Introduction
Notre contribution prend appui sur la recherche en didactique que nous menons dans le cadre de notre thèse de doctorat et porte sur la particularité de l’enseignement du français comme langue étrangère (FLE) en ligne dans le contexte chinois.
L’objet de notre réflexion consiste en une interrogation sur l’impact des pratiques des enseignants impliqués dans les préparations à la certification DELF B2 à travers l’adaptation du CECRL, le choix des outils et des méthodes privilégiées pour favoriser l’acquisition de la langue française par les apprenants.
Notre réflexion didactique critique interroge la contextualisation du CECRL dans le contexte chinois, la pertinence d’une adaptation des descripteurs du niveau B2 et l’intégration d’un système de certification remis en question par de nombreux chercheurs en didactique des langues.
Nous commencerons par la description du contexte chinois et nous enchainerons sur la mise en place d’un dispositif techno-pédagogique de formation à la certification impliquant une adaptation du CECRL. Nous présenterons ensuite les résultats d’une expérimentation et l’analyse critique qui en découle. Nous clôturerons avec des propositions didactiques liées aux problématiques des langues-cultures hors contexte européen.
L’année 2004 a été déclarée année sino-française au vu de l’accroissement de l’offre de formation en français à l’échelle nationale en Chine dans les établissements secondaires, supérieurs ainsi que dans les centres de formation privés (Zhuang & Tang, 2015). En 2016, lors de la mise en place du 13ème plan quinquennal sur l’informatisation éducative chinoise1, le ministère de l’Éducation a autorisé l’enseignement en ligne au profit de tous. Ainsi, l’enseignement à distance s’est développé grâce à l’exploitation de divers outils et la mise en œuvre de nouvelles méthodologies (Zhan, 2019).
Il est exigé que les enseignants de français qui postulent dans des établissements secondaires aient un master (Blanc-Vallat, 2016) ; toutefois, ceux qui interviennent dans l’enseignement supérieur doivent posséder un doctorat selon les critères de certaines institutions dans les grandes villes2. En parallèle, des centres de langues privés ou des Alliances Françaises recrutent des enseignants ayant obtenu au moins le master ainsi que des doctorants, en privilégiant ceux qui ont effectué une partie de leur cursus dans un pays francophone. Peu d’entreprises acceptent les licenciés. Les profils des enseignants renvoient à une variété de spécialités : science du langage, didactique des langues, traduction, littérature et même tourisme et gestion. Certains enseignants ne sont donc pas initiés au domaine de la didactique et, ceux qui reviennent en Chine après l’obtention d’un diplôme en didactique du FLE en France tentent de mettre en pratique les nouvelles méthodes et méthodologies apprises tout en éprouvant des difficultés à les contextualiser parce qu’ils ne parviennent pas à faire correspondre la formation acquise à l’étranger à la situation locale. Ainsi, certains choisissent de revenir, même partiellement vers des approches de l’enseignement qu’ils ont connues en tant qu’apprenant (Blanc-Vallat, 2016).
1. Le CECRL dans la formation des enseignants à l’université chinoise
Le CECRL, publié initialement en 2001 est, selon ses auteurs, un outil qui stimule « la réflexion sur les objectifs et les méthodes », « facilite la communication et fournit une base commune pour la conception de programmes, d’examens, de diplômes et de certificats ». Boiget (2016) soutient que le CECRL est favorable à une harmonisation de l’enseignement des langues vivantes et à la coopération entre les praticiens européens du fait de la description d’objectifs, de contenus et de méthodes. Ce document est défini comme non prescriptif et il y est précisé que les enseignants sont invités à adapter, raccourcir, simplifier les descripteurs au regard des contextes dans lesquels ils interviennent. Ils peuvent ainsi les combiner avec des objectifs de communication déjà existants (Conseil de l’Europe, 2021, p. 44).
S’interrogeant sur le degré de maitrise de l’outil, Sun (2018) a mené une enquête auprès de 100 enseignants chinois de français. La majorité (78 %) a déclaré avoir une certaine connaissance du CECRL. L’auteur annonce avoir constaté que les enseignants qui possèdent un master ou un doctorat connaissent proportionnellement mieux le CECRL que ceux qui n’ont pas encore obtenu ces diplômes. Les résultats montrent que seulement 6 % s’y réfèrent « souvent » et 1 % l’utilise « très souvent ». En ce qui concerne les raisons pour lesquelles les enseignants se reportent au CECRL, les enquêtés ont évoqué la construction des plans d’enseignement (50 %), la conception des activités en classe (65 %), les travaux de recherches (32 %) et l’évaluation des niveaux linguistiques de leurs apprenants (85 %). Cela renvoie à l’affirmation de Maurer et Puren (2019) qui considèrent que l’évaluation certificative est la seule visée, en réalité, par le CECRL.
Blanc-Vallat (2016) atteste que des séminaires, des conférences, etc. sont organisés dans le cadre de partenariats entre l’Ambassade de France en Chine et certaines Alliances françaises ou universités. De même, des intervenants extérieurs y sont invités à assurer des formations ponctuelles à visée didactique auprès des enseignants. En outre, les enseignants sont suivis par leurs responsables pédagogiques au sein de leur institution (universités, alliances françaises et centres privés) de façon individualisée ou de groupe. Toutes ces actions portent sur l’enseignement/apprentissage et l’évaluation en FLE.
