Rencontre en Pologne avec un illustre diplômé de l’université de Strasbourg. Entretien avec Piotr Cywinski, directeur du musée d’Auschwitz

DOI : 10.57086/sources.205

p. 194-200

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Propos recueillis au musée d’Auschwitz, le 18 juillet 2018.

Piotr Cywiński est né en 1972 à Varsovie. Historien médiéviste de formation, passé par l’université de Strasbourg, il dirige le musée d’État d’Auschwitz depuis 2006. Nous avons souhaité le rencontrer pour évoquer non seulement ses jeunes années strasbourgeoises, mais également son travail au musée, pour lequel la France l’a fait chevalier de l’ordre des Palmes académiques en 2015 et, le 17 janvier 2019, chevalier de la Légion d’honneur.

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Pourquoi vous êtes-vous retrouvé à Strasbourg pour vos études et quels souvenirs gardez-vous de vos années d’études en histoire à l’université ?

Mon père était dissident en Pologne, il s’est retrouvé par hasard en Italie le 13 décembre 1981, lors de l’instauration de la loi martiale. Il était probablement la personne la plus haut placée au sein de Solidarność se trouvant à l’étranger, donc il ne pouvait pas rentrer. Nous avons vécu six ans d’abord en Suisse romande puis mon père s’est déplacé en Alsace et c’est ainsi que j’ai atterri après mon Bac à Sélestat à ce qui s’appelait à l’époque l’USHS [Université en Sciences sociales et humaines] de Strasbourg en 1990. À ce moment-là, toute ma famille est rentrée en Pologne et moi je suis resté à l’université. J’ai vécu à la cité universitaire Paul Appell pendant trois ans et j’ai fait le DEUG et la licence d’histoire à Strasbourg, avant de rentrer en Pologne. La plupart de mes amis rencontrés à la cité universitaire n’étaient pas historiens.

Je me souviens de plusieurs professeurs de l’époque, comme Michel Hau en histoire économique, dont la pensée nous était assez difficile à suivre mais très intéressante. Il y avait également Vladimír Fišera, sur l’histoire des Slaves au xixe et xxe siècles, avec une énorme connaissance de toutes les minorités, il était issu de la vieille école tchèque qui se voulait panslaviste utopique façon début du xxe siècle et me reprochait toujours le fait que les Polonais n’avaient pas rejoint cette idée panslaviste tchèque qui était selon lui la bonne voie au sortir de la Première Guerre mondiale. J’étudiais également durant le bicentenaire de la Révolution française et les TD en histoire moderne étaient assurés par Christine Lebeau. Une autre spécificité de Strasbourg qui m’a beaucoup marqué par la suite est le système concordataire, et par conséquent l’enseignement de l’histoire des religions, très intéressant pour moi car il est difficile de saisir l’évolution culturelle et sociale de l’Europe si on omet le facteur religieux. Méthodologiquement, c’était également intéressant : le professeur chargé de l’histoire ancienne, spécialiste de Mycènes, était dans une approche très interdisciplinaire, avec beaucoup d’archéologie. Au début, je comptais me spécialiser en histoire contemporaine, mais ces trois années à Strasbourg m’ont fait reculer de plus en plus loin dans le passé et je me suis bien senti dans le Haut Moyen Âge, période que j’ai étudiée ensuite à mon retour en Pologne à l’université de Lublin puis à l’Académie des Sciences de Varsovie.

J’avais dès le départ le désir de rentrer en Pologne, mais je ne souhaitais pas rentrer sans continuer d’étudier, il me semblait plus intéressant de faire ma maîtrise en Pologne afin d’entrer plus aisément dans le milieu des historiens polonais. C’est pour cela que je suis parti après la licence. Je n’ai pas beaucoup gardé de contacts pendant les premières années, mais avec Internet et les réseaux sociaux, les données ont changé et nous avons pu nous retrouver. J’ai revu plusieurs personnes lorsque je suis revenu il y a trois ans pour une conférence. La plupart de mes amis de l’époque n’ont pas terminé leurs études en histoire.

Vous rentrez donc en Pologne en 1993 pour terminer vos études et vous vous engagez alors également au sein du Club des Intellectuels Catholiques (KIK), pourquoi ?

