Vers de nouvelles pratiques didactiques du FLE : « FOS » et « FOU », méthodes d’enseignement « sur mesure »

DOI : 10.57086/dfles.518

p. 91-101

Résumés

Le but de cet article est d’initier une réflexion sur les fondements théoriques et les applications méthodologiques d’un dispositif d’enseignement appelé FOS/FOU, qui tente de répondre aux mutations sociales et économiques induites par la mondialisation. Une connaissance à priori de la manière de placer le FOS/FOU dans la chronologie pédagogique du FLE et de le distinguer des autres domaines de l’enseignement de la langue française est requise.

The aim of this article is to initiate a reflection on the theoretical foundations and methodological applications of the French for Academic Purpose (FAP) program, which tries to respond to the social and economic changes induced by globalization. Knowledge of the origin of the FAP program and its specificities is necessary to understand the outreach of such a program.

Index

Mots-clés

FLE, FOS, FOU, CECRL, enseignement sur mesure

Keywords

FLE, FOS, FOU, CEFR, tailor-made teaching

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Introduction

La didactique du FLE a bénéficié de l’incorporation de nouvelles perspectives et approches méthodologiques au fil du temps. Afin de répondre aux diverses exigences des apprenants en langues désireux d’élargir leurs horizons dans un monde de plus en plus mobile et interconnecté, de nombreux systèmes de soutien linguistique ont vu le jour et continuent à évoluer incessamment. De nos jours, ce domaine abrite deux labels majeurs : le FOS et le FOU. Étant donné que tous les modèles pédagogiques sont développés pour répondre efficacement aux besoins d’apprentissages spécifiques, il est utile de voir si le FLE est considéré comme une base nécessaire.

Ainsi, l’objet de cette contribution est de puiser dans ces nouvelles approches et méthodologies pédagogiques qui ont émergé dans le domaine du FLE ; cela nous permettra de disséquer le large éventail de réflexions pédagogiques tenues dans des contextes économiques, politiques et sociaux hétéroglottes et liés en partie à l’intégration linguistique et culturelle des étudiants de la francophonie dans l’enseignement supérieur.

1. La didactique du FOS, un enseignement particulier

Définit dans le Dictionnaire de Didactique du Français : « Le FOS s’inscrit dans une démarche fonctionnelle d’enseignement et d’apprentissage : l’objectif de la formation linguistique n’est pas la maîtrise de la langue en soi mais l’accès à des savoir-faire langagiers dans des situations dûment identifiées de communication professionnelles ou académiques » (Cuq, 2003, p. 109-110). En tant que tel, il se réfère à l’adaptation de l’enseignement du FLE principalement aux apprenants adultes qui ont besoin ou veulent améliorer leurs compétences linguistiques à des fins académiques ou professionnelles.

La première étape de la méthodologie FOS consiste à identifier le besoin. Idéalement, une demande de formation sera la plus détaillée possible ; sinon, elle peut être interprétée comme une offre (Mangiante & Parpette, 2004, p. 10-14). Comme première étape dans l’enseignement d’une langue étrangère, et surtout celle qui met l’accent sur les compétences fonctionnelles, il est essentiel que les enseignants effectuent une analyse des besoins pour déterminer de quelles ressources ils auront besoin, quels points grammaticaux ou lexicaux devraient être soulignés et quelles compétences fonctionnelles devraient être enseignées aux apprenants.

La collecte de données implique que les enseignants se concentrent sur le sujet traité, prennent contact avec des experts dans le domaine, décrivent les tâches à accomplir, se familiarisent avec les scénarios de communication appropriés et enregistrent ou filment des sources primaires (telles que des documents écrits, des entretiens, des ressources en ligne, etc.). Tel que rapporté par Mangiante (2015) : « L’enseignement-apprentissage du FOS envisage la relation enseignant-élève sous l’angle du transfert de connaissances et de la mise en place de conditions permettant à l’apprenant de participer à l’élaboration de sa propre formation ». L’analyse des données englobe un large éventail de pratiques, y compris, mais sans s’y limiter, l’analyse du public et de la langue, l’analyse des besoins sociétaux, organisationnels et institutionnels et l’analyse de la parole et de l’écriture professionnelles. Tous les détails linguistiques et extralinguistiques qui pourraient être pris en compte dans l’enseignement des langues étrangères peuvent être découverts grâce à ces enquêtes. L’élaboration pédagogique implique que les enseignants créent leurs propres matériaux et outils pédagogiques à partir de données collectées et analysées. Étant un langage spécifique au contexte, le FOS offre une grande latitude dans la conception des cours. L’enseignant est chargé d’identifier les circonstances de la communication pédagogique, les considérations interculturelles et les compétences linguistiques et interpersonnelles à enseigner.

