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DOI : 10.57086/strathese.421

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Tantôt subjectivée ou objectivée, territorialisée, (dé)construite ou induite, l’identité se présente comme un inévitable singulier pluriel et éclate sous le prisme des sciences humaines et sociales, reléguant au mythe des origines perdues l’étymologie qui la relie au même, à l’idem. Exprimant avant tout un rapport, rapport à soi-même et aux autres, rapport au territoire que l’on habite ou que l’on a perdu, l’identité se multiplie en identités tout aussi plurielles que le sont les facettes du kaléidoscopique ensemble de regards spécifiques portés sur le monde par les sciences humaines. Jean-Yves Tadié, professeur de littérature française à l’université de la Sorbonne, déclarait à l’occasion d’une conférence en juin 2015 que la littérature ne se distingue pas des autres disciplines par ses sujets, mais bien par les moyens qui lui sont propres pour en parler. De la même manière, l’identité devient un outil épistémologique que chaque domaine peut manier selon un art qui lui est particulier, afin d’élargir l’horizon de l’analyse ; c’est en tout cas l’usage que se proposent d’en faire les contributeurs à ce cinquième numéro de Strathèse qui, des sciences historiques à l’étude anthropologique, affrontent les paradoxes et les méandres des identités plurielles.

Laura Kern, dans l’article qui ouvre notre dossier thématique, analyse l’épineux rapport entre sentiment identitaire et écriture de l’Histoire, telle que celle-ci prend forme aux 18e et 19e siècles en Alsace. Recontextualisant les influences médiévales et romantiques qui caractérisent alors le récit historique, elle décompose les vecteurs des identités d’emblée plurielles à l’œuvre sur ce territoire à la croisée des cultures française et germanique, ne négligeant ni le patrimoine ni la religion, pas davantage que les outils de leur appropriation, de la revue aux Histoire en plusieurs tomes.

À sa suite, Pierre Krieger s’attarde sur une personnalité régionale ambivalente, Charles Hueber (1883-1943), maire de Strasbourg de 1929 à 1935. L’itinéraire politique de ce militant des mouvements ouvriers régionaux qui, à la fin de sa vie, relaie un discours germanophile et pro-nazi, permet à l’auteur d’interroger les facteurs de l’identité politique et de ses fluctuations, en dressant le portrait nuancé d’un homme tiraillé entre sa culture personnelle et linguistique et les revendications d’appartenance dont fait l’objet sa terre natale.

Pour succéder à ces lignes, Caterina Sansoni présente une étude de la construction des personnages de la romancière italienne Elsa Morante, en regard avec les notions sociologiques développées par Erving Goffman, sociologue dont l’auteure conservait les ouvrages dans sa bibliothèque. Ici, ce sont les identités psychologiques et sociales qui se heurtent et s’accommodent tant bien que mal les unes avec les autres au sein de personnages dont les stratégies vitales s’évertuent à contourner le déterminisme social dans lequel la naissance les a jetés.

Avec l’avant-dernière participation à ce dossier thématique, nous abordons, sous la plume d’Ellie Mevel, la question de l’identité territoriale dans le cadre très particulier du territoire perdu. L’auteure analyse le rapport à la Palestine des artistes palestiniens qui pratiquent leur activité en France. Elle explore l’injonction qui vient revendiquer, de l’extérieur, une position politique et sociale sur des individus déjà marqués, dans leur identité personnelle, par une perte en rapport à laquelle ils se redéfinissent constamment. L’expression de l’identité palestinienne devient alors, a contrario des identités plurielles construites par Elsa Morante, un point de négociation incessante entre injonctions sociale et intime.

Enfin, l’identité genrée n’est pas en reste avec l’article de Zakia Ahmed. Elle démêle les relations entre les rôles endossés par les femmes au sein des sociétés réunionnaise et mahoraise, d’obédience musulmane, et leurs rapports au culte ésotérique des aïeux. Garantes de la famille, les femmes reprennent, par le biais des rituels de possession, le pouvoir sur leur lignage officiellement soumis à l’autorité masculine.

Les études présentées en Varia mettent en lumière le continent africain. Une étude co-écrite par Mamadou Diouf et Henri Vieille-Grosjean met l’accent sur l’utilisation du français comme langue d’enseignement au Sénégal. Se basant sur les textes officiels aussi bien que sur les analyses sociologiques menées à ce sujet, les auteurs soulignent les problèmes posés par l’usage d’une langue maîtrisée par une infime minorité de la population comme seul véhicule du savoir. Relevant les conditions historiques d’une telle décision, ils dénoncent le reliquat de l’hégémonie coloniale. Enfin, Digo Akakpo clôt ce numéro par un rapport de terrain sur les femmes commerçantes des marchés de la Préfecture du Golfe, au Togo, montrant notamment, données à l’appui, comment les mesures visant à atteindre l’égalité professionnelle hommes-femmes se heurtent à la faible instruction et aux difficultés d’assimilation d’une logique capitaliste des commerçantes, qui ne parviennent pas à utiliser à leur avantage les outils proposés à l’épanouissement de leur affaire.

 

Ces identités plurielles ne sont pas sans concrétiser, au terme de ce cinquième numéro, l’identité de la revue Strathèse qui ne cesse d’affirmer ses objectifs : diffuser la recherche doctorale en offrant une tribune aux jeunes doctorant·e·s et docteur·e·s pour présenter leurs travaux sous des angles inédits.

Citer cet article

Référence électronique

Aurélie Arena, Juliette Deloye, Sarah Toparslan et Marie Trommer, « Présentation », Strathèse [En ligne], 5 | 2017, mis en ligne le 01 janvier 2017, consulté le 26 avril 2024. URL : https://www.ouvroir.fr/strathese/index.php?id=421

Auteurs

Aurélie Arena

Doctorante en histoire de l’art, laboratoire Arts, civilisation et histoire de l’Europe (ARCHE, EA 3400), université de Strasbourg

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Doctorante en histoire, laboratoire Arts, civilisation et histoire de l’Europe (ARCHE, EA 3400), université de Strasbourg

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Doctorante en psychologie, laboratoire Subjectivité, lien social et modernité (SuLiSoM, EA 3071), université de Strasbourg

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Doctorante en histoire, laboratoire Arts, civilisation et histoire de l’Europe (ARCHE, EA 3400), université de Strasbourg

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