En 1993, tout avait changé par rapport à la Pologne que j’avais quittée enfant. Le communisme était tombé, l’économie capitaliste avait totalement changé les villes, tout était complètement différent, un peu comme le passage d’un film muet à une superproduction hollywoodienne, c’était une vraie révolution. Et finalement, il n’y avait que le KIK qui restait plus ou moins inchangé depuis ce que j’en avais comme souvenirs, comme milieu, société, manière de penser aussi. Par ailleurs, le KIK, surtout celui de Varsovie, était une très grande association regroupant des milliers de personnes. C’était pour moi un peu comme une « petite patrie » socialement et culturellement1. C’était aussi le moment où la Pologne était en train de se reconstruire, de se repenser, de retrouver sa place dans le monde et en Europe. Or ces grandes questions étaient souvent liées à des penseurs qui appartenaient à cette mouvance KIK comme Tadeusz Mazowiecki et beaucoup d’autres. C’était un noyau d’effervescences, d’idées, de discussions fascinantes pour moi à l’époque.

J’ai fait ma maîtrise à Lublin, en vivant à Varsovie. J’ai dû rattraper des éléments que je n’avais pas eus en France comme l’histoire de la Pologne. J’ai continué ensuite par un doctorat à l’Académie des Sciences de Varsovie, portant sur le xe et le début du xie siècle, plus précisément sur saint Bruno de Querfurt, un de ces évêques itinérants chargés de la christianisation des espaces à l’est de l’Europe. C’était assez intéressant, cette période est marquée par l’élargissement de l’Europe chrétienne vers le nord et vers l’est, les espaces slaves, baltes, vikings. Cela ressemblait à bien des égards à ce qui se passait dans les années 1990 avec l’élargissement d’une Europe libre, démocratique, non communiste vers l’est. Je trouvais qu’il y avait de quoi réfléchir.

J’ai eu du mal à trouver un groupe de travail pour doctorants car les médiévistes de l’Académie commençaient plutôt vers le xiiie ou xive siècle, donc ils ne savaient pas trop avec qui me mettre à l’Institut d’histoire. Durant la première année, j’étais dans le groupe formellement dirigé par Bronisław Geremek – mais qui n’y participait plus car il était engagé en politique donc n’avait plus le temps – mais qui s’occupait surtout du xive siècle avec une histoire sociale et de l’édition des sources. C’était un petit groupe d’une dizaine de personnes, sur une périodisation assez large allant même jusqu’au xviie siècle, et très fort sur la méthodologie et les sciences auxiliaires. J’y ai donc trouvé des personnes avec qui échanger sur le plan des idées. Mais à un certain moment, ils ont voulu me mettre avec les archéologues, car ma période et mon sujet avaient si peu de sources écrites que c’était finalement assez proche de l’archéologie pour cette partie de l’Europe. J’ai refusé : mon idée était de devenir historien, pas Indiana Jones.

Comment avez-vous commencé à vous intéresser au musée d’Auschwitz ?

Juste avant de terminer mon doctorat, en l’an 2000, le professeur Władysław Bartoszewski, ancien prisonnier d’Auschwitz, à l’époque ministre des Affaires étrangères, m’a dit qu’ils étaient en train de recréer un Conseil international à Auschwitz, composé de 25 personnes, et qu’il ressentait le besoin d’avoir quelqu’un de jeune dans ce conseil, qui tienne le rôle de secrétaire. L’autorité de Bartoszewski était tellement énorme – l’équivalent de Simone Veil ou Serge Klarsfeld en France - qu’on ne pouvait pas refuser une telle proposition. Il connaissait mes parents depuis longtemps et cherchait une personne en qui il pouvait avoir confiance. C’est comme cela que j’ai commencé à m’intéresser à Auschwitz. J’ai occupé cette fonction de secrétaire pendant six ans. Nous n’avions que deux réunions par an, c’était une activité bénévole.

Ce Conseil avait été refondé. Auparavant, il était auprès du ministère de la Culture mais en 2000, il a été rattaché auprès du Premier ministre Jerzy Buzek. À l’époque, la plupart des membres de ce conseil étaient encore des anciens survivants d’Auschwitz. Ce comité comporte, encore aujourd’hui, des personnes de la Pologne, d’Israël, des États-Unis, d’Allemagne, tous faisant autorité dans leur pays et avec des perspectives très diverses. Il est renouvelé tous les six ans. Il gère les questions les plus difficiles liées à Auschwitz et aux autres centres de mise à mort situés en Pologne. Son rôle est consultatif. Il sert à créer un consensus moral autour des questions les plus difficiles. Le Premier ministre nomme le président de ce conseil, qui en propose les membres.

