont les locuteurs ordinaires définissent la situation (linguistique).

Est-ce pour contrecarrer l’hégémonie culturelle du breton, que les autorités administratives ont dû accorder un statut de « langue » au gallo, et cela en décalage avec les distinctions scientifiques entre « langues » et « dialectes » ? En même temps, cette égalité de statut n’est-elle pas en train de surdéterminer les définitions scolaires et ordinaires des parlers de Bretagne ?

En effet, à première vue, parler de « langue de Bretagne » pour le gallo se résumerait à un abus de langage qui entretiendrait la confusion entre langue, dialecte et français régional. Mais si, justement, cet amalgame trahissait une réalité langagière ? S’il nous révélait que le politique régissait le linguistique, que le jeu des autorités instituait les langues, c’est-à-dire qu’il cadrait et qu’il orientait à la fois leur définition, leur formation et leur évolution ?

Bien entendu, d’autres sujets encore auraient mérité d’être abordés. Celui des décalages entre les politiques régionale, nationale et européenne. Ou encore celui du nombre des « bretonnants » et des « gallésants », ceux qui utilisent telle ou telle variété au quotidien, et ceux qui apprennent et qui enseignent ces « langues ». Ou encore la question de la présence de « bretonnismes » et de « gallésismes » dans les variétés locales de français régional, voire même dans les variétés de breton et de gallo.

Pour autant, les lectrices et les lecteurs pourront trouver de précieuses informations sur les réalités contrastées du paysage linguistique de Bretagne, avec des pistes de travail pour de futures recherches sur la vie des langues et des parlers et sur celle des gens qui les font vivre.

Yannick Lefranc : Bonjour chers collègues. Avant de vous donner la parole, je rappellerai que le breton et le gallo sont officiellement reconnus comme des langues de France. Et qu’on les enseigne, pour le breton, officiellement depuis la loi Deixonne de 19511, avec en 1982, l’institution de classes bilingues (fondation des écoles privées immersives Diwan dès 1977), et puis pour le gallo, il me semble que ça s’est dessiné depuis les années 1980.

Les questions qui se posent concernent à la fois les travaux universitaires qui portent sur les réalités, et les enjeux « biopolitiques » de ces réalités, c’est-à-dire tout ce qui renvoie à la gestion des populations à travers la diffusion d’une langue légitimée, qu’elle soit nationale ou régionale, et à travers son enseignement. Mais c’est aussi ce que j’appellerais les marquages symboliques à tendance identitaire, qui se sont diffusés avant tout en breton dans la région. Je vous laisse la parole et je parie que les échanges seront riches et fructueux.

Bèrtran Ôbrée : En matière de travaux universitaires récents qui concernent le gallo, il faut distinguer deux domaines : il y a celui de la sociolinguistique, où il y a eu pas mal de travaux ces dernières dizaines d’années, entre autres à l’université de Rennes II en lien avec les laboratoires PREFics et CELTIC-BLM. Au sein de cette université, Philippe Blanchet a contribué à sensibiliser les acteurs de la région sur des sujets tels que la glottophobie. D’autres universités sont concernées par des travaux sociolinguistiques sur le gallo, y compris à l’étranger. Dans ces recherches, on s’intéresse à la perception du gallo par les personnes, à la situation spécifique du gallo dans le contexte breton, ou encore aux politiques publiques conduites ces dernières années.

Par contre, sur l’autre aspect d’étude universitaire, qui contribue plutôt à la description de la langue, c’est plus problématique. Pour la deuxième moitié du xxe siècle, il y a eu les travaux dialectologiques du CNRS dans le cadre des atlas linguistiques et ethnographiques de la France dans les années 1970. Pour le gallo, ça a donné lieu à la production de l’Atlas linguistique et ethnographique de la Haute-Bretagne, de l’Anjou et du Maine (1975) par Jean-Paul Chauveau et Gabriel Guillaume. Ensuite, Jean-Paul Chauveau a publié plusieurs ouvrages sur le gallo dont Le gallo : une présentation (1984).

Mais depuis, il n’y a quasiment pas eu de travaux universitaires, hormis ponctuellement dans le cadre de quelques mémoires de maîtrise, entre autres en sciences du langage avec l’équipe rennaise de Jean Gagnepain, dans les années 1980-1990. Ensuite, Rennes II s’est concentrée sur la sociolinguistique et il y a eu très peu de travaux dans le domaine grammatical. Depuis la thèse de Jean-Claude Bourel en dialectologie et ethnographie en 1987, il aura fallu attendre celle de Samantha Becerra Zita sur la double négation en gallo, qu’elle a soutenue en 2021 à l’université de Nantes. Hormis ces différents travaux-là, il y a un manque important de recherche en linguistique en lien avec le gallo. C’est vraiment un problème parce que, aujourd’hui, les gens qui veulent travailler sur la diffusion de la langue, son enseignement, sont vraiment confrontés à un manque de ressources récentes qui prennent en compte la linguistique moderne, avec les apports de la linguistique structurale.

Mannaïg Thomas : Je trouve très intéressantes les problématiques du gallo en termes de recherche, puisqu’il y a aujourd’hui, je pense, des proximités dans les recherches sur les deux langues, notamment avec la prédominance de recherches en sociolinguistique, à la fois dans les masters, les thèses. Dans les premières recherches sur la langue bretonne, qui datent du xixsiècle, les toutes premières recherches, c’étaient vraiment des recherches de type grammaire comparée, philologie, proximité entre les différentes langues celtiques. Le breton était toujours remis dans le contexte des autres langues celtiques pour le comparer avec le gallois, l’irlandais, le cornique…

Et puis ce n’est que dans un second temps que sont apparues des recherches vraiment dialectologiques, c’est-à-dire la description des différents parlers, qui s’est accompagnée tout au long du xxe siècle de collectages qui ont abouti alors, à la fois, à des descriptions monographiques, et je rejoins ce que disait Bèrtran, ce qui peut manquer plus pour le gallo, c’était une époque où on avait des locuteurs qui parlaient breton quotidiennement et qui avaient aussi le profil que les dialectologues recherchaient, c’est-à-dire des gens qui sont nés à un endroit, de parents, voire de grands-parents nés au même endroit et qui n’ont pas beaucoup bougé. Tout au long du xxe siècle, les linguistes ont eu la possibilité d’établir des profils comme ça, ce qui a permis la description précise des différents dialectes et, en plus de nombreuses monographies, la publication de deux atlas linguistiques : celui de Pierre Le Roux en 1924 et celui de Jean Le Dû en 2001. C’était aussi la période des enquêtes sur la toponymie et l’anthroponymie.

Puis, à partir des années 1970, il y a une forte diversification des recherches sur le breton, en lien notamment avec le développement des recherches en littérature, puisque là, on commence à s’intéresser aux textes littéraires en eux-mêmes, pour eux-mêmes, et non plus uniquement pour des raisons linguistiques. Disons qu’avant, on travaillait aussi sur des textes littéraires, non pour leur intérêt littéraire, mais pour leur intérêt linguistique, pour comprendre l’histoire de la langue, etc. À partir des années 1970 puis 1980, on constate une augmentation du nombre de thèses en littérature, littérature ancienne, mais également en littérature moderne et contemporaine. Les travaux sur la littérature orale, mais aussi toute la littérature du xixe, du xxe siècle, et la presse en langue bretonne qui était très développée jusqu’à la Première Guerre mondiale et qui a continué après. Ces domaines-là ont fait l’objet de thèses et de travaux universitaires.

L’étape suivante, tout en continuant les recherches en littérature, a été le fort développement des recherches en sociolinguistique, afin de comprendre le profil des différents locuteurs, et par conséquent, par la suite, des travaux qui portent sur l’enseignement du breton et ce que l’on appelle parfois les néolocuteurs.

C’est encore une approche qui n’en est qu’à ses débuts : il y a eu une thèse récente, de Gwenole Larvol, soutenue en 2022, qui relève à la fois de la sociolinguistique et de la didactique, sur la place du breton dans la vie des élèves et ce qu’il est possible de mettre en place afin qu’il ne soit pas que la langue de l’école, mais puisse aussi être investi différemment, à l’extérieur, etc.

C’est un peu l’évolution des recherches sur le breton mais avec effectivement, comparé à la situation de la langue gallèse, cette antériorité qui explique qu’il y a des travaux vraiment linguistiques, de type linguistique structurale, qui ont pu être menés avant. Finalement, les recherches ne font que suivre la réalité de la pratique du breton sur le terrain.

Yannick Lefranc : Une question à propos des recherches. Est-ce qu’on a exploité tout ce qui existe en dehors du monde académique, ce qu’ont produit des érudits, des curieux, au xixe et au xxe siècles ? Quelle est la reconnaissance que les savants donnent à ces travaux ? On trouve aussi énormément d’ouvrages dans le commerce : les glossaires de gallo, les lexiques de gallo, etc. ou les dictionnaires de breton.

