Coordination : Nicolas Bourguinat (UR 3400 ARCHE) et Alexandre Dupont (UR 3400 ARCHE).
Le dossier concerné par cet appel à contributions porte sur les phénomènes mémoriels engendrés par les épisodes révolutionnaires par-delà les frontières au cours des décennies centrales du xixe siècle. Il s’inscrit dans deux champs historiographiques qui font l’objet de travaux renouvelés ces dernières années : d’une part, l’étude des mémoires d’événements politiques intenses – révolutions, guerres civiles, etc1 – envisagées sur le temps long ; d’autre part, l’approche transnationale du politique, qui a été particulièrement mobilisée concernant le xixe siècle européen et atlantique2. À notre connaissance, ces deux champs n’ont pourtant guère fait l’objet d’une approche croisée pour le xixe siècle : il existe des analyses portant sur le rôle de la mémoire révolutionnaire dans le maintien de l’engagement dans l’exil, en particulier s’agissant des exilés républicains de 18513 ou des proscrits italiens du Risorgimento4, mais les phénomènes mémoriels transnationaux liés aux révolutions du xixe siècle n’ont pas été étudiés pour eux-mêmes5.
C’est ce à quoi aspire le présent dossier.
La chronologie retenue, des lendemains de la défaite napoléonienne à l’avènement généralisé des États-nations libéraux, englobe plusieurs cycles révolutionnaires : le cycle méditerranéen et américain de 1820-1823 ; la révolution de Juillet et ses répercussions européennes ; le Printemps des peuples ; les bouleversements qui marquent les global sixties, sans exclusive. L’espace géographique considéré est avant tout l’espace atlantique, qui constitue aujourd’hui un cadre cohérent d’analyse des phénomènes révolutionnaires du xixe siècle, comme l’ont montré plusieurs travaux, mais les contributions qui intégreront les espaces coloniaux – théâtres secondaires mais importants de ces cycles révolutionnaires et espaces privilégiés de la relégation et de la déportation des opposants politiques – seront bienvenues.
La thématique du dossier permet des approches variées. Il s’agit bien sûr d’interroger les mémoires des épisodes révolutionnaires entretenues par des acteurs de ces révolutions qui ont ensuite quitté leur pays – souvent pour échapper à la répression politique. Mais on pourra aussi s’intéresser aux mémoires que tel ou tel épisode révolutionnaire a engendrées à l’étranger, dans la mesure où les opinions publiques du monde atlantique au xixe siècle prêtent attention à l’actualité internationale. Un autre angle d’appréhension consiste à s’intéresser aux processus mémoriels qui mettent en avant des épisodes révolutionnaires envisagés dans leur caractère transnational – on pense en particulier ici au Printemps des peuples. La question de la mémorialisation se prête elle aussi à des analyses diverses : cette mémoire peut être individuelle ou collective, privée ou publique, interne ou tournée vers l’extérieur ; elle peut viser à célébrer un épisode révolutionnaire, mais aussi à en déplorer l’échec ou à en proposer un bilan critique ; le rapport entre regard rétrospectif et action politique diffère selon les individus et les groupes, et la mémoire peut être partie prenante d’une remobilisation comme elle peut accompagner l’abandon de la lutte et le retrait de la scène politique. Dans tous les cas, l’ambition de ce dossier est de décloisonner l’appréhension du phénomène mémoriel autour des révolutions du xixe siècle, souvent envisagé dans une perspective nationale, et de montrer que ces constructions mémorielles sont tout autant marquées par les circulations, les transferts et les échanges que les épisodes révolutionnaires qui sont leur objet.
Les propositions d’articles (2000 signes environ), accompagnées d’une brève notice bio-bibliographique, devront être envoyées à Nicolas Bourguinat (bourguin@unistra.fr) et Alexandre Dupont (alexandre.dupont@unistra.fr) pour le 15 décembre 2023. Une réponse sera donnée fin janvier 2024 et les articles retenus devront être remis au 1er septembre 2024 pour une publication prévue courant 2025.
La revue prévoit une expertise en double aveugle pour les articles.