Construire les identités plurielles des futurs enseignants : le projet collaboratif « Langues de Picardie » en formation initiale

DOI : 10.57086/dfles.599

Abstracts

Les futurs enseignants du premier degré en France doivent faire preuve de polyvalence, en développant entre autres des compétences de « partage de valeurs républicaines » et d’ouverture à « la diversité », profondément liées à la construction de compétences linguistico-culturelles. Afin d’explorer ces liens au niveau de la formation initiale des futurs enseignants, un projet collaboratif intitulé Langues de Picardie a été inscrit dans des nouveaux cours d’options dédiés au plurilinguisme. Les objectifs du projet sont de s’éveiller à et de se situer dans la diversité linguistique de la région picarde à travers deux dispositifs employés dans l’étude du multi/plurilinguisme : les paysages linguistiques et les biographies langagières. Les paroles et les écrits réflexifs de futurs enseignants sont étudiés afin de comprendre leurs représentations au début et à la fin de leur formation. Ainsi, le projet contribue à la valorisation du multilinguisme des espaces publics et des répertoires plurilingues des futurs enseignants, ouvrant la réflexion des praticiens qui seront face à un public pluriel dans les écoles.

Prospective teachers in France are required to demonstrate versatility, notably by developing skills in "sharing republican values" and openness to "diversity". These are deeply linked to the construction of linguistic and cultural skills. In order to explore these links at the level of pre-service teacher education, a collaborative project entitled Langues de Picardie was included in new elective courses dedicated to plurilingualism. The objectives of the project are for pre-service teachers to become aware of and situate themselves within the linguistic diversity of the region of Picardy through two major tools used in the study of multi/plurilingualism: linguistic landscapes and language biographies. Discussions with and reflective writings of pre-service teachers are studied in order to understand the way they conceptualize target notions at the beginning and at the end of coursework. Thus, the project contributes to a positive reframing of multilingualism in the public space and the plurilingual repertoires of future teachers, encouraging reflection on the part of practitioners who will serve a diverse school population.

Outline

Text

1. Introduction

En France, les futurs enseignants doivent faire preuve de polyvalence, en développant entre autres des compétences de « partage de valeurs républicaines » et d’ouverture à « la diversité » (MEN, 2019), profondément liées à la construction de compétences linguistico-culturelles notamment en langues vivantes étrangères ou régionales (LVER). Ces compétences s’inscrivent dans les objectifs des approches plurielles (éveil aux langues, approches interculturelles ou transculturelles, etc.). Les liens profonds entre culture et langue sont abordés dans les recherches en didactique et en sociolinguistique par les prismes des langues-cultures (Puren, 1999 ; Forestal, 2008) ou de l’éveil aux langues ou du plurilinguisme (Cummins, 1989 ; Candelier, 2003 ; Hélot, 2007), entre autres, mais figurent rarement comme objet principal dans la formation initiale des enseignants de France.1

Une réforme de la formation aux métiers de l’enseignement de 2021 a exigé une visée internationale dans les projets de mobilités des étudiants, dans les projets inter-institutionnels et dans les maquettes de la formation initiale.2 La juxtaposition des exigences officielles du ministère de l’Éducation nationale français et les avancées venant de la recherche font apparaître une tension due au manque de formation, notamment au niveau initial.

Pour allier prescription et pratique, de nouveaux cours d’options de l’Institut supérieur du professorat et de l’éducation (Inspé) de l’Académie d’Amiens dans la région des Hauts-de-France abordent les questions du plurilinguisme et de l’allophonie à l’école. Ces cours ont été pensés à partir des constats issus de la recherche sur la formation des enseignants en pédagogie plurielle. Notamment (i) la nécessaire prise en compte des représentations autour des langues déjà présentes (Maillard-de la Corte Gomez, 2013), (ii) le besoin d’un « volet réflexif » pour la construction des attitudes positives envers des identités linguistiques plurielles (Nicolas & Stratilaki-Klein, 2018), (iii) le besoin d’une réflexion culturellement contextualisée (Audras & Leclaire, 2013) et (iv) la mécompréhension des finalités des applications didactiques (Candelier, 2003).

Cet article décrit un projet collaboratif (inscrit au sein des cours d’options) nommé « Langues de Picardie »3 qui vise à répondre aux besoins décrits aux points (ii) à (iv). Dans le contexte de la pédagogie de projet et de l’éveil aux langues, les étudiants en formation initiale sont emmenés à enquêter d’abord sur le multilinguisme de leur propre contexte à travers des paysages linguistiques (ou linguistic landscapes) puis, sur leur plurilinguisme personnel par l’élaboration de biographies langagières. Les deux axes du projet forment un ensemble entre les pôles du public-macro et du privé-micro afin de donner une image plus complète de l’interaction entre le multilinguisme et le plurilinguisme : le sujet, représenté comme plurilingue, se contextualise dans son propre territoire qui se révèle lui-même multilingue. Ainsi les futurs enseignants, pour qui la diversité linguistico-culturelle est une affaire de l’autre, de l’ailleurs ou voire à dissimuler, se forment aux approches plurielles par une découverte empirique dans laquelle ils sont personnellement impliqués. Par la suite, ils construisent des projets didactiques à partir des mêmes dispositifs et en lien avec les exigences des textes officiels pour un public écolier. Cela les emmène à comprendre et à expérimenter les finalités des approches plurielles en s’appropriant les notions et les dispositifs cibles par une application concrète encadrée par le programme officiel. Pour faire relever les représentations déjà présentes (constat (i)), une enquête a été menée auprès des étudiants par le biais d’un pré-questionnaire anonyme sur les croyances, attitudes et pratiques autour de la pluralité des langues et cultures en France et dans la classe. Comme travail final, les étudiants s’auto-évaluent en se servant des composantes du CARAP4 (Cadre de Référence pour les Approches Plurielles des Langues et des Cultures ; Candelier et al., 2013) croisées avec le Référentiel des compétences du métier du professorat (MEN, 2013).

Cette étude procèdera à la description d’un contexte général (sections 1.1 et 1.2) qui justifiera l’application du projet Langues de Picardie. Ensuite, la méthodologie du projet sera décrite (2) avec une discussion théorique des choix de dispositifs et des descriptions du déroulé du projet (2.2 et 2.3). Une description de didactisations et de prolongements proposés en fin de projet par des futurs enseignants montre des applications possibles auprès des élèves à l’école (2.4). Puis, une brève description des résultats du pré-questionnaire et de l’auto-évaluation ex post permet d’apprécier la perspective des futurs enseignants (2.5). Enfin, une conclusion récapitulera les objectifs de cette étude et du projet (3).

