Introduction
Il y a plus de vingt ans maintenant que Claude Germain et moi avons commencé l’expérimentation du français intensif (FI) qui a mené à la conceptualisation de l’approche neurolinguistique (ANL), le nouveau paradigme pour faire acquérir les habiletés de communication en langue seconde. Dans cet article, je présente le pourquoi et le comment nous avons conçu le programme de FI, quelques-unes des caractéristiques qui la distinguent d’autres approches, et de comment la conception de l’ANL a découlé de l’expérimentation du FI.
On entend souvent dire que l’ANL au Canada, c’est le FI, mais cela n’est pas tout à fait le cas. Le FI est un programme d’enseignement, c’est-à-dire un ensemble de ressources et de stratégies d’enseignement. Conceptualisé pour que les élèves qui suivaient des cours du français langue seconde (FLS) puissent parvenir à communiquer spontanément en français, il est utilisé dans beaucoup d’écoles du Canada en milieu non francophone. Le programme commence en cinquième/sixième année (10 à 12 ans) et continue jusqu’à la fin du secondaire (apprenants de 17 à 18 ans)1. L’ANL, cependant, est un nouveau paradigme, une nouvelle conception de comment on apprend les langues, qui offre les bases théoriques sur lesquelles construire un programme, comme le FI, qui pourrait être utilisé pour enseigner/apprendre n’importe quelle langue seconde ou étrangère.
À titre d’intérêt, il faut préciser qu’au Canada, il n’existe pas de ministère de l’Éducation nationale. L’éducation est du ressort de chaque province et territoire, ce qui fait qu’il y a treize ministères responsables de former la jeunesse. L’apprentissage d’une langue seconde est obligatoire, ou fortement recommandé, dans toutes ces instances, mais pas nécessairement pendant tout le cursus scolaire. Chaque instance gère ses propres programmes.
Conditions à Terre-Neuve-et-Labrador au début de notre expérience (1996-97)
Au moment où nous avons commencé nos expérimentations avec le FI, il y avait au Canada deux programmes de FLS principaux qui existaient depuis les années 1960 : le français de base (Core French), en général enseigné à raison d’un cours par jour, et l’immersion française (immersion), où la majorité des matières scolaires se font enseigner en français. Au cours des années 1970 et 1980, la popularité des programmes d’immersion n’a fait qu’augmenter, car on constatait les bons résultats obtenus en matière de communication en français. Cependant, l’offre de programmes d’immersion demeure optionnelle, car les programmes ne peuvent pas être légalement obligatoires, à l’encontre du français de base qui peut l’être2. Le taux de participation d’élèves aux programmes d’immersion à l’échelle nationale se situe à environ 20 %, alors qu’une majorité des 80 % des autres élèves sont inscrits à un programme de français de base. Quant aux résultats en compétences linguistiques, les élèves qui suivent un programme d’immersion jusqu’à la fin de la 12e année (fin du secondaire; âge : 18 ans) peuvent communiquer efficacement en français. Or, la majorité des effectifs inscrits aux programmes de français de base n’y arrivent pas.
À Terre-Neuve-et-Labrador, nous nous sommes rendu compte des inégalités en ce qui concernait le choix de programmes pour l’apprentissage du FLS dans le système scolaire. Nous voulions offrir aux apprenants un choix entre programmes qui permettraient à tous d’arriver à un niveau de communication spontanée, tout en acceptant que l’immersion offrait la possibilité d’arriver à un niveau plus élevé. En nous penchant sur comment on pouvait améliorer les résultats du français de base3, deux questions nous préoccupaient :
- Pouvons-nous apporter des modifications au français de base afin d’aider les élèves à communiquer spontanément en français à la fin du secondaire comme nos apprenants en immersion?
- Y-a-t-il quelque chose que nous faisons en immersion que nous pourrions adopter en français de base pour améliorer les résultats pour la communication spontanée?