Bèrtran Ôbrée : Pour le gallo, ce qui est sans doute marquant, pendant le xixe siècle, c’est un intérêt assez important des folkloristes, entre autres grâce à Paul Sébillot qui a été une éminence du folklorisme en France et qui était implanté à Matignon dans les Côtes-d’Armor. Il a contribué à un fort intérêt vis-à-vis du gallo, d’abord dans une perspective de l’application de la politique linguistique française. On estimait qu’à terme il y aurait une disparition des « parlers » locaux, des « patois », et qu’il fallait en collecter les particularités tant qu’il était encore temps.

Et donc, il y a eu un intérêt assez fort de notables pour les parlers de la Haute-Bretagne. Ça s’est traduit par une forte production de monographies locales, de lexiques, de différentes descriptions, jusqu’à un ouvrage assez important, celui de Georges Dottin, en collaboration avec Joseph Langouët, qui est paru en 1901. C’est le Glossaire du parler de Pléchâtel, avec une notation phonétique assez précise du gallo parlé à Pléchâtel, et aussi une présentation globale des parlers de Haute-Bretagne. En fait, cette période des folkloristes en Haute-Bretagne, c’est un moment important. Parce que ce qu’on voit, c’est que tout ce travail de production de monographies locales qui incluent le parler, il n’a quasiment pas cessé jusqu’à aujourd’hui. Cette importance des ressources linguistiques en Haute-Bretagne, j’en ai pris conscience en échangeant avec un ingénieur-linguiste italien quand, à Chubri, nous avons commencé à travailler sur un projet de compilation de lexiques qui a abouti plus tard, en 2016 sous la forme de ChuMétiv, à une base de données lexicographiques en ligne2. En comparaison avec ce qu’il avait observé pour les langues d’Italie, il était impressionné par la richesse de nos ressources documentaires depuis le xixsiècle. Ça inclut des productions locales assez récentes, des années 1980 jusqu’à aujourd’hui, en lien avec la parution d’ouvrages linguistiques à l’échelle de la Haute-Bretagne, comme le Motier de pouchette ou Le Petit Matao.

Au final, ce que je relève, c’est que des travaux de linguistes du xixe siècle comme Georges Dottin ou du xxe siècle comme Jean-Paul Chauveau sont en écho avec des travaux de notables ou d’érudits. Les publications marquantes des linguistes ont encouragé des initiatives d’un tas de personnes amatrices de linguistique du gallo. Et, dans l’autre sens, les linguistes s’appuient sur ces productions.

Yannick Lefranc : On a quelque chose de similaire avec le breton ? Je pose la question à Mannaïg : y a-t-il une reconnaissance savante de ces travaux d’érudits, de notables ?

Mannaïg Thomas : Oui, alors le premier que l’on cite toujours, ce n’est pas le premier d’ailleurs, mais c’est celui qui a eu une reconnaissance nationale importante, à savoir Théodore Hersart de La Villemarqué, qui a publié, pour la première fois en 1839 le Barzaz Breiz, une collecte de chants en breton, traduite par ses soins, avec tout un appareil explicatif.

Alors ce n’était pas le premier travail de collectage de chants bretons, mais c’est celui qui a certainement marqué, et développé l’intérêt de beaucoup d’érudits pour la situation du breton. Ce qui explique le succès de La Villemarqué, c’est aussi le contexte dans lequel il publie cet ouvrage, parce qu’il va chercher dans les chants du Barzaz Breiz des origines « ancestrales », parce qu’il fait remonter les textes à des périodes très anciennes comme le vie ou le viiie siècle, etc. Le Barzaz Breiz devient par la suite un livre fondateur pour le militantisme breton.

Ce livre a eu un retentissement très important, et a également provoqué une vague de collectage en Basse-Bretagne, puis tout un débat autour du collectage et de ce qu’on en fait : est-ce vraiment du collectage, ou pas ? Qu’est-ce que ça veut dire, « collecter » ? Comment est-ce qu’on publie ce qui a été collecté ? etc. Tous ces débats ont été analysés par la recherche universitaire, d’abord par les travaux de Donatien Laurent, qui a prouvé que ces textes avaient bien été collectés, et ensuite par les travaux de Nelly Blanchard, chercheuse au CRBC, qui a montré que, certes, il y avait eu collecte, mais que collecte ne veut pas forcément dire restitution à l’identique dans la publication, et que La Villemarqué, avec l’idée qu’il se faisait de ce que devait être une gwerz [complainte], perçue comme un texte ancestral, avait lui-même pu y apporter des modifications. On a, à la fois, le travail d’un érudit, dans un contexte politique et idéologique, et ce que le travail universitaire peut en faire, comment le travail universitaire peut l’analyser par la suite. Voilà un exemple qui est sans doute l’un des plus connus pour la Bretagne, mais il y en aurait beaucoup d’autres.

Toute cette matière qui a pu être collectée, tout ce qui concerne à la fois le vocabulaire, mais aussi les chants, les contes, etc., a fait l’objet de nombreuses collectes, par Luzel, par Anatole Le Braz, par beaucoup de personnes en Basse-Bretagne, qui ont eu un retentissement certain. On peut penser à La légende de la mort d’Anatole Le Braz, par exemple. Avec également un important travail d’intermédiaire de la part du collecteur : la collecte s’est faite en breton, mais La légende de la mort a été publiée en français, et c’est en français qu’elle a un succès important et qu’elle continue d’être rééditée aujourd’hui.

Yannick Lefranc : Merci. Bèrtran, vous vouliez ajouter quelque chose ?

Bèrtran Ôbrée : Je disais que, dans le monde universitaire, il y a vraiment très peu de travaux sur la description linguistique du gallo, dans ce que certains appellent la glossologie, dans la théorie de la médiation, disons dans le domaine de la grammaire, globalement. Et c’est à partir de ce constat qu’à Chubri, vers 2006-2007, on s’est dit qu’il fallait démarrer des conditions pour pouvoir développer de la recherche universitaire. Moi-même, j’avais une maîtrise en sciences du langage, pour laquelle j’avais travaillé sur la phonologie du gallo. Juste avant, j’avais travaillé sur un dictionnaire, le Motier de galo, paru en 1995 et ça m’avait amené à démarrer des enquêtes orales. Par mon expérience, j’avais pris conscience de l’intérêt de constituer des archives sonores pour pouvoir développer la recherche linguistique. Donc, avec d’autres personnes intéressées par la langue et la culture de Haute-Bretagne, on s’est dit qu’il fallait faire ça, collecter la langue auprès des personnes qui ont grandi dans un environnement gallophone, tant qu’il y en a, puisque ce sont surtout des personnes très âgées, et aussi créer des archives sonores de conversation, de parole enregistrée auprès de ces gallophones.

Et, du coup, je reviens sur ce qu’on a constaté à Chubri par rapport aux travaux qui étaient faits depuis le xixe siècle. On est confronté à une démarche, où, en gros, on a collecté les curiosités linguistiques du gallo d’un point de vue francophone. On n’était pas, et c’est encore beaucoup le cas dans des travaux récents, on n’est pas tellement dans une description globale, assez exhaustive, des usages langagiers dans tel ou tel parler de Haute-Bretagne, pour les transmettre par exemple. On est plus dans un rapport de différence, de recherche de ce qui est curieux d’un point de vue francophone. Alors le problème que ça pose aujourd’hui quand on veut utiliser ces travaux-là, quand on veut les compiler, par exemple pour ChuMétiv (cf. supra), on est confrontés au fait qu’il y a des pans entiers du vocabulaire ou de la grammaire qui sont très peu abordés. En particulier, il manque du vocabulaire qui est très voisin du français, du fait du sens ou de la prononciation. Ces mots-là, ils sont absents. Et ça a un effet dans des dictionnaires récents comme dans Le Petit Matao ou le Motier de pouchette. Du fait des sources utilisées, du vocabulaire qui est pourtant courant chez les locuteurs habituels du gallo peut être absent. La conséquence, c’est que quand on apprend ou qu’on fait de la traduction, on va avoir tendance à chercher une voie de contournement en se servant du vocabulaire qui est présent dans les lexiques mais qui, parfois, est en fait très rare. Donc, à Chubri, ce qu’on a voulu, c’est essayer de compenser ces manques en créant des archives sonores pour qu’à moyen terme, on soit capable de dire que tel mot, par exemple le mot silenç, qui se prononce comme silence en français et qui est quasi absent des lexiques, apparaît dans tel ou tel enregistrement, auprès d’un locuteur qui ne parle quasiment qu’en gallo, même si, c’est vrai, il peut être poreux avec le français. Donc l’idée, dès 2006-2007, c’était d’essayer de créer des archives sonores qui, peu à peu, pourraient faire l’objet de dépouillements et pourraient permettre d’enrichir les collectes antérieures, et faciliter un développement de la recherche universitaire.