1.1 Contexte institutionnel

Dans un contexte national, la formation MEEF (master métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation pratiques et ingénierie) commence à intégrer les sujets du multilinguisme sociétal et du plurilinguisme des individus. Des études sur les offres de formation initiale pour les futurs enseignants note un manque en 2018 (Kerzil & Sternadel, 2018), mais en 2023, il existe déjà plus de propositions (Benveniste, 2023).

Une courte revue des nouvelles maquettes de huit Inspé montre que pour l’année 2021-2022 les maquettes de quelques académies proposent des cours dédiés aux thèmes en question. Trois types d’instituts ont été interrogés : les académies à politique renforcée en langues régionales, les académies en contexte multilingue et les académies ni spécialement marquées par les langues régionales, ni par des taux d’immigration élevés. Dans les académies de Bretagne, d’Alsace et de Corse, la volonté de renforcer la transmission des langues régionales par l’enseignement a abouti à la mise en place de parcours bilingues. Les trois proposent un MEEF bilingue (en langue régionale ou allemand, dans le cas de l’Alsace, et français). Pourtant, aucune d’entre elles n’a de cours traitant explicitement des sujets liés à l’interculturalité, aux liens cultures-langues ou encore aux approches plurielles. Dans des régions à fort taux de bilinguisme, comme les académies de Paris ou de Bordeaux, les maquettes ne mentionnent pas de cours explicitement lié aux sujets en question. Les Inspé d’Amiens (« Allophonie, francophonie » et « International, plurilinguisme et interculturalité »), de Caen (« Option Interculturalité, international, enseignement en français ») et de Lille (« Les langues de l’école : intercompréhension, plurilinguisme et interculturalité ») proposent des cours avec des intitulés spécifiquement en lien avec les notions du pluralisme. Sur un échantillon de huit maquettes d’Inspé seules trois proposent des cours explicitement liés à ces thèmes. Évidemment, ces thèmes peuvent être traités dans différents cours (notamment dans les cours de didactique de LVER au premier degré) sans être annoncés dans la maquette. Si les cours sur multi/plurilinguisme commencent à paraître dans les maquettes, les sujets ne sont pas encore généralisés dans toutes les académies.

1.2 Contexte théorique

Les approches plurielles, à commencer par le Language Awareness de Hawkins (1984), peuvent être aujourd’hui résumées par au moins les quatre approches suivantes : éveil aux langues, intercompréhension entre langues apparentées, didactique intégrée des langues et approches interculturelles, tout en restant une catégorie ouverte et à construire (Candelier & Schröder-Sura, 2015). Définis par une méthodologie où plusieurs variétés de langues et de cultures sont prises en compte (par opposition à une langue cible prise isolément), les objectifs des approches plurielles mettent « en jeu des compétences communes » (Beacco & Byram, 2007, p. 40) et touchent aux domaines affectif, social et cognitif (Dompmartin-Normand, 2011) décrits en détail par les composantes du CARAP. Ces approches bénéficient de plus de quarante ans d’expérimentation et de réflexion, y compris de récents débats critiques notamment sur les finalités proposées (Puren & Maurer, 2018). Mais malgré cette riche histoire d’application et de recherche, Bigot et al. (2013) remarquent que les méthodes pédagogiques au cœur de ces approches ne s’appliquent que rarement. Plusieurs études ont questionné cet écart.

Enquêtant sur la formation initiale des futurs enseignants, Maillard-de la Corte Gomez (2013) note que le succès de l’adoption des approches plurielles peut dépendre des représentations, croyances et savoirs des étudiants en amont de la formation. Nicolas & Stratilaki-Klein (p. 132 2018) remarquent la difficulté de voir « l’identité linguistique de l’autre comme une richesse » si le futur enseignant n’a pas lui-même « une connaissance empirique » en lien avec le multi/plurilinguisme. Audras & Leclaire (2013) proposent qu’une formation doit cibler chez les futurs enseignants des savoir-être tels qu’une pensée réflexive et distanciée par rapport aux pratiques professionnelles. Cela les entrainerait à se représenter dans une démarche socio-constructiviste. Candelier (2003) souligne l’importance pour les enseignants d’adhérer aux finalités des approches.

Ces différents facteurs à prendre en compte révèlent une double difficulté, et pour la construction des formations, et pour les apprenants comme sujets : d’un côté, la difficulté de déconstruire un discours déficitaire quant aux pratiques langagières non homogènes, typique de l’idéologie monolingue (Ager, 1999 ; Blackledge, 2000) ; et de l’autre côté, la difficulté pour les futurs enseignants de s’imaginer comme empowered (état et processus « d’autoréalisation et d’émancipation… [vers une] transformation sociale » (Bacqué & Biewener, 2013, p. 6)) dans l’espace classe à travers lequel les finalités des approches plurielles peuvent avoir des conséquences sociétales plus larges. Ces enjeux relèvent typiquement du modèle de multiculturalisme conservateur (par ex., McLaren, 1997) où une phase intermédiaire obligatoire de multilinguisme laissera place à une assimilation « naturelle » et « inéluctable » au monolinguisme. Autrement dit, une période d’hétérogénéité sociétale finira par céder la place à une homogénéité sociétale. Face à ce déterminisme monolingue et monoculturel, les enseignants peinent à invoquer des « pédagogies du possible » par lesquelles les enseignants seraient en position d’acteur en lien avec un contexte immédiat pour répondre aux exigences de la pluralité du public écolier avec créativité et agentivité (la possibilité d’agir sur une réalité donnée) (Hélot & Ó Laoire, 2011, p. xvii).

1.3 Les cours d’options de l’Inspé d’Amiens

Les cours d’options de spécialisation proposés à l’Inspé de l’académie d’Amiens dans les Hauts-de-France intitulés « Allophonie, francophonie » (AF) et « International, plurilinguisme et interculturalité » (IPI) ont été pensés pour former les futurs enseignants aux compétences linguistico-culturelles qui se trouvent au sein des approches pédagogiques plurielles.

Ces cours ont été conçus en lien avec trois cadres institutionnels : le référentiel de compétences des métiers du professorat et de l’éducation (MEN, 2013) pour la dimension de formation intiale au métier du professorat ; les programmes d’enseignement pour le primaire et le secondaire du Bulletin officiel no 31 du 30 juillet 2020 (MEN, 2020) en prévision de l’application pédagogique et didactique auprès des élèves à l’école ; le CARAP pour mettre les contenus en dialogique avec les approches plurielles. Le tableau 1 présente quelques extraits des trois documents de cadrage intégrés dans la conceptualisation des cours AF et IPI.