À cause de mon expérience dans le système scolaire et au niveau universitaire comme professeure et chercheuse dans le domaine du FLS, on m’a encouragée à trouver des réponses à ces questions. Pour commencer, j’ai consulté des collègues à travers le pays. L’un d’eux, Claude Germain de l’Université du Québec à Montréal, a proposé d’essayer un programme de FI, basé sur un modèle qui avait été créé dans les années 1970 dans la région montréalaise. Le programme avait été conceptualisé par une conseillère pédagogique, Lise Billy, pour la population anglophone de son district scolaire en milieu francophone, pour que les élèves puissent apprendre à communiquer en français sans avoir à suivre les autres matières scolaires en français. Ce programme s'était inspiré du programme développé au Québec pour faire apprendre le français aux enfants d'immigrants avant de les intégrer dans les classes régulières du système scolaire francophone. Quoique cette version du FI ait eu du succès, il avait disparu du système scolaire anglophone au Québec grâce à la popularité des programmes d’immersion française auxquels avaient accès les anglophones et les allophones. Il avait toutefois été adapté pour l’apprentissage de l’anglais langue seconde dans le système francophone, où il a été très bien reçu (Lightbown et Spada, 1991).
Après avoir visité beaucoup de classes d’anglais intensif au Québec, je me suis rendue compte que ce programme ne répondait pas tout à fait à nos attentes pour l’amélioration du français de base. Il faut noter que le programme d’anglais intensif n’est offert que pendant une année scolaire, et il n’y a pas de suivi pour les autres années scolaires. De plus, seuls les « bons apprenants » peuvent y participer, tandis que nous voulions un programme ouvert à tous les apprenants, même ceux avec des défis d’apprentissage. Les enseignants avec qui je travaillais croyaient qu’il fallait également changer la méthode d’enseigner la langue en utilisant une pédagogie basée sur le développement de la littératie, comme c’était le cas dans les programmes d’anglais langue maternelle, et qui, à ce moment-là, était en train d’être adaptés pour les programmes d’immersion (Lightbown et Spada, 1991).
À la suite de nombreuses discussions avec des intervenants de tous les paliers du système scolaire à Terre-Neuve-et-Labrador, ainsi que du gouvernement fédéral, nous avons reçu la permission d’entreprendre un projet de recherche pour évaluer la mise en œuvre de modifications à l’enseignement du français de base dans le but d’atteindre de meilleurs résultats en communication spontanée. S’inspirant des programmes intensifs au Québec, les modifications comprenaient plus de temps et plus d’intensité, ainsi que l’application d’une pédagogie basée sur le développement de la littératie en français, inspirée de l’immersion. Ainsi, le FI tel que modifié pour l’expérimentation à Terre-Neuve-et-Labrador possèderait plusieurs caractéristiques de l’immersion, mais se distinguerait de ce programme parce qu’on n’enseignerait pas de matières en français. Pour nous, il ne s’agissait pas de la création d’un troisième programme, mais d’une adaptation au français de base qui pourrait s’avérer plus efficace.
