Chapitre 1 – Les multiples langages de la prise de contact

Chapter 1 – Multiple languages of making contact

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La section inaugurale de ce numéro interrogera les modalités par lesquelles l’œuvre et les spectateur·rices entrent en contact. C’est d’abord sur un plan phénoménologique, grâce à différents sens ou sensations, que la prise de contact intervient. Elle apparaît comme une interaction, un dialogue entre deux parties, humaines ou non-humaines. Les œuvres étudiées dans cette section croisent cinq formes de langage : oral, écrit, photographique, corporel et olfactif. Il s’agira, en les observant, de saisir la diversité de leurs modes d’interpellation et des types de prises de contact – forte, intime et envahissante – qu’ils peuvent respectivement générer.

Lisa Christ étudiera les sons, et plus précisément, la manière dont ils entrent en contact avec le tympan. En effet, l’écoute n’étant pas maîtrisable, les sons possèdent un caractère envahisseur. Les voix diffusées, qu’elles proviennent des haut-parleurs déployés par Dominique Petitgand, de vases sculptés par Raphaël Tiberghien, de casques installés par Pierre-Laurent Cassière ou Emma Dusong, parviennent à envelopper l’oreille. En s’y introduisant, elles créent un contact qui, bien qu’intangible, se montre à la fois intense et volatile.

Louise Delval‑Kuenzi explorera l’utilisation de l’écriture dans des œuvres qui dénoncent des actes de violences sexuelles, et plus particulièrement la manière par laquelle les mots engendrent une prise de contact avec les regardeur·euses. Elle s’appuiera sur une gravure de Tracey Emin, le travail sculptural de Stéphanie Buttay, ainsi que les « collages féministes » urbains. Ces artistes et activistes utilisent un langage direct et cru afin de troubler, de secouer, de perturber les regardeur·euses, et de faire comprendre la violence même des sujets de leurs travaux.

Morgane Akyuz interrogera la rencontre entre deux types de corps – l’humain et la nature – au sein de l’image photographique. À partir des photographies d’Arno Rafael Minkkinen, Ruben Brulat et Spencer Tunick qui présentent un ou plusieurs corps nus dans un environnement naturel, elle montrera que ceux-ci viennent s’intégrer voire se confondre dans le paysage grâce à différents procédés esthétiques. Un lien presque intime se crée ainsi entre ces motifs. Comme on entrerait en contact, le corps humain finit par « entrer en paysage ».

Grâce à sa pratique et ses recherches en danse contact, Alice Godfroy enrichira ce chapitre en nous immergeant dans le champ des arts du spectacle. À partir d’exemples de pièces, elle explicitera les enjeux du Contact Improvisation, une pratique où plusieurs corps en mouvement se touchent. Contrairement à une prise de contact éphémère, le point de contact, qui émerge à la surface de la peau, est destiné à être maintenu pendant la performance dansée. Le rapport tactile entre les danseur·euses, la réciprocité du contact et la notion d’identité seront interrogés suivant une lecture phénoménologique.

Sous la forme d’une discussion, l’artiste Julie C. Fortier achèvera cette section en expliquant sa pratique olfactive : des tapis tuftés, des dessins odorants, des éditions de parfum ou même des crèmes à appliquer… Au sein de l’espace d’exposition, ce n’est plus l’œil mais le nez qui est interpellé en premier. Une prise de contact forte, inédite et invasive sera ici présentée.

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Référence électronique

« Chapitre 1 – Les multiples langages de la prise de contact », RadaЯ [En ligne], 9 | 2024, mis en ligne le 03 juin 2024, consulté le 23 juillet 2024. URL : https://www.ouvroir.fr/radar/index.php?id=693

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