Tableau 1. Cadre institutionnel des cours d’options « Allophonie, francophonie » et « International, plurilinguisme, interculturalité » adapté des sources citées supra

Le référentiel de compétences des métiers du professorat et de l’éducation (MEN, 2013)
CC1. Faire partager les valeurs de la République.
CC4. Prendre en compte la diversité des élèves.
P3 : Construire, mettre en œuvre et animer des situations d’enseignement et d’apprentissage efficaces prenant en compte la diversité des élèves.
Les programmes d’enseignement pour le primaire et secondaire du Bulletin officiel no31 du 30 juillet 2020 (MEN, 2020)
« …développement de la compétence plurilingue des élèves… » (LVER en cycle 2, p. 22 MEN 2020)

« …apprentissage de comportements citoyens pour respecter les autres, refuser les discriminations, regarder avec bienveillance la prestation de camarades, développer de l’empathie… » (Croisement des enseignements en cycle 3, p. 59 MEN 2020)

« En outre, les ressources dont disposent élèves et professeurs ne se limitent pas aux langues enseignées : les langues de la maison, de la famille, de l’environnement ou du voisinage régional ont également leur place comme dans les cycles précédents, mais selon une démarche plus réflexive. » (LVER en cycle 4, p. 36 MEN 2020)
Le CARAP (Candelier & et al, 2001)
Les savoirs
K5 : Avoir des connaissances sur la diversité des langues, le multilinguisme et le plurilinguisme
K14 : Savoir que l’identité se construit, entre autres, en référence à une ou des appartenance(s) linguistique(s) et culturelle(s)
Les savoir-être
A3 : Curiosité et intérêt pour des langues, cultures, personnes « étrangères » en contextes pluriculturels, y compris la diversité linguistique et culturelle de l’environnement
A16 : Assumer une identité langagière propre
Les savoir-faire
S1 : Savoir observer et analyser des éléments linguistiques, des phénomènes culturels dans des langues et cultures plus ou moins familières
S6 : Savoir interagir en situation de contacts de langues et de cultures

Pour joindre ce cadrage aux perspectives théoriques, le projet collaboratif Langues de Picardie a été intégré aux cours. Il constitue un « volet réflexif sur la représentation de l’altérité » pour apporter « une connaissance empirique de la différence » (Nicolas & Stratilaki-Klein, 2018) à partir du contexte local et personnel de chacun des futurs étudiants. Les futurs étudiants sont positionnés à la fois comme enquêteurs-agents et sujets, en somme des acteurs dans un processus d’empowerment.

2. Le projet « Langues de Picardie »

Le projet « Langues de Picardie » s’est appliqué à travers les trois centres de l’Inspé d’Amiens, chacun avec des profils démographiques différents : Amiens, Beauvais et Laon. Les futurs enseignants de premier et de second degrés ayant choisi l’un des cours d’options (AF ou IPI) ont participé au projet sans être évalués. Une courte description du projet sera suivie d’une discussion théorique sur les dispositifs appliqués au sein du projet. Une démonstration du projet et des exemples de travaux des futurs enseignants seront donnés après la discussion théorique.

2.1 Description du projet « Langues de Picardie »

Au cours de l’année scolaire, les futurs enseignants ont participé aux deux axes du projet :

  • Axe 1 — Paysages linguistiques : enquêtes de terrain pour cueillir des traces photographiques et multilingues dans leurs quartiers, lors des déplacements au cours de l’année.
  • Axe 2 — Biographies langagières : réflexion à leurs biographies langagières pour aboutir à une visualisation langagière lors d’une séance de cours.

L’année commence par l’activité de paysages linguistiques. Pour y participer, les futurs enseignants photographient à l’aide d’un téléphone portable toute trace de langues autres que le français et les postent sur une carte en ligne hébergée par un site de travail collaboratif. Des informations sur le contexte et les langues visibles doivent accompagner les images. Toutes les langues autres que le français sont ciblées ; tout signe qui relève d’une expression langagière écrite ou éventuellement signée est admis ; les noms propres de personnes (sur les boites aux lettres par exemple) sont exclus ; les emprunts (même communs comme pizza, week-end) sont admis si le futur enseignant les remarque. Toute la démarche est terminée en quelques clics, sans inscription et selon une procédure déjà connue de la plupart des futurs enseignants.

Les biographies langagières sont faites au milieu de l’année. Un premier questionnaire sollicite les langues pratiquées, les langues connues, les langues de l’entourage du futur enseignant, ainsi que les langues de famille, même historiques, et les langues que le futur enseignant aimerait apprendre un jour. Ensuite, les futurs enseignants reçoivent papier, crayons de couleurs, peintures ; tout autre matériel apporté est le bienvenu. Une visualisation graphique est demandée qui prend en compte les langues sollicitées avec une seule contrainte : les couleurs doivent correspondre à une catégorisation des langues.

La carte des paysages linguistiques et les biographies sont hébergées sur le même site vitrine qui présente les langues de Picardie par cette double représentation. La division en deux axes permet d’explorer l’écart entre le domaine public du paysage multilingue et le domaine privé des pratiques langagières (agencement des domaines repris de Fishman, 1972). Cela revient à juxtaposer un domaine plus normé à un domaine moins normé pour faire paraitre une métalogique entre paroles (assimilé au domaine public, plus normé) et actes (relevant du domaine privé, moins normé). La modalité de travail est actionnelle incitant à incorporer des contextes culturels variés et en tension avec une base idéologique où la représentation dominante est monolingue et monoculturelle (Ager, 1999 ; Lüdi, 2012).

Les apprentissages ont été conçus par la pédagogie de projet où le formateur est en position d’accompagnateur et les apprenants en position d’agents, chargés d’identifier, de visualiser et de réfléchir à la diversité linguistique de leur propre contexte. Les expériences empiriques et les données sont produites par un processus heuristique et critique mené par les futurs enseignants. Au cours de l’année, des discussions ont eu lieu au fur et à mesure de l’arrivée des traces multilingues. Des analyses sont faites pour restituer les questionnements et les notions et pour rendre explicites des représentations variées. Le support numérique est familier et engage des compétences liées à la littératie multimodale au profit des apprentissages pluriels (Stille & Prasad, 2015).

Ce projet vise plusieurs objectifs de formation liés aux approches plurielles (adaptées du CARAP) détaillés dans le Tableau 2.