1.1 Quelques contextes de l’enseignement « FOS » — Le Vietnam

En raison du rythme rapide des changements mondiaux, de nombreuses industries dans divers pays ont dû s’adapter, notamment dans les domaines de l’éducation et des affaires. Par exemple dans les universités vietnamiennes, les établissements de l’enseignement sont conscients des effets croissants de la mondialisation et souhaitent encourager leurs étudiants à acquérir une expérience pratique dans les domaines de leur choix plutôt que de se concentrer sur l’étude de langues pures comme le français, qui est en concurrence directe avec l’anglais.

Les professeurs de français de l’Université de Hanoi ont décidé que la mise en œuvre de programmes d’enseignement FOS dans plusieurs départements était le moyen le plus efficace d’atteindre cet objectif. Les étudiants ont été invités à étudier plus en lisant des documents français liés à un large éventail de contextes professionnels. Experts en formation dans leur domaine industriel, ils acquièrent en plus une compétence linguistique sur le terrain. Ainsi, tous les stagiaires doivent suivre quatre modules couvrant un éventail d’industries. Ce public défini a des compétences avancées en français et sera exposé à la langue à partir du semestre VI. Le but de cette formation est de s’assurer que tous les publics cibles ayant des besoins variés acquièrent les quatre compétences linguistiques par l’élaboration de scénarios d’apprentissage analogues à ceux avec lesquels ils seront confrontés sur le lieu de travail et dans le cadre de la résolution de problèmes. Ainsi, pour pouvoir procéder à une analyse des besoins réels d’apprentissage, les concepteurs de programmes se concentrent plutôt sur l’identification de situations de communication liées à des métiers spécifiques. À cet égard, il a été précisé que « […] le programme d’enseignement n’est pas conçu sur la base de l’évaluation des besoins spécifiques de chaque apprenant, mais sur les situations de communication propres à chaque métier dans lequel le FOS est utilisé » (Mangiante & Parpette, 2006, p. 28). Ensuite, un programme de formation FOS, tel que défini par Mangiante et Parpette (2006), devrait naturellement privilégier le développement de compétences élevées pour répondre aux demandes inattendues du public. Ainsi, un enseignant FOS a besoin d’une compréhension approfondie de la langue ainsi que d’une expérience dans les domaines où il est le plus utile pour réussir dans sa profession.

Compte tenu des circonstances, la formation FOS doit tenir compte d’un certain nombre de facteurs pour réussir. Premièrement, une définition claire des buts et objectifs du cours ; deuxièmement, l’organisation de la séance par la sélection de matériel, d’activités et de stratégies d’apprentissage pédagogiquement valables ; troisièmement, la responsabilité de l’enseignant de favoriser un environnement d’apprentissage sécuritaire qui encourage les étudiants à mettre de l’avant leurs meilleurs efforts et acquérir les connaissances et les compétences dont ils ont besoin grâce à une gestion efficace du temps.