Cependant, il n’est pas possible de considérer que le CECRL soit systématisé dans les dispositifs de formations chinois au supérieur. En effet, les étudiants spécialisés en études françaises doivent valider leur parcours par l’obtention d’un certificat intitulé Test national de Français comme Spécialité niveau 4 et 8 (TFS 4 et 8), à la fin de leurs deuxième et quatrième années du cursus universitaire. Dong (2012, p. 92) soutient que « comme la production orale n’est pas évaluée dans ce test » et que cette évaluation « s’intéresse peu à la pratique de la langue dans des contextes réels, on néglige plus ou moins les aspects pragmatiques et sociolinguistiques dans les compétences de communication ». De surcroit, les objectifs de cette formation diplômante ne prévoient pas l’acquisition d’aptitudes argumentatives par les apprenants. Cela tient du fait que les formations initiales sont très ciblées, spécialisées et que les interprètes ou traducteurs, par exemple, n’auraient pas besoin d’argumenter (Wang, 2011).
Selon Rosen (2010), la contextualisation du CECRL est une nécessité dans les contextes comme celui de la Chine, compte tenu des distances culturelle et géographique entre la France et la Chine. Elle est double, exigeant que le contexte chinois soit ajusté au CECRL mais aussi que celui-ci soit adapté au contexte. Mao et Huver (2015) considèrent aussi que le Cadre peut être adapté à d’autres contextes, notamment en Chine où le couple méthode chinoise-culture chinoise pourrait bénéficier d’ajustements malgré sa tradition millénaire.
Par conséquent, la politique linguistique, les spécificités de la certification dans le contexte chinois appellent une réflexion sur l’adaptation du CECRL notamment dans ses dimensions compétence à communiquer langagièrement, mise en œuvre, rôles respectifs des enseignants, des apprenants et des supports (Blanc-Vallat, 2016).
2. Le CECRL dans les institutions chinoises non gouvernementales (en présentiel/distanciel)
De manière générale, les descriptifs des offres de formation des Alliances Françaises et des entreprises de langues mentionnent que les dispositifs sont bâtis « sur l’exploitation de tout le potentiel des nouvelles technologies de l’information et de la communication » (Conseil de l’Europe, 2001, p. 11). Toutefois, Bachy et Liégeois (2013, p. 62), attestent que « les méthodes pédagogiques les plus utilisées proportionnellement aux autres sont les méthodes expositives ou transmissives » et que dans le cas de transposition en milieu numérique, les pratiques se limitent à la « gestion de la classe » et à la « diffusion » de connaissances (Guichon, 2012, p. 43). Cet état des lieux est confirmé par Lu (2020) et par une enquête des Nations Unies (2020) se rapportant à l’enseignement à distance, imposé par la pandémie.
Bien que le recours à des activités variées afin de bien stimuler les quatre compétences à développer chez l’apprenant soit au cœur du CECRL, Lee, Gu et Xu (2020, p. 70) constatent que « “la prise de parole”, “l’interaction en cours” ne sont jamais au centre de l’enseignement en Chine ». Des expériences récentes (Bouvier-Laffitte & Loiseau, 2015 ; Yang, 2019) révèlent que dans la classe de FLE en Chine, les interactions enseignants-apprenants sont provoquées et celles entre apprenants/apprenants demeurent rares.
Une de nos enquêtes réalisées en 2020 nous a permis de recueillir 211 réponses pour un questionnaire adressé à des apprenants universitaires chinois qui étudiaient dans des centres de langue ou des entreprises de formation chinois. Leurs réponses confirment que les compétences privilégiées par l’enseignant sont la grammaire et la conjugaison (68,72 %) alors que l’interaction en classe (27,49 %), l’interculturel (14,69 %) et l’autonomie (8,06 %) occupent moins de place.
Zhao (2018, p. 86) confirme que 86 % des étudiants interrogés « espèrent que l’enseignant apportera plus de connaissances en dehors des manuels utilisés ». Cependant, comme le notent Ximena et Romero (2019, paragr.19) les adoptions/adaptations du CECRL par certaines institutions « passe[nt] souvent inaperçu[es], sous les autres utilisations […] telles que l’évaluation, la création de matériel pédagogique ». D’ailleurs, Castellotti (2013, p. 79-80) confirme qu’il ne faut se contenter d’additionner les emprunts mais de « les réinterpréter en fonction des interrogations et des problématiques liées aux situations spécifiques » afin que les apports du CECRL apparaissent de manière plus évidente.