Projets de recherche à Terre-Neuve (1998 – 2001; 2001 – 2004)
C’est ainsi qu’en 1998, les premières classes de FI ont vu le jour à Terre-Neuve-et-Labrador, en 6e année (11 - 12 ans)4. La première expérimentation a duré de 1998 à 2001 et elle nous a permis de découvrir et de mettre en place les stratégies d’enseignement et les ressources nécessaires pour adapter la pédagogie de la littératie en langue maternelle à l’enseignement d’une langue seconde. Aussi fallait-il déterminer le nombre d’heures d’intensité nécessaires afin que la plupart des élèves puissent atteindre le début de la communication spontanée à la fin des cinq mois d’enseignement intensif. Une deuxième expérimentation a eu lieu de 2001 à 2004 qui nous a permis de raffiner certains éléments du programme et d’adapter le programme à un milieu non-francophone. Parmi nos adaptations, nous nous sommes rendus compte qu’il faudrait concevoir un programme qui suivrait l’année « intensive » pour que nos élèves, en milieu non francophone5, puissent continuer à développer leurs compétences en français langue seconde. Les unités conçues pour le « post français intensif » tiennent compte des principes de l’ANL et appliquent les mêmes stratégies d’enseignement. Il n’y a pas autant d’intensité dans les années « post intensif » car nous avons trouvé qu’une fois un niveau de début de spontanéité atteint, la spontanéité continue à développer avec l’utilisation continue de la langue.6
Une autre adaptation que nous avons apportée à notre programme de FI en milieu non francophone est l’application de la pratique que nous appelons au Canada, « l’intégration du curriculum ». Puisque le temps accordé aux autres matières scolaires (à l’exception des mathématiques) serait réduit, nous avons décidé que certains des buts du curriculum général seraient atteints au cours du semestre en FI. Suite à une étude détaillée des autres programmes d’études, nous avons trouvé des buts académiques qu’on pouvait intégrer dans les unités du FI. Par exemple, nous avons conçu une unité sur l’alimentation dans laquelle nous avons intégré les règles pour une alimentation saine, car la connaissance de ces règles serait nécessaire pour le programme de santé. Pour notre unité, ces règles ont été placées dans le contexte de faire parler les élèves de ce qu’ils aiment et n’aiment pas manger et de dire si c’est bon pour la santé. Cette pratique nous a aidés à construire un programme plus équilibré sur les 10 mois de l’année scolaire, et donc, un programme qui n’était pas réservé uniquement aux meilleurs apprenants.
Malheureusement, il est impossible d’entrer ici dans tous les détails de ces premières expérimentations, ni de parler de tous les enjeux. Il faut mentionner simplement qu’en essayant d’améliorer le français de base, nous avons fait des changements très significatifs pour l’apprentissage de la communication en langue seconde, comme nous l’avons appris après avoir consulté des recherches des neurolinguistes. Deux de ces changements, soutenus par des conseils des neurolinguistes, étaient des pratiques utilisées en immersion :
- La décision d’appliquer les stratégies d’enseignement pour le développement de la littératie au lieu d’appliquer les stratégies d’enseignement qui étaient axées sur la grammaire, comme c’était le cas dans les classes de français de base (et autres langues secondes). Cette décision avait été prise à la suite du constat que les élèves en immersion, où cette approche était appliquée, étaient capables de communiquer en français.
- La décision de s’assurer d’avoir du contenu cognitif dans les unités pédagogiques au lieu d’axer l’enseignement seulement sur les aspects linguistiques de la langue afin que tous les apprenants puissent participer. En mettant en œuvre cette décision, nous nous sommes rendus compte qu’il y a un contenu cognitif important dans le programme d’immersion : l’apprentissage des matières, qui encourage l’élève à se concentrer sur l’utilisation de la langue cible plutôt que sur les éléments linguistiques de la langue cible.
Résultats du projet-recherche
Les résultats du projet-recherche ont confirmé certaines de nos hypothèses, mais ils ont aussi soulevé de nouvelles pistes à explorer. Dans un premier temps, les résultats à l’oral et à l’écrit ont démontré que dans les classes expérimentales où les enseignants avaient utilisé régulièrement des stratégies d’enseignement basées sur le développement de la littératie, où les élèves se concentrent sur le message, les élèves avaient atteint un niveau de communication significativement supérieur à celui des élèves des classes où l’enseignant avait passé beaucoup de temps à expliquer des règles de la langue (Netten, 2001). Cela a fait comprendre l’importance de faire utiliser la langue, comme on fait en immersion, en adoptant une pédagogie basée sur le développement de la littératie. Les résultats positifs en immersion en matière de communication orale sont généralement attribués à deux facteurs : l’âge des participants et l’intensité de l’instruction. Cependant, ni l’une ni l’autre de ces explications n’est suffisante, car l’augmentation de la durée et de l’intensité de l’enseignement permet toujours aux apprenants de tout âge d’avancer plus rapidement dans leur apprentissage. Aussi, les apprenants dans des programmes d’immersion développent des habiletés à communiquer plus spontanément que leurs pairs dans des cours plus traditionnels, quel que soit leur âge. Ce que notre recherche a montré, c’était que l’utilisation de la langue dans des situations de communication joue un rôle crucial dans le développement de la communication spontanée. Ainsi, ces résultats ont confirmé notre hypothèse que l’utilisation d’une pédagogie basée sur le développement de la littératie contribuerait à l’améliorer les résultats pour la communication spontanée.