1.2 Quelques contextes de l’enseignement « FOS » — La Syrie

Par ailleurs, certaines universités syriennes ont reconnu le défi de la formation des éducateurs FOS comme un obstacle majeur pour la conception des cours FOS. En effet, l’enseignant FOS est dans une position unique car il doit faire preuve d’une grande motivation et d’une grande curiosité intellectuelle en faisant le pont entre l’enseignement de la langue pour laquelle il a été formé et l’activité sociale ou professionnelle dans lequel on lui demande de participer, mais dans lequel il a peu ou pas de connaissances ou de compréhension de base. Selon Lehmann (1993), qui plaide en faveur de cette vision, le travail d’un enseignant spécialiste de français est d’abord de s’acculturer lui-même avant d’inspirer un processus similaire chez ses étudiants. Bien qu’il s’agisse d’une expérience différente de celle mentionnée ci-dessus, en avril 2010, l’Université de Damas et l’Université de l’ALEP ont organisé des formations pour les formateurs FOS. Les domaines scientifiques sont les seuls sur lesquels les concepteurs se concentraient. Aussi, dans un programme de quatre ans, l’enseignement de la langue spécialisée n’interviendra qu’en deuxième année après que les élèves auront passé la première année à apprendre le français langue étrangère. Les universités syriennes adoptent de plus en plus une méthode d’enseignement du français similaire à celle prônée par Mangiante & Parpette (2006) qui se définit comme « un français aux objectifs clairs » et « a pour objectifs le développement de compétences spécifiques auprès d’un public défini ».

1.3 Quelques contextes de l’enseignement « FOS » — La Chine

En raison de la mondialisation, la Chine a adopté une politique d’ouverture vers le reste du monde, ce qui a entraîné une augmentation du nombre de personnes intéressées pour étudier à l’étranger et une augmentation correspondante de la demande de formation linguistique. Dans ce contexte, les réponses concrètes à ces demandes restent, au mieux, extrêmement limitées en raison des contraintes financières. L’objectif principal des programmes d’échanges universitaires français avec la Chine est d’élargir l’éventail des disciplines que les étudiants chinois choisissent d’étudier en France. Trop souvent, se limitent aux filières FLE et littérature du fait que l’entrée dans une filière scientifique ou économique nécessite une formation dans un domaine connexe avant d’accéder à la spécialité, sans laquelle l’individu est voué à l’échec. Cependant, certains professeurs universitaires chinois insistent sur le fait qu’un avantage majeur pour assurer l’intégration des étudiants chinois dans les universités françaises est la prise en compte simultanée de trois types de formation : « FLE/FOS/Spécialité en français ». Il y a un schisme entre l’enseignement du français général et le FOS en raison des exigences du marché mondial, mais dans le contexte chinois, cette trilogie n’a pas le même poids : « Le développement économique de la Chine et son entrée sur le marché international ont façonné les nouvelles exigences de l’enseignement du français d’où une fracture douce entre le français général et le FOS » (Keyong & Vandevelde, 2008).

La détermination des besoins du marché est cruciale pour développer le programme FOS le plus efficace en Chine, où l’enseignement de cette langue se présente sous une grande variété de formes et est appliqué dans un large éventail de domaines. Ces cours s’adressent à la fois aux étudiants chinois issus d’un parcours académique plus prestigieux et aux professionnels qui vont prochainement s’installer en France ou dans un autre pays francophone. Les universités chinoises peuvent accueillir ce deuxième groupe de personnes sans trop s’éloigner de leur mission académique. Un apprenant professionnel devra réaliser une tâche bien précise liée à son domaine d’études : le matériel de cours FOS se concentre alors sur l’application pratique des connaissances spécialisées acquises dans le domaine du travail. Pour cette raison, un cours de français axé sur la spécialisation de la langue est préférable à un cours de français général en écartant une démarche FOS pure :

[…] Dans ce cas-là, certains seraient plus d’accord pour un français à orientation spéciale plutôt que le français de spécialité, car nos étudiants avancés se trouvant dans les deux dernières années d’études n’ont pas de projet clair sur le plan professionnel qui exige une compétence communicative relevant strictement du FOS bien que figurent dans leur cursus […] (Keyong & Vandevelde, 2008, p. 37)

En définitive, la légitimité de l’enseignement du FOS dans le contexte chinois réside dans ses nouveaux objectifs qui visent à répondre aux demandes croissantes et de plus en plus spécifiques du marché en termes de compétences linguistiques, de perspectives d’emploi et de compréhension culturelle.