Tableau 2. Objectifs de formation du projet Langues de Picardie, adaptés du CARAP

Savoir
(i) Construire des connaissances sur la diversité des langues et des pratiques langagières et culturelles
(ii) Contextualiser ces connaissances en Picardie et à l’école
(iii) Comprendre des schémas de constructions identitaires
Savoir-être
(i) Me situer comme acteur à multiples pratiques langagières dans des milieux pluriels
(ii) Valoriser le multilinguisme des espaces publics et des répertoires langagiers (les miens en premier)
(iii) Ouvrir ma réflexion de praticien qui sera face à un public pluriel à l’école
Savoir-faire
(i) Analyser des faits de langues (contact de langues, innovations, variation interne du français)
(ii) Exprimer ma propre histoire et mes espoirs linguistico-culturels
(iii) Savoir interagir en situation de contact de langues
(iv) Développer une méthodologie d’enquête en interrogeant mon propre milieu

Au niveau de la formation professionnalisante des futurs enseignants, la construction des savoirs, savoir-être et savoir-faire susmentionnés aspire à deux ressorts au niveau de l’application auprès des élèves à l’école. Premièrement, sur le plan pédagogique, le futur enseignant est dans un processus de construction d’une attitude positive à l’égard de la pluralité, y compris la diversité des pratiques langagières, ce qui met en cause toute forme d’insécurité linguistique dépendant de la suprématie d’une norme imaginée et singulière. Ici, la construction d’une attitude positive se fonde sur l’implication personnelle du futur enseignant comme faisant partie de cette pluralité. Le cadre local du projet fait que cette pluralité est conçue comme un spectre à grain fin où l’hétérogénéité et l’homogénéité ne sont pas une simple polarité. Ainsi, le contexte de ces futurs enseignants en Picardie pèse toujours sur la place du picard, les pratiques actuelles et historiques liées au picard. Dans cette optique interculturelle, les futurs enseignants sont plus à même d’accueillir la pluralité de l’autre si leur propre pluralité est aussi conceptualisée. Deuxièmement, ce projet pose les bases d’une construction didactique à travers une approche plurielle. Les dispositifs du projet constituent des outils didactiques auxquels les futurs enseignants se forment en participant au projet. En répliquant ce projet avec les élèves à l’école, plusieurs fins disciplinaires sont possibles, par exemple en LVER ou en histoire-géographie. Ces dispositifs sont souples et facilement adaptables aux différents âges et besoins. Des exemples de projets didactiques sont décrits dans la section 2.4.

2.2 Le dispositif des paysages linguistiques

Le terme « paysage linguistique » est utilisé ici comme une traduction de linguistic landscape, un paradigme de recherche qui, pour une zone donnée, aborde « the use of language in its written form in the public sphere » (Gorter, 2006).5 De manière générale, l’étude porte sur les représentations visuelles des langues et conduit, par exemple, à une analyse des attitudes linguistiques, de la politique linguistique ou de la négociation entre les communautés de locuteurs, selon les objectifs de l’étude. Cette approche partage donc des objectifs avec la tradition de l’étude sur les lois, statuts et pratiques linguistiques aussi appelée « paysage linguistique », mais elle y parvient en visant les traces visuelles des langues en tant qu’observables.

Les dérivations des paysages linguistiques sont donc multiples. Les paysages peuvent être « urbains » (Bogatto & Hélot, 2010), « scolaires » (Krompák et al., 2021) ou encore « alimentaire » (Abas, 2019) entre autres. La méthodologie reste non codifiée et spécifique aux objectifs des études. La définition du paysage dépend du terrain visé, par exemple, les espaces communs des écoles, les quartiers commerciaux des villes ou encore l’itinéraire d’un bus. Les signes inclus peuvent être les productions non officielles/institutionnelles, les signes non graphiques ou encore un ensemble donné de langues. Les approches théoriques varient en conséquence. Pour Huebner (2006), les paysages linguistiques forment un cadre d’analyse des contacts des langues par une approche sociolinguistique formelle. Dans Cenoz & Gorter (2006), la minorisation des langues dans les environnements multilingues est examinée dans une perspective sociolinguistique que l’on pourrait qualifier de structuraliste. Dans l’étude de Bogatto & Hélot (2010), les paysages linguistiques sont emblématiques d’un espace public donné et pris comme symboliquement structurés par les créateurs des enseignes dans une approche sociologique.

Les objectifs des paysages linguistiques dans le projet Langues de Picardie sont sociolinguistiques avec un regard sur le discours symbolique des futurs enseignants tel qu’il est révélé par leur lecture des signes et par leurs choix de signes. Le projet permet aussi la documentation des langues présentes dans les espaces publics.6 La focalisation sur les langues visibles révèle des hiérarchies linguistiques en relation avec le français, langue étatique, et les langues invisibilisées comme le picard ou beaucoup de langues d’immigration. Cela rend explicites les discours existants et émergents sur l’utilisation des langues et confronte les attitudes linguistiques des futurs enseignants à une réalité multilingue complexe. Finalement, dans la formation des futurs enseignants, cela comporte une heuristique pour découvrir et comprendre le multilinguisme de son propre contexte.

Avant toute sortie en terrain, les notions ont été abordées par incitation lors d’une discussion de groupe menée par la formatrice. L’image de la Figure 1 est présentée aux futurs enseignants. Le dialogue présenté dans le Tableau 3 a suivi.

Figure 1. Trace multilingue à Amiens

Figure 1. Trace multilingue à Amiens

Tableau 3. Dialogue pendant la phase d’incitation lors du projet des paysages linguistiques

1) Phase d’observation (dénotationnelle) A. Résumé des réponses cueillies B. Résumé des réponses après intervention de la formatrice
i. Qu’est-ce que c’est comme texte ? i. Un enseigne de restauration rapide i. Un enseigne de restauration, mais à la recherche d’une certaine qualité
ii. Quelles langues voyons-nous ? ii. Inconnu, anglais ii. Inconnu, anglais
iii. Où est placée chaque langue ? iii. En grand, centré : la langue inconnue ; en dessous plus petit : anglais iii. En grand, centré : la langue inconnue ; en dessous plus petit : anglais
iv. Quels mots connaissez-vous ? iv. L’anglais iv. L’anglais
2) Phase de recherche A. Résumé des réponses cueillies B. Résumé des réponses après intervention de la formatrice
i. Traduction automatique : ONHA i. ? nhà = à la maison en vietnamien i. ? nhà = à la maison en vietnamien
ii. Anglais = vietnam street-food ii. = nourriture de rue vietnamienne ii. = nourriture de rue vietnamienne
iii. Quelle est la place du vietnamien en France ? iii. une langue d’immigration à partir de la colonisation iii. Population actuelle estimée à 320 000 ; présence du vietnamien depuis le début de la colonisation (1887).
3) Phase d’analyse (connotation) A. Résumé des réponses cueillies B. Résumé des réponses après intervention de la formatrice
i. Pourquoi ces langues sont utilisées ? i. L’anglais est la langue internationale ; besoin de communiquer au plus grand nombre de clients. Le vietnamien parce que la cuisine est vietnamienne. ONHA est écrit comme ça pour être plus facile à lire. i. Choix de mots « cachés » pour les rendre faciles pour un francophone, gardant un « exotisme » plausible.
ii. Pourquoi pas le français ? ii. L’anglais est plus fréquent dans une zone de la ville avec des étrangers. Peut-être les propriétaires ne parlent pas français. ii. Pour invoquer une vision de cuisine nouvelle venant des É-U.
iii. Quel est le rapport entre les langues ? iii. Le mot ONHA est très grand et au centre. L’anglais en plus petit. iii. Les langues sont agencées comme titre puis sous-titre explicatif en termes compréhensibles pour francophone « initié » à une culture internationale, ni américaine, ni vietnamienne, ni française.
4) Phase de contextualisation (analyse intertextuelle) A. Résumé des réponses cueillies B. Résumé des réponses après intervention de la formatrice
i. Comparaison avec des photos de restaurants italiens en France où tout est écrit en italien, sans autre langue. Quelles différences ? Pour quelles raisons ? i. C’est parce que nous sommes plus proche de la culture italienne ; l’Italie est plus proche géographiquement. Les caractères vietnamiens ne sont pas lisibles par nous les Français. i. Transparence entre langues apparentées, mais aussi représentation d’« italianité » comme proche, de partage d’une aire commune à une échelle plus large, malgré un passé colonial avec le Vietnam. À l’aide de l’anglais, la « vietnaméité » est revue ici à travers un prisme américain = modernité, une autre vietnaméité, plus « acceptable/accessible » moins loin