3. Interrogations sur l’adaptation du CECRL en Chine
Humeau (2012, p. 138) défend l’idée que l’intégration du CECRL en Chine ne peut avoir de sens que dans une optique de réforme du programme national de français. Il soutient que la perspective actionnelle « permet de toujours penser au moyen de rendre la langue d’apprentissage plus proche de la langue d’usage, et ainsi de favoriser l’intégration professionnelle des étudiants spécialisés en français en Chine ». Nous voulons bien l’admettre mais les critiques du CECRL, particulièrement celles publiées à la sortie des versions complémentaires (Maurer & Puren 2019 ; Martinez, 2020) appellent à réfléchir à ses orientations politiques, à ses fondements épistémologiques, théoriques et méthodologiques ainsi qu’au travail d’expertise visant « moins à améliorer le processus d’enseignement-apprentissage des langues qu’à mener une opération commerciale » (Antier, 2020, p. 28). Les critiques analysent les impacts de la logique standardisante et uniformisante sur les différents niveaux de réflexion et d’intervention en didactique des langues. Huver (2017, p. 4) affirme que « cette prévalence […] ne semble pas près de s’éteindre et menace même de s’amplifier, à la mesure de l’amplification visée de l’outil ». Elle remet aussi en question « la centration sur les descripteurs, couplée à la logique d’exhaustivité » (p. 10) et pointe le changement des « rapports géopolitiques tant à l’interne entre les pays européens, qu’à l’externe vis-à-vis des autres États ou groupements d’États (p. 15).
Nous nous demandons s’il est pertinent et profitable d’adapter le CECRL en Chine en intégrant un système de certification qui soulève des limites, des interrogations et des perplexités.
Nous réfléchissons, dans le cadre de notre propre recherche en didactique du FLE en Chine dans un établissement non-gouvernemental (en distanciel), sur les risques encourus à exploiter une instrumentalisation accusée d’être au service d’une politique diffusionniste et impérialiste masquée, sous couvert de contextualisation (Castellotti, Debono et Huver, 2017). De même, nous nous interrogeons sur notre position de chercheur dont le rôle « d’ingénieur » est décrié par Castellotti, Huver et Leconte (2017, p. 15). Nous ne pouvons pas nous contenter de répondre « aux commandes sans en interroger les fondements ni les enjeux [dans] une logique utilitariste qui constitue en soi une instrumentalisation de la recherche » (Huver, 2017, p. 37). Notre rôle d’enseignant, mais aussi d’utilisateur du CECRL exige un positionnement et ne devrait en aucun cas désavouer nos « responsabilités vis-à-vis de [nous-même], de [nos] valeurs et des autres par rapport à [nos] actions » (Ximena & Romero, 2019, paragr.10-11).
4. Terrain d’intervention de la recherche
Afin de justifier la mise en place d’un dispositif didactique contextualise, nous avons procédé à une analyse fine du contexte d’intervention (Narcy-Combes, 2014). Notre recherche a été menée au sein de l’entreprise de formation en langue française en ligne Farui, où nous sommes responsables de la préparation du DELF B2 pour des adultes chinois qui souhaitent intégrer une université en France.
5. Mesure de l’existant
En plus de l’enquête sur les pratiques enseignantes (voir 3.), nous avons choisi d’assister à des séances consacrées à la PO et PE pour une « prise d’information sur l’interaction entre plusieurs éléments du système didactique en action » (Comiti & Santos Farias, 2018, p. 4). Les auteurs attestent qu’il est possible d’effectuer un enregistrement audio ou vidéo de la séance en distanciel, mais il est recommandé aux observateurs de compléter le décryptage du matériel obtenu par enregistrement à l’aide d’une prise de notes qui prend en compte les différentes interactions et ce qui est écrit sur le tableau. Dejean-Thircuir, Guichon et Nicolaev (2010) affirment que le chercheur peut également tenir compte des tours de clavardage dans l’étude des séances observées. De son côté, He (2020, p. 44), ayant réalisé des observations sur CCTALK, stipule que « l’observateur peut se présenter en silence » sans fausser l’authenticité de l’interaction pédagogique recueillie (Cicurel, 2011).
L’objectif de l’observation de la classe virtuelle que nous avons menée était d’approfondir notre analyse des pratiques déclarées, constatées et attendues (Clanet & Talbot, 2012) et d’affiner les données externes à la classe que nous avons déjà réunies grâce aux questionnaires.
L’observation était double car nous nous intéressions aux apprenants mais aussi aux enseignants et à leurs pratiques, en nous basant sur une grille d’observation personnelle (voir Annexe A), conçue en combinant les propositions de Lee (2017) et Gaspard (2019). Notre but consistait à analyser les relations et les interactions entre le contexte, les pratiques enseignantes et les comportements des apprenants tout en adoptant une posture permettant d’éviter ou pour le moins de minimiser la subjectivité du chercheur. Nous avons observé les classes pendant une quinzaine d’heures, autrement dit sur toute la durée consacrée à la préparation de PO et PE.
Nous avons noté que les enseignantes ont exploité les grilles d’évaluation (PO/PE) du DELF B2. L’enseignante chargée des séances de PE a décomposé les critères « capacité à argumenter une prise de position » ainsi que « cohérence et cohésion » et a focalisé son discours sur les points méthodologiques, garantissant la réussite des épreuves : recherche d’arguments, stratégies argumentatives et pertinence des exemples… En plus, elle a fourni des listes de connecteurs et a proposé des activités de réinvestissement qui portaient sur la situation, le type de production demandée, la cohésion et la compétence lexicale. Concernant les séances de PO, l’enseignante a centré le travail en classe sur la sélection des informations, la planification et la méthodologie à suivre pour « présenter un point de vue en mettant en évidence des éléments significatifs et / ou des exemples pertinents ». Toutes les séances ont intégré un exposé théorique et des activités sur comment « confirmer et nuancer ses idées et ses opinions, apporter des précisions et défendre sa position ». L’enseignante a consacré du temps à la maitrise du « système phonologique », partant des interactions - quoique peu nombreuses — entre enseignant/apprenants.