1.4 Quelques contextes de l’enseignement « FOS » — le distanciel

À la lumière des défis importants associés à l’enseignement et à l’étude du FOS, une nouvelle expérience a été mise en œuvre grâce à l’adoption d’une approche collaborative de FOS à distance suite au développement d’un site Web (www.le-fos.com). Mis en ligne en octobre 2006, ce site a été adossé à un système de gestion des connaissances soutenu par l’adoption de la plateforme Moodle avec tous ses outils de communication synchrone et asynchrone. Il favorise, d’une part, les interactions entre le formateur et les apprenants et permet, d’autre part, les interactions entre les apprenants eux-mêmes. La deuxième étape, basée sur la méthodologie FOS, consiste à déterminer les besoins spécifiques des apprenants pour l’enseignement du français des affaires. Ceci a été réalisé en mettant à disposition par e-mail une grille d’analyse que les apprenants doivent remplir et retourner au formateur dans le même format que celui dans lequel elle a été reçue. L’attribution du temps de formation se déroule sur trois sessions, chaque session d’une durée totale de neuf semaines. Enfin, les activités retenues portent sur les quatre compétences communicatives que les apprenants doivent cultiver. Le formateur utilise une grille d’analyse spéciale pour confirmer que le stagiaire a retenu les informations présentées. Le succès de la formation est le résultat d’une planification minutieuse des différentes activités impliquées, du renforcement des liens sociaux entre formateur et stagiaires et de l’inspiration donnée à ces stagiaires par leur formateur.

L’orientation de l’éducation et de la formation FOS en milieu universitaire change. Selon Lehmann (1993), il est plus approprié maintenant d’utiliser du FOU comme objectif principal ; on enseigne aux apprenants « […] non LE français mais plutôt DU français POUR agir dans les différents milieux universitaires […] ». L’enjeu principal est donc de développer le dispositif le plus complet et le plus cohérent possible pour l’enseignement DU français à l’université tout en tenant compte des nombreuses contraintes matérielles et institutionnelles existantes. Ainsi, l’axe suivant cherche à décrire la naissance d’une version récente du « FOS » qui intègre l’étude du discours académique rarement impliqué dans la préparation des étudiants à leurs cursus académiques, baptisée le « FOU ».

2. L’application du FOS en milieux universitaires ou le « Français sur Objectifs Universitaires »

Le FOU est un développement relativement nouveau au sein du FOS empruntant la même approche de la mise en œuvre de la formation à la programmation et il vise à équiper les étudiants pour réussir dans les programmes d’études supérieures enseignés en français en leur fournissant les connaissances linguistiques, organisationnelles et de recherche nécessaire. Pour assurer le succès de toute formation dans ce domaine, il est essentiel de prendre en compte les spécificités de ce type d’enseignement. Cela ne se limite pas aux contextes nationaux, tant que les programmes bilingues et l’enseignement avancé du français à l’étranger bénéficient de la même considération. De plus, le FOU accorde la priorité à la question de la maîtrise de la langue pour la poursuite d’études supérieures. À cette fin, Mangiante et Parpette (2004) ont présenté cette approche comme une continuation du FOS basé sur l’analyse des besoins du public et qui permet l’intégration de ce groupe dans l’enseignement supérieur par le développement de compétences langagières spécialisées.

Utilisé au singulier, « FOU » (Français sur Objet Universitaire) fait référence aux caractéristiques typiques d’une population étudiante et d’un programme de formation qui répondent à des exigences spécifiques par une compétence pragmatique en français. Pour souligner davantage l’étendue des contextes pédagogiques qui doivent être pris en compte et pour éviter de limiter les programmes FOU à ceux qui adhèrent à la méthodologie de français sur un objectif spécifique, le surnom de français sur objectifs universitaires (FOU) a été adopté. D’un autre côté, bien qu’il existe certaines similitudes entre le FOS et le FOU, telles que les étapes impliquées dans l’élaboration de programmes de formation où l’accent est mis sur la satisfaction de besoins spécifiques, etc., il existe également d’autres différences importantes dont il faut tenir compte lors de la conception des cours de français.

