« Yes, we can » : du virtuel au réel, immerger pour mieux régner ?

DOI : 10.57086/radar.346

Résumé

Faut-il diviser pour mieux régner ? Malgré l’aspiration à rassembler les individus selon leurs intérêts communs à travers la création de réseaux sociaux, l’instauration de filtres de contenus participe aujourd’hui à l’orientation des opinions. Mis en place pour l’agencement d’un Internet « personnalisé », ces derniers offrent une navigation optimisée à l’utilisateur mais vont également être à l’origine d’une censure de l’information non sans conséquence. L’information orientée favorise alors la formation d’une cyber-bulle alimentée par le sentiment d’immatérialité des actions réalisées à travers les interfaces des écrans et favorise l’état d’immersion dans un présent permanent. Portées par l’effet fédérateur du récit et du discours, les communautés virtuelles peuvent, par le pouvoir de rassemblement des réseaux sociaux, devenir réelles le temps d’une manifestation sans pour autant prendre conscience des risques encourus par le passage du virtuel au réel. Les illusions nourries par le cyberespace et l’impression d’anonymat qui y règne peuvent alors rapidement faire place à la confusion et l’affrontement.

Index

Mots-clés

communauté éphémère, cyber-bulle, filtres, présentisme, réel, virtuel

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Texte

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Si l’avènement d’Internet favorisait à l’origine la création d’un réseau commun où l’interface était strictement au service de ses utilisateurs, son usage est aujourd’hui essentiellement tourné vers l’individu et sa singularité, ses goûts et ce qui le définit : Internet est désormais davantage un outil de consommation de masse, détrônant presque les lieux d’achat réels, tout en étant un moyen pour l’individu de mettre en avant ses actions quotidiennes. L’observation des réseaux sociaux (pour ne citer que Facebook, Instagram et Twitter) a démontré la tendance de l’individu hyper-contemporain à mettre en valeur son quotidien en veillant à ce qu’il ait une grande visibilité, comme s’il était extra-ordinaire, hors du commun, voire unique1.

À la manière du miroir de Narcisse, les réseaux sociaux sont les vecteurs d’une pathologie du culte de la personne, où chacun a la possibilité de mettre en scène son quotidien à travers des cadrages étudiés, des filtres « magiques », des journées tronquées pour n’en garder que le moment susceptible de provoquer l’envie, si ce n’est la jalousie de son cercle de « followers ». Tout porte à croire que l’utilisation d’Internet, associée à un individualisme grandissant, pourrait agir aujourd’hui comme un outil d’illusion de la réalité du temps présent et de mise en scène du quotidien en temps réel. On ne cherche plus à montrer mais à faire croire à, à idéaliser des situations qui relèvent presque du geste vital : ainsi, on photographie ce que l’on mange, le café que l’on boit, les vêtements que l’on choisit de porter. Loin cependant d’être totalement individualiste, l’usager d’Internet se réalise également à travers son semblable, qu’il soit de l’ordre d’un « public » ou d’un « partenaire ». S’il a tendance à envisager son identité à travers l’auto-construction, l’individu hyper-contemporain ne semble cependant pas rejeter la possibilité d’intégrer une communauté en ligne, où la prise de contact avec l’autre s’effectue par le seul biais d’un écran. Sa seule utilisation des réseaux sociaux l’intègre de facto dans un système de communauté dont il fait partie malgré lui : celui du « World Wide Web ». Parallèlement, les groupes de partage et d’échange fleurissent en réaction à l’individualisme ambiant, traduisant le désir d’un « vivre-ensemble » virtuel au-delà de toute frontière géographique.

Qu’on l’applique au modèle de l’individu hyper-contemporain ou des communautés sur les réseaux sociaux, l’utilisation d’Internet repose essentiellement sur une expérience immersive du temps présent. Il s’agira alors pour les utilisateurs d’étudier ce qu’il est possible de tirer du présent à court terme, car le flux continu dans lequel évoluent constamment les réseaux sociaux provoque un désintérêt rapide pour ce qui date d’hier, susceptible de tomber rapidement dans l’oubli. En effet, il est aujourd’hui possible de constater qu’un délai de quelques heures suffit pour qu’une publication, postée sur un forum de discussion ou sur un fil Facebook, ne soit déclarée comme « morte » et perde de sa visibilité. Plus cruel que la mode, Internet ne connaît pas d’« intemporel ». Cette tendance à valoriser le présent en tant que temps dominant, l’historien François Hartog l’a qualifée de « présentisme ». Applicable à l’étude du fonctionnement d’Internet et des réseaux sociaux, ce culte du présent amène l’individu à se détourner du passé comme temps révolu ainsi que de l’avenir comme temps incertain, imprévisible. Si seul le présent possède une valeur, celui-ci devient l’unique temporalité qu’il est possible d’envisager, bouleversant par la même occasion notre faculté d’anticipation et de rétrospection.