Yannick Lefranc : D’accord, oui, ce que vous dites me fait penser aux problèmes que posent les transcriptions du « gallo » et du « breton », pour le dire vite. Si je prends le gallo, il y a des graphies qui rendent les textes illisibles, et on en a d’autres qui sont beaucoup plus lisibles. C’est lié aussi à cette volonté de différenciation par rapport au français. Je sais qu’il y avait eu un débat à une époque autour de la transcription du phonème [k] : « on choisit k ou c ? » Certains voulaient imposer le k parce que ça faisait plus celtique, etc. On repère bien d’autres façons de se démarquer du français, ce qui rend la lecture du gallo écrit très difficile. Cela paraît paradoxal, mais pour moi c’est plutôt significatif. Pour le breton, est-ce qu’il y a des choses à ajouter par rapport à ce que vient de dire Bèrtran ?

Mannaïg Thomas : Je trouve cette question du collectage des « curiosités » très intéressante, je n’avais pas pensé à ça comme ça, parce que pour le breton, on va dire que tout paraît curieux pour un francophone. Il n’y a donc pas tout à fait ce genre de questionnement et ce genre de biais dans les collectes, même s’il y en a d’autres, bien sûr.

Mais ça me fait quand même penser à un certain nombre de textes qui ont longtemps été délaissés, qui n’ont pas été étudiés, qui ont été considérés comme complètement sans intérêt, en breton, parce que les observateurs considéraient qu’il y avait trop de français dedans. C’est tout ce qui était appelé de manière assez péjorative, le « breton de curé », c’était du breton religieux, mais avec tellement de mots français à l’intérieur, que pendant longtemps ça a été considéré comme complètement négligeable et à négliger. Ces textes étaient très mal considérés, notamment par La Villemarqué, et puis après, tout au long du xxe siècle par beaucoup d’autres… Ces textes, avec beaucoup de mots français, presque transparents ne méritaient donc pas d’être étudiés, alors qu’ils ont constitué, avant le développement de la presse, l’essentiel de l’accès à l’écrit pour la population bretonnante.

On peut relier cela, à partir du début du xxe siècle, et puis après tout au long du xxe siècle, à un mouvement de néologie, avec l’idée de créer des mots en breton, en s’appuyant sur des racines celtiques les plus anciennes pour essayer de s’éloigner le plus possible, visiblement en tout cas, de mots français. Cela va avec la création d’une graphie qui a aussi été pensée dans l’idée de s’éloigner au maximum de la graphie du français, avec l’usage fréquent du k, c’h, w, etc.

Même si la problématique de la proximité avec le français ne se pose pas dans les mêmes termes que pour le gallo, il y a quand même toujours eu, du côté des militants linguistiques, l’idée de s’éloigner au maximum de ce qui pourrait « avoir l’air » d’être du français, même si ce sont souvent des mots internationaux ou des mots qui viennent du latin. S’éloigner au maximum pouvait être perçu comme une manière de prouver que le breton était une langue à part entière, et permettait ainsi de se rapprocher d’un supposé « idéal » de la langue.

Yannick Lefranc : Est-ce qu’il n’y a pas quelque chose de commun entre les décisions de démarquage graphique et ce que vous disiez, à propos des recherches des érudits sur des textes authentiques qui remontent loin dans le passé ? Est-ce qu’on n’a pas, dans les deux cas, ce que je nommerais un « originisme », ou un « racinisme », qui conduit à exclure tout un tas de productions populaires, parfois encore vivantes, mais en langue mélangée. L’idée commune étant de promouvoir une langue pure, finalement. Un problème auquel les bretonnants sont confrontés mais également les gallésants.

Et maintenant une deuxième question, à propos de la politique linguistique. À l’université, est-ce qu’on a des travaux de recherche sur ce thème ? Il y a un grand intérêt, d’après ce que vous disiez l’une et l’autre, pour la sociolinguistique, mais quid de la question des politiques linguistiques et des pouvoirs ? Je parle des pouvoirs des diverses autorités, ceux des autorités officielles, ou les pouvoirs qu’exercent des contre-autorités ou des autorités parallèles, ceux des associations ou les militants. Est-ce qu’on a des travaux en cours là-dessus ?

Bèrtran Ôbrée : D’abord, je vais rebondir sur le thème de l’originisme. Je dirais que pour le gallo, la situation est spécifique. Au xixe, il y a une recherche d’identité nationale, à l’échelle de la Bretagne, qui se focalise sur les origines celtiques. Et donc, je vais être schématique, le xixe a plutôt isolé le gallo puisque ça a été plutôt regardé comme quelque chose de proche du pouvoir français, du fait de sa proximité linguistique avec le français. Cette vision est aussi à relier avec le discours scolaire à cette époque, selon lequel ce qu’on parle en Haute-Bretagne, comme d’ailleurs dans tout le domaine d’oïl, c’est « du français déformé ». Donc il y a plutôt un isolement, une dépréciation, qui a nourri ensuite au xxe un regard de méfiance vis-à-vis du mouvement linguistique pour le gallo comme étant un problème possible par rapport à l’affirmation de la nation bretonne. Par contre, je n’ai pas souvenir que dans le domaine gallo, il y aurait vraiment eu une recherche très forte des origines. Il y a plutôt eu un intérêt pour la culture locale, pour les traditions populaires. Ça, c’est la première chose que je voulais aborder.

Maintenant, à propos des travaux en sociolinguistique autour des politiques publiques… En ce moment, il commence à y avoir, pour le gallo en tout cas, un intérêt pour les politiques linguistiques publiques. Du côté des thèses abouties, il y a des travaux sur le rapport entre Bretagne bretonnante et Bretagne gallésante, en abordant entre autres les politiques publiques. Je pense à deux thèses. Il y a eu celle d’Anne Diaz en 2018, qui a abordé des questions d’identité et de frontière linguistique. Il y a aussi la thèse de Jeanne Toutous, en 2022, qui s’intéresse à la militance en faveur des langues régionales en mettant en regard la situation de la Lusace en Allemagne, avec le haut-sorabe et le bas-sorabe, et la situation en Bretagne, avec le breton et le gallo. Je pense aussi au fait qu’il y a quelques mois, à Chubri, on a reçu quelqu’un qui était en stage de master 2 de sociolinguistique à la Ville de Rennes. Elle était en observation de la politique linguistique publique en cours de définition par la Ville, dans le cadre d’un mémoire de recherche sur les politiques linguistiques des collectivités locales en faveur des langues régionales. Plus globalement, il me semble qu’il y a un intérêt croissant pour des recherches en sociolinguistique ou en sociologie sur le lien entre gallo, mouvements linguistiques et politiques publiques.

Concernant les politiques publiques elles-mêmes, on peut parler de la signalétique. C’est un sujet assez problématique en Bretagne, et sur lequel Chubri est régulièrement intervenu. Depuis des dizaines d’années, il y a une forme de hiérarchie qui s’est instaurée, où on regarde le breton comme « la » langue de la Bretagne. Bon, déjà, le terme lui-même, « langue bretonne », « le breton », ça contribue à diffuser cette idée qu’on parle de la langue de toute la Bretagne. C’est un peu l’effet « poétique » des termes qu’on emploie, dans le sens où on prend les termes pour la réalité. D’ailleurs c’est pour ça qu’à Chubri, de plus en plus, on emploie le terme de la langue brezhoneg, le brezhoneg, pour éviter cette ambiguïté terminologique, en disant : il y a deux langues bretonnes, le brezhoneg et le gallo.

Yannick Lefranc : On a donc des luttes d’hégémonie.

Bèrtran Ôbrée : Voilà. Donc si on parle des politiques des départements et surtout du conseil régional, c’est vrai qu’on voit depuis plusieurs dizaines d’années une place première accordée au breton et une place toujours secondaire au gallo. Pendant longtemps, ça s’est traduit par une terminologie différenciée. Dans les années 1980-1990, on parlait de la langue bretonne et du parler gallo. Le parler gallo, c’était le terme utilisé dans la charte culturelle bretonne qui avait été signée en 1977 sous Giscard d’Estaing. Ensuite, il a fallu attendre le 17 décembre 2004, avec cette déclaration du conseil régional concernant les langues de Bretagne, pour qu’on commence à utiliser le terme de « langue » pour le gallo, comme l’une des langues de Bretagne. Mais encore aujourd’hui on voit toujours quand même un traitement à deux niveaux en matière de signalétique.

Une des étapes importantes à ce sujet, ça a été l’initiative du département du Morbihan, au début des années 2000, qui a mis en place une signalétique français-breton sur toutes les routes départementales, y compris dans la partie orientale qui est traditionnellement gallophone. Il y a eu aussi un encouragement à signaliser les entrées d’agglomération partout de la même façon. À cette époque, ça a fait l’objet d’une très grosse polémique entre autres du côté des maires de la partie gallèse du Morbihan. Alors c’est vrai qu’à l’époque, le fait de signaliser en gallo, ce n’était pas forcément une chose qui était très revendiquée encore. Mais par contre, c’est aussi une réalité que les maires de la partie gallèse, au moins pour une partie, n’étaient pas du tout à l’aise avec le fait de signaliser en breton dans une zone où ce dernier n’était pas la langue traditionnelle. Pour avoir eu des échanges individuels avec des élu·es du département, plusieurs années après, il y en a qui regrettaient d’avoir pris cette initiative-là. Mais ceci dit, cette signalisation est restée implantée de cette manière.