2.1. Les spécificités du FOU

L’objectif des cours FOU est de doter les étudiants des compétences académiques et des compétences disciplinaires nécessaires à une compréhension plus approfondie des supports de cours. La compétence universitaire englobe d’abord une composante institutionnelle qui aide les étudiants à s’adapter à la vie au sein de l’université en leur apprenant comment les choses fonctionnent et comment se comporter en classe, puis une composante culturelle qui les aide à se sentir plus à l’aise dans leur pays d’accueil en leur donnant accès à une variété de cours qui couvrent le terrain culturel qu’ils devront connaître pour réussir.

La partie suivante, « linguistique et méthodologique », fait référence aux compétences et connaissances langagières « […] liées aux exigences universitaires » telles que la compréhension des discours pédagogique parenthétique, polymorphe, polyphonique, multiréférentiel » (Bouchard & Parpette, 2012). Ainsi, les cours FOU devraient affiner les capacités de l’étudiant qui seront mises à profit pour accomplir des tâches académiques comme assister à un colloque ou rédiger un document de recherche, un rapport ou une thèse ; un volet disciplinaire rejoint le premier en ce qu’il porte sur la matière spécialisée que l’étudiant devra maîtriser pour réussir les cours plus généraux.

En y regardant de plus près, on s’aperçoit que, selon Mangiante et Parpette (2011), une formation optimale en FOU implique la mise en place d’un programme basé principalement sur des dimensions essentielles à l’intégration des étudiants dans l’enseignement universitaire, dont la langue, la méthodologie et le contexte culturel. Malheureusement, la mise en place d’une formation FOU est compliquée par un certain nombre de facteurs, dont la plupart sont de nature institutionnelle. Ainsi, le temps consacré à l’enseignement du contenu dans certains systèmes universitaires peut encore être insuffisant. À cela s’ajoutent les questions de ressources matérielles et financières disponibles avant la constitution des groupes d’apprenants.

De plus, la grande variété des contextes institutionnels (le monde académique, le monde des savoirs disciplinaires, l’université en tant que système social) et au niveau des étudiants (son pays d’origine, la maîtrise de la langue, les expériences de vie, les responsabilités professionnelles, etc.) entraîne des implémentations individualisées et nuancées. Mangiante et Parpette (2011), lorsqu’ils évoquent des « contextes emboîtés », reconnaissent cette difficulté. Dès lors, la contrainte contextuelle devient un enjeu majeur dans le passage de l’étudiant à l’université. La capacité de parler et d’écrire couramment dans le discours académique est une porte d’entrée naturelle vers cette intégration.

2.2. Certaines formes et caractéristiques du discours universitaire

Parce qu’il requiert d’abord une maîtrise de la langue dans ses aspects systémiques, puis le développement d’autres compétences dans la compréhension et la production de certains genres, le discours académique rend son appropriation problématique, même s’il est bénéfique pour exposer les étudiants à la formation académique à des situations de communication où ils peuvent apprendre des pratiques linguistiques et grammaticales spécialisées. En réalité, cette appropriation relève davantage de normes de genres propres à la sphère académique que d’un style scientifique qualifié ou d’une tendance à une telle attribution ou à une maîtrise de la terminologie de la spécialité visée. De plus, l’entrée dans ces communautés de discours est conditionnée par la maîtrise du « français » par les locuteurs, langue souvent étrangère ou seconde langue pour le FOU. Ainsi, la langue est plus qu’un ensemble de règles sur la façon dont les mots et les phrases doivent être utilisés ; c’est aussi le processus de création et de consommation de textes selon les grandes lignes directrices de l’usage de la langue établies par un discours donné (littéraire, pédagogique, académique).

Les apprentissages liés à la pratique professionnelle (stage, projet professionnel et personnel…) font partie intégrante de ces formations et la diversité des formats de travaux académiques (cours magistraux, travaux pratiques et dirigés, et séminaires en amphithéâtres, laboratoires informatiques et salles de classe informatiques, travail en binôme et en petits groupes, avec et sans responsable désigné) atteste de la diversité des modes de transmission de l’information utilisés dans les universités d’aujourd’hui. De plus, les méthodes de travail académiques doivent être adaptées aux objectifs d’apprentissage en fonction des caractéristiques du public cible. Ces méthodes peuvent être résumées, mais non exhaustivement, et inclure la compréhension de l’écrit, la prise de notes, la prise de parole en public, la création d’écrits académiques tels que fiches de lecture, résumés de cours, documents de recherche et rapports d’activité.