Les deux enseignantes ont choisi des ressources publiées par France Education International ou d’autres sites de partage des épreuves du DELF et ont conçu leurs supports de cours sur Power Point. Mais, elles ont présenté aussi des exemples qui traitent de thématiques telles que l’amour, l’importance d’apprendre le français…, qui ne s’adaptent pas aux sujets du DELF B2. Elles ont cherché à faciliter la compréhension de concepts mais n’ont pas œuvré pour que chaque apprenant puisse à sa façon acquérir, intégrer et réutiliser les connaissances au moment voulu (Głowacka, 2012, p. 123).
De surcroit, les deux enseignantes observées ont reproduit le schéma interrogatif-informatif-évaluatif. Elles n’ont pas pris en considération l’importance de l’interaction entre les pairs (Nussbaum, 1999, p. 35 ; Cicurel, 2002, p. 23 ; Conseil de l’Europe, 2021, p. 94). La parole, la réflexion et la conceptualisation se structurent dans la classe à partir de leur questionnement alors que le temps consacré au questionnement large, ouvert, qui permet de faire réfléchir la classe, d’exploiter les questions des apprenants et de leur apprendre à apprendre en se posant d’autres questions (Altet & coll., 2014) est rare. Si nous considérons les données qualitatives dans l’espace « Chat », la communication existe, mais sans qu’il y ait de mise en place d’activités de médiation ou de négociation par l’enseignant (Ciekanski, 2019).
Nous avons noté que les deux enseignantes n’ont pas mis en place d’évaluations ni diagnostique (Conseil de l’Europe, 2001 ; Robillard & Sionneau, 2018), ni sommative (Bachy, Lebrun & Smidts, 2010). Mais, elles ont combiné l’agir collectif à la correction personnalisée, en analysant et en corrigeant les erreurs de leurs apprenants. Partant du postulat que la centration sur l’objectif principal des apprenants est de réussir le DELF B2 à court terme, la démarche privilégiée en classe néglige l’acquisition des moyens « qui permettent véritablement à l’apprenant de transférer son savoir dans des situations nouvelles, de se construire des compétences » (Altet & coll., 2014, p. 135). Ainsi, le contexte d’exercice, les spécificités de l’évaluation certificative, les contraintes institutionnelles et les exigences du processus administratif relevant de Campus France ont amené les deux enseignantes à s’adapter et à être plus ou moins efficaces.
6. Formalisation des niveaux de départ
Pour analyser les besoins du public, nous avons réalisé une évaluation diagnostique sur l’application chinoise Jingdaka3, un outil quantitatif utilisé par l’entreprise Farui uniquement pour l’évaluation des acquis. Nous nous sommes référée aux descripteurs qui « sont utilisés pour aider les enseignants et les évaluateurs à bâtir un programme structuré par tâches spécifiques » (Conseil de l’Europe, 2018, p. 44). Nous avons proposé des items pour les 4 compétences langagières correspondant au DELF B2, cherchant à obtenir un descriptif d’une situation à un moment donné » (Robert, 2012, p. 55) et à analyser les écarts entre les niveaux réels vs ressentis des apprenants.
À cause de contraintes institutionnelles, il n’était pas possible de proposer un DELF B2 complet, mais nous avons pris en compte plusieurs critères dans le choix des extraits et des items relativement aux habilités de réception. Nous avons cherché des ressources sur RFI et sur le site officiel de France Education International et avons considéré les focus langagiers, la nature de la compréhension et les typologies d’exercices.
La thématique choisie pour la CO se rapporte à l’alimentation et nous avons choisi un enregistrement audio intitulé « Les végétariens dans un Crous de l’université française ». En référence aux descripteurs du niveau B2 (Conseil de l’Europe, 2021, p. 52), il est attendu que les apprenants comprennent tout le discours produit par chaque étudiant interviewé et le reformulent en un laps de temps très court afin de pouvoir choisir la seule bonne réponse parmi les propositions données dans la consigne. Pour la CE, nous avons sélectionné un texte argumentatif traitant du bilinguisme. Pour répondre à l’une des consignes, l’apprenant est appelé à choisir « Vrai / Faux » en trouvant la (les) phrase(s) qui justifie(ent) sa réponse dans le texte (Conseil de l’Europe, 2021, p. 63).
Les épreuves de PE et PO ont été orientées vers la capacité à argumenter et à planifier (Conseil de l’Europe, 2021, p. 74). Nous avons demandé aux apprenants de présenter un plan détaillé d’une lettre de réclamation à adresser au maire et de convaincre leur interlocuteur de mettre en place une activité culturelle « Civil livre ». Pour réaliser la PO, ils ont été appelés à déposer un enregistrement où ils présentent le plan de leur intervention orale. Celle-ci consiste à exprimer leur opinion personnelle sur la thématique « le petit boulot d’été ».
La CO et la CE ont été corrigées automatiquement sur Jingdaka et nous avons analysé les réponses des apprenants en cherchant à déterminer le degré d’acquisition, les difficultés individuelles ou communes et éventuellement les pratiques inappropriées. Des erreurs récurrentes en CO ont été relevées chez notre public et nous avons noté leurs difficultés à comprendre les propositions de réponses étant donné que les items se caractérisent par une densité lexicale élevée et exigent de comprendre des énoncés reformulés. En CE, nous avons remarqué qu’un nombre d’apprenants avaient tendance à cocher correctement « Vrai /Faux » mais ne réussissaient pas à relever les phrases justificatives. D’autres ne comprenaient pas l’énoncé de la question et répondaient mal à l’une ou à l’autre partie de la question.
Nous avons noté et commenté les PE et PO déposées sur la plateforme Jingdaka et avons révélé la difficulté des apprenants à construire un plan car les productions sont peu développées intégrant un schéma de l’argumentation qui ne met pas en valeur l’analyse des arguments, les détails et les exemples concrets. Ils ont opté pour des organisateurs textuels qui établissent des liens plutôt d’ordre chronologique que logique. Des difficultés lexicales empêchent l’expression de leurs idées. En PO, nous avons remarqué de nombreuses hésitations. Aucun apprenant n’a su « nuancer ses idées et ses opinions, apporter des précisions » (Grille d’évaluation de PO /DELF B2).
Sur les 42 productions reçues, nous avons noté une variété de profils : une vingtaine d’apprenants du niveau B1/B1+ et une minorité du niveau B2. Ceux qui avaient le niveau A2+ se sont vu proposer un changement de formation mais ils tenaient à leur projet d’étude en France.
Nous avons finalement mené des entretiens afin de cibler les difficultés et les attentes des apprenants inscrits à notre formation. Les réponses des interviewés révèlent un certain nombre de difficultés ressenties : la CO est ainsi la plus difficile à réaliser par nos apprenants, la PO et la PE suivent en termes de complexité et la CE est la moins contraignante pour eux.
7. Proposition d’une formation intégrant la pédagogie active et les outils TIC
Les concepteurs du CECRL affirment que les enseignants sont amenés à contextualiser (Conseil de l’Europe, 2021, p. 44). De fait, nous avons choisi de nous appuyer sur les trois étapes suivantes, afin de construire notre adaptation :
- Étape 1 : il ne s’agit pas de déterminer un niveau global visé pour le cours mais de s’aligner sur les besoins du public qui doit valider une certification DELF B2.
- Étape 2 : il n’est pas pertinent de regrouper tous les descripteurs pour le niveau B2 mais de faire un tri et d’exploiter au mieux la pédagogie active et les outils TIC, ce qui permettra à l’apprenant de devenir l’acteur majeur dans son processus d’apprentissage.
- Étape 3 : il est question d’identifier les descripteurs pertinents, effacer les autres et réfléchir au moyen de les adapter au contexte, en prenant en considération la culture d’apprentissage typiquement chinoise.
Concernant la mise en œuvre, la formation a été prise en charge par un enseignant étranger, une assistante et nous-même. Elle s’est déroulée entre décembre 2020 et mars 2021. Deux représentants de l’entreprise suivaient de près la progression et les retours des apprenants sur WeChat4. Nous avons utilisé CCTALK pour notre classe virtuelle et PowerPoint en tant que support de cours de l’enseignant. En outre, WeChat nous a servi comme espace de communication et de travail collaboratif pour les apprenants. Potolia et Zourou (2019) considèrent que cela correspond au réseautage social intégré dans des scénarios pédagogiques qui se déroulent dans des contextes formels.
La conception de supports pour la CE et CO a impliqué l’équipe enseignante et les responsables pédagogiques de Farui dans un travail collaboratif de sélection, de création, puis de mise en application, ensuite de retour d’expérience et enfin de régulation. L’objectif principal de cette action et des échanges/confrontations qui la soutiennent était de faire adopter au public en formation les stratégies de lecture, de vérification et de repérage d’éléments lexicaux, grammaticaux, de références culturelles et de faciliter la compréhension de messages de la vie quotidienne, d’interventions d’une certaine longueur, ainsi que le relevé des détails fins, comme le stipule le CECRL (Conseil de l’Europe, 2001 ; 2018).
En CE, nous avons œuvré pour faire acquérir aux apprenants la capacité de repérage d’informations simples ou fines données ou suggérées par des QCM ou des questionnaires à réponses vides fermées ou ouvertes. Mais, nous nous sommes interrogée sur la pertinence de nos objectifs et du degré d’acquisition des compétences que l’apprenant mettrait à profit en situation authentique en arrivant en France. Premat et Simon (2010, p. 138) évoquent les surprises réservées « à celui ou celle qui pense, diplôme en poche, pouvoir affronter toutes les cultures linguistiques francophones ». Nous avons l’obligation de préparer notre public à une « évaluation certification de type testing » (Maurer & Puren, 2019, p. 198) qui ne « couvre qu’une partie infime de tous [les] enjeux » de l’évaluation et favorise une approche communicative de la langue. Mais, nous voulions que ce public puisse apprendre la langue et non pas uniquement apprendre à passer l’examen de langue. De fait, notre classe virtuelle a impliqué des interactions enseignant/ apprenants et apprenants/apprenants et a misé sur les échanges pour adopter les stratégies de lecture et de repérage transférables. Le fait que des stratégies de vérification de la compréhension soient suggérées par l’enseignant et les participants, qu’elles soient discutées et validées par le groupe, est un moyen d’outiller les apprenants et de les motiver à les mettre en œuvre dans d’autres situations.
Concernant la CO, Puren (2020, paragr. 7) écrit que « “l’évaluation sommative/certificative en intercompréhension réceptive de l’oral” demande encore […] à être approfondie ». Nous adhérons à cette affirmation car tous les items de la CO du DELF B2 « portent sur un repérage d’informations qui n’est ni motivé ni orienté par une action à réaliser » (paragr. 5). D’ailleurs, nous expliquons les difficultés de notre public relatives à la prise de notes au moment de l’écoute (Conseil de l’Europe, 2021, p. 111) par le fait que cette phase n’est pas signifiante pour eux parce qu’elle n’amène pas à la réalisation d’un produit authentique, concret, personnel, complet. Mangiante et Parpette (2011) mentionnent les problèmes linguistiques, méthodologiques, etc. rencontrés par des étudiants étrangers dans les universités françaises et ce malgré l’obtention de la certification DELF B2 attestant de leurs capacités communicatives en français général. Nous avons remarqué que les apprenants ont du mal à mémoriser en raison du débit, du lexique, des constructions, du nombre d’interlocuteurs et ont tendance-pour solliciter l’aide des pairs ou de l’enseignant — à recourir aux messages écrits via le clavardage. Pour les aider, il a fallu proposer la transcription de passages et montrer les chemins possibles pour effectuer les tâches en présentant des modèles de solution (décomposer, focaliser sur des passages de l’audio, chercher les indices, reformuler). De même, nous avons centré les activités hors-classe vers le travail individuel afin de déclencher le processus d’autonomisation car chaque apprenant est amené à mettre en œuvre ses propres stratégies en exploitant les ressources mises à sa disposition sur Wechat. Il s’agit de documents multimodaux qui traitent différents sujets d’actualité. En plus, nous avons encouragé notre public à partager des supports portant sur des problématiques qui les intéressent, qu’elles soient celles du DELF ou pas.
Nous nous sommes aussi arrêtée sur le descripteur du niveau B2 « peut en général interpréter correctement les indices culturels d’une culture donnée » (Conseil de l’Europe, 2021, p. 131). Béacco et coll. (2004, p. 22) affirment qu’inclure les dimensions culturelles « ne saurait servir à l’évaluation de telles compétences, dont on ignore si elles peuvent être mesurées et certifiées et dont on peut surtout se demander si elles doivent l’être ». Ainsi, les apprenants ont été incités à échanger pour comparer à la fois leur compréhension du monde et la différence entre la culture chinoise et la culture française : les questions posées avaient pour but de déclencher l’expression des représentations, le partage d’expérience et la réflexion.
Pour élaborer la partie de la formation consacrée à la production, nous avons dû prendre du recul par rapport aux descripteurs du niveau B2. Il est exigé, à l’oral, spontanéité, improvisation, détachement par rapport à la prise de notes, aisance, reformulation pour éviter des répétitions fréquentes, facilité d’expression remarquables, débit assez régulier et peu de longues pauses (Conseil de l’Europe, 2021, p. 148) ; et ce même si « des lacunes lexicales peuvent encore provoquer des hésitations et l’usage de périphrases » (p. 137). Toutefois, Anquetil (2010, p. 1) considère que la finalité du discours argumentatif, à savoir, modifier les représentations de l’interlocuteur par un discours convaincant dans une dynamique dialogique, n’est pas respectée, vu que le candidat est amené à monologuer, à poser « une problématique du débat social français présenté a priori comme universellement “d’actualité” » et à présenter un discours argumentatif « structuré “à la française” avec […] plan et transition entre des parties ».
Suivant Veltcheff et Hilton (2003) qui recommandent au concepteur de considérer les éléments implicites, socioculturels et la perception du monde que possède l’apprenant, nous avons relativisé le descripteur « peut développer méthodiquement une argumentation en mettant en évidence les points significatifs et les éléments pertinents » (Conseil de l’Europe, 2021, p. 68). En fait, le genre argumentatif (yìlùnwé) est intégré au parcours scolaire chinois sauf que l’argumentation n’« est pas animée par la quête d’une hypothétique vérité [elle est] orientée vers l’action, vers ce comportement exemplaire qu’on exhorte l’allocutaire à adopter » (Thominette, 2017, paragr.11). Les scripteurs « n’expriment pas directement leur point de vue dans les textes » (Aleksandrova & David, 2019, paragr.4) et ils sont autorisés à employer les métaphores et les expressions imagées sans guider le lecteur en multipliant les connecteurs pour lui laisser la possibilité de deviner le sens (Bi, 2016). Des critères rhétoriques — dont le plan et l’implication du scripteur - renvoient à la culture éducative chinoise et expliquent les difficultés des apprenants chinois à répondre à la consigne de PE du DELF B2. Nous avons aussi noté que notre public n’arrivait pas à gérer la complexité de la reformulation (Conseil de l’Europe, 2021, p. 144), ce qui les amènent à produire des textes mal structurés. Ils focalisent leur attention sur la formulation, les accords, les choix des temps et des modes grammaticaux. Cette surcharge cognitive fait qu’ils accordent moins d’attention à la cohérence et à la relecture de leur écrit.