Au bout de six ans, alors que le directeur du musée partait à la retraite, on m’a demandé de prendre la relève. Cela a tout chamboulé pour moi car il n’était plus possible d’être à la fois médiéviste et de s’occuper d’Auschwitz. Mais pendant toutes ces années de secrétariat, j’avais gardé l’ambition de devenir historien. Cependant, revenir à l’histoire contemporaine ne m’attirait guère car elle me semblait beaucoup trop politique et trop proche des faits. Je voyais mal la différence entre lire le travail d’un historien du xxe siècle et lire une analyse dans un journal.

Durant ces années 1990-2000, comment suivez-vous et percevez-vous l’évolution de la Pologne par rapport à son passé juif ?

Les années 1990 furent très difficiles. D’une part la société sortait de générations de communisme, il y avait beaucoup à retravailler dans l’histoire ; d’autre part, avec la chute du rideau de fer et les débuts de l’enseignement de l’histoire de la Shoah en Europe occidentale qui a vraiment commencé seulement au début des années 1990. Je me souviens encore de mon manuel d’histoire au lycée en 1988 : il y avait deux pages sur la déportation avec un tout petit encadré à droite où il était dit que parmi les déportations, il y avait aussi des familles entières juives dont la spécificité était que peu sont revenus…

Ici en Pologne se sont rencontrées deux histoires véhiculées par des expériences individuelles totalement différentes. Auschwitz était perçu en Occident dans les années 1990 comme le lieu de la Shoah et de la mémoire juive et en Pologne, c’était une mémoire des déportés politiques, une autre facette du même site. Il a fallu au moins dix à quinze ans pour que ces deux histoires, liées au même lieu mais bien sûr porteuses d’un souvenir divergent commencent à s’apercevoir, s’autoriser l’une l’autre, se comprendre, puis créer une histoire faisant de la place à chacun. C’est aussi le moment de l’éveil de la mémoire des Roma et des Sinti, qui a également provoqué des tensions, peut-être moins politiques, moins perceptibles pour le grand public. Puis dans les années 2010, il y a eu en Russie une évolution de la perception des prisonniers de guerre russes, qui jusqu’alors étaient perçus, en accord avec l’idéologie stalinienne, comme ceux qui se sont fait prendre, donc qui ne se sont pas battus jusqu’à la dernière goutte de sang. Ce n’est en fait que durant cette dernière décennie que la mémoire de leur tragédie a été purifiée de cette approche et où l’histoire individuelle de ces soldats soviétiques a commencé à apparaître. Il y eu toute une évolution, souvent houleuse, même si le grand public n’en a retenu qu’une partie : le Carmel (1984-1993) ou l’affaire des croix (1998-1999).

Quel a été votre rôle depuis votre nomination à la tête du musée d’Auschwitz en 2006 ?

Durant les premiers mois suivant ma nomination, j’ai surtout observé, il fallait que je comprenne comment les choses fonctionnaient. Il m’a fallu du temps pour m’imprégner du site, des personnes qui y travaillaient, des problèmes qui existaient, des priorités etc. Assez rapidement, des priorités sont apparues. Il y a tout d’abord celle de la conservation de l’authenticité du site et ensuite celle de l’éducation. Tout le reste, y compris les travaux scientifiques, sont comme des sciences auxiliaires de ces deux buts. Si avec l’éducation, on peut travailler sur un développement stable, sur la longue durée, avec la conservation, la situation était beaucoup plus complexe car il fallait des spécialistes de nombreuses approches. En 2003 fut ouvert le premier laboratoire de conservation, grâce à l’aide de la Fondation Lauder. Cinq ou six conservateurs repéraient les urgences. On s’est alors rendu compte que le vieillissement des vestiges, bâtiments, objets ou documents, se produit beaucoup plus vite que nos réponses de conservation. Nous avons alors rassemblé des fonds, en créant une fondation, à une hauteur de 120 millions d’euros, afin que les recettes de ce fonds puissent financer d’une manière durable et stable de sérieux travaux de conservation. Cela a pris quelques années, nous avons discuté avec de nombreux gouvernements et des personnes privées. Au début tout le monde était sceptique sur cette idée et sur le montant. Il n’était pas possible que la Pologne puisse seule assumer ces travaux. D’abord parce que les sommes sont colossales et ensuite parce que le budget, qui relève du ministère de la Culture, est voté annuellement et les élections peuvent remettre en question les budgets. La question qui se posait était celle de la pérennité du site. Jusqu’à la création de ce fonds, la Pologne était le seul fondateur. Il arrivait qu’un gouvernement étranger finance une partie – la réfection d’une ruine, un baraquement, une partie des archives – mais cela ne permettait pas de créer une équipe qui comprenne la spécificité du site, qui est autre chose qu’une cathédrale ou un château fort ou des archives municipales… En outre, chaque gouvernement finançait en fonction de ses propres intérêts, mais qui aurait financé par exemple la tour des SS ? Cette fondation a permis d’échapper à des décisions strictement politiques car elles sont toujours intéressées d’une manière ou d’une autre et sont à courte durée, en fonction des élections ou des stratégies politiciennes. On ne pouvait continuer avec cette conservation ponctuelle qui ne menait nulle part. Je ne connais pas d’autre site dans le monde qui fonctionne de cette manière, et pourtant au début personne n’y croyait. Pourtant le site est classé au patrimoine de l’UNESCO depuis 1979, mais cela n’avait rien apporté au niveau concret.