Par ailleurs, il y a eu d’autres initiatives publiques pour une signalisation bilingue français-gallo. Par exemple, la ville de Loudéac a été, me semble-t-il, la première commune à signaliser son entrée d’agglomération en bilingue français-gallo, en inscrivant la forme Loudia. Aujourd’hui, il y a une bonne vingtaine de communes qui ont mis en place une signalisation français-gallo. Quelques autres communes de Haute-Bretagne ont choisi le trilinguisme, le gallo étant placé avant ou après le brezhoneg.

Yannick Lefranc : Est-ce que les gens ont vraiment été consultés ? C’est vertical tout ça. Disons qu’on a une démocratie représentative, et puis une avant-garde. On a des gens qui parlent au nom de, qui prennent l’initiative, qui prennent des décisions, de haut en bas. Et parfois ça converge avec les désirs et même les revendications des gens « d’en bas ». Mais aussi, on met les gens devant le fait accompli, qu’ils soient d’accord ou pas. Est-ce qu’il y a eu des allers-retours entre le haut et le bas ? Vous parlez des élus, mais les autres ?

Bèrtran Ôbrée : En fait, je ne sais pas tout de comment ça s’est passé dans le Morbihan. Mais de mémoire, cette décision de mettre en place une signalétique français-breton sur les départementales, c’était principalement le fruit d’échanges entre le département du Morbihan et l’Office public de la langue bretonne. Je n’ai pas mémoire qu’il y aurait eu une concertation en amont auprès des mairies.

Pour prendre un cas récent, cette fois-ci, le département d’Ille-et-Vilaine a adopté, en février dernier, une nouvelle politique linguistique pour les langues de Bretagne. Mais ce que j’ai pu observer, c’est qu’il y a bien eu une forme de concertation puisqu’il y a eu plusieurs rencontres. À la première, étaient invitées des associations, des mairies, etc. C’était une sorte de grande rencontre, avec des jeux de post-it, etc. Mais ensuite dans la phase vraiment d’entretiens individuels, les mairies n’ont pas été consultées, à part la ville de Rennes. Alors, ça s’est vu dans les choix qui ont été adoptés, puisque, par exemple, il a été décidé de soutenir uniquement la signalétique d’entrée d’agglomération qui serait trilingue français-breton-gallo en Ille-et-Vilaine, mais pas l’inverse, français-gallo-breton, et pas uniquement bilingue français-gallo. Donc là, je pense que s’il y avait eu une concertation avec des élus locaux, en particulier ceux engagés dans la charte « du Galo, dam Yan, dam Vère », cette décision aurait sans doute été différente.

Yannick Lefranc : Bon, c’est bien vertical. Pourtant, des panneaux trilingues… Surtout quand ils sont mis à l’envers comme actuellement, à la suite des mouvements des agriculteurs… Pourtant, ça complique la lecture, les panneaux bilingues ou trilingues. Surtout trilingues. Peut-être que si on avait consulté les simples citoyens, on n’aurait pas eu les mêmes points de vue. D’autant plus que parmi les habitants, on a des gens qui ne viennent pas de la région. Mais même parmi ceux qui ont des parents nés dans la région, ça pose peut-être aussi un problème. Il y a des études là-dessus, des études d’opinion ? Ou alors c’est mis de côté, au nom d’un consensus d’en haut ? Qu’en pense Mannaïg ?

Mannaïg Thomas : Oui, sur la signalisation bilingue en Bretagne, ça date des années 1980, pour ce qui concerne la Basse-Bretagne. Sachant qu’il y a toute la toponymie ancienne qui est en breton, mais la signalisation, c’est-à-dire les panneaux, par exemple, d’entrée et de sortie d’agglomération, trouve son origine dans les actions d’un mouvement, dans les années 1980, qui s’appelait Stourm ar Brezhoneg [le combat pour la langue bretonne], qui avait pris pour moyen d’action très visible le barbouillage des panneaux de signalétique uniquement en français. C’est ce qui a lancé ce mouvement de traduction, d’abord dans les Côtes-d’Armor puis dans le Finistère à partir de la fin des années 1980 et au début des années 1990 – c’est assez ancien – et puis progressivement, de plus en plus, partout dans la région, y compris en Haute-Bretagne.

La question de l’adhésion de la population, elle, est assez complexe, pour plusieurs raisons. D’une part, parce que le mouvement militant s’appuie beaucoup sur la demande sociale, en disant « il y a une forte demande sociale pour le breton, pour l’enseignement du breton, pour la visibilité du breton, etc. », mais cette demande sociale est toujours difficile à évaluer véritablement. Il y a des sondages d’opinion depuis les années 1990 qui posent notamment la question de l’attachement des personnes sondées à ces langues. Globalement, c’est plutôt un attachement à ces langues qui apparaît, ce qui permet aux politiques de s’appuyer là-dessus pour justifier certains choix.

Passer de l’attachement à la langue à la demande d’affichage du breton dans la vie publique ou à la création de classes bilingues ou par immersion, c’est une autre question, pour laquelle les personnes sondées ne perçoivent pas forcément tous les enjeux. Mon collègue du CRBC, Erwan Le Pipec, apporte un peu de nuance dans un article de 2014 : plutôt que de « demande sociale », il conviendrait de parler d’« approbation sociale », c’est-à-dire qu’il n’y a pas une opposition forte à ce qu’il y ait de la signalisation bilingue, par exemple, mais de là à parler d’une demande généralisée de la part de la population, cela serait à interroger plus précisément.

Après, il y a une autre problématique, sur la signalisation, et je ne sais pas si ça se pose de la même manière pour le gallo, mais au-delà des entrées et sorties d’agglomérations, il y a la question de la politique de traduction des panneaux signalétiques quels qu’ils soient, pour indiquer la « piscine », la « déchetterie » et toutes sortes de lieux comme ceux-là. Ce qu’on a pu observer en faisant des recherches avec des collègues sur cette question-là, c’est, de nouveau, à quel point la variété de breton qui est utilisée dans cette signalétique est très difficile à comprendre pour la grande majorité des locuteurs et des locutrices, pour plusieurs raisons. D’une part, parce que beaucoup d’entre eux – alors, c’est sans doute moins le cas aujourd’hui – sont peu familiers de la lecture en breton, et d’autre part, parce que le choix de traduction est très éloigné de la langue usuelle. Cela s’explique pour des raisons sociolinguistiques : le registre de langue utilisé dans la signalisation officielle, comme en français, n’est pas le même que celui qu’on utilise dans la vie courante ; le choix politique qui a été fait est celui d’une norme qui repose sur de la néologie que peu de locuteurs ou de locutrices ont l’occasion de rencontrer au quotidien et donc de pouvoir comprendre sans l’aide de la traduction française. Mais, a contrario, cela donne de la visibilité, même si elle est essentiellement symbolique, au breton dans l’espace public.

Enfin, en ce qui concerne des travaux universitaires sur les politiques mises en place, je signale l’ouvrage récent du sociologue André Rousseau, qui est chercheur au CRBC et qui a travaillé sur la dimension linguistique, culturelle et identitaire des politiques mises en place en Bretagne.

Bèrtran Ôbrée : Je voulais rebondir aussi par rapport à ces différents sondages qu’il y a effectivement sur l’approbation d’initiatives dans le domaine de la signalétique publique. Il faut s’interroger sur la formulation de certaines questions. Dans le dernier sondage de 2018 par TMO Régions3, sur commande de la Région Bretagne, la question concernant la signalétique publique, c’est une question générale, c’est-à-dire « est-ce que vous êtes favorable à la signalisation en breton, à la signalisation en gallo ». Les questions qui ne sont pas du tout posées c’est « est-ce que vous êtes favorable à la signalisation en breton dans votre territoire ou en gallo dans votre territoire ». Et du coup, ce qu’on observe, c’est qu’effectivement, on a plutôt des réponses qui sont révélatrices de la perception, on va dire de l’image de marque du breton et du gallo, donc on va avoir plutôt, bien qu’on soit à l’ouest de la Bretagne, plutôt une bonne perception du breton, on valide le fait de signaliser, et pour le gallo, c’est moindre. Mais ce qui est assez frappant, c’est qu’en fait, par exemple, si on regarde ça comme des attentes de signalisation, on voit qu’en Finistère, il y a environ 28 % de réponses favorables à la signalétique bilingue français-gallo, à peu près comme en Ille-et-Vilaine où on est à 33 %. En fait, si on avait posé la question territorialement, est-ce qu’on aurait des réponses au même niveau de pourcentage ? Nous, à Chubri, on en doute fortement.