Le rapprochement entre les réponses des futurs enseignants (colonne A) et les réponses attendues (colonne B) se fait à partir de questions posées par la formatrice. À la phase 3, les réponses A.i et A.ii sur la place de l’anglais témoignent d’une analyse fonctionnelle de l’usage des langues, à partir de laquelle la présence des langues dans l’espace public (notamment l’anglais) serait motivée par des raisons « naturelles », c’est-à-dire que la règle du plus grand nombre l’emporte de façon démocratique et automatique. Pour arriver à une réflexion critique de la place de l’anglais, la formatrice propose une recherche d’informations : quelle est la langue la plus parlée en France après le français ? Un futur enseignant trouve la réponse recherchée : l’arabe est la deuxième langue la plus parlée en France. En suivant la logique fonctionnelle, pourquoi donc l’enseigne de ce restaurant n’est-elle pas en arabe ? La question de la formatrice est contrée par un futur enseignant, pris dans la discussion : mais l’anglais reste la langue la plus comprise internationalement. Un autre futur enseignant réplique : mais nous sommes à Amiens et non pas à Paris. Il n’y a pas tant d’étrangers que ça. En raison de l’absence de l’arabe, une discussion s’ensuit entre les futurs enseignants sur les images négatives de l’arabe véhiculées dans les médias ou par les responsables politiques en France (Hélot & Ó Laoire, 2011, p. xvii) et sur la volonté politique mais aussi culturelle de l’usage de l’anglais, vu comme « moderne », « jeune » et « cool ». La formatrice intervient pour relever la place de l’emprunt « food » en français. Pourquoi « Vietnam street-food » et non pas « nourriture de rue vietnamienne » ? Cette dernière traduction sollicite des grimaces. Le groupe arrive ensuite à expliciter que les concepts de « food » et « street-food » font référence à une forme de restauration rapide vue comme plus acceptable, plus attirante, de meilleure qualité. La réponse B.ii est ainsi explicitée.

Une partie de 3A.i et ii porte sur l’usage de l’anglais par les propriétaires du restaurant, imaginés comme vietnamiens ou vietnamophones, les deux notions formant une image amalgamée. La réponse recueillie indique une représentation déficitaire d’une personne imaginée comme locutrice du vietnamien et donc objet de bilinguisme soustractif par lequel la pratique d’une langue (minorée) exclut l’usage convenable d’une autre (ici le français). Le choix de l’anglais est donc vu comme étant fait dans la contrainte et non par maitrise des codes culturels. Après la discussion sur la connotation de l’anglais, les choix des propriétaires du restaurant sont situés comme des choix complexes et révélateurs de la maitrise de différents codes et langues.

Quant à la place du vietnamien, la stylisation de la phrase ở nhà en ONHA est analysée comme étant motivée par la lisibilité pour un public non vietnamophone. La réponse dans 4A.i est basée sur l’hypothèse que le vietnamien s’écrirait avec des caractères, une supposition erronée rapidement corrigée. La formatrice pose une question pour développer l’analyse motivée par la lisibilité : à votre avis, quel effet cela fait pour les locuteurs du vietnamien de voir cette enseigne ? Le groupe classe est invité à se placer dans une position semblable : si vous étiez à l’étranger, qu’est-ce que cela vous ferait de voir une enseigne de restaurant qui s’appellerait par exemple « chémoi », un mot sans sens mais qui sonne « français » pour les locaux ? Une comparaison de situations semblables lors de voyages à l’étranger s’ensuit. Le groupe s’accorde sur le fait qu’il s’agit d’un signal « entre nous » qui montre alors qui n’est pas dans l’intra-groupe sans pour autant rendre impossible un certain accès à ceux qui sont en dehors du groupe. La réponse 3B.i est finalement explicitée.

La phase de recherche d’informations dure le reste de l’année et s’appuie sur les traces multilingues collectées par les futurs enseignants et positionnées sur une carte collaborative en ligne (voir Figure 2). Au cours de l’année, des discussions semblables à celle du Tableau 3 ont lieu à partir des images rajoutées par les futurs enseignants dans les trois centres de l’Inspé. La portée des analyses devient plus distanciée et plus critique au fur et à mesure. La saillance des emprunts est aussi devenue de plus en plus marquée, ce qui a donné lieu à plusieurs discussions sur la lexicalisation des emprunts. De plus, se développe chez plusieurs futurs enseignants un certain intérêt pour les ajouts des autres non négligeable dans la conceptualisation d’une identité locale.

Figure 2. La carte interactive des paysages linguistiques

Figure 2. La carte interactive des paysages linguistiques

Source : Bien Dobui

2.2 Le dispositif des biographies langagières

Les biographies langagières sont des représentations réflexives écrites et/ou dessinées, produites par des sujets dans un processus de mise en discours de pratiques langagières variées (Busch et al., 2006 ; Molinié, 2011). Les productions relèvent des vécus personnels et pluriels, portant sur : « histoire migratoire, trajectoire scolaire, héritages socio-historiques, formes variées de mobilités sociales, professionnelles et culturelles » (Molinié, 2011, p. 10). Dans le projet Langues de Picardie, ces biographies sont positionnées comme celles des habitants d’un territoire commun et multilingue, représenté collectivement par les paysages linguistiques vus dans la partie 2.2.

L’activité a lieu à mi-parcours du cours d’option. Elle se divise en trois parties. D’abord, deux exemples permettent de comprendre la notion de « répertoire langagier » ou les ressources linguistiques plurielles qui sont mobilisables par une personne donnée. Une vidéo d’histoire orale est visionnée et des exemples venant de projets passés sont aussi observés.7

Puis, un questionnaire individuel (adapté de Carrasco Perea & Piccardo, 2009 ; Huber-Kriegler, p.d.) recense les langues pratiquées par le futur enseignant, celles de sa famille, actuellement et historiquement, celles d’un entourage et/ou de fréquentation donnée et enfin celles d’un avenir imaginé. La notion de « langue pratiquée » est décrite en amont en lien avec les activités de communication langagière telles qu’elles sont énumérées par le CECRL (Cadre européen commun de référence pour les langues), déjà connues de la plupart des futurs enseignants.