Actuellement nous avons près d’une trentaine de conservateurs de toute spécialisation. Il y a trois ans, nous avons commencé à restaurer les baraque-ments en brique etc. Et à présent cela fonctionne bien.

Quelles ont été les évolutions du musée quant à la muséographie ?

Le plus important était de s’occuper de l’exposition générale, qui date de 1955, la plus vieille au monde. Elle est certes veillotte, mais a été réalisée par des survivants du camp, elle laisse une très forte impression sur le visiteur. Nous nous sommes dit qu’il fallait toutefois la refaire, ne serait-ce que pour des raisons de conservation des expôts, mais aussi pour une meilleure compréhension du public. Nous avons travaillé très longtemps sur le scénario de cette exposition car presque toutes les expositions actuelles sont narratives, or ici, il n’y a pas de début ou de fin car le public entre d’abord dans le camp avant d’entrer dans l’exposition, et ensuite il reste encore sur le site. L’exposition ne fait qu’expliquer le site. Par ailleurs nous souhaitions conserver le caractère phénoménologique de l’ancienne exposition qui ne raconte pas l’histoire mais la montre. C’est une approche très différente et que nous souhaitions sauvegarder. Cette nouvelle exposition est en cours de montage. Comme il nous est impossible de fermer le musée pour trois ans, nous allons procéder étape par étape, cela prendra plus de temps. La première partie pourrait ouvrir fin 2021-début 2022 et la dernière partie fin 2025. Elle restera classique, sobre, pas du tout interactive mais centrée sur l’objet.

La narration est chez nous véhiculée par le guide. Nous guidons en 17 ou 18 langues différentes, aucun musée au monde n’a cette offre. Mais c’est normal car notre public est jeune et ne connaît pas forcément l’anglais. La présence d’un guide pour les visites est à présent obligatoire durant certaines périodes. Nous avons dû également limiter la fréquentation à 1 000 personnes par heure et demander une pré-inscription par internet car ce n’était plus possible, y compris du point de vue de la sécurité. Sur ces dernières années, nous avons reçu plus de deux millions de visiteurs annuellement, venant du monde entier, avec des différences de compréhension historique énormes, des approches différentes et des points de repères thématiques différents. Les Chinois arrivent et pensent à la Manchourie, les Coréens [du Sud] à la Corée du Nord, les Russes au Goulag, les Africains au Rwanda etc. C’est pour cela qu’on essaie de travailler avec nos guides, surtout liés à une langue particulière.

Comment gérez-vous la formation des guides ?

Nous avons une contradiction naturelle à gérer entre notre besoin important en nombre de guides et notre volonté qu’ils soient vraiment bons. Lorsqu’une personne se présente ici, elle doit passer des examens historiques, pratiques, certifier son aptitude linguistique. Or nous sommes assez loin des grandes villes ici, ce qui n’est pas si facile de recruter 300 guides en 18 langues à partir d’un bassin urbain de 40 000 habitants, où la première école post-bac a été fondée il y a onze ou douze ans seulement. Ensuite ces guides reçoivent une formation continue par conférences, rencontres, voyages sur d’autres sites. Yad Vashem est un partenaire important. Chaque année nous essayons d’envoyer un ou deux groupes de guides et d’éducateurs suivre une formation à Yad Vashem en Israël et nous recevons aussi des guides de Yad Vashem pour une semaine de formation chaque année, depuis plus d’une vingtaine d’années. Cela a permis de rapprocher ces deux institutions qui sont fondamentales pour l’avenir de la mémoire. À l’automne dernier, une partie de nos guides francophones sont partis à Paris au Mémorial de la Shoah pour suivre une formation. C’est aussi très important pour qu’ils sentent l’évolution sur l’enseignement de la Shoah, sur les discussions en cours. À distance, par internet, on peut lire les journaux bien sûr mais il faut voir sur place, voir ce qui se vend dans les librairies etc. Je vais moi-même souvent en France, je suis membre du conseil d’administration de la Maison d’Izieu depuis plusieurs années, et il est clair que rien ne remplace le contact direct avec une zone culturelle.