Il est important de noter que les modalités d’accompagnement (comme les reformulations permettant de différencier les savoirs « de base » et « annexes », les illustrations) adoptées par l’enseignant pour mieux guider les étudiants dans leurs cursus ne sont pas les seules disponibles. Évidemment, comme le démontre Mangiante & Parpette (2011), ces modalités s’accompagnent d’un ensemble de contenus disciplinaires communiqués par l’enseignant à travers le déploiement d’attitudes discursives particulières. Le discours d’un cours magistral est considéré comme « complexe » car il fait appel à des compétences avancées des étudiants en raison de la nature unique du contenu et de la structure du cours. Ainsi, les auteurs précités (2011) insistent sur une certaine « lourdeur » dans ce mode de transmission des savoirs qui ne favorise en fait pas l’interaction entre le formateur et ses étudiants. Soit, l’intégration de l’étudiant à l’université l’oblige à considérer les modes d’enseignement, les aspects culturels qui influencent certaines compétences pédagogiques et son autonomie au sein de l’université ; tout cela est impossible sans une compétence linguistique spécifique qu’il doit maîtriser tout en gardant à l’esprit les nuances de chaque cours.

L’essor de l’enseignement en langue française dans le monde, dû en partie à une plus grande importance accordée à la recherche, à la production et à la diffusion des connaissances pour accéder au monde, tend à répondre à un besoin croissant de mobilité étudiante avec laquelle les universités françaises et francophones se trouvent confrontés. Pour ce faire, ces universités doivent démontrer un potentiel inédit en termes de ressources matérielles et humaines, mais elles doivent aussi renforcer le capital linguistique consacré à l’enseignement de cette langue par la mise en œuvre de processus et de méthodologies éprouvées, ainsi que certaines mesures d’adaptation aux contextes locaux. En effet, de nombreuses universités à travers le monde ont décidé de faire face à cette situation en mettant en place un système d’accompagnement linguistique approprié, le FOU.

2.3. Le FOU face à la globalisation

Assistée par l’Agence Universitaire de la Francophonie, certaines universités d’Asie du Sud-Est (Laos et Vietnam) ont noué des partenariats interuniversitaires pour offrir une variété de disciplines en français. Celles-ci sont gérées par des filières appelées « Filières Universitaires Francophones » ou « FUF ». En conséquence, il existe quarante-deux FUF qui sont axés sur différents domaines scientifiques et acceptent un nombre limité d’étudiants sur la base d’un processus d’admission compétitif afin d’assurer la qualité de l’enseignement qui est conditionné par l’obtention d’un diplôme DELF. Cela dit, les rapports d’évaluation prescrits par concertation entre enseignants de français et de matières spécialisées intervenants dans les FUF confirment l’existence d’un déficit au niveau méthodologique auquel se heurtent les étudiants. En effet, les styles et les stratégies d’enseignement/apprentissage dus en grande partie à la culture asiatique tendent à mettre l’enseignant ainsi que les manuels conçus au centre du processus, ce qui entraîne une « passivité » chez les apprenants, lesquels s’abstiennent même à remettre en cause les enseignements dispensés.

Dans ce contexte, l’approche FOU paraît incontournable. De nouvelles méthodologies et techniques pédagogiques sont mises en œuvre à partir de 2007 et s’alignent sur les niveaux du CECRL. Ainsi, à partir de la troisième année de leurs études, tous les étudiants de la FUF ont accès aux filières techniques de niveau universitaire appelées FOS-TU. C’est un vrai « tronc commun interdisciplinaire » qui touche toutes les disciplines car il s’agit de techniques universitaires généralistes à destination de toutes les spécialités, selon Régis Martin (cf. Stéphane et coll., 2011, p. 216).