Et, du coup, je reviens à cette question de la consultation. Quand l’État a co-signé avec la région Bretagne la convention spécifique pour les langues de Bretagne en mars 2022, ça a été très vite contesté unanimement par tous les acteurs du gallo puisque ça prévoyait une signalisation systématiquement en français-breton sur les nationales sur tout le territoire régional, et ce alors qu’il y a une demande vraiment déjà ancienne maintenant, de signalisation en gallo en Haute-Bretagne. Et malgré les différentes démarches du mouvement associatif pour le gallo à ce sujet, on ne peut pas dire que ça ait vraiment bougé. Un moment, à la région, dans ses discussions avec l’État via la préfecture, il a été envisagé du trilinguisme français-breton-gallo, mais visiblement, c’est compliqué sur les routes nationales. Et début 2024, le département d’Ille-et-Vilaine a dit, dans le cadre de sa nouvelle politique linguistique, qu’il favoriserait prioritairement une signalisation français-breton en Ille-et-Vilaine. Ça, c’était une première chose.

Et aussi, pour prolonger au sujet des choix qui sont faits en matière de traduction, pour le gallo, on a un peu les mêmes sujets qui émergent que ce qu’on peut observer pour le breton dans la signalétique. À Chubri, on est assez attentifs à la question de la forme des noms de lieux qui est utilisée dans la signalétique, par exemple celle amorcée par le département d’Ille-et-Vilaine. En fait, on commence à voir l’utilisation de formes de noms de communes qui apparaissent dans certains dictionnaires mais qui s’éloignent des formes qui sont pourtant très bien attestées. Juste un exemple, c’est le cas de La Guerche de Bretagne. Dans des signalétiques très récentes du Département d’Ille-et-Vilaine, c’est transcrit La Gherche. Alors si on lit ça, en connaissant au moins un peu le système d’écriture utilisé, forcément on va lire [laɟɛʁʃ] alors que la seule forme attestée, c’est [lajəʁʃ], qu’on pourrait écrire La Yërch(e). Donc ça fait une différence de deux phonèmes sur quatre, quand même. Il y a vraiment un problème.

On a même parfois des exemples de noms de communes qui n’avaient pas été recensés avant 2007. Alors, dans le dictionnaire du Petit Matao, on trouve des formes théoriques, parce que l’auteur avait supposé que ça pourrait se dire de cette façon. Sauf que depuis 2007, il y a des formes qui ont été recensées mais elles sont rarement utilisées dans les initiatives institutionnelles, au niveau régional ou départemental. Donc ça rejoint un peu le problème de cette vision qu’il faudrait utiliser forcément une forme standardisée de la langue, et non pas une forme locale… Pourtant, pour les toponymes, on pourrait imaginer autre chose qui est plutôt d’utiliser la forme attestée localement, là où les gens localement vont se reconnaître.

Yannick Lefranc : Oui, c’est le problème de la langue des gens, mais quels gens ? Si c’est la langue des spécialistes, ces experts en sont aussi, d’une certaine manière, les promoteurs. Et s’ils en étaient aussi les accapareurs ? Ça poserait un problème. Et c’est quelle langue ? Quel est son rapport avec la langue parlée, avec les variétés parlées ? On a vu cela avec le « breton de curé », comme l’a nommé Mannaïg, un breton authentique, celui-là… En fait, ce qui est authentique c’est le « mélangé », et ce parler vivant serait en rupture avec le breton des experts. On se retrouverait donc d’un côté avec des parlers populaires, de masse, et de l’autre avec la langue des élites. Apparemment, ça a pris cette tournure.

Autre question, qui prolonge celle de la signalétique. Pour le breton, au niveau culturel au sens large, il y a énormément de manifestations, de festivals, à Lorient et ailleurs, mais aussi des publications, des fêtes… Dans les années 1970, les festnoz sont apparus un peu partout, il y en avait même en Ille-et-Vilaine : des tas de fêtes avec de la musique, des chansons, tout ce qui réunit les gens. Mannaïg, j’aimerais vous demander de nous parler de ces manifestations, qui sont à la fois des évènements mémoriels mais aussi des évènements de culture populaire.

Mannaïg Thomas : Oui. Il me semble que la Bretagne doit être l’une des régions où il y a le plus grand nombre de festivals, le plus grand nombre de salons du livre, le plus grand nombre de tous ces événements-là, qui regroupent parfois vraiment beaucoup de personnes, comme parfois des manifestations d’un format plus limité dans de petites communes. On voit que tout est un peu mélangé, c’est-à-dire il y a à la fois la question culturelle, la question linguistique, la question identitaire et que c’est difficile de faire la part des choses, que tous ces domaines sont assez perméables les uns aux les autres. La langue va être utilisée à diverses occasions, et à divers degrés, elle peut être utilisée comme un symbole identitaire ou comme un symbole culturel. De plus, il faut aussi prendre en compte la dimension touristique et la nécessité, l’envie et le besoin économique de faire de la Bretagne une région attractive. Le breton fait donc aussi partie de ce qu’Anne-Marie Thiesse a repris sous la formule de « kit identitaire », pour faire savoir qu’on est en Bretagne. C’est ce qui explique les problèmes que peuvent rencontrer les promoteurs du gallo dans la signalisation quand on identifie la Bretagne dans son ensemble à la langue bretonne uniquement. Disons que derrière la langue, il peut y avoir un tas d’intérêts de toutes sortes, et finalement chacun peut aussi utiliser la langue à diverses fins, dans des domaines très variés, y compris dans le domaine économique, comme ont pu le montrer les travaux d’André Rousseau, déjà cité, et de Roseline Le Squère, notamment.

Yannick Lefranc : Oui, il y a Breizh Cola. Comme on a Mecca Cola… Et on trouve des objets, des cadeaux marqués en breton, tout ça depuis longtemps. On peut boire son café ou son chocolat dans un bol où on lit Breizh. Mais ce n’est pas la même chose avec le gallo. Bèrtran ?

Bèrtran Ôbrée : Oui, tout à fait. Par contre, on peut voir des évolutions qui indiquent quand même un changement de situation, même si c’est encore marginal. Par exemple, je repense, par rapport à la signalétique publique, je me souviens de l’argument d’un élu de Cesson-Sévigné qui, quand on lui a demandé pourquoi la ville avait mis en place une entrée d’agglomération en français-breton, a répondu « nous sommes une des premières villes d’entrée en Bretagne pour les gens qui arrivent par la quatre-voies, donc pour nous c’était important de mettre le nom en breton ». À l’inverse, plus récemment, c’est la commune de Beaucé près de Fougères qui a eu un propos analogue mais en disant « nous, on écrit Beaucé Biaocè parce que les gens qui arrivent de Normandie ou du Maine, ça leur permet de voir, en rentrant en Bretagne, qu’ici on parle gallo ». Donc ça, c’est une évolution sur les entrées de communes.

Dans le domaine économique, on a un usage du gallo qui est encore assez faible mais ça évolue. Il commence à y avoir des entreprises qui signent la charte « du Galo, dame Yan, dame Vére ! », et il y a aussi des entreprises qui, tout simplement, prennent des initiatives. Je pense à une micro-entreprise qui fait des affiches en français, en breton, et maintenant en gallo. Récemment, elle nous a demandé de l’aider à concevoir une affiche avec des mots de base en gallo, pour encadrer, pour la déco. Ça, c’est des types de commande qui sont assez récents. On a aussi de plus en plus, dans le domaine culturel, des structures régionales qui communiquent en trilingue. Ça s’est vraiment accentué ces cinq, dix dernières années. Par exemple, radio BOA, qui est une radio numérique qui a été créée récemment : le site est complètement traduit à la fois en breton, en gallo, en anglais4. On peut naviguer complètement en gallo. Donc ces initiatives-là, elles se développent de plus en plus : des structures régionales décident de communiquer dans chacune des langues de Bretagne. C’est vraiment une évolution.

Après, de mon côté, je peux témoigner de mon parcours de chanteur gallophone. Ce qu’il faut préciser d’abord, c’est que si on regarde le répertoire traditionnel de chant en Haute-Bretagne, il y a assez peu de répertoire en gallo. En fait, il y en a, mais il a été très peu mis en valeur par le revival à la fin du xxe siècle. Il se trouve que j’ai été un des premiers chanteurs à chanter principalement en gallo à partir des années 2000, en créant des nouveaux textes. Ce dont je peux témoigner, c’est que ça a eu vraiment un effet déclencheur pour la prise de conscience de la langue, surtout pour une réappropriation de la langue. Ça, c’est mon action parmi d’autres. Il y a aussi tout le travail des conteurs, par exemple, c’est un domaine assez important, en gallo. Pour avoir des retours individuels, des gens qui me disent « ah bah quand j’ai vu le premier concert, ça m’a fait réfléchir sur le fait que le gallo, bah en fait c’est beau ». C’est très récurrent dans les retours. Ou « ça m’a donné envie de chanter en gallo », ou « ça m’a donné envie d’apprendre le gallo ». Et ce que je vois, c’est que pendant longtemps, il n’y avait pas de gens qui voulaient chanter en gallo, et là, ces dernières années, ça commence à apparaître. Par exemple, l’année dernière, pour la première fois, j’ai animé un stage de création de chant en gallo aux Assembllées Galèzes5. Le stage était complet et je ne m’attendais pas à un intérêt comme ça, à une évolution aussi rapide.