Comment le musée considère-t-il les questions politiques, avec le fait que chaque pays gère son propre pavillon ?

Il y a toujours des difficultés bien entendu. Chaque pays paie pour son exposition et prépare son scénario, s’ensuivent des discussions avec nous car chaque gouvernement a sa vision de l’histoire et cela prend parfois assez longtemps avant d’arriver à un consensus, d’où le rôle du Conseil international d’Auschwitz qui doit valider ce scénario. Nous sommes donc en relation constante avec les différentes ambassades. Je pense qu’aucun autre musée au monde n’a autant de relations para-diplomatiques avec les ambassadeurs. Car ces pays sont ceux qui ont doté la fondation donc sont intéressés par le travail qui est fait, certains ont des pavillons, il y a des visites officielles, il existe un véritable agenda international. L’actualité est en constante évolution : actuellement l’Autriche est en train de refaire son pavillon, la Grèce pense à en créer un… Ces pavillons aussi vieillissent et doivent se renouveler.

Notre but n’est pas de faire entrer les gens ici, c’est de les faire passer par. C’est comme un rite de passage : les gens entrent et doivent sortir un peu différents. C’est cela l’essentiel d’un lieu de mémoire Ce n’est pas comme un monument où l’on pourrait venir tout seul ou avec un livre ou quelqu’un d’autre. L’essence même c’est ce rite de passage.

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Piotr Cywiński n’a pas souhaité s’exprimer sur les attaques qu’il a subies depuis fin janvier 2018, notamment par le biais d’insultes et de pétitions réclamant sa démission. Ces milieux haineux estiment que le musée d’Auschwitz n’est pas assez « polonais », autrement dit qu’il marginaliserait la mémoire des détenus politiques polonais du camp au profit des autres mémoires – sous-entendu celle des Juifs, qui pourtant représentent plus de 90 % des victimes. Cette campagne de haine est à mettre en lien avec le contexte du vote d’une loi condamnant quiconque incriminerait l’État ou la nation polonaise pour les crimes nazis. C’est en effet la veille du 27 janvier 2018, jour des commémorations annuelles de la libération d’Auschwitz que le parlement avait adopté cette loi, suscitant une protestation de l’ambassadrice d’Israël pendant la cérémonie. Cet événement a déclenché un déferlement de haine contre le directeur et son musée. Cette loi semble avoir délié les mauvaises langues, accusant notamment la narration du musée d’être « étrangère et non polonaise ». Après quelques semaines de silence, le ministère de la Culture a finalement pris la défense du directeur du musée. Piotr Cywiński a par ailleurs reçu le soutien de nombreuses personnalités en Pologne et à l’étranger ainsi que de la part du Conseil international d’Auschwitz. L’attribution du grade de chevalier de la Légion d’honneur, remise le 17 janvier 2019 à l’ambassade de France à Varsovie, est un signe du soutien de la France à l’action du directeur du musée d’Auschwitz.

1 Le père de Piotr Cywiński, Bohdan, était un membre actif du KIK dès les années 1960.

Notes

1 Le père de Piotr Cywiński, Bohdan, était un membre actif du KIK dès les années 1960.

Citer cet article

Référence papier

Audrey Kichelewski, « Rencontre en Pologne avec un illustre diplômé de l’université de Strasbourg. Entretien avec Piotr Cywinski, directeur du musée d’Auschwitz », Source(s) – Arts, Civilisation et Histoire de l’Europe, 13 | 2018, 194-200.

Référence électronique

Audrey Kichelewski, « Rencontre en Pologne avec un illustre diplômé de l’université de Strasbourg. Entretien avec Piotr Cywinski, directeur du musée d’Auschwitz », Source(s) – Arts, Civilisation et Histoire de l’Europe [En ligne], 13 | 2018, mis en ligne le 25 septembre 2023, consulté le 29 mars 2024. URL : https://www.ouvroir.fr/sources/index.php?id=205

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Audrey Kichelewski

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