Indépendantisme, séparatisme, autonomisme, nationalisme, régionalisme sont autant de termes différents pour désigner la volonté d’un groupe d’individus de (se) construire un destin politique singulier. L’année 1999 marque la fin de la dernière guerre d’indépendance en Europe – la guerre du Kosovo. Des volontés de distinction et de reconfiguration politique sont néanmoins toujours présentes aujourd’hui dans de nombreuses régions du continent. L’actualité politique des dernières années (en Ecosse, en Catalogne, en Corse ou en Crimée, par exemple) ont nourri le débat public d’arguments idéologiques en tous genres. Les groupes se configurent selon un équilibre instable entre roman national et affirmation identitaire. Cette perpétuelle négociation peut se fonder sur des critères variés – on peut penser à des critères linguistiques, culturels, religieux, géographiques ou encore ethniques. Ces critères sont convoqués en réponse à ceux d’une communauté, d’un peuple, d’un état, d’un territoire duquel un groupe souhaite se distinguer. Certains états se sont construits ou se construisent autour d’une « unité » linguistique, culturelle, religieuse, géographique ou ethnique. Or, pour un groupe habitant ces espaces, le simple fait de ne pas se sentir directement concerné par cette « unité » peut être une raison suffisante pour revendiquer un destin politique propre en opposition à une identité narrative portée par un état. Il s’agit d’une négociation permanente entre ce que sont les groupes (« peuples »), ce qu’ils affirment ne pas être, et ce qu’ils aspirent à devenir, de la construction d’un nous à la distinction d’un eux.
Lors de la journée d’études organisée, comme chaque année, par les étudiants du Master Plurilinguisme et Interculturalité de l’Université de Strasbourg, accompagnés par les responsables du master, des chercheurs ont exposé des travaux autour de la thématique retenue en 2019 « Reconfiguration identitaire et revendications indépendantistes : approche comparée en Europe contemporaine », dont quelques-uns sont publiés ici.
Ainsi, dans son étude Du modernisme au souverainisme. Récapitulatif et perspectives à partir de quatre ouvrages récents sur le nationalisme, Roberto Dagnino se penche sur l’évolution des nationalism studies en mettant en contraste des publications des années 1980 et 1990 avec des ouvrages plus récents, en particulier de Sinisa Malasevic Grounded Nationalisms (2019), de Yoram Hazony The Virtue of Nationalism (2018) et de Thomas Nail The Figure of the Migrant (2015) et The Theory of Border (2016). Ce travail de synthèse critique est suivi de trois études de cas qui montrent à la fois leurs différences et leurs similitudes, toutes situées et contextualisées, la contemporanéité étant nécessairement en lien avec l’histoire des situations évoquées : Christina Alexopoulos – de Girard s’intéresse aux locuteurs du macédonien en Grèce (pratiques linguistiques, représentations sociales et constructions identitaires), Jeanne Toutous tente de comparer les mobilisations de défense des langues régionales et minoritaires en Bretagne et en Lusace (Allemagne) et, par le biais d’une documentation archivistique inédite, Sébastien Stumpp apporte une contribution innovante sur l’Alsace face au centralisme français à la sortie de la Grande Guerre (1918-1925), par le biais du sport et des sportifs, en particulier à travers le discours.