Nous avons eu aussi des résultats inattendus. Un des résultats de cette première expérimentation, à la fois étonnant et intéressant, c’est que nous avons constaté que les élèves dans les classes « littératie » parlaient et écrivaient avec significativement plus de précision que les élèves dans les classes « traditionnelles », malgré le fait que l’apprentissage de ces derniers avait été axé sur la grammaire et l’exactitude (Netten, 2001). Ces résultats nous ont fait repenser le rapport entre la précision et l’aisance (Germain et Netten, 2004). Quand nous avons commencé nos recherches, l’hypothèse des chercheurs étaient que ces deux critères se situaient aux extrémités d’un continuum (Germain et Netten, 2004) : l’utilisation des stratégies axées sur le message à transmettre amènerait beaucoup d’aisance et moins de précision, comme dans le cas de l’immersion, tandis que l’accent sur les règles et la précision nuirait au développement de l’aisance, comme dans le cas du français de base. De plus, quand nous avons essayé de déterminer l’effet des stratégies d’enseignement sur le développement de l’aisance et de la précision, nous avons trouvé qu’on pouvait isoler l’influence de ces deux facteurs dans la production écrite, mais on ne pouvait pas les séparer dans la production orale (Netten, 2001).
Ce sont ces résultats que nous ne pouvions pas expliquer qui a fait en sorte que nous nous sommes penchés sur diverses recherches pour trouver une explication à ces phénomènes.
Liens avec les recherches en neurolinguistique
C’est alors que nous avons découvert, entre autres, les recherches de Michel Paradis (de l’Université McGill, à Montréal). Ses recherches démontrent qu’il y a deux mémoires dans notre cerveau – la mémoire déclarative, qui emmagasine les savoirs, c’est-à-dire, des faits, et la mémoire procédurale, qui emmagasine les habiletés, c’est-à-dire des habitudes. En apprenant à parler une langue (donc, à l’utiliser), c’est la mémoire procédurale qui entre en jeu, et cela parce que, en apprenant à parler/utiliser une langue, on développe une habileté. L’apprentissage des règles formelles de la langue constitue un savoir, et ces règles sont donc emmagasinées dans la mémoire déclarative. Selon Paradis, il n’existe aucun lien entre les deux mémoires (Paradis, 1994, 2004, 2009). Notre conclusion, c’était que l’utilisation de la langue, encouragée par la pédagogie axée sur la littératie, menait au développement d’une habileté, donc, à la communication spontanée.
En se basant sur ces recherches, mon collègue et moi en avons déduit que le cerveau développe deux grammaires, soit la « grammaire externe », emmagasinée dans la mémoire déclarative, et la « grammaire interne », emmagasinée dans la mémoire procédurale, et qu’il n’avait aucun lien direct entre les deux. Donc, l’enseignant doit développer deux grammaires pour aider les apprenant à utiliser une langue seconde : la grammaire interne ou implicite pour la communication spontanée à l’oral et à l’écrit, et la grammaire externe ou explicite pour la précision en lecture et en écriture. La grammaire interne nous permet d’utiliser la langue spontanément surtout pour parler, mais aussi pour lire et écrire avec une certaine aisance. Cela explique pourquoi on peut distinguer deux critères de précision et d’aisance à l’écrit, mais pas à l’oral.