En troisième partie, les futurs enseignants doivent « visualiser » leur biographie langagière à l’aide de matériels artistiques. La consigne est de réfléchir à un code couleur en lien avec les langues et/ou pratiques et d’écrire un texte explicatif à partir de la visualisation. À part ces deux contraintes, ils sont libres de concevoir leur biographie à leur guise.

Certains futurs enseignants ont suivi des modèles déjà élaborés dans la littérature et vus en classe. La Figure 3 montre un exemple du modèle de la silhouette du corps (Krumm & Jenkins, 2001 ; Prasad, 2014 ; Busch, 2018), dans lequel le futur enseignant représente ses pratiques de langues comme incarnées dans le corps.

Figure 3. Visualisation et extrait de biographie langagière étudiant.e MEEF_B54 (2021)

Figure 3. Visualisation et extrait de biographie langagière étudiant.e MEEF_B54 (2021)

Les zones du corps distinguées correspondent aux membres et articulations, au cœur et au ventre. Ces zones ont des charges fonctionelles mais figurées : l’allemand… me pesait un peu (d’où l’emplacement sur les épaules)… le chinois est très peu présent… cependant… je l’ai sous le coude. Une place centrale est accordée à une langue définie comme deuxième, que l’on comprend comme arrivant après le français sa langue maternelle. Ces deux langues sont représentées par des tons bleus, une couleur considérée comme vive et joyeuse.

D’autres futurs enseignants ont créé de nouveaux modèles. Dans la Figure 4, le futur enseignant se représente ses pratiques de langues à travers le système solaire.

Figure 4. Visualisation et extrait de biographie langagière étudiant.e MEEF_B17 (2021)

Figure 4. Visualisation et extrait de biographie langagière étudiant.e MEEF_B17 (2021)

Dans ce répertoire langagier, représenté comme un système, les autres langues sont des planètes-mondes tournant autour de l’étoile soleil qui représente à la fois le français et son « moi ». La proximité et la taille des planètes sont des éléments signifiants. Le chti ou le picard est représenté par Mercure, la plus petite mais la plus proche du centre « natif » de ma langue maternelle et de moi. L’espagnol, la langue de travail de ce futur enseignant, est représenté par Jupiter, la plus grosse planète, néanmoins loin de lui et de son centre « maternel ». La distance indique la proximité du domaine affectif : le chti est employé avec d’abord ses grand-parents, puis avec sa famille immédiate, mais jamais en société. L’espagnol par contre, est une langue lointaine, apprise en situation scolaire avec une visée professionnelle et une maitrise normée. Cette biographie est une des rares à représenter le picard alors que les questionnaires indiquent plus de compétences ou de liens familiaux avec la langue.

Une phase finale de restitution se fait en trois parties et sur plusieurs séances. Immédiatement après l’élaboration de la visualisation de la biographie langagière, les futurs enseignants présentent leurs biographies en binôme. Lors de la séance suivante, les biographies de différents groupes sont consultées sur le site vitrine et des analyses sont faites sur une biographie choisie. Les analyses sont de même nature que celles présentées ci-dessus. Une discussion avec l’ensemble du groupe suit ces analyses.

2.3 Didactisation dans les écoles et prolongements

À la fin de l’année, une réflexion est menée sur les didactisations possibles des deux dispositifs auprès des élèves dans les écoles comme deux parties d’un seul projet. Des exemples issus de projets de recherche-action existants8 sont utilisés pour inspirer et étendre la réflexion. Des objectifs d’apprentissage venant des programmes officiels sont intégrés. Ainsi, les projets sont imaginés par les futurs enseignants pour une application en lien avec un public possible dans le contexte de la classe « ordinaire » qui regroupe tous les élèves y compris ceux des dispositifs à besoins particuliers. Deux exemples sont décrits ci-dessous :

  • L’écologie et le développement durable. Les paysages linguistiques concernent les traces de toutes les langues (y compris le français), collectées lors de promenades dans un bois par exemple, afin de relever les problèmes liés à la pollution ou à la protection des espèces et des zones naturelles. Les traces sont rapportées et accrochées sur une affiche représentant un bois. La présence/absence de multilinguisme est analysée et rectifiée par l’ajout de panneaux dans d’autres langues (dont celles de la classe) pour réfléchir à la diversité comme valeur générale. Les biographies langagières se font à partir des représentations d’une nature non polluée et idéalisée, par exemple, un arbre, une rivière, afin d’imaginer une écologie saine. Les biographies sont rattachées à l’affiche.9
  • La géographie et les grandes villes du monde. Les paysages linguistiques sont visités virtuellement en ligne. À la manière d’une chasse aux trésors, les élèves trouvent les types de traces multilingues préétablies (noms de restaurant, noms des rues, etc.). Les traces sont accrochées à une carte du monde, puis étudiées pour comprendre le multilinguisme comme norme dans le monde. Les biographies langagières se présentent sous la forme d’un « passeport plurilingue » : les élèves inscrivent leurs langues par compétence, en mélangeant les langues sur chaque page : je parle, j’entends, je peux lire, j’aimerais connaitre, etc. Les passeports sont accrochés autour de la carte. Une carte postale peut être créée pour écrire un voyage imaginé dans un endroit où toutes mes langues sont présentes : quand j’arrive sur place, j’entends langue X et je réponds en Y. Je vais pouvoir lire en Z. etc.

L’élaboration des projets est la concrétisation des objectifs des cours de spécialisation AF et IPI. Elle est rendue possible par la pédagogie de projet au cœur de Langues de Picardie et son objectif principal : l’empowerment des futurs enseignants dans la prise de conscience des valeurs plurielles. Cette agentivisation se réalise par la traduction des prescrits des textes officiels en France à travers le modèle de Langues de Picardie.

Les deux dispositifs qui comportent Langues de Picardie font l’objet de nombreuses enquêtes, mais toujours comme des applications séparées. Le projet Langues de Picardie les associe pour mettre en interaction deux dimensions théorisées comme constitutives de la diversité linguistique pour emmener à une compréhension plus holistique. Au niveau de la formation de futurs enseignants, cette image à deux faces est constituée de découvertes et de représentations propres au groupe et à l’individu, une véritable invitation à s’approprier de cette image plus complexe et plus complète.