Bon voilà, tout ça c’est encore marginal. Mais ces constats-là révèlent l’impact d’initiatives de quelques personnes qui s’expriment en gallo, et ça révèle aussi globalement une évolution de la perception du gallo et de l’envie de vouloir parler en gallo au quotidien, aussi.

Yannick Lefranc : Voilà de quoi j’aurais aimé que nous parlions encore. Il y a peut-être aussi des questions qui fâchent. Première question sur ce qu’on pourrait appeler la langue-trésor, la langue comme trésor de discours. Bon, il y a les chansons populaires, Mannaïg en a parlé. On a aussi des oublis de la part de chercheurs officiels, et, dans le cas du gallo, un faible intérêt pour les chansons. Il y a aussi les sketches, les productions comiques et populaires. Seulement comique égale « pas sérieux », donc méprisable. Pour moi (et pour Bakhtine, 1970), c’est un nœud. Je pense au duo Le Contou et Le Disou, mais il y a tout un héritage comique et humoristique, qui ne passe pas les frontières de la respectabilité académique.

C’est comme pour le Français Langue Étrangère, quand ses manuels prescrivent un français fade, pas une langue qui fait rêver ou qui fait rire. On dirait qu’il y a une sorte de prophylaxie contre le comique et le populaire qui touche aussi le breton et le gallo. Qu’est-ce vous pensez du comique, voire même du vulgaire ou du grossier ? Même si c’est choquant, c’est du langage vivant, qui circule à travers ce que disent les bretonnants ou les gallésants. Mannaïg ?

Mannaïg Thomas : Alors c’est vrai qu’on parlait juste avant de moments festifs utilisant la langue à des fins plutôt symboliques, mais il y en a aussi qui se déroulent exclusivement en breton. Ça peut être sous forme de veillées contées, de pièces de théâtre… Jusqu’à il y a peu de temps, et encore aujourd’hui, ce sont des évènements qui rencontrent un certain succès, compte tenu du nombre de locuteurs et locutrices, et qui peuvent regrouper des bretonnants et des bretonnantes dont la pratique a, par ailleurs, très peu de visibilité sociale, bien qu’ils et elles soient encore les bretonnants majoritaires. D’après le dernier sondage TMO de 2018 (cf. supra), 79 % d’entre eux ont plus de 60 ans, et beaucoup d’entre eux se retrouvent dans ces veillées contées, ces représentations théâtrales, etc., notamment parce qu’ils ont peu l’occasion de parler en breton au quotidien. Et effectivement, c’est le rire qui prédomine : on va voir un spectacle en breton pour rire et passer un bon moment, ainsi que pour le plaisir d’entendre parler breton et le parler soi-même. Alors, il ne faut pas trop schématiser, mais c’est vrai que ces moments festifs, humoristiques passent difficilement le pas de l’usage dans l’enseignement. C’est une pratique populaire du breton, qui se fait maintenant de manière moins spontanée qu’avant, parce que ça demande une organisation, une date, une salle, mais cela constitue des moments de convivialité, de connivence et d’humour qui continuent de se faire en breton.

Il est difficile d’évaluer véritablement le public auquel ça s’adresse : c’est vrai que c’est un public plutôt plus âgé de locuteurs ou locutrices, plutôt ruraux ou rurales, mais pas uniquement ; il y a aussi des jeunes locuteurs et des jeunes locutrices qui s’intéressent à ce type de manifestations là. Mais elles restent un peu marginales au niveau des politiques linguistiques qui sont menées, où la dimension intergénérationnelle est assez peu promue, aujourd’hui, à part peut-être dans l’incitation qui est faite aux parents d’élèves d’écoles bilingues ou par immersion, d’apprendre eux-mêmes le breton pour échanger avec leurs enfants. Il y a eu dans les années 2000-2010, une opération menée par le conseil départemental du Finistère, qui s’appelait « Quêteur de mémoire ». Elle visait à favoriser la mise en relation des élèves avec des bretonnants et des bretonnantes en dehors de l’école, mais ce programme a cessé, sans être remplacé par quelque chose d’équivalent. Cela repose maintenant plutôt sur des initiatives individuelles des enseignants et enseignantes. Je ne sais pas si la situation est globalement comparable du côté du gallo.

Bèrtran Ôbrée : Ça se rejoint. Là, je vais me référer vraiment plus à l’expérience au sein des réseaux qui travaillent sur le gallo plutôt qu’à des études ou au sondage de TMO Régions, par exemple. Moi, ce que je peux observer, c’est qu’il y a eu longtemps un humour vraiment lié à la moquerie : on se moque des ancêtres paysans, on va parler en gallo pour se moquer des origines dont on se défait, dont on se distancie soi-même. Ça, ça a été dominant pendant longtemps. Mais ces dernières années, on est passé à autre chose qui est plutôt le plaisir de parler gallo, qui va se traduire par exemple par une pratique qui s’est beaucoup développée ces dernières années, c’est l’organisation des Cafë galo. Ça peut être une mairie, une association locale qui va organiser un temps où des gens de différentes générations, entre autres des gens âgés, ont l’occasion de parler en gallo. Souvent, on choisit un thème donné. Donc ce ne sont pas des moments spontanés ; ils sont organisés pour pouvoir partager le plaisir de parler le gallo.

Et c’est un peu pareil, je suis d’accord avec Mannaïg, ce ne sont pas forcément des choses qui sont mises en avant dans les politiques linguistiques. Pour le gallo, on va mettre en avant plutôt le besoin d’enseignement, la visibilité dans l’espace public. Mais toutes ces initiatives qui remettent les locuteurs natifs au centre de la revitalisation de la langue, ça mériterait d’être davantage soutenu parce que c’est une clé de la réappropriation de la langue.

Yannick Lefranc : Ce qui me semble aussi très important dans ce que vous dites l’une et l’autre, ce sont les divers modes de transmission entre les générations et entre les habitants. Et ça ne concerne pas seulement la Bretagne. Ce qui s’est passé avant, et qu’on raconte aux enfants et aux petits-enfants, l’intérêt par rapport à un passé qui est toujours présent dans les souvenirs des gens… Ces gens « d’en bas » qui disent aussi des choses vraies, historiquement vérifiables. Qui ne marchent pas seulement au « ressenti » mais qui réfléchissent, contrairement à ce qu’on nous suggère « d’en haut »… Ce qu’on se transmet en famille ou entre voisins, c’est capital pour moi. Pour ce qui est du breton et du gallo, il y aurait donc un mélange de générations à l’occasion des fêtes et des spectacles. Et aussi des mélanges de populations, avec des bretonnants qui vivent en pays gallo, et, dans le Morbihan, avec un tiers de gallésants.

Bèrtran Ôbrée : Oui, et même, proportionnellement, il y a autant voire un petit peu plus de gallésants en Basse-Bretagne que de bretonnants en Haute-Bretagne. Ça, on l’oublie, mais c’est ce qui apparaissait dans le sondage de TMO Régions de 2018. Numériquement, c’est différent, mais en pourcentage, c’est ce qui apparaît.

J’avais envie de poursuivre l’échange au sujet de la notion de « contribution », du droit de contribuer à la vie culturelle. Ça pourrait être une piste de travaux en sociolinguistique concernant les politiques publiques. À Chubri, depuis quelques années, on s’est pas mal penché sur le sujet des droits culturels. Le respect de ces droits culturels, c’est une obligation pour les collectivités territoriales puisqu’ils sont rentrés pleinement dans le droit français depuis la loi NOTRe en 2015. Et, en fait, les droits culturels, ce sont des droits des personnes. Dans notre association, on donne davantage de place à la pratique linguistique des personnes pour sortir d’une vision pyramidale et verticale. On a une attention très particulière pour le respect de la liberté dialectale. Y compris nous-mêmes, quand on écrit des articles pour notre site web, depuis quelques années, on se permet d’écrire dans notre parler personnel, plutôt que de chercher à écrire à tout prix dans un parler qui serait compréhensible, plus ou moins, par tout le monde. Parce que quand on veut faire ça, on communique toujours dans une forme de langue standard du gallo. Notre changement de façon de faire, c’est venu d’une réflexion interne. On s’est dit que c’était contradictoire : d’un côté, on collecte la langue, on veut la restituer, c’est ce qu’on fait via nos bases de données, par exemple, mais dans notre communication sur le site web, on ne s’autorise pas à parler notre propre variante du gallo. Et je m’en apercevais moi-même…

On est désormais passé à autre chose. On s’autorise à écrire dans notre parler, et du coup, on sensibilise aussi les gens qui nous lisent au plurilinguisme interne du gallo, disons au « pluridialectalisme », à la diversité dialectale. Le discours qu’on a de promouvoir la diversité linguistique, on essaye d’être un peu plus cohérent et de l’avoir aussi à l’intérieur du gallo.