Forts de ce constat, certains grands groupes ont développé une série d’outils numériques afin d’immerger l’usager dans cet état de présent chronique et de l’y maintenir, aussi bien par l’adaptation d’interfaces de communication que par celles susceptibles de garder un contrôle sur la vie privée de l’utilisateur. En réaction à ces phénomènes, plusieurs artistes livrent des œuvres à l’épreuve de cet état d’immersion qu’il est possible d’expérimenter à travers Internet et les réseaux sociaux tout en questionnant sa puissance fédératrice dans la création de nouvelles communautés virtuelles ou réelles.

« What does Facebook know about me ? » : un intra-net « sur mesure »

Albums photo, statut, date de naissance, activité professionnelle… Si l’adhésion aux réseaux sociaux implique la prise de conscience du partage d’informations auprès d’autres utilisateurs, on s’attend cependant à ce que certaines d’entre elles soient protégées, voire non répertoriées. Imaginez que Facebook ait accès à vos données en temps réel sans que vous lui en ayez consciemment donné l’autorisation : date de vos derniers déplacements, dernier achat sur Amazon, recherche la plus récente sur Google. Me and my Facebook Data2 (2012) de l’artiste vietnamienne Hang Do Thi Duc propose à chaque utilisateur de réaliser, à travers la création d’un logiciel rendant visible le processus de récolte de données sur les réseaux sociaux, la quantité d’informations conservée pour laquelle aucune autorisation n’a réellement été formulée. Et pour cause : le trafic d’informations concernant les intérêts et les goûts des utilisateurs est aujourd’hui devenu un marché lucratif important, permettant aux différentes plateformes d’alimenter les sites partenaires avec une publicité tournée vers les centres d’intérêts des individus connectés. Cette modélisation amène ainsi à la création d’un Internet « sur-mesure », où chaque utilisateur se verra proposer un panel de sites et d’hyperliens différents pour deux recherches identiques.

Cet état de collecte et de ré-utilisation d’informations est ainsi à l’origine de notre stupéfaction lorsque la page de publicité affichée sur Facebook concerne exactement les produits consultés la veille sur un site totalement différent. Car si l’utilisation d’Internet est aujourd’hui devenue une activité quotidienne, on peut également observer un phénomène « d’errance » caractéristique du désir d’accessibilité rapide aux services et informations demandés. Suite au foisonnement de sites de vente en ligne à travers le monde, la commande s’effectue désormais en un clic et ne nécessite aucun déplacement. Ces états d’errances ont pour caractéristique, bien souvent, d’être chronophages, car sans cesse alimentés par un système de filtres qui redirigeront l’utilisateur vers des suggestions de pages correspondant à ses centres d’intérêts. Le simple visionnage d’une vidéo sur Youtube est accompagné d’un panel de vidéos similaires, qui démarrent en lecture automatique si l’utilisateur peu attentif ne clique par sur « annuler » pour mettre fin au chargement de la vidéo suivante. Tout est mis en place pour que l’utilisateur soit maintenu le plus longtemps possible sur le site et se laisse happer pour une durée indéterminée.

Nous devons tous entrer en relation et être conscients de notre « double » virtuel, notamment à travers les profils créés par les compagnies grâce aux données auxquelles elles ont accès et comment celles-ci donnent une vision de notre vie et de notre identité que nous ne considérons même pas – ou, dans la plupart des cas, pas assez3.

D’après l’artiste Hang Do Thi Duc, si les réseaux sociaux comme Facebook donnent la possibilité à leurs usagers de télécharger une copie des données contenues dans leurs profils, celles-ci s’avèrent toutefois incomplètes et ne servent que de fondements en vue d’établir des pronostics sur le quotidien de l’individu : Me and My Facebook Data révèle ainsi les moyennes établies par Facebook ; l’heure à laquelle vous vous réveillez, votre nourriture préférée ou le type d’activité pratiquée qui entrainera le plus grand nombre de demande d’amis sont autant d’informations a priori « inutiles » que l’on prend toutefois soin de stocker de manière compulsive, juste au cas où. Car le stockage d’informations fait aujourd’hui partie intégrante de notre quotidien. Avec le développement des technologies informatiques, les capacités liées à la mémoire d’un appareil n’ont cessé d’augmenter à mesure que l’outil de stockage diminue, si bien que rappeler aujourd’hui l’usage du premier disque dur4 conçu en 1956 comme n’ayant une capacité de stockage que de 5 mégaoctets (contre 128 gigaoctets pour nos smartphones actuels) prêterait à sourire.

Vidéo de démonstration de Me and my Facebook Data

Permalien: https://vimeo.com/218504603

Si la mise en place de filtres s’avère être inoffensive dans le cas d’une consommation matérielle – l’utilisateur ne risquant que de « perdre son temps » – cette stratégie peut cependant avoir des conséquences sur l’accès à l’information et la connaissance. Car Internet participe de nos jours à alimenter notre quête d’actualité plus que n’importe quel autre média : on se cultive à travers les informations que l’on y apprend, on se tient informé des situations de conflits à travers le monde, mais on peut également y créer le débat et ainsi forger ses opinions à travers les chats et les réseaux sociaux. Internet est devenu le « Forum » des temps contemporains où les citoyens ne se réunissent plus physiquement mais virtuellement afin de débattre de sujets de société, d’économie, de politique. Si l’on associe ce constat à la situation de « bulle » créée par l’instauration de filtres, l’utilisateur risque de se voir « enfermé » dans un cercle de publications qui iront majoritairement dans le sens de son opinion. L’artiste et photographe Vilém Flusser écrit à ce propos dans son article La politique à l’âge des images techniques :

Jadis, les informations étaient publiées dans l’espace public, et les gens devaient quitter leur foyer pour y avoir accès […]. Ils étaient, bon gré, mal gré, « politiquement engagés ». Aujourd’hui, les informations sont transmises directement d’espace privé à espace privé et les gens doivent rester chez eux pour y accéder. […] Ils subissent un « désengagement politique », parce que l’espace public, le forum, ne sert plus à rien. En ce sens, on prétend que « le politique » est mort et que l’histoire débouche sur la post-histoire, où rien ne progresse et où, tout simplement, rien ne se passe5.

Cette redéfinition du « Forum » comme lieu d’échange et de flux immatériel et non plus tangible a ouvert la porte à ce que la rédactrice en chef du quotidien britannique The Guardian Katharine Viner a appelé l’ère de la « post-vérité »6, dans laquelle l’information sur les plateformes numériques obtient une plus grande visibilité que celle relayée par les médias traditionnels. Repris comme mot de l’année 2016 par le dictionnaire Oxford, il a été défini comme les circonstances « dans lesquelles les faits objectifs ont moins d’influence pour modeler l’opinion publique que les appels à l’émotion et aux opinions personnelles »7. Peut-on alors parler de techniques de « propagande contemporaine » ?

Cette stratégie de conviction, fréquemment utilisée en politique, a notamment été appliquée lors de la campagne présidentielle américaine confrontant Hilary Clinton à Donald Trump en 2016. En modifiant la réalité par le biais d’approximations, l’ex-candidat de téléréalité et millionnaire s’est approprié la notion de « fake-news » comme une arme de post-vérité au service des opinions défendues par le parti républicain. Si l’appel à l’émotion l’a majoritairement emporté sur la raison, c’est essentiellement car, trop enracinés dans les effets d’une campagne Internet auto-censurée, les partisans de Donald Trump semblaient se satisfaire du fait que la réalité sur leur candidat importe peu, l’essentiel étant que leur point de vue fut considéré comme étant le bon. La politique de Donald Trump a ainsi vaincu celle mise en place par les médias, croyant à tort qu’en exposant les faits au public, les opinions sur sa capacité à devenir président des États-Unis seraient révisées. Les filtres d’opinions, prenant soin de trier les messages véhiculés, ont ainsi participé à la création de communautés aux avis convergents et favorisé un dialogue entre convaincus.

Quel que soit le message véhiculé, le degré d’engagement porté par une communauté pourrait avoir des effets suffisamment puissants pour que celui-ci soit l’objet d’un transfert du virtuel au réel. L’état d’immersion dans une « bulle » d’opinions auto-centrées comporterait alors des répercussions, non plus sur un présent à court terme, mais également sur le « vivre-ensemble » du collectif sur le long terme, à l’échelle d’un quartier comme celle d’un pays.

L’accès à l’information, s’il peut être orienté, peut également dans certains cas être sciemment dirigé. La censure et la propagande, