Introduction
Dans le cadre de notre mémoire de master 2 professionnel « Formation linguistique aux adultes en mobilité » et de notre stage de fin d’études au CeLFE (Centre de langue française pour étrangers) de l’université d’Angers, nous nous sommes intéressée à l’adaptation de l’ANL (approche neurolinguistique) au public universitaire et aux principes du CECRL (Cadre européen commun de référence en langues) (Conseil de l’Europe, 2001). Ce projet est mis en place dans plusieurs pays par différents acteurs de l’ANL. Au fil de nos lectures, nous nous sommes concentrée sur les processus de compréhension mis en place par l’approche et à leur efficacité par rapport aux attentes des examens suivant les prescriptions du CECRL.
L’approche neurolinguistique (ANL) est l’extension du français intensif (FI), une méthode pédagogique conçue par Claude Germain et Joan Netten en 1997 et destinée à enseigner le français aux élèves de primaire anglophones canadiens. Ses remarquables résultats auprès de ce public (Germain, Minyi et Ricordel, 2015 ; Agaesse, Amaudruz et Guilloux, 2017 ; Germain, 2017) ont incité ces concepteurs à exporter leur méthode dans le monde et auprès de différents publics, et ce notamment depuis 2010 auprès d’étudiants chinois.
Le défi actuel de l’ANL est de s’adapter aux principes du CECRL, conçu en 2001 afin d’uniformiser les attentes de l’Union Européenne quant aux compétences langagières des étudiants de langue étrangère, même si les principes se sont aujourd’hui largement étendus en dehors des frontières de l’Europe. Cet objectif permettrait à l’ANL de continuer son expansion tout en s’adaptant au contexte actuel de l’enseignement/apprentissage de FLE, tel que jalonné par le CECRL. Cela lui permettrait également d’influencer par ses atouts la méthode d’enseignement proposée aux publics s’apprêtant à passer une certification en langues, qui sont la majorité des publics de FLE.
Notre mémoire s’inscrit dans ce projet avec la problématique suivante : comment les caractéristiques pédagogiques de l’ANL influencent-elles la préparation de l’examen du DUEF auprès d’un public de type FOU (Français sur Objectif Universitaire) de niveau B1.1 en lien avec les compétences de compréhension écrite et orale ?
Dans cet article, nous présenterons d’abord le cadre de notre stage et les missions qui nous ont été confiées avant d’aborder la réflexion sur l’influence de l’ANL dans la préparation au DUEF (diplôme universitaires d’études françaises). Puis, nous traiterons de l’élaboration du travail de mémoire et des résultats auxquels il a abouti avant de conclure en replaçant lesdits résultats dans leur contexte.
Travail et réflexion sur l’adaptation de manuels à l’ANL
Dans cette première partie, nous traiterons tout d’abord des différentes missions accomplies de janvier à juin 2019 durant notre stage de fin d’études au centre de langues universitaire de l’université d’Angers. En effet, si l’adaptation d’unités de manuel aux principes de l’ANL était la première et la principale d’entre elles, 4 autres missions m’ont été confiées afin de placer ce travail d’adaptation dans un contexte précis et cohérent. De ce travail est née une réflexion, que nous aborderons ensuite, sur l’influence des caractéristiques pédagogiques de l’ANL sur la préparation à un examen du DUEF.
Présentation des missions de stage de fin d’études
Nous avons effectué notre stage de fin d’études au Centre de langue française pour étrangers (CeLFE), qui est un des centres de formations de l’Association de directeurs de centres universitaires d’études françaises pour étrangers (ADCUEFE) situé à Angers. Cette association permet aux centres de langues de proposer en plus de leurs formations linguistiques des formations de formateurs ainsi que de mener des recherches-actions sur leur terrain. L’équipe du CeLFE est constituée de 6 enseignants titulaires et d’une directrice pédagogique, tous formés à l’ANL.
Le CeLFE propose aux étudiants une préparation à trois types de certifications linguistiques qui peuvent leur permettre de commencer ou de continuer leur cursus universitaire en France. Ces trois certifications sont le diplôme universitaire d’études françaises (DUEF), le diplôme d’études et le diplôme approfondi de langue française (DELF/DALF) et le test de connaissance du français (TCF). Nous ne détaillerons que le premier car c’est le seul qui concerne notre stage.
Le DUEF, aussi appelé DU, est un diplôme qui a la particularité d’inclure nécessairement une formation sur la langue en elle-même, mais aussi sur la culture française et sur l’université française ainsi que la manière d’y travailler. Ce diplôme n’est pas nationalisé, ce qui signifie que chaque université le proposant crée ses propres sujets d’examen, en partant d’un vademecum commun, et l’université valide par elle-même les sujets proposés. Il est à noter que le CeLFE d’Angers est particulièrement pointilleux et exigeant à ce sujet, en préparant des sessions comparables à des examens de type DELF, également encadrés par le CECRL (2001). Même si ce n’est pas un diplôme certifié par l’Éducation nationale, il peut être proposé à tous les niveaux du CECR et il évalue les quatre compétences prônées par ce cadre.
Quatre missions nous ont été confiées durant ce stage, gravitant autour de l’adaptation de l’ANL au public universitaire et aux certifications suivant les prescriptions du CECRL. Cette tâche est l’une de celles qui pourraient permettre à l’ANL d’être utilisée plus largement et de manière plus efficace dans le FLE mais plus généralement dans l’enseignement/apprentissage des langues étrangères (Germain, 2017).
La première mission, et la principale, consistait à adapter quatre unités de manuel (Avanzi et al, 2016) aux principes et aux stratégies de l’ANL. Pour ce faire nous avons examiné les tâches proposées par le manuel, qui suit la perspective actionnelle, et la trame présentée pour accomplir les tâches. Les tâches pouvaient servir de base pour le projet final ou étaient utilisées comme mini-projet. Les phases orales se construisaient à partir des objectifs communicatifs étudiés dans l’unité, auquel nous associions au minimum deux structures langagières modélisables. Les phases de lecture étaient élaborées à partir d’un texte du manuel, lorsque cela était possible, ou d’un document externe reprenant un des sujets du manuel. En outre, des retouches sur les textes ont été nécessaires pour les faire correspondre aux objectifs des textes de lecture en ANL, à savoir reprendre les structures utilisées en phase orale. Quant à la phase d’écriture, nous n’utilisions pas le manuel puisque cette phase est censée reprendre les structures modélisées à l’oral.
La seconde mission consistait à enseigner selon les principes de l’ANL et avec les quatre unités adaptées à un groupe de 16 étudiants de niveau B1.1 s’apprêtant à passer une certification du DUEF.
La troisième mission était de mener une réflexion sur l’adaptation de l’ANL aux DUEF et plus généralement aux principes du CECRL. Nous avons suivi pour cela les prescriptions de Germain, Jourdan-Ôtsuka et Benudiz (2018) et nous avons inséré dans les unités adaptées des activités de compréhension orale et écrite de type DELF/DUEF. Nous proposions la compréhension écrite pendant la phase de lecture, entre la première lecture concernant la compréhension du sens et la deuxième lecture concernant la grammaire. Au vu du niveau intermédiaire des étudiants, nous avons supprimé la lecture visant à mettre en avant un élément phonétique du texte. Cette réflexion nous a aussi amenée à travailler des objectifs transversaux spécifiques au public universitaire, comme par exemple la prise de notes et l’utilisation d’abréviations.
Enfin notre quatrième et dernière mission était de réfléchir à un outil permettant de faciliter et de systématiser l’adaptation d’unités de manuel aux principes de l’ANL, indépendamment du niveau de langue, et d’élaborer cet outil. Il comprend quatre étapes qui reprennent la progression de l’adaptation détaillée plus haut à savoir : le projet final, les mini-projets, la phase d’oral et la phase de lecture. À la fin de chaque étape, un tableau de vérification peut être rempli afin de s’assurer d’avoir correctement adapté le manuel. Afin de boucler la boucle, nous avons soumis nos propres unités adaptées à l’outil que nous avions élaboré afin d’estimer leur validité.
Ces quatre missions nous ont permis de réfléchir en profondeur non seulement sur ce que pouvait apporter l’ANL à un public se préparant à une certification mais également à ce qui pouvait être apporté à l’ANL pour la rendre utilisable auprès d’un plus large public.
Réflexion sur l’influence de l’ANL dans la préparation à un examen du DUEF
Notre travail sur l’adaptation des unités de manuels et nos lectures de différents articles concernant les adaptations déjà effectuées de l’ANL aux principes du CECRL nous ont amenée à en faire notre sujet de mémoire. La lecture de l’article d’Agaesse, Amaudruz et Guilloux paru en 2018 montre que les compétences nécessitant le plus d’adaptation pour correspondre aux attentes du CECRL sont la compréhension écrite et orale. De plus, Germain, Jourdan-Ôtsuka et Benudiz prescrivent dans leur article également paru en 2018 d’inclure aux phases de l’ANL des activités de compréhension écrite et orale de type CECRL afin d’habituer les apprenants à ces différentes activités inhérentes aux examens du Cadre, tel que le DUEF. En effet, l’ANL et les méthodes conventionnelles ne sollicitent pas la même activité cognitive chez leurs apprenants, ce qui peut rendre le passage d’un examen plus difficile pour un apprenant ayant étudié le français selon une logique différente. Cependant les résultats d’Agaesse, Amaudruz et Guilloux (2018) montrent que les étudiants ANL ayant passé les épreuves de compréhension écrite et de compréhension orale du DELF l’ont mieux réussi que les étudiants ayant étudié avec la méthode conventionnelle, mais l’écart entre les deux est moins grand que pour les épreuves de production.
Nous nous sommes alors demandée comment les caractéristiques pédagogiques et les stratégies d’enseignement et d’apprentissage mises en place par l’ANL influençaient la préparation des apprenants à un examen suivant les prescriptions du CECRL. Nous nous plaçons ici du point de vue des processus de compréhension mis en place par les apprenants devant des activités de type ANL ou conventionnel. En effet, répondre à cette question pourrait permettre d’affiner et d’optimiser l’adaptation de l’approche au CECRL.
Nous avons tout d’abord émis deux hypothèses, chacune concernant une compétence. Ici, l’accent est mis sur la différence entre les logiques des approches ANL et conventionnelle. En méthode conventionnelle, la compétence de compréhension orale invite l’apprenant à comprendre un énoncé oral répété un nombre limité de fois. En ANL en revanche, la compréhension orale est couplée à la production afin de rendre l’apprentissage concret et immédiatement réutilisable par l’apprenant (Germain, 2017). On voit que l’ANL propose à l’apprenant d’appliquer la compréhension d’un énoncé en produisant un énoncé cohérent dans la situation d’élocution créée. La première hypothèse stipule donc que les processus de compréhension des apprenants seraient plus efficaces en phase orale de la méthode ANL qu’en épreuve de compréhension orale type DELF.
Les travaux d’Agaesse, Amaudruz et Guilloux (2018) montrent que le cas de la compréhension écrite diffère quelque peu des autres compétences. En effet ici, les faibles résultats des apprenants ANL face à l’épreuve du DELF A1 étaient accentués par le fait que c’était dans cette compétence que les étudiants de la méthode conventionnelle réussissaient le mieux. De fait, la compréhension écrite est le fer de lance de l’approche actionnelle. Cette nuance nous a fait aboutir à notre seconde hypothèse qui formule que les épreuves de compréhension écrite type DELF ajoutées à la méthode ANL amélioreraient les stratégies de compréhension des apprenants.
À partir de ces hypothèses, nous avons commencé à recueillir des données grâce à différents outils et nous les avons analysées afin de trouver des résultats qui nous permettraient de confirmer ou d’infirmer nos hypothèses.
Élaboration du mémoire et présentation des résultats
Nous présenterons l’approche et la démarche sélectionnées pour mener à bien ce travail de recherche ainsi que les outils nous ayant servi à recueillir les données et la manière dont nous avons choisi d’analyser les données recueillies. Nous présenterons également les résultats auxquels a abouti l’analyse de données que nous contextualiserons afin de justifier la confirmation ou l’infirmation des hypothèses de recherche.
Élaboration du travail de recherche
Le protocole de recherche s’établit selon l’approche qualitative, qui a pour objectif d’être « une démarche discursive […] d’explicitation ou de théorisation de témoignages [et] d’expériences » (Paillé et Mucchielli, 2016 : 11), objectif dans lequel la problématique précédemment exposée s’inscrit dans la mesure où elle vise à expliciter les liens de causalité entre les caractéristiques de l’ANL et la préparation à un examen du DUEF. Les deux auteurs ajoutent que « la logique à l’œuvre participe de la découverte et de la construction de sens » (2016, p. 11). Dans la problématique de ce projet de recherche, la « construction de sens » se fait dans la découverte des liens de causalité entre la méthode d’enseignement/apprentissage et les spécificités du terrain.
L’analyse qualitative a aussi eu notre préférence par l’importance qu’elle accorde au terrain duquel dépend « l’ensemble des opérations matérielles et cognitives » (Paillé et Mucchielli, 2016, p. 87) du protocole. En effet les outils (développés dans la troisième partie de ce cadre) créés pour ce projet de recherche viennent en grande partie du terrain de recherche.
Ce travail de recherche s’articule autour d’une démarche hypothético-déductive. La démarche hypothético-déductive convient à une recherche selon l’approche qualitative car elles ont toutes deux la même visée explicative de phénomènes à l’intérieur d’un terrain donné ainsi que la même vision de la valeur de la subjectivité dans la recherche, qui comme l’expliquent Anadon et Guillemette, sont « des moyens incontournables de construction des savoirs et non […] des obstacles à la production des connaissances » (2007, p. 3).
Les outils utilisés pour recueillir les données sont du matériel que nous avons conçu pour les cours et les contrôles continus du second semestre de l’année 2018-20191 afin d’observer la progression des étudiants concernant les compétences de compréhension écrite et orale. Il s’agit de questionnaires de compréhension écrite et de compréhension orale correspondant au matériel créé à partir du CECRL, qui ont, soit été utilisés en ajout aux phases de lecture ou d’oral, soit été soumis aux groupes de 15 étudiants en contrôle continu 1 (CCI) et 16 étudiants en contrôle continu 2 (CC2). Nous avons aussi sélectionné des fiches pédagogiques présentant le déroulement de phases d’oral et de lecture de type ANL.
Nous avons observé les copies de contrôle continu comme les enregistrements de phase orale, en particulier les étapes de modélisation de l’apprenant et d’interaction inter-apprenants. Ce faisant, nous avons remarqué certaines récurrences dans les réponses des apprenants, et plus particulièrement dans les réponses erronées, c’est-à-dire non-attendues par l’enseignant. Nous avons également pu noter que beaucoup de réponses erronées offraient de nombreux indices quant aux processus de compréhension mis en place par les apprenants.
Plusieurs lectures nous ont permis d’étayer et d’appuyer cette approche. Hendrickson (1978) indique que l’erreur n’est pas mauvaise ; Astolfi (1997) ajoute que les erreurs sont un facteur d’apprentissage et que l’enseignant doit les utiliser pour comprendre « les opérations intellectuelles dont elles sont la trace » (1997, p. 17). Nous avons donc analysé les erreurs des apprenants pour comprendre leurs processus de compréhension.
En utilisant donc l’analyse d’erreurs comme démarche d’analyse de données, nous nous sommes d’abord posé deux questions devant chaque réponse erronée : pourquoi l’élément n’a pas été compris ? Et comment l’apprenant a compris l’élément ? La première question cherche à mesurer l’influence de la méthode utilisée en cours sur la préparation à l’examen et peut-être reformulée ainsi : si l’erreur vient de la méthode pédagogique employée, quel élément de la méthode cause la lacune des processus de compréhension provoquant cette erreur ? La seconde question, quant à elle, concerne l’efficacité des processus de compréhension mis en place par l’apprenant.
Chaque réponse erronée nous apportait des éléments de réponse. Nous avons choisi de les classer en quatre catégories après avoir analysé l’ensemble des copies des différents contrôles continus. Voici donc les quatre catégories de causes de réponses erronées distinguées dans ce travail de recherche :
La question utilise une reformulation de la structure attendue dans le document écrit empêchant sa compréhension.
Par exemple, lors d’une compréhension écrite traitant d’un article sur Le tour du monde en 80 jours de Jules Verne2, une question a posé problème à certains étudiants :
Question | Réponses attendues | Réponse erronée | Explicitation |
Quelles sont les inventions présentes dans ce roman ? 2 réponses | Le train Le bateau à vapeur Le canal de Suez (« Ce roman célèbre l’apparition de nouveaux moyens de transport – le train et le bateau à vapeur – et l’ouverture du Canal de Suez ») |
Ce roman d’aventure raconte le périple d’un riche gentleman anglais | La question n’a pas été comprise à cause de sa reformulation par rapport au lexique du texte, possible confusion entre « invention » et « aventure ». → manque d’adaptation au lexique |
En effet le mot « invention » présent dans la question n’apparaît à aucun moment dans le texte et n’était pas nécessairement compréhensible par les étudiants.
La demande de sélection dans la question n’a pas été prise en compte par l’apprenant.
Une bonne réponse peut devenir erronée si elle est noyée dans un trop grand nombre d’informations comme dans le cas suivant :
Question | Réponse attendue | Réponse erronée | Explicitation |
Quel moyen de transport insolite (extraordinaire) utilisent les aventuriers pendant leur périple ? | L’éléphant | Le paquebot, le train, la voiture, le yacht, le traîneau et l’éléphant. | Malgré l’explicitation du mot « insolite » et le pronom singulier, la sélection d’informations n’a pas été faite. → manque d’observation et mauvaise sélection d’éléments. |
L’apprenant n’a pas correctement délimité les situations d’élocution.
Ici en effet, l’étudiant confond Jules Verne et son personnage :
Question | Réponses attendues | Réponse erronée | Explicitation |
Donnez trois informations sur Jules Verne. | - JV est l’auteur de langue française le plus traduit au monde - Il a été capable d’imaginer l’avenir - C’était un visionnaire - Il avait compris comment les technologies évolueraient |
Il a voyagé sur la lune et au fond des mers. | Confusion entre JV et les personnages de ses romans → Mauvaise situation dans le contexte |
L’apprenant n’a pas su s’adapter au lexique présent dans le document oral.
Cet exercice lacunaire met l’accent sur le mot à trouver, mais s’il est inconnu de l’étudiant, il peut ne pas être perceptible ni compréhensible par ce dernier.
Question | Réponses attendues | Réponse erronée | Explicitation |
« propagation massive des messages __________ | blessants | Médecins, Glaissent, Plesant | Tentative de discrimination phonologique après l’échec de compréhension dans les écoutes. Pas de prise en compte du contexte ni même de l’existence des mots proposés. → Manque d’adaptation |
On précise « document écrit » pour la première catégorie car cette lacune ne se rencontre qu’en compréhension écrite. En effet, il n’y a pas de reformulation dans les épreuves de compréhension orale. On précise également « document oral » pour la quatrième catégorie car les écoutes du document sont limitées et ne permettent pas d’étude approfondie du contexte pour tenter de comprendre un mot inconnu, comme le permet le document écrit toujours à la disponibilité de l’apprenant pendant les épreuves de compréhension écrite.
Pour chaque cause de réponse erronée, nous avons pu déterminer une lacune dans un processus de compréhension, c’est-à-dire un maillon en moins dans la chaîne de réflexion. Nous avons rattaché chaque lacune à une caractéristique pédagogique de l’ANL afin de mesurer son influence sur l’efficacité des processus de compréhension des apprenants. Puis nous avons ouvert sur une proposition de remédiation pour chaque cause de réponse erronée. Voici dans le tableau suivant cette réflexion appliquée à chaque cause de réponse erronée étudiée :
Types d’erreur | Processus de compréhension lacunaires | Impact ANL | Remédiation |
1. Reformulation de la structure attendue dans le texte | Manque d’adaptation à la variation lexicale à l’écrit | Restriction des structures langagières en ANL due au principe d’authenticité. | Utiliser et faire utiliser des synonymes pendant la phase de discussion pré-lecture et pendant l’étape d’amélioration de la phase d’écriture |
2. Pas de prise en compte de la sélection | Manque d’observation et de sélection pertinente de l’input lexical | Compréhension écrite quasi-exclusivement globale en ANL due au principe de la pédagogie de la phrase | Ajout de questions de compréhension sélective en fin de première lecture de la phase lecture |
3. Pas de distinction des situations d’élocution | Manque d’observation et de sélection pertinente de l’input de connaissances externes | Manque de variété des contextes dû au principe d’authenticité en ANL | Utiliser le discours rapporté et l’argumentation pour inclure un maximum de contextes exploitables en cours |
4. Manque d’adaptation au lexique à l’oral | Manque d’adaptation à la variation lexicale à l’oral (manque de discrimination phonétique) | Restriction des structures langagières en ANL due au principe d’authenticité | Utiliser et faire utiliser des synonymes en fin de phase orale, voire comme transition entre la phase orale et la phase de lecture |
Présentation des résultats de recherche
Nous présenterons ici les résultats auxquels ont abouti la confrontation de l’analyse de données aux hypothèses préalablement établies.
Notre première hypothèse est la suivante :
Les processus de compréhension des apprenants seraient plus efficaces en phase orale qu’en épreuve de compréhension orale type DUEF.
L’objectif ici est donc de comparer l’activité attendue des processus de compréhension des apprenants en phase orale (approche ANL) et en compréhension orale de type DUEF. Pour établir une comparaison fiable, nous nous appuierons ici sur la taxonomie révisée de Bloom (Anderson et Krathwohl, 2001) qui permet de nommer les activités cognitives suscitées par différents exercices et de les hiérarchiser en 6 catégories (connaissance, compréhension, application, analyse, synthèse et évaluation) en fonction de la complexité de l’activité cognitive attendue. Pour chacun des documents analysés, nous avons listé l’ensemble des activités cognitives qu’ils sollicitaient chez les apprenants et nous avons comparé ces activités par type de document.
On peut noter ici est que la phase orale de l’approche ANL est la seule des trois activités de CO qui dépasse le stade de la compréhension pour aller jusqu’au stade de l’application. Ce phénomène peut s’expliquer par le fait que les apprenants sont invités à produire dans cette phase. En effet, l’approche ANL préconise de mélanger constamment les deux compétences pour activer la grammaire interne (Germain, 2017), là où la méthode conventionnelle insiste sur la distinction entre compréhension et déduction et préconise de rester dans le champ de la première, afin de catégoriser clairement les compétences (CECRL, 2001).
On peut ensuite remarquer que les exercices de CO de préparation et les CO proposées en contrôle continu sollicitent les mêmes activités cognitives, ce qui nous conforte dans la prescription de Germain qui préconisait l’ajout de ces exercices de préparation pour habituer les apprenants aux évaluations suivant les principes du CECR (Germain, Jourdan-Ôtsuka et Benudiz, 2017).
Une observation plus poussée nous permet de comprendre les grandes différences de fonctionnement des deux méthodes. Si la méthode conventionnelle ne laisse pas de place à la déduction, l’ANL lui accorde une grande importance car l’objectif de la phase orale est d’activer des processus inconscients chez l’apprenant afin de lui faire maîtriser une structure donnée plus rapidement et efficacement. De fait, cette efficacité est garantie si l’apprenant fait le chemin dans la plus grande autonomie possible. L’ANL donne une plus grande place à l’interprétation de l’énoncé par l’apprenant.
C’est cet aspect d’interprétation par l’apprenant qui à notre sens fait toute la différence et qui est décisif dans cette analyse. En effet, la taxonomie de Bloom permet de mesurer la complexité de l’activité cognitive attendue de l’apprenant par un exercice donné mais n’est pas suffisante pour savoir si l’hypothèse formulée est valide ou non. L’hypothèse s’intéresse effectivement aux processus de compréhension, tels que formulées par Le Ny en 2005 et reprises notamment par Spanghero-Gaillard en 2008. Ces processus sont au nombre de trois : il s’agit du traitement, de la reconnaissance et de l’interprétation.
Dans les trois types de données, on retrouve le traitement perceptif. L’apprenant entend un contenu et le perçoit comme étant un contenu de texte en langue cible. On retrouve également à chaque fois la reconnaissance, c’est-à-dire la confrontation du contenu aux connaissances antérieures de l’apprenant. Il est important ici de bien distinguer le fonctionnement de la phase orale et des deux types de CO type DUEF, c’est-à-dire les CO de préparation données en classe et les CO de contrôles continus.
Dans la phase orale, les connaissances antérieures de l’apprenant sont effectivement ce qu’il sait et connaît préalablement de la langue cible avant l’exercice ; en revanche, les connaissances antérieures de l’apprenant concernant les CO type DUEF sont plutôt à rapprocher du questionnaire de la CO. En effet, dans la phase de reconnaissance, les connaissances antérieures sont comparables à des éléments de contextualisation permettant à l’apprenant d’encadrer son interprétation pour avoir plus de chances de saisir le message et ce avec plus de précision. Or la différence entre la phase orale et les CO type DUEF est le contexte. En phase orale d’ANL, le contexte est authentique – c’est-à-dire qu’il correspond à une situation de communication que l’apprenant est susceptible de véritablement rencontrer un jour – mais c’est la seule chose qu’on peut en prévoir. En CO type DUEF, le contexte n’est pas nécessairement authentique mais il est surtout très ciblé. En ayant lu le questionnaire à l’avance, comme préconisé par la méthode conventionnelle, on peut parfaitement cadrer la reconnaissance du contenu qu’on s’apprête à entendre et de fait, annuler la phase d’interprétation. L’ANL conserve la phase d’interprétation car l’apprenant doit sans cesse faire évoluer sa reconnaissance du contenu à travers le filtre de tout ce qu’il connaît de la langue cible. Par exemple, dans la modélisation suivante3, l’enseignant présente un voyage qu’il a réellement effectué dans sa vie (contenu authentique), il va poser des questions dont les structures suivront celles des modélisations, et l’étudiant répondra aux questions en reprenant les structures (en gras dans l’exemple) mais en adaptant sa réponse complète à sa propre expérience de voyage (en italique dans l’exemple) :
Professeur- Moi, une fois, je suis partie en Espagne. J’étais avec des amis de l’université, nous étions dix. Je suis allée là-bas parce que nous voulions prendre des vacances ensemble avant de finir notre licence. Et toi, où es-tu parti en voyage ?
Étudiant- Je suis parti au Brésil
P- Avec qui étais-tu ?
E- J’étais tout seul
P- Et pourquoi es-tu allé là-bas ?
E- Je suis allé là-bas parce que je voulais voir la forêt amazonienne
Grace au maintien de la phase d’interprétation, la phase orale de l’ANL permet donc de garantir une plus grande efficacité des activités cognitives et des processus de compréhension chez les apprenants que les CO type DUEF.
Cependant qu’en est-il des objectifs compréhensifs en eux-mêmes ? En quoi les CO de préparation influent-elles sur les lacunes que nous avons identifiées dans le chapitre précédent ? Pour répondre à cette interrogation, nous avons analysé les questions posées dans les CO selon les objectifs compréhensifs qu’elles visent et nous allons estimer leur efficacité en relevant les pourcentages de bonnes réponses des étudiants dans les contrôles continus par processus.
Ce tableau présente les réponses exactes rencontrées dans les compréhensions orales (CO) de deux contrôles continus (CC1 et CC2) soumis à 16 étudiants pour le CC1 et 15 étudiants pour le CC2. Chaque pourcentage représente le nombre de bonnes réponses à une question d’une des compréhensions orales, le numéro le précédant correspondant au numéro de la question dans le questionnaire de CO. Nous avons classé ces pourcentages de bonnes réponses selon l’objectif compréhensif atteint. Pour calculer chaque pourcentage, nous avons distingué quatre catégories : la réponse exacte, incomplète, la réponse erronée et l’absence de réponse. Les pourcentages affichés ici sont ceux correspondant à la première catégorie. Par exemple pour la première question de la compréhension orale du premier contrôle continu (CC1-CO1), nous avons comptabilisé 5 réponses exactes, les 11 restantes étant réparties dans les trois autres catégories de réponse incomplète, réponse erronée ou absence de réponse.
Objectif compréhensif visé | |||
Sélection pertinente de l’input lexical | Adaptation de la variation lexicale à l’oral | ||
CC1-CO1 | % bonnes | 34,38 % | 62,50 % |
réponses/questions | 31, 25 % | ||
62,50 % | |||
56,25 % | |||
25 % | |||
31,25 % | |||
93,75 % | |||
37,50 % | |||
Moyenne | 46,48 % | 62,50 % | |
CC2-CO1 | % bonnes | 6,60 % | 93,33 % |
réponses/questions | 70 % | 48,80 % | |
20 % | |||
20 % | |||
73,33 % | |||
Moyenne | 49,86 % | 71,06 % | |
Total | 47,78 % | 68,21 % |
Nous pouvons constater la disparité des objectifs compréhensifs ciblés par les questions ainsi qu’une disparité des pourcentages de bonnes réponses à l’intérieur d’un objectif. Cela peut s’expliquer par le type de questions posées. Les questions de type question à choix unique (QCU) et question à choix multiples (QCM) ont un très bon taux de réussite c’est-à-dire entre 70 et 95 % de bonnes réponses. Viennent ensuite les questions de type vrai/faux qui obtiennent ici aux alentours de 50 % de bonnes réponses. Enfin les questions de types question à réponse ouverte courte (QROC) connaissent une nette baisse de la réussite, à savoir entre 20 et 35 % de bonnes réponses.
Les moyennes de bonnes réponses sont quant à elles très démonstratives. La moyenne de bonnes réponses pour l’objectif compréhensif de sélection pertinente de l’input lexical est de 47,78 %. C’est moins que ce à quoi nous nous attendions, surtout en comparaison avec l’objectif d’adaptation à la variation lexicale à l’oral mais cela pourrait s’expliquer par le décalage des objectifs ciblés en CO de préparation et en CO de contrôle continu. Les CO de préparation partageaient leurs questions relativement équitablement pour permettre de se préparer à l’atteinte des trois objectifs communicatifs de manière équilibrée. Cependant, les CO de contrôle continu ne ciblent que deux objectifs compréhensifs – la sélection pertinente de l’input lexical et l’adaptation de la variation lexicale à l’oral – sur les trois de la préparation – qui incluait donc en plus la sélection pertinente de l’input de connaissances externes – et ces deux objectifs restants ne sont pas du tout répartis de manière équitable. De fait, il aurait fallu beaucoup plus de questions visant à atteindre l’objectif de sélection pertinente de l’input lexical dans les CO de préparation pour les adapter aux attentes des CO de contrôle continu et cela pourrait être une cause expliquant ces résultats plus bas qu’escomptés.
La préparation à l’objectif compréhensif d’adaptation à la variation lexicale à l’oral semble cependant avoir mieux porté ses fruits, et ce pour une raison similaire. Les CO de préparation ayant préparé de la même manière à l’atteinte de cet objectif comme des autres et cet objectif se retrouvant en minorité dans les questions de CO de contrôle continu, les étudiants ont été préparés de manière plus efficace et approfondie, proportionnellement parlant, à cet objectif plutôt qu’au précédent. Cela pourrait expliquer ce taux satisfaisant de bonnes réponses et donc d’atteinte de cet objectif.
La première partie de ce travail de validation nous permet donc, à notre sens, de confirmer cette première hypothèse et de dire que les processus de compréhension des apprenants sont effectivement plus actifs et donc plus efficaces en phase orale de l’approche ANL qu’en compréhension orale de type DUEF. Cependant, nous pouvons, et devons, préciser et nuancer notre réponse en parlant des indicateurs plus précis que sont les objectifs compréhensifs mis en lumière dans notre réflexion. En effet, ces indicateurs et leur analyse nous montrent que, malgré l’efficacité des processus de compréhension de la méthode ANL par rapport à la méthode conventionnelle, les objectifs compréhensifs posent encore quelques difficultés pour être atteints, ce qui nous pousse à penser que les CO de préparation sont certes utiles, mais encore loin d’être optimales dans leur mission d’adaptation de l’approche ANL aux examens basés sur le CECRL. Ces résultats nous incitent également à penser que ces CO de préparation pourraient également avoir l’avantage de transvaser l’activité efficace des processus de compréhension de la méthode ANL dans la préparation aux examens du DUEF, en s’en servant non plus comme modèles préparatoires pour l’examen du DUEF mais comme relais pour l’atteinte des objectifs compréhensifs, ce qui, à mon sens, pourrait avoir un impact bénéfique sur les notes des étudiants ANL en examens de type DUEF, et par extension, de type CECRL.
La réflexion autour de la seconde hypothèse est relativement similaire à celle de la première. Notre seconde hypothèse est la suivante : Les épreuves de compréhension écrite type DELF amélioreraient les stratégies de compréhension des apprenants.
L’objectif ici est d’observer l’efficacité des CE de préparation type DUEF effectuées en cours par les apprenants. En effet, la principale raison de l’écart de résultats en CE entre les méthodes ANL et conventionnelle n’est pas que la CE soit un point faible notable en ANL mais plutôt que c’est le point fort indiscutable de la méthode conventionnelle. C’est la raison pour laquelle les chercheurs Germain, Jourdan-Ôtsuka et Benudiz ont préconisé en 2018 d’utiliser des exercices de CE de type conventionnel pour mieux préparer les étudiants aux objectifs de l’examen. Nous allons donc tenter de voir si les CE sont efficaces pour préparer les apprenants ANL à un examen du DUEF et si elles améliorent les processus de compréhension des apprenants. Pour ce faire nous allons, comme pour l’hypothèse précédente, comparer l’activité cognitive attendue dans la phase de lecture de la méthode ANL et dans les CE de préparation aux examens. Cependant, pour estimer si les CE remplissent leur rôle d’aide à la préparation aux examens de type DUEF, nous allons également analyser les CE de préparation par rapport aux objectifs compréhensifs qu’elles permettent aux étudiants d’atteindre. Nous comparerons enfin les objectifs compréhensifs censément ciblés par les CE de préparation aux réponses des étudiants dans les contrôles continus.
Pour la comparaison des activités cognitives mises en place par chaque type de CE (la phase de lecture, la CE de préparation et la CE de contrôle continu), nous nous sommes une nouvelle fois appuyée sur la taxonomie révisée de Bloom (Anderson et Krathwohl, 2001). Cela nous permet de dire que la méthode ANL octroie de toute manière de meilleurs processus de compréhension de la langue, mais ce n’est visiblement pas suffisant pour se passer de CE de préparation. Car ce ne sont pas les processus mais bien les stratégies de compréhension qui font défaut à cette méthode pour s’aligner sur les attentes de la méthode conventionnelle encadrée par le CECRL. Ces stratégies de compréhension sont en fait le moyen d’atteindre les objectifs compréhensifs attendus dans les examens de la méthode conventionnelle et qui sont radicalement différents de ceux de l’ANL (Agaesse, Amaudruz et Guilloux, 2017).
Pour pouvoir confirmer cette seconde hypothèse, nous allons donc estimer l’efficacité de la préparation des CE aux objectifs compréhensifs.
Tout d’abord, nous allons nous concentrer sur les objectifs compréhensifs effectivement ciblés par les CE de préparation en détaillant les objectifs visés par les questionnaires de trois CE de préparations effectuées au cours du semestre. Comme pour les CO, les CE de préparation visent trois objectifs compréhensifs : l’adaptation de la variation lexicale à l’écrit, l’observation et la sélection pertinente de l’input lexical et de l’input de connaissances externes. Nous observons que les questions visant à atteindre l’objectif compréhensif d’observation et de sélection pertinente de l’input lexical sont celles qui proposent le plus de dépassement par rapport aux objectifs de l’ANL car elles pallient la compréhension exclusivement globale de cette dernière. Cependant, il est important de noter que chaque objectif compréhensif est préparé de manière équitable aux autres.
Qu’en est-il à présent de l’atteinte de ces objectifs lors des contrôles continus ? Pour répondre à cette interrogation, nous allons traiter nos données dans un tableau similaire à celui nous ayant servi à confirmer l’hypothèse précédente.
Objectifs compréhensifs | ||||
Adaptation à la variation lexicale à l’écrit |
Observation et sélection pertinente de l’input lexical |
Observation et sélection pertinente de l’input de connaissances externes |
||
CC1 — CE1 | % bonnes | 62,50 % | 79,17 % | |
réponses/question | 62,50 % | 100 % | ||
6,25 % | 37,50 % | |||
50 % | 93,75 % | |||
87,50 % | 75 % | |||
Moyenne | 53,75 % | 77,08 % | ||
CC2-CE1 | % bonnes | 60 % | 60 % | 53,33 % |
réponses/question | 73,33 % | 20 % | ||
20 % | ||||
66,67 % | ||||
76,67 % | ||||
Moyenne | 59,33 % | 40 % | 53,33 % | |
Total | 56,54 % | 66,49 % | 53,33 % |
Nous pouvons observer que l’équilibre inter-objectif n’est toujours pas respecté, même si la présence des trois objectifs compréhensifs attendus appuie l’hypothèse de la pertinence des CE de préparation et de leurs tentatives d’adaptations aux objectifs des examens. Cette différence d’équilibre inter-objectif entre les CE de préparation et les CE d’examens montre que les CE de préparation ne sont pas optimales pour le moment et nécessitent encore des adaptations.
Le seul chiffre concernant le taux de réussite dans l’atteinte de l’objectif compréhensif d’observation et de sélection pertinente de l’input de connaissances externes – bien que n’ayant aucune pertinence dans cette analyse puisqu’il n’a aucune base de comparaison – nous permet d’afficher un relatif optimisme quant au fait qu’il soit supérieur à 50 %. Le manque de données concernant cette catégorie nous empêchera cependant de nous avancer plus que cela et nuancera nécessairement la confirmation ou l’infirmation de cette hypothèse.
On peut également remarquer que, contrairement aux objectifs compréhensifs préparés en CO, l’objectif d’observation et de sélection pertinente de l’input lexical est en nette minorité par rapport à l’objectif d’adaptation à la variation lexicale. En effet, il est beaucoup plus aisé de reformuler un terme entre son apparition dans le document et dans la question à l’écrit car, contrairement à l’épreuve de compréhension orale, les étudiants peuvent revenir autant de fois qu’ils le souhaitent vers le document de travail, il est donc plus adapté de leur proposer des questions nécessitant une réflexion plus approfondie sur le sens du texte et du lexique qui le compose.
Bien que les taux de réussite intra-objectifs soient très disparates (allant de 6,25 % à 87,5 % pour l’objectif d’adaptation à la variation lexicale et de 20 % à 100 % pour l’objectif d’observation et de sélection pertinente de l’input lexical), les moyennes d’atteinte de ces objectifs sont tout à fait satisfaisantes et, même si elles restent à être appuyées par d’autres CE de contrôle continu et d’autres travaux, elles permettent d’attester d’un certain optimisme quant à la pertinence des CE de préparation dans le traitement des objectifs compréhensifs à atteindre en CE de contrôle continu et donc, par extension, dans la préparation globale des étudiants ANL aux examens du DUEF.
Ainsi, les CE de préparation permettent effectivement d’activer les processus de compréhension des étudiants dans leur globalité, c’est-à-dire en prenant en compte les trois phases de ces processus (Le Ny, 2005 ; Spanghero-Gaillard, 2008) ainsi que la progression entre chacune des trois phases. De plus, la seconde analyse concernant les objectifs compréhensifs montre que les CE de préparation parviennent à cibler encore plus précisément les besoins des étudiants ainsi que les attentes des CE de contrôles continus, donc, des CE d’examens du DUEF et plus généralement des examens du CECRL. Nous avons également pu constater que les CE de préparation parvenaient à dépasser les caractéristiques pédagogiques de l’ANL pour pallier certaines de ses lacunes qui l’empêchent de coller aux attentes et aux objectifs du CECR, notamment l’exclusivité de la compréhension globale en ANL qui est atténuée par la place que laissent les CE de préparation à des objectifs compréhensifs tels que la sélection pertinente de l’input lexical ou de l’input de connaissances externes par exemple.
Tous ces éléments nous permettent de tendre vers une confirmation de la seconde hypothèse et d’estimer que les CE de préparation amélioreraient bel et bien les stratégies de compréhension des apprenants, en leur permettant de dépasser les caractéristiques pédagogiques de l’ANL empêchant la méthode d’accéder aux attentes des examens de type CECR (dont le DUEF). Cependant d’autres travaux sont encore nécessaires pour confirmer cette tendance.
Conclusion
Ce travail se place dans le projet d’adaptation de l’ANL à un public de type FOU qui indirectement, concerne l’adaptation de l’ANL aux prescriptions du CECRL. Le CECRL propose en effet plusieurs certifications de langues et le public à objectif universitaire est un public qui est obligé de passer une certification de langue de niveau B2 reconnue par l’État pour accéder aux cursus universitaires français. C’est aussi un des publics majoritaires de FLE en France et celui auprès duquel nous avons travaillé pendant notre stage de fin d’études.
Bien que les résultats présentés soient prometteurs pour la continuation du travail d’adaptation de l’ANL aux principes du CECRL et au public universitaire, il convient de replacer ces résultats dans leur contexte. En effet, ces résultats, jusqu’à preuve du contraire, ne sont valables que pour l’échantillon sélectionné et ne s’inscrivent que dans un maillon de l’enseignement de l’ANL en contexte universitaire et de l’adaptation de cette approche au CECRL.
Ce travail donne toutefois un espoir de flexibiliser une approche souvent réputée comme trop rigide dans son fonctionnement. Il permet aussi d’amorcer une réflexion centrée sur les processus de compréhension en eux-mêmes, indépendamment de la méthode pédagogique mise en place ou des principes didactiques prescrits. En effet, une quête de l’optimisation des processus de compréhension et de l’activité cognitive des apprenants chercherait à prendre le meilleur de ce qui peut être offert par plusieurs méthodes et démarches pédagogiques déjà existantes plutôt que de privilégier l’hégémonie d’un cadre encore faillible aux dépens de méthodes ne concevant pas l’enseignement/apprentissage du FLE de la même manière.