2.4 Les enquêtes en amont et en aval

Une enquête qualitative à petite échelle a été menée pour évaluer l’impact du projet, inséparable du contenu des cours d’options (voir les Tableaux 1 et 2 pour les objectifs). En amont, les futurs enseignants ont été interrogés par questionnaire anonyme sur leurs connaissances et leurs attitudes ou croyances en lien avec les langues et les cultures. Trente et un futurs enseignants en première année du parcours du premier degré dans les centres d’Amiens et de Beauvais ont répondu.

Le questionnaire se divise en deux parties (cf. les annexes pour le questionnaire dans son intégralité) : « Attitudes et connaissances générales envers l’hétérogénéité linguistique/culturelle » et « Attitudes et connaissances sur les liens entre les langues/cultures et l’école ». Le terme « hétérogénéité linguistique/culturelle » a été pensé pour contourner la vision institutionnelle positive véhiculée par le mot « plurilinguisme », mais qui concerne encore largement les langues nationales européennes. Un mélange de types de questions (ouvertes, à choix multiples, à base d’échelle de Likert, ou encore de type « vrai ou faux ») permet de solliciter des informations différentes, mais aussi de faire émerger des discours liés aux attitudes et aux croyances sur les langues et les cultures.

En aval, tous les futurs enseignants se sont auto-évalués en se servant du CARAP et en le croisant avec le Référentiel des compétences du métier par un écrit réflexif. Cette évaluation finale était obligatoire. Les consignes sont données dans la Figure 5.

Figure 5. Consignes données aux futurs enseignants pour l’auto-évaluation finale

Figure 5. Consignes données aux futurs enseignants pour l’auto-évaluation finale

Le choix d’une évaluation ex-post sous une forme réflexive et discursive a été pensé pour donner aux futurs enseignants l’occasion d’élaborer leur réflexion autour des approches plurielles. L’éveil aux valeurs plurielles étant un processus dynamique et non un état statique dans lequel un sujet se fige une fois « formé », un deuxième questionnaire n’aurait pas été suffisant pour capturer les réflexions en cours de ces futurs enseignants.

En somme, les étudiants sondés en amont ont une vision majoritairement positive de la diversité des langues et des cultures à l’école mais manquent de savoir et de savoir-faire sur les langues et l’école. Ils ignorent l’étendu de la diversité des langues dans le monde et en France et sont notamment divisés sur la possibilité de parler la langue familiale de l’élève à l’école (par l’élève et par l’enseignant) et de se servir de la langue familiale comme modèle didactique pour enseigner. En fin d’année, on note une prise de conscience de la diversité des langues localement et dans le monde ainsi que de l’hétérogénéité des pratiques langagières. Une prise de distance réflexive est remarquée dans les écrits d’auto-évaluation avec un début d’application des pratiques lors des stages effectués dans les écoles, relevant des compétences linguistico-culturelles. Cela indique des attitudes non déficitaires à l’égard des pratiques plurielles et cela est dû à une inscription dans un paradigme socio-constructiviste des pratiques d’enseignant face à la diversité.

3. Discussion

L’impact global de la formation des cours de spécialisation n’est que partiellement porté par le projet Langues de Picardie. Les effets restent qualitatifs mais répondent aux recommandations théoriques pour une formation aux approches plurielles. Comme nous avons vu précédemment (section 1.2), l’adoption réussie des approches plurielles par des enseignants peut dépendre de représentations, croyances, et savoirs déjà en place (Maillard-de la Corte Gomez, 2013), de la découverte empirique du multilinguisme (Nicolas & Stratilaki-Klein, 2018), des représentations socio-constructivistes du métier d’enseignant (Audras & Leclaire, 2013) et ces éléments doivent être abordées lors de la formation, ce qui pourrait aider à l’adoption des finalités (Candelier, 2003).

Par Langues de Picardie, les représentations et croyances déjà en place ont été explicitées et mises en discours notamment lors de l’élaboration et de l’analyse des biographies langagières et des analyses des paysages linguistiques. La découverte du multilinguisme et du plurilinguisme s’est faite à travers une enquête emprique où les futurs enseignants sont centrés comme acteurs. Le contexte pluriel découvert comme partagé avec un public écolier est visible lors de l’évaluation ex-post, où la contextualisation socioculturelle de l’espace de la classe apparait comme le signe d’un positionnement socio-constructiviste du rôle de l’enseignant.

Face à cette expérience empirique, les réflexions menées dans le cadre des évaluations ex-post montrent aussi un changement du rapport au rôle de l’enseignant en lien avec son environnement. Hélot & Ó Laoire (2011) évoquent les notions d’« agent » et d’« écologie » comme essentielles pour optimiser une classe multilingue, vers ce qu’elles appellent une « pédagogie du possible ». Cette optimisation est décrite comme le fait de repenser de façon critique son rapport au multilinguisme présent au sein d’une classe et de pouvoir y apporter des réponses en lien direct avec ce contexte de façon horizontale en se libérant des exigences du haut vers le bas. Les particularités de chaque classe et du champ d’action de l’enseignant présentent ainsi des possibilités et non des obstacles.

L’engagement des futurs enseignants dans une démarche ancrée dans un territoire déjà familier souligne l’intérêt d’une observation proche pour la possibilité de (re)découvrir non seulement un espace mais de l’observer comme une écologie dynamique. Dans cette écologie, le futur enseignant construit ses pratiques en lien avec sa classe multilingue et multiculturelle à partir de ses propres observations grâce auxquelles il s’ouvre aux possibles. Ce processus que l’on peut caractériser comme un processus d’empowerment voit le futur enseignant se positionner non seulement comme un agent mais un agent à l’identité plurielle qui fait partie de la même écologie multilingue que le public écolier.

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Appendix

Questionnaire sur les langues et cultures

Ces informations sont collectées de façon anonyme auprès des étudiants en MEEF. Les réponses serviront à une réflexion scientifique et pédagogique autour de la formation MEEF.