Nous avons retenu de nos lectures que « faire parler la classe, c’est l’inscrire dans l’action collective » (Rispail, 2017, p. 38) et avons élaboré des activités de PO/PE selon le principe socio-constructiviste afin d’encourager le travail entre les pairs, de soutenir l’interaction et d’accompagner le public vers plus de réflexivité et d’autonomie. En décomposant les descripteurs du niveau B2 correspondant à « Transactions et coopération en ligne axées sur des objectifs » (Conseil de l’Europe, 2021, p. 93), nous avons pris soin de sortir du système unique questions/réponses pour favoriser une logique d’apprentissage collectif. Le travail à distance a amené les apprenants à mobiliser davantage leurs ressources métalinguistiques et les interactions ont impliqué de nombreuses négociations entre pairs et un souci de choisir les termes adéquats, les tournures diversifiées et les périphrases pour une meilleure qualité d’expression.
Dans notre conception pédagogique, l’évaluation est intégrée au processus d’apprentissage (Boissard, 2016) en tant qu’élément crucial afin d’identifier les besoins et d’ajuster l’enseignement en conséquence. Nous avons mis en place des évaluations interactives fréquentes (Grangeat, 2013 ; Bozhinova, 2016), sous forme de simulations de PO en sous-groupes où un apprenant présentait l’exposé réalisé avec ses co-équipiers et ces derniers jouaient le rôle du jury du DELF, posaient des questions et contre-argumentaient. Pour la PE, notre choix a porté sur des auto-évaluations et des évaluations par les pairs. Ainsi, les apprenants se corrigeaient et envoyaient par la suite leur production au groupe, composé de 4-5 apprenants sur WeChat. Les pairs reprenaient les textes, utilisaient des couleurs et ajoutaient des commentaires.
À l’issue de cette formation, une simulation de passation DELF B2 a été effectuée ayant pour ambition de fournir une mesure objective des acquis du public. La partie Réception a fait l’objet d’une auto-évaluation sur WeChat. Les corrigés proposés présentent un relevé des indices permettant aux apprenants de voir par eux-mêmes le degré de développement de leurs compétences, de réguler leur apprentissage, de comparer les indices et ceux qu’ils ont trouvés, de diversifier leurs stratégies et de se donner de nouveaux défis. Enfin, nous avons organisé un débat au cours duquel les apprenants ont fait part de leurs progrès et de leurs projets d’entrainement en autonomie. Le volet Production a impliqué la participation de l’enseignant étranger à qui les apprenants ont envoyé leurs productions écrites. L’épreuve orale a consisté en une simulation sur WeChat. Tous les apprenants ont reçu en retour des rétroactions personnalisées.
8. Évaluation de la formation
À la fin de la formation, nous avons publié un questionnaire de satisfaction sur l’application Wen Juan Xing5, afin de collecter les témoignages et les commentaires du public. De même, des réunions d’équipe ont été organisées pour discuter de la satisfaction institutionnelle.
8.1. Questionnaire de satisfaction adressé aux apprenants
Les questions posées ont porté sur les supports, les stratégies, les activités, l’impact de la pédagogie active, le tutorat, les acquis et d’éventuelles propositions d’amélioration. Nous avons cherché à vérifier si les apprenants avaient apprécié la nouvelle approche qui caractérisait le dispositif. Leur retour pourrait nous permettre de réguler l’offre de formation pour les sessions à venir.
À la question « Avez-vous révisé ce que vous avez appris en classe en achevant les devoirs sur la plateforme Jingdaka ? », nous avons relevé que 65 % des apprenants ont réalisé ces tâches. Cependant, les interactions à l’écrit et à l’oral sur CCTALK n’ont stimulé que 38 % des répondants et le taux de participation aux activités interactives avec les enseignants n’ont atteint que 42 % de l’effectif. Les réponses à la question « Avez-vous pris la parole devant vos camarades en classe ? » (voir Annexe B) ainsi que les justifications fournies par les apprenants indiquent que les éléments bloquants sont personnels (timidité, manque de confiance, représentations sur le niveau en langue).
Les questions « Pendant les interactions en groupe (exposé/débat), avez-vous réfléchi sur les règles grammaticales et discuté des méthodologies avec vos amis ? » et « Avant d’envoyer votre PE à votre enseignant(e), avez-vous réussi à vous relire et à reprendre votre texte ? », nous ont permis de recueillir des réponses majoritairement positives : pour la première question 15 % « beaucoup », 42 % « moyen », 19 % « un peu » et 19 % « pas du tout » et pour la seconde 23 % « toujours », 35 % « souvent », 35 % « rarement » et 7 % « jamais ». Les résultats annoncent à des degrés différents le déclenchement de la réflexion métacognitive sur les reprises effectuées sur le texte. Nous pensons que les corrections auxquelles ont été exposées les apprenants au cours de la formation ont favorisé leur processus d’acquisition en leur permettant de prendre conscience des écarts et des moyens de les surpasser (Bozhinova, Narcy-Combes & Zaouali, 2017).
Cependant, 8 % ont déclaré ne pas apprécié du tout de corriger les productions des pairs et 15 % ont choisi « un peu ». Ainsi, le déclenchement de conflits sociocognitifs qui font que ces moments de travail collaboratif soient synonymes de rencontres inter-individuelles cognitivement structurantes (Bullat-Koelliker, 2013) n’a pas été concluant, du moins pour quelques participants à la formation dont l’objectif initial est la certification et non l’apprentissage de la langue.