Et du coup, je reviens juste à ce qui pour moi pourrait être des pistes de travaux dans le domaine de la sociolinguistique, en particulier dans le domaine des politiques publiques. Ce serait peut-être de s’intéresser à des expériences qui sortent de cette culture qui est héritée des politiques linguistiques des États-nations, et qui est de penser la revitalisation linguistique uniquement par la réinjection d’une langue via l’Éducation nationale, par exemple, via l’enseignement d’une langue unique, schématiquement, avec des méthodes uniques pour toutes les écoles. Il me semble qu’il y a des initiatives un peu différentes ici et là et il serait intéressant de regarder ça d’un peu plus près. Il faudrait voir l’effet de ces initiatives en termes de réappropriation de la langue et en termes de connexion, justement, entre la langue diffusée et la langue des locuteurs natifs.

Yannick Lefranc : Allez, une dernière question. Celle de l’enseignement, enfin de la politique d’enseignement du breton et du gallo. Dans le cas du breton et du gallo, sait-on s’il y a une forme de tolérance, d’acceptation, au moins à l’oral, des formulations hybrides que produisent des élèves ? Ou est-ce qu’il y a une normalisation, voire même une surnormalisation des énoncés, comme c’est le cas avec l’enseignement du français ? Est-ce que les mélanges codiques et les alternances codiques sont tolérés, et qu’est-ce qui se passe à l’écrit ?

Mannaïg Thomas : Depuis le début de notre échange, j’utilise « breton » ou « langue bretonne », comme si c’était évident pour tout le monde, comme si tout le monde mettait la même chose derrière ces mots-là. En réalité, vous vous doutez que ce n’est pas tout à fait le cas, entre, d’une part, les locuteurs et locutrices qui ont plus de 60 ans, les 80 % qui ont/avaient une pratique familiale du breton, qui savent peu le lire et encore moins l’écrire, et, d’autre part, les élèves, qui l’apprennent à l’école et l’utilisent pour apprendre les mathématiques, l’histoire-géographie… Eux savent le lire, l’écrire, le parlent avec leur enseignant·e et, dans la majorité des cas, ne le parlent pas en dehors de l’école. Donc, dans les deux cas, les locuteurs et locutrices utilisent le terme « breton », mais cet usage repose sur des pratiques et des représentations qui sont très diverses, très divergentes et parfois même opposées terme à terme.

Sur l’enseignement et ce qui s’apprend dans les écoles, je pense que c’est tout aussi divers, parce que ça dépend beaucoup de la trajectoire des enseignants et enseignantes et eux-mêmes, elles-mêmes de leurs propres pratiques et de leurs propres représentations. Malo Morvan a très bien analysé tous les conflits de définition dans ses travaux et, notamment, dans sa thèse Définir la langue bretonne.

À l’écrit effectivement, le breton qui est utilisé est un breton qui est très standardisé. On a parlé des différentes graphies du gallo, on n’a pas parlé des différentes graphies du breton mais aujourd’hui il y en a une, qui s’appelle la graphie surunifiée, peurunvan, qui domine largement à la fois à l’école et dans l’édition, même si ce n’est peut-être pas la plus facile pour ce qui relève de la prononciation du breton : les élèves, dans leur majorité, ne baignent pas dans un environnement bretonnant qui leur permettrait de faire aisément la connexion entre la manière dont ça s’écrit et la manière dont ça se prononce.

Sur l’enseignement, plus globalement, je dirais qu’il y a une certaine pression sur les enseignants et enseignantes de primaire et de secondaire qui sont, la plupart du temps le ou la seul·e référent·e bretonnant·e de leurs élèves et sur qui repose également toute la problématique de la transmission de la langue, sans qu’ils n’aient forcément beaucoup d’outils en sociolinguistique et en didactique. Je pense qu’il y a pour les enseignant·e·s une situation assez complexe, parce qu’ils se retrouvent à devoir se débrouiller avec leur propre pratique, la nécessité d’apprendre la langue à leurs élèves, présentée aussi comme un enjeu politique et enfin face à des discours parentaux qui parfois ne connaissent pas forcément totalement les réalités sociolinguistiques. Les parents, eux, voient le bilinguisme, tous les avantages du bilinguisme pour leurs enfants – c’est d’ailleurs là-dessus qu’est fait l’essentiel de la communication en faveur des écoles bilingues – mais ils ne perçoivent pas nécessairement les réalités du terrain auxquelles sont confronté·e·s les enseignants et les enseignantes.

Yannick Lefranc : On a donc une graphie du breton scolaire surunifiée. Mais est-ce qu’on l’utilise dans les ouvrages du commerce écrits en breton, y compris pour les recueils de poèmes, les recueils d’histoires et de chansons ?

Mannaïg Thomas : Aujourd’hui, oui. Cette graphie qu’on appelle « surunifiée », devait être celle qui transcende l’ensemble de la variation dialectale. Donc aujourd’hui, pratiquement tout ce qui est publié l’est dans cette graphie, ce qui n’était pas le cas jusqu’à récemment encore, quand plusieurs graphies co-existaient dans l’édition, et ce qui était encore moins le cas avant le milieu du xxe siècle.

La problématique de la co-présence des deux langues dans la classe, le breton et le français, est aussi assez cruciale et pourrait donner lieu à des évolutions. Pendant longtemps, il y avait une séparation très nette. Quand le cours était en breton, il n’y avait aucune place pour le français. Je pense que les enseignant·e·s aujourd’hui, et notamment suite à des recherches en didactique et en pédagogie, remettent un peu cette idée-là en cause et prennent plus en compte la réalité linguistique et sociolinguistique des élèves dont l’essentiel de la vie se déroule en français : on ne peut pas faire comme si ça n’existait pas et comme si la classe était un sanctuaire complètement, en dehors, de la réalité linguistique de ses élèves. Cela montre aussi la nécessité d’une recherche dans l’enseignement bilingue et en didactique des langues. Il y a là un vrai travail à mener sur l’enseignement bilingue avec une langue régionale, et donc avec des réalités sociolinguistiques spécifiques.

Bèrtran Ôbrée : Tout à fait d’accord sur la fin, sur le besoin de recherche en didactique dans la situation particulière des langues de France, plus largement.

Je voulais rebondir sur plusieurs choses. Je pense que pour le breton comme pour le gallo, la situation a changé : on a été encore jusqu’à récemment beaucoup dans la situation d’usage de l’écriture par des gens qui avaient grandi, principalement, en breton ou en gallo. Et, du coup, le fait qu’il y a un certain écart entre ce qu’on prononce et ce qui est écrit, ça pouvait passer parce qu’on avait un bagage, on avait un environnement linguistique qui faisait que ça marchait quand même.

Aujourd’hui, comme il y a vraiment une rupture de transmission, et c’est très vrai pour le gallo aussi, c’est la lecture de ce qui est écrit qui importe, c’est vraiment une base de référence pour les gens qui apprennent. Et du coup, s’il y a des choses qui sont mal conçues, on voit apparaître des décalages avec la langue parlée par les locuteurs « traditionnels », ceux qui ont appris la langue par la tradition orale, à une époque où la plupart des gens parlaient gallo en milieu rural. Ça me frappe beaucoup pour le gallo aujourd’hui. On commence à voir apparaître des nouveaux types d’erreurs qu’on ne voyait pas avant, par exemple des erreurs de catégorie grammaticale de mots, parce qu’on a choisi telle façon d’écrire qui induit en erreur. Et en plus, pour le gallo, je constate, par expérience, qu’une écriture plus phonémique, un peu comme l’espagnol ou le turc, a un avantage pour des gens qui sont complètement néophytes dans la langue. On aura moins de peaux de bananes dans une écriture phonémique. Là, ce n’est pas ce qui est pour le moment le plus diffusé au niveau de l’orthographe du gallo, mais pour pratiquer à Chubri une écriture surtout phonémique, on voit quand même, en stage par exemple, que les gens apprécient vraiment cette spécificité de notre façon d’écrire.