Les étudiants vietnamiens ont montré leur enthousiasme pour ces programmes en demandant des cours qui les aideraient à apprendre un vocabulaire spécialisé. En conséquence, ceux- ci ont été développés en interne à la FUF avec l’aide d’enseignants dans une variété de domaines, ce qui a aidé le programme à prospérer dans une atmosphère de mondialisation enthousiaste.

Bien que l’Université du Liban propose des cours de « Techniques de Communication Universitaire », il existe un fossé linguistique et méthodologique notable dans la manière dont les langues et cultures étrangères sont enseignées. Ici, l’observation de Stéphane et coll. (2011) devient claire : « […] Démunis au niveau linguistique et surtout méthodologique, certains étudiants se contentent de rendre un travail bâclé, décousu, plagié sans aucun intérêt scientifique […] ». Cela peut être dû au fait que la notion d’unités d’enseignement en « TEU » a été adaptée d’un concept utilisé dans un cadre politique et culturel très différent, à savoir le système éducatif français.

Pour résoudre ce problème, des chercheurs de l’École internationale des langues arabes et du Proche Orient contemporain (ISCAE-CNAM) au Liban ont dû analyser la structure de leurs unités d’enseignement de langue française afin d’identifier les points communs entre leurs cours de communication orale et écrite. Les étudiants reçoivent un enseignement en communication orale et écrite pendant toute la durée de leur programme. Si l’on espère qu’ils acquerront une meilleure compréhension des nombreux outils et capacités à leur disposition, les résultats attendus restent assez modestes. De plus, les enseignants mettent l’accent sur les capacités discursives, linguistiques et méthodologiques insuffisantes des étudiants. Certains de ces derniers sont conscients et préoccupés par le déclin du français dans tous les domaines de l’éducation à mesure que l’anglais gagne du terrain.

Conclusion

Il a été question dans cet article de faire une présentation des notions conceptuelles et des approches didactiques liées à l’enseignement du FLE, à savoir le FOS et le FOU. Nous avons pu distinguer que le premier concept se réfère spécialement à des situations professionnelles variées tandis que le deuxième concept désigne une forme d’enseignement basé sur l’utilisation d’outils, de techniques et de méthodes appropriés au domaine d’études universitaires.

Bibliographie

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Keyong, Li. & Vandevelde, D. (2008). Du français de spécialité à la spécialité en français. Synergies Chine, 3. gerflint.fr/Base/Chine3/keyong_david.pdf

Lehmann, D. (1993). Objectifs spécifiques en langue étrangère : les programmes en question. Hachette FLE.

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Mangiante, J.-M. & Parpette, C. (2006). Le Français sur Objectif Spécifique ou l’art de s’adapter. Dans V. Catellotti & H. Chalabi (dir.), Le français langue étrangère et seconde : des paysages didactiques en contexte (p. 275-282). L’Harmattan.

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Stéphane, A.-H. & coll. (2011). Le français sur objectifs universitaires : entre globalisation et localisation. Dans P. Chardenet (dir.), Le Français sur Objectifs Universitaires (p. 211-232). Synergies Monde.

Citer cet article

Référence papier

Najoua Maafi, « Vers de nouvelles pratiques didactiques du FLE : « FOS » et « FOU », méthodes d’enseignement « sur mesure » », Didactique du FLES, 1:2 | 2022, 91-101.

Référence électronique

Najoua Maafi, « Vers de nouvelles pratiques didactiques du FLE : « FOS » et « FOU », méthodes d’enseignement « sur mesure » », Didactique du FLES [En ligne], 1:2 | 2022, mis en ligne le 15 décembre 2022, consulté le 27 avril 2024. URL : https://www.ouvroir.fr/dfles/index.php?id=518

Auteur

Najoua Maafi

Professeure en techniques d’expression et de communication à l’École nationale de commerce et de gestion de l’université Hassan 2 de Casablanca. Elle est membre permanent du laboratoire LAMSO au sein du même établissement, responsable qualité et système de management pour les organismes de l’éducation/formation et doctorante inscrite au laboratoire Langage et société CNRST-URAC 56, université Ibn Tofail, Kénitra. Elle continue ses recherches dans le domaine de la didactique FLE/FOS/FOU.

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