En général, les apprenants ont jugé la formation utile et adaptée à leurs attentes. Le degré de satisfaction est donné à voir par 19 % « très satisfait », 65 % « satisfait », 15 % « moyen » et 0 % « non satisfait ».
8.2. Satisfaction institutionnelle
Lors d’une réunion post-formation, nous avons été invitée à encadrer l’équipe pédagogique de Farui et à assurer le rôle d’accompagnateur. Nous soutenons, comme Verzat (2010), Lacourse et Moldoveanu (2011) que les compétences constituant le savoir-être des enseignants se construisent grâce à la confrontation avec d’autres acteurs du contexte d’intervention et se consolident par l’accompagnement qui guide les enseignants jusqu’à ce qu’ils réalisent leurs objectifs : devenir à la fois des praticiens réflexifs et des créateurs. Toutefois, notre action a suscité diverses réactions de la part des acteurs. Nous avons remarqué d’une part, une adhésion volontaire, d’autre part, une résistance au changement et enfin un manque d’implication, de motivation, d’autonomie et de réactivité.
9. Analyse des résultats du DELF B2
Le taux de réussite au DELF B2 qui s’est déroulé en mars 2021 a atteint 60 % (voir Annexes C et D). Les notes moyennes pour valider les compétences se présentent comme suit : 14,96 (PE), 14,74 (PO), 20,76 (CO), 20,88 (CE). En confrontant ces données révélatrices des difficultés réelles du public avec celles ressenties et annoncées avant la formation (CO > PO > PE > CE), nous observons une divergence (PO > PE > CO > CE). Les apprenants ayant obtenu des scores proches de la moyenne (50/100) sont ceux qui n’ont pas réussi la partie production. Cela s’expliquerait par la complexité des tâches de production, par leurs exigences en termes de créativité et du haut niveau de correction. Toutefois, nous penchons vers d’autres raisons, explicitées par les critiques du CECRL. Macaire (2018) évoque l’« homogénéisation des modalités d’évaluation des compétences acquises en langues-cultures » (paragr.29), l’harmonisation qui perd de vue l’apprenant « en tant qu’être humain dans son groupe de référence » (paragr. 25), la « dimension politique » du CECRL qui entre « dans le concert des actions européennes, menées pour peser sur le monde et la diplomatie internationale » (paragr. 18). Huver (2017, p. 10) renvoie à « la centration sur les descripteurs, couplée à la logique d’exhaustivité ». Lázár et coll. (2008) insistent sur le fait que l’aspect culturel ne doit pas être intégré dans les certifications destinées à des publics vivant dans des aires géographiques différentes.
10. Conclusion et préconisations
Notre recherche s’inscrit dans une orientation didactique qui fait que « les particularités des situations d’enseignement-apprentissage ne soient pas gommées » (Guernier, 2021, p. 28) et que les variations socioculturelles, contextuelles, etc. soient prises en considération.
Nous adhérons à l’assertion de Castellotti (2017, p. 35-36) qui affirme qu’« il n’a […] jamais été explicité de façon convaincante que les usages des langues seraient, de manière claire, de qualité supérieure lorsqu’on les a apprises au moyen d’une approche actionnelle […] plutôt qu’avec une méthode dite “traditionnelle” ». Nous rejoignons Pu (2011, p. 43) qui déclare que « les apprenants chinois ne maîtrisent pas une langue étrangère moins bien que les apprenants européens formés aux approches communicatives ». L’interprétation rétrospective de l’action terminée constitue pour nous une réflexion à posteriori liée à l’effort d’objectivation de notre travail de recherche. Elle nous engage à formuler un nombre de prescriptions portant sur la contextualisation du CECRL qui implique de repenser les évaluations certificatives. Macaire (2018) affirme que le Cadre amplifié annonce davantage de fermeture que d’ouverture en raison d’une standardisation « forcenée ». Nous considérons qu’il est temps de gérer l’hétérogénéité en établissant des partenariats entre la Commission nationale d’examens des langues étrangères, l’Association chinoise des professeurs de français et le Conseil de l’Europe pour créer d’autres modèles de certifications adaptées au contexte. En outre, nous portons un intérêt particulier à la formation de l’enseignant chinois réflexif en contexte. Hampel et Stickler (2015) décrivent les limites de la formation initiale des enseignants FLE et prônent une formation tout au long de la vie, bâtie sur les communautés de pratiques (Tseng, Lien & Chen, 2016). De leur côté, Potolia et Zourou (2019) pensent qu’un accompagnement réfléchi permettra aux praticiens « d’acquérir de nouvelles compétences […] qui les rendront capables d’assumer les rôles d’utilisateur de l’existant, d’adaptateur de scénarios existants, de médiateur et d’accompagnateur de leurs apprenants vers l’autonomie » (Othman, 2015, p. 158). Mais, nous préconisons des formations qui permettent aux enseignants de FLE dans le contexte chinois de construire leurs propres modes d’action pédagogique, de trouver des solutions adaptées aux situations problématiques qu’ils rencontrent, de devenir créatifs et non pas de recourir à des prescriptions standardisées.