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Contact par le langage : Le langage investit tous les champs de l’activité humaine. Nous en usons quotidiennement, jusque dans nos rêves, de manière plus ou moins consciente. Il en existe diverses formes, que nous explorons dans ce numéro : le langage des mots (écrits ou oraux), celui des images ou du corps. Pour Julia Kristeva, le langage est un « processus de communication1 » : il implique toujours un·e émetteur·rice et un·e destinataire·rice lié·es par un message, quelles que soient sa nature, sa complexité et la manière dont il se matérialise. Le point de contact qui se crée par le langage se situe donc dans la réception du message, par les différents sens du·de la récepteur·rice (l’ouïe pour un message oral, la vue pour les écrits, les images, ou le langage du corps…).

En linguistique, plusieurs modalités de prises de contact par le langage sont mises en avant : la discussion, l’interpellation, la demande… L’interpellation est la forme la plus directe de prise de contact : le langage vient rencontrer brusquement le·a récepteur·rice, ne lui laissant pas le choix de recevoir le message. Outil de communication sociale, le langage crée du contact entre les êtres afin de faire société.

Contact visuel : Au quotidien, c’est par le regard que nous appréhendons les autres, et par extension, le monde. Un simple coup d’œil permet d’amorcer une interaction avec autrui, un objet ou une œuvre d’art. Mais, au-delà du regard, un contact visuel peut se produire, lorsque le·a regardeur·euse, intègre et interprète les signes visuels qui lui apparaissent.

Un point de contact tend ainsi à apparaître, lorsque le lien entre les deux éléments – dans le cadre de ce numéro, l’œuvre et le·a regardeur·euse ou l’artiste performeur·euse et le·a regardeur·euse – se renforce et que le regard devient presque tangible, tel un contact physique. Il ne s’agit donc pas uniquement de l’instant où les regards se croisent, ou de celui de le·a regardeur·euse qui se fixe sur une œuvre, mais de l’instant où un réel changement apparaît, où une émotion naît par cette rencontre.

En 1975, la critique de cinéma Laura Mulvey théorise un type de contact visuel : le male gaze. Elle soutient qu’au cinéma, la caméra adopte un point de vue masculin qui objectifie les personnages féminins et les réduit à des objets de désir, à la fois pour les personnages et les spectateurs masculins. Ce male gaze, représentation visuelle d’une domination masculine, fut largement étudié et détourné par les artistes et théoricien·nes, dont l’objectif est de proposer un autre contact visuel, où l’expérience féminine est au cœur des représentations.

D’autres artistes, sans pour autant revendiquer un « regard féminin », usent cependant de représentations et d’images minoritaires pour défier la visualité, un contact visuel dont l’hégémonie visuelle rend service aux représentations des dominant·es. Des contre-visualités apparaissent alors : dans le but de détourner les normes, ces productions visuelles proposent des alternatives à un regard traditionnel.

Faux-contact : Un « faux contact », en électronique, est un dysfonctionnement d’un circuit qui à un endroit se coupe et se rétablit. Parfois, il peut conduire à une surtension et à la perturbation du bon fonctionnement d’un matériel électronique. Le faux contact, dans un sens plus large, caractérise la rencontre dysfonctionnelle de deux corps, humains ou non-humains, conduisant à des frictions dissonantes.

On retiendra ici une connotation paradoxale de cette notion pour expliquer le vécu lors d’un contact indirect, dont les deux parties d’une rencontre sont tenues à distance. En effet, un intermédiaire exerce une influence directe sur la relation en s’immisçant entre deux individus pour à la fois perturber le contact et en permettre une nouvelle forme. Pour illustrer le faux contact, il suffit d’observer comment le monde actuel est interconnecté : les rencontres « sans contact » existent à travers les réseaux sociaux, permettant des rencontres dématérialisées, où le contact physique n’a pas lieu.

Nul besoin, cependant, de technologie numérique pour produire un faux-contact. Dans ce numéro, le faux contact se décline à travers des modalités relevant de technologie numérique, qui remplacent une rencontre physique impossible, et/ou par la présence d’un intermédiaire matériel. Cette forme de contact s’effectue entre deux personnes géographiquement distantes, dont la zone de rencontre, intitulée « point de contact », est située dans un monde virtuel, ou entre deux personnes au moyen d’un intermédiaire venant perturber la rencontre. Le point de contact devient alors imprévisible. La relation a véritablement lieu, mais la question de son appartenance à la réalité et à la juste transmission de l’intention et de l’action interroge, perturbe.

Point de contact : Conjointement à la notion de contact, le « point de contact » est au centre de nos préoccupations dans ce neuvième numéro de RadaR. Il situe l’expérience de la rencontre entre le·a spectateur·rice et l’œuvre. Chercher le (ou les) point(s) de contact permet de discerner la zone où la distance s’efface, le lieu où les effets de l’œuvre sont le plus fortement ressentis. Le point de contact est ainsi vécu comme une jonction, un entrechoquement, une coalition ou, au contraire, comme un phénomène inframince, invisible voire imperceptible.

La matérialité de l’œuvre et son médium jouent en effet sur l’emplacement du point de contact, voire le dissimulent, l’invisibilisent. Roland Barthes, dans La Chambre claire (1980), utilise le terme latin punctum pour définir un détail d’une photographie qui provoque une émulsion d’effets et d’émotions, même si ce phénomène n’est pas toujours pensé par l’artiste2. Bien que le point de contact diffère selon la sensibilité des spectateur·rices, le médium photographique suscite lui-même un point de contact singulier entre deux temporalités : la rencontre de l’œuvre au présent, et le moment photographié au passé.

Cependant, quelle que soit la nature d’une œuvre, le point de contact est toujours mis en jeu. Pour en prendre la mesure, il suffit de considérer d’un point de vue phénoménologique le contact au sein de la production artistique, là où la réception de l’œuvre est axée sur nos sens.

1 Voir Julia Kristeva, Le langage cet inconnu. Une initiation à la linguistique, Paris, éd. du Seuil, 1981, p. 13.

2 Voir à ce sujet RadaR 4 « Le détail : un dispositif du regard », 2019. URL : https://doi.org/10.57086/radar.74.

Notes

1 Voir Julia Kristeva, Le langage cet inconnu. Une initiation à la linguistique, Paris, éd. du Seuil, 1981, p. 13.

2 Voir à ce sujet RadaR 4 « Le détail : un dispositif du regard », 2019. URL : https://doi.org/10.57086/radar.74.

Citer cet article

Référence électronique

« Glossaire », RadaЯ [En ligne], 9 | 2024, mis en ligne le 03 juin 2024, consulté le 23 juillet 2024. URL : https://www.ouvroir.fr/radar/index.php?id=696

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