Ce colloque international a réuni plus d’une vingtaine de chercheurs à l’occasion de la commémoration de la rencontre entre le roi des Romains Sigismond de Luxembourg (empereur du Saint-Empire à partir de 1433) et le pape « d’Avignon » Benoît XIII, l’Aragonais Pedro de Luna, entre septembre et novembre 1415, afin de l’inviter à renoncer au titre pontifical et mettre ainsi fin au Grand Schisme, dans le contexte du concile de Constance, qui avait débuté en novembre 1414. À cette rencontre se joignit en outre le roi d’Aragon Ferdinand Ier (1412-1416), l’un des derniers souverains à reconnaître Benoît XIII à cette date, ce qui explique le lieu choisi ; Perpignan constituant la ville de la couronne d’Aragon la plus proche de sa frontière septentrionale (Benoît XIII refusait de courir le risque de quitter le royaume).
Les résultats de cette rencontre furent certes limités, puisque Benoît XIII refusa d’abandonner son titre – il mourut en 1423 âgé de plus de 80 ans sans y avoir jamais renoncé. Cependant, après cet épisode, il apparut complètement isolé et sa cause définitivement perdue ; le roi d’Aragon ayant lui-même soustrait son obédience à partir de janvier 1416, ce qui lui valut d’être excommunié par Benoît XIII.
Toutefois, comme l’ont bien montré les organisateurs du colloque et les différents intervenants, l’événement avait en fait une véritable portée internationale : à cette occasion se réunirent des représentants des rois de France, de Castille, d’Aragon, de Navarre, d’Écosse, de villes comme Paris, Barcelone ou Valence, ainsi que du concile (voir les communications d’Ana Echevarría, Madrid ; Germán Navarro, Sarragosse ; Eloisa Ramírez, Pampelune ; David Ditchburn, Dublin ; Rafael Narbona, Valence et Jasmin Hauck, Rome). Surtout, pour la première fois des souverains allemand et ibériques se rencontraient. D’après plusieurs sources, Sigismond était en outre accompagné par une suite nombreuse comprenant 1 500 chevaliers.
En écho à ce caractère international, le colloque était quant à lui co-organisé par l’université de Perpignan, mais l’initiative en revenait aux universités allemandes de Heidelberg et d’Eichstätt-Ingolstadt, qui ont contribué à son rayonnement.
Le nombre et la diversité des chercheurs invités ont ainsi permis d’analyser le sommet de 1415 dans une perspective européenne et interdisciplinaire : à travers les aspects théologiques et ecclésiologiques, mettant en particulier en valeur les théories conciliaires et le contexte précis de l’année 1415 (Hélène Millet, CNRS-LAMOP et Thomas Wetzstein, Eichstätt) ; Laura Smoller (Rochester, New York) a quant à elle souligné le rôle du théologien Vincent Ferrier, confesseur de Benoît XIII. Les aspects diplomatiques ont bien sûr fait l’objet d’une attention toute particulière (Gerald Schwedler, Zurich ; Britta Müller, Francfort et Martin Kintzinger, Münster). La dimension culturelle, exprimée notamment par le faste de la rencontre, n’a pas été oubliée (Amadeo Serra Desfilis, Valence – rapports entre art et diplomatie ; Maricarmen Gómez, Barcelone – aspects musicaux ; Sieglinde Hartmann, Würtzbourg – à propos du chanteur courtois Oswald von Wolkenstein qui accompagnait Sigismond dans sa suite).
Les aspects matériels de la rencontre ont également fait l’objet de communications, abordant les questions du financement et de la logistique de ce sommet, ainsi que de l’approvisionnement de tous ses participants pendant plus d’un mois et demi, sur fond de contexte commercial d’intensification des échanges, qui n’était pas étranger à cette rencontre au sommet inédite (Nikolas Jaspert, Heidelberg ; Alberto Torra, Barcelone et Damien Coulon, Strasbourg). Le contexte local, plus particulièrement la situation sociale à Perpignan, étaient quant à eux présentés par Claude Denjean et Aymat Catafau (Perpignan), tandis que les longs séjours de Sigismond à Narbonne étaient analysés par Jacqueline Caille (Montpellier).
Dernier centre d’intérêt et non le moindre : certains intervenants (Thomas Wetzstein et surtout Klaus Oschema, Heidelberg) ont analysé le regard historiographique divergent des historiens français et allemands sur l’événement : les premiers le minorant, voire le passant sous silence ; les seconds y faisant en revanche plus volontiers référence dans le cadre du concile de Constance et afin de montrer l’affirmation de Sigismond en tant que souverain.
Il en a résulté un jeu de perspectives croisées très riche, mettant bien en valeur cet événement peu connu, de portée européenne – au cours duquel les frontières du politique et du religieux se trouvent étroitement mêlées, voire brouillées, comme l’a bien relevé Hélène Millet – et décloisonnant les points de vue.