Les recherches de Nick Ellis (Université du Michigan) aussi ont démontré que la grammaire interne est composée de pistes neuronales dans le cerveau tandis que la grammaire externe est composée de renseignements factuels (Ellis, 2011). Selon Ellis et Paradis, pour créer les pistes neuronales, il faut, en début d’apprentissage, utiliser et réutiliser un nombre limité de structures langagières et se servir d’un vocabulaire restreint, et il faut également utiliser ces structures en contextes différents afin de bien les ancrer dans le cerveau. De plus, l’accent n’est pas sur la forme, mais sur le message qui doit être authentique et signifiant pour la personne qui parle (Paradis, 2004; Ellis, 2011). Tels que conceptualisés, les programmes traditionnels du FLS ne donnent pas de place au développement d’une grammaire interne. Pour Claude et moi, il est devenu clair qu’il fallait concevoir une nouvelle façon d’agir, un nouveau paradigme, afin que les apprenants dans les programmes traditionnels de langues secondes puissent atteindre un niveau de communication spontanée.
Conception de l’approche neurolinguistique
Ce n’est donc qu’après nos expérimentations ave l’implantation du FI dans le système scolaire à Terre-Neuve-et-Labrador, les questions qu’elles avaient soulevées et les réponses des neurolinguistes, que mon collègue et moi avons conceptualisé la nouvelle approche. D’abord, pour établir les conditions nécessaires pour le développement de la grammaire interne, nous avons fait un résumé des critères de Paradis et Ellis :
- Être conscient de la nécessité d’aider l’apprenant à développer une grammaire interne;
- Faire utiliser et réutiliser un nombre limité de structures et un vocabulaire restreint de la langue dans une variété de situations ;
- S’assurer qu’en utilisant la langue seconde, l’accent est toujours sur le message à communiquer, et non sur la forme linguistique, et sur l’authenticité du message pour l’apprenant;
- S’assurer de la signification du message pour les apprenants, c’est-à-dire, de leur implication cognitive et/ou émotionnelle dans la création et transmission du message;
- S’assurer de l’interaction constante des apprenants entre eux, et avec l’enseignant, pour l’utilisation de la langue.
Ces cinq principes forment la base théorique de l’ANL.
Dans un deuxième temps, suite à une analyse des contenus des programmes et des manuels pour le français de base, nous nous sommes rendus compte qu’aucun des principes n’était présent. On peut constater les lacunes dans le tableau qui suit.
Pour pouvoir répondre aux principes qui ont été déclinés ci-dessus, il devenait donc nécessaire de concevoir des ressources qui permettraient l’application des pratiques pédagogiques et les stratégies d’enseignement nécessaire. De plus, les explications des neurolinguistes sur comment développer une grammaire interne dans le cerveau des apprenants nous ont poussés à repenser et reconceptualiser aussi le rôle de l’enseignant. Il est important de noter que ce n’est que l’apprenant lui-même, de manière non consciente, qui peut développer sa grammaire interne, et ce, en utilisant les structures de la langue dans des échanges authentiques et significatifs pour eux. L’enseignant ne peut pas l’enseigner et l’apprenant ne peut pas l’apprendre formellement puisque le processus de son acquisition est non conscient. Ce constat pose un grand défi pour les didacticiens : si on ne peut pas « enseigner » une grammaire interne, que devient le rôle de l’enseignant dans l’apprentissage de la communication spontanée? Et comment est-ce qu’on peut développer la grammaire interne? D’après nous, le rôle de l’enseignant demeure crucial, mais au lieu d’enseigner, l’enseignant devient facilitateur. Son rôle est de créer dans sa salle de classe les conditions nécessaires pour permettre aux apprenants de développer leur grammaire interne.