A. Attitudes et connaissances générales envers l’hétérogénéité linguistique/culturelle

  1. L’hétérogénéité linguistique et culturelle (encerclez la réponse valable) :
    • est une difficulté sociale à surmonter / n’est ni obstacle, ni richesse, c’est une réalité contemporaine / est une richesse / autre : [Préciser]
    • n’existe pas en France / existe en France mais très peu / est assez commun en France
  2. Combien de langues sont parlées :
    • Dans le monde : [Réponse]
    • En France : [Réponse]
  3. Vrai ou faux ?
    • À l’école en France, un élève a le droit de suivre tout son enseignement dans une langue autre que le français.
    • À la radio, dans les publicités, à la télévision, le français doit être employé au moins 50 % du temps
    • La France est un des pays avec le plus de langues parlées en Europe.
  4. Quelle est votre définition de « bilinguisme »?
  5. Le bilinguisme est : très rare dans le monde / n’est pas rare dans le monde
  6. Le bilinguisme est : très rare en France / n’est pas rare en France
  7. Est-ce qu’une ou plus de ces phrases est vrai pour vous ? Barrez-la ou les phrases qui ne sont pas vraies pour vous. Je considère que certaines langues :
    • sont moins belles que d’autres. Lesquelles et pourquoi ?
    • sont plus exotiques que d’autres. Lesquelles et pourquoi ?
    • sont plus logiques que d’autres. Lesquelles et pourquoi ?
    • sont plus utiles que d’autres. Lesquelles et pourquoi ?
    • Aucune de ces phrases ne décrit ma pensée.
  8. Parler plusieurs langues est (encerclez les réponses valables) :
    • un avantage / désavantage cognitif
    • un avantage / désavantage économique
    • un avantage / désavantage social
  9. Avoir un accent en français est signe de (encerclez les réponses valables) :
    • manque de maitrise du français
    • appartenance à une classe sociale défavorisée
    • communautarisme
    • maitrise d’une autre langue
    • manque d’éducation
    • origines géographiques différentes en France ou un autre pays francophone
    • autre : [Préciser]
  10. Mélanger plusieurs langues dans une phrase est signe de (encerclez les réponses valables) :
    • manque de maitrise d’au moins une des deux langues
    • manque d’éducation
    • maitrise/ aisance en plusieurs langues
    • confusion entre deux langues
    • autre : [Préciser]
  11. Une langue (par exemple comme le français) devrait (encerclez les réponses valables) :
    • ne pas emprunter des mots d’autres langues
    • rester fidèle à comment elle a été parlée dans le passé
    • avoir une seule façon d’être parlée
    • être parlée comme elle est écrite
    • être obligatoirement parlée par tout le monde dans le pays donné
    • Aucune de ces phrases reflète ma pensée.

B. Liens langues/cultures et enseignements

À quel niveau d’importance mettriez-vous (1 le moins d’importance à 5 le plus d’importance) :

  1. les langues parlées à la maison dans la scolarité d’un élève ? 1 – 2 – 3 – 4 – 5
  2. la formation à l’interculturalité des futurs enseignants ? 1 – 2 – 3 – 4 – 5
  3. la communication entre les parents et l’école autour de l’histoire des enfants migrants ? 1 – 2 – 3 – 4 – 5
  4. la prise en compte par l’enseignant des cultures différentes des élèves ? 1 – 2 – 3 – 4 – 5

Quel rôle auraient :

  1. les cultures et langues parlées à la maison dans les enseignements ?
    • Aucun
    • Elles peuvent être mentionnées de façon occasionnelle
    • Mentionnées régulièrement mais sans faire objet des enseignements
    • Elles font objet des enseignements en lien avec les disciplines pertinentes (quels enseignements en particulier ?)
    • Autre : [Préciser]
  2. les cultures et langues de la maison dans la culture de l’école ?
    • Aucun, elles doivent être laissées à la maison pour ne pas créer des difficultés à la culture de l’école
    • Un rôle symbolique, elles peuvent faire partie de la culture de l’école à titre décoratif (images ou affiches dans les parties communes)
    • Un rôle intégrant, elles peuvent être l’objet de fêtes d’école, de projet d’établissement, etc.
    • Autre : [Préciser]
  3. les cultures et langues de la maison dans la formation des enseignants ?
    • Aucun, cela n’est pas pertinent à la formation des enseignants
    • Un module dans un cours suffit pour la formation interculturelle
    • Un cours entier peut être dédié à la formation interculturelle
    • Autre : [Préciser]

Vrai ou faux :

  1. À l’école, les élèves ont le droit de parler une langue différente que la ou les langues de scolarisation entre eux. V / F
  2. Un.e enseignant.e qui parle une autre langue que la ou les langues de scolarisation peut s’en servir dans le cas d’une communication avec les familles qui partagent la même langue. V / F
  3. Un.e enseignant.e qui parle une autre langue que la ou les langues de scolarisation peut s’en servir pour communiquer avec un élève en classe. V / F
  4. Des parents qui parlent d’autres langues peuvent venir en classe pour partager leurs savoirs. V / F
  5. Les langues de la maison peuvent servir de modèles pour enseigner les langues de l’école. V / F

Notes

1 En dehors de nombreuses applications de recherche-action ponctuelles, par exemple : Behra, Macaire & Normand (2011), Hélot & Stevenato (2020) ou encore Jeannin (2021). Return to text

2 Voir la dépêche reproduite de la revue spécialisée AEF INFO : « Avec la réforme du master MEEF, la mobilité internationale des étudiants va se développer (Université d’été des Inspé) » du vendredi 18 juin 2021, sans auteur. https://www.reseau-inspe.fr/avec-la-reforme-du-master-meef-la-mobilite-internationale-des-etudiants-va-se-developper-universite-dete-des-inspe/. Return to text

3 Le site vitrine de Langues de Picardie : https://sites.google.com/view/languesdepicardie/home?authuser=1 Return to text

4 Cf. https://carap.ecml.at/ Return to text

5 Voir par exemple le projet Locall : https://locallproject.eu/theproject/ Return to text

6 À notre connaissance, ceci comportera la première étude sur les paysages linguistiques en Picardie, contribuant à une riche littérature sur les pratiques linguistiques de cette région, par exemple, Blot et al. (2003), Martin (2014) ou encore Forlot & Martin (2014). Return to text

7 Par exemple : « Visualiser son répertoire langagier » d’ECML-CELV (https://maledive.ecml.at/Studymaterials/Individual/Visualisinglanguagerepertoires/tabid/3611/language/fr-FR/Default.aspx) ou « I am plurilingual » (Prasad, 2012-2014) https://www.iamplurilingual.com/ ou encore le jeu de la biographie langagière de Dulala (https://dulala.fr/jeux/). Return to text

8 Par exemple : Locall : https://locallproject.eu/theproject/ ; EOLE : http://eole.irdp.ch/eole/ ; ConBat+ : https://conbat.ecml.at/ ; Listiac : https://listiac.univ-montp3.fr/. Return to text

9 Cette méthode s’inspire des ateliers d’écriture menés en Amérique centrale lors du projet MamP porté par l’Institut universitaire de France de 2009-2014 (http://jll.smallcodes.com/home.page). Return to text

Illustrations

References

Electronic reference

Bien Dobui, « Construire les identités plurielles des futurs enseignants : le projet collaboratif « Langues de Picardie » en formation initiale », Didactique du FLES [Online], Hors-série 1 | 2023, Online since 20 juin 2023, connection on 06 décembre 2024. URL : https://www.ouvroir.fr/dfles/index.php?id=599

Author

Bien Dobui

Maitresse de conférences à l’université de Picardie Jules Verne à l’Inspé de Beauvais et Amiens en sciences du langage. Elle est également membre du comité scientifique de Dulala (D’une langue à l’autre).

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