Ce que je vois aussi, un des problèmes qu’on a pour le gallo, mais je pense que ça a été pas mal le cas pour le breton aussi, mais vous me direz si je me trompe, Mannaïg, c’est que nous, on constate une déconnexion entre, d’une part, les connaissances et les données linguistiques qu’on collecte sur le terrain auprès des gallophones et, d’autre part, la langue utilisée au niveau institutionnel, en tout cas sur le plan régional ou dans l’enseignement qui se développe aujourd’hui. J’observe deux phénomènes qui se cumulent. Il y a une volonté de se démarquer du français, ce qui conduit à choisir parfois des mots très peu répandus au lieu d’une forme plus courante mais plus voisine du français. Par exemple, pour traduire « cela », on peut observer facilement, dans des textes institutionnels, un usage montant de éla. C’est une forme qui est très peu répandue, dans une petite partie des Côtes-d’Armor, qui est préférée aux formes sa ou sla qui sont pourtant très majoritaires sur le plan dialectal. Et en plus de ça, il y a pas mal d’erreurs grammaticales qui sont apparues ces dernières années. Je pense à l’usage de – a au féminin dans des mots tels matina ou rejiona, qui s’est diffusé surtout par des textes institutionnels, alors que la forme traditionnelle au féminin est toujours – al. Ces erreurs engendrent un sacré écart entre la langue des anciens et celle des néo-locuteurs, à des endroits où on aurait pu éviter ça. D’autant qu’on est déjà dans une situation où nous avons tellement de réalités nouvelles à exprimer qu’on a besoin d’un tas de termes nouveaux. Mais on pourrait limiter cet écart en enseignant mieux la grammaire de la langue qui est la langue courante chez les plus âgés.

J’en viens à un évènement qu’on avait organisé le 7 octobre dernier, Astourr Astërr, où on avait travaillé sur le lien entre revitalisation linguistique et le sujet des droits culturels. On avait invité plusieurs bretonnants, mais entre autres David ar Rouz, qui est chercheur au laboratoire LIDILE à Rennes. Il a fait une intervention en lien avec un article qu’il avait écrit dans le passé, où, justement, il remettait en question cet a priori que forcément l’enseignement n’est possible que par un standard, par une seule langue standard et par une seule façon d’écrire. Et il invitait plutôt à une école qui prépare à lire des textes dans différentes écritures, parce que voilà, c’est la réalité des textes disponibles, et c’est pareil pour le gallo. Il invitait aussi à penser une école qui prépare à la diversité dialectale des locuteurs, qui faciliterait le contact avec les locuteurs dont le gallo a été la première langue pendant l’enfance. Voilà ce sur quoi je voulais rebondir. Je pense qu’il y aurait vraiment un travail à faire sur la didactique, penser un enseignement différent, peut-être plus souple en fait, qui prenne plus en compte la diversité dialectale, la diversité orthographique, etc.

Yannick Lefranc : Je vois que vous êtes d’accord avec la position de Marcellesi, qui parlait justement de polynomie, et c’est un défi, oui. On arrive au terme de l’échange, peut-être auriez-vous chacun encore un dernier mot à ajouter ?

Mannaïg Thomas : Je pense que c’est une tendance que nous avons à nous focaliser surtout sur la situation de la langue bretonne, et beaucoup moins sur le gallo, et je pense que les échanges montrent qu’il y a des points communs entre la situation de ces deux langues. Je trouve assez dommage qu’il y ait finalement assez peu de travaux communs ou comparatifs, alors qu’on est sur le même territoire. En discutant ensemble, je me dis que ça vaudrait également le coup d’avoir des réflexions communes, alors, certes, on a des échanges avec d’autres langues de France, mais, en tout cas, avec notre voisine la plus proche, ça pourrait certainement être bénéfique.

Bèrtran Ôbrée : Oui, j’abonde, tout en étant dans une situation différente. C’est vrai que du côté du gallo, on a beaucoup tendance à regarder ce qui se fait en breton, on va écouter les gens qui travaillent sur le breton, on va leur demander des avis, des conseils, mais c’est vrai qu’on est rarement des interlocuteurs aussi sollicités pour notre propre expérience sur le gallo.

Et d’ailleurs, ça me fait penser à un commentaire que je viens de voir sur une vidéo d’une vlogueuse bretonne, c’est Maïlys Princé, qui nous a interviewés récemment, à Chubri, et qui a posté sa vidéo. Il y a un commentaire justement de quelqu’un qui dit que s’il y avait ce genre de travail d’inventaire linguistique de fait pour breton, avec une structure dédiée, ce serait quand même super bien. En fait, ça fait plusieurs fois que j’entends ça, par exemple de la part de gens qui chantent en breton, qui sont pas mal en contact avec des locuteurs qui parlent cette langue, dans leur environnement familial, et qui se disent « ah la la, si on avait quelque chose comme Chubri ». Et en même temps, nous, à Chubri, on se dit que, voilà, on a des tout petits moyens par rapport à ce qu’on pourrait faire et aussi par rapport à l’intérêt de revitalisation que ça a, ce travail qu’on fait. On aimerait pouvoir travailler beaucoup plus !

Mais oui, oui, je pense qu’en fait, on aurait intérêt beaucoup plus à échanger à partir de nos expériences parce qu’en même temps, on est quand même dans un même contexte de l’héritage d’une même politique de l’État. Même s’il y a des aspects de l’histoire qui sont différents pour le gallo et le brezhoneg, il y a une partie du contexte qu’on partage. Et je pense qu’on peut aussi travailler à des innovations en échangeant nos expériences pour sortir des problèmes qu’on rencontre dans ce travail de réappropriation de la langue.

Yannick Lefranc : Dans les politiques et les pratiques des langues régionales, celles d’en haut et celles d’en bas, il y a la transmission. À la limite, on n’a peut-être pas toujours besoin de choses très très officielles pour transmettre une langue. Et puis il y a la politique d’image, avec des manifestations « symboliques » qui joueraient aussi un rôle de compensation, ou de consolation, voire même d’illusion, quand les gens ne pratiquent plus ces langues. En même temps, ce que vous avez dit l’une et l’autre montre que chez les gens, il y a quand même un intérêt assez fort, pas forcément avec une vision raciniste, identitariste, etc. Bon, ça serait à voir, c’est peut-être plus contradictoire que ça… En tout cas, je voudrais, pour conclure, insister sur l’importance des échanges entre les habitants en breton, en gallo et dans toutes les sortes de français.

Bibliography

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Notes

1 Avant cela, il y avait eu une brève expérience sous le régime de Vichy : l’arrêté Carcopino du 24 décembre 1941 autorisait en effet à « organiser dans les locaux scolaires, en dehors des heures de classe, des cours facultatifs de langue dialectale dont la durée ne devra pas excéder une heure et demie par semaine ». Voir [https://bcd.bzh/becedia/fr/un-cours-de-breton-a-l-ecole-de-landeda-1942-1943], consulté le 06 octobre 2024. Return to text

2 [https://www.chubri-galo.bzh/chubri-galo_dictionnaire-gallo-francais_ChuMetiv-traduction-lexique-gallo_fr.htm], consulté le 06 octobre 2024. Return to text

3 Les langues de Bretagne, Sondage TMO-Région Bretagne, 2018, résultats accessibles en ligne : [https://www.bretagne.bzh/app/uploads/Etude-sur-les-langues-de-bretagne.pdf], consulté le 06 octobre 2024. Return to text

4 [https://radio-boa.bzh/fr], consulté le 06 octobre 2024. Return to text

5 Festival de musique et de culture du Pays gallo : [https://assembllees-galezes.bzh/], consulté le 06 octobre 2024. Return to text

References

Electronic reference

Mannaïg Thomas, Bèrtran Ôbrée and Yannick Lefranc, « Étudier et promouvoir les langues de la Bretagne », Cahiers du plurilinguisme européen [Online], 16 | 2024, Online since 17 décembre 2024, connection on 09 février 2025. URL : https://www.ouvroir.fr/cpe/index.php?id=1724

Authors

Mannaïg Thomas

Université de Bretagne Occidentale, CRBC.
Maîtresse de conférences en langue et littérature bretonnes au Centre de recherche bretonne et celtique (CRBC). Suivant des approches sociolinguistique et sociolittéraire, ses travaux portent sur la littérature en langue bretonne et la littérature régionale en langue française et, plus particulièrement, sur les problématiques liées à la reconnaissance et à la consécration des écrivains et des écrivaines.

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Bèrtran Ôbrée

Chubri.
Bèrtran Ôbrée dirige Chubri, centre de linguistique du gallo, depuis sa création en 2007. Il y coordonne les actions d’inventaire linguistique et travaille plus particulièrement sur les bases de données lexicographiques. À l’occasion d’une maitrise en sciences du langage (1998, Rennes 2), son mémoire a porté sur Les sonantes et la syllabe en gallo. Il est inscrit en 2024-2025 en master 2 de sciences du langage, parcours SOGEPEP, à l’université Paul Valéry Montpellier 3.

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Yannick Lefranc

Chercheur associé à l’UR 1339 LiLPa (Linguistique, langue et parole) de l’université de Strasbourg. Maître de conférences honoraire en didactique du FLE, ses travaux portent sur la technologie culturelle et les communications sociales d’appropriation des langues au sein des États-nations, en particulier sur les institutions, les dispositifs et les pratiques d’enseignement-apprentissage qui font apprendre les langues standards écrites oralisées, ou qui empêchent de les apprendre.

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