Ainsi, les pratiques pédagogiques que nous avons conceptualisées pour transformer les cinq principes de l’ANL en stratégies d’enseignement sont :
- Créer des conditions dans la salle de classe pour faire développer la grammaire interne par chaque apprenant;
- Adapter une pédagogie basée sur le développement de la littératie, approche qui prône utilisation de la langue pour transmettre un message;
- S’assurer que la langue est toujours utilisée pour transmettre un message, et que les énoncés des apprenants sont toujours authentiques pour eux (ce qu’ils veulent dire);
- Utiliser la pédagogie du projet pour s’assurer de l’implication cognitif et émotionnelle de l’apprenant dans son apprentissage;
- Utiliser en tout temps des stratégies d’enseignement qui créent l’interaction entre les apprenants (travail en groupe, en dyades/binômes, présentations, discussions, etc.), tout en s’assurant que les apprenants sont préparés linguistiquement à l’accomplissement de la tâche, (par exemple, les sept étapes pour le développement de l’oral, etc.)
L’ANL s’est donc inspirée de quatre éléments :
- les fondements théoriques basés sur les recherches des neurolinguistes;
- l’adaptation de ces constats aux pratiques pédagogiques;
- les stratégies d’enseignement déjà développées en FI;
- le cadre du format et du contenu des unités déjà conçus en FI.
Ce qui précède explique le rapport entre le FI et l’ANL. Il est intéressant de noter qu’une théorie portant sur comment apprendre à communiquer dans une langue seconde, l’ANL, est née d’expériences en salle de classe, menées par des enseignants. L’ANL ne découle pas d’hypothèses faites par des didacticiens en milieu universitaire, même si des recherches de neurolinguistes la soutiennent.
Les recherches à poursuivre
Il y a encore des recherches à faire pour continuer à mieux comprendre comment développer la communication spontanée chez nos apprenants, de tout milieu et de tout âge. Parmi ces questions, il y a le rôle de l’enseignant, et le volume d’intensité requise pour les âges différents. Dans nos recherches, nous avons trouvé que, plus l’apprenant est âgé, moins l’intensité est nécessaire. Ce constat a un lien avec le développement cognitif de l’apprenant. Pour plus de suggestions pour les recherches à poursuivre, voir le site web du FI7.
L’état actuel du FI
Pour conclure concernant le lien entre le développement de l’ANL et son rapport avec le FI, il faut dire que le FI n’a pas remplacé le français de base, sauf dans la province du Nouveau-Brunswick, au Canada. Néanmoins, le programme continue d’être utilisé dans plusieurs provinces et territoires du Canada. Il est aussi adapté pour son utilisation dans d’autres programmes, comme le français de base régulier et l’immersion, qui adoptent les stratégies et les principes de l’ANL afin d’améliorer ces programmes. On se sert également des stratégies pour l’enseignement basé sur des ressources pédagogiques conçues pour des programmes traditionnels, et ce, parfois, sans aucune intensité. Il faut comprendre que l’application des stratégies en contexte non intensif peut apporter une certaine augmentation de la motivation des apprenants pour une période de temps, mais il est difficile, sinon impossible, ainsi d’atteindre un niveau de communication spontanée.
Le FI est également devenu un modèle pour le développement de programmes basés sur l’ANL pour d’autres langues et d’autres publics. Il y a maintenant des programmes pour des langues autochtones au Canada, par exemple, le mohawk et le cri, ainsi que pour d’autres langues comme l’espagnol, le mandarin et le japonais. L’intérêt suscité par le nouveau paradigme, l’ANL, vient surtout du fait que les apprenants de tout âge et de tous milieux deviennent capables de communiquer spontanément dans la langue seconde ciblée. L’évolution de la capacité de communiquer est documentée, car nous avons testé des centaines d’apprenants, à l’oral, depuis des années maintenant, et toujours avec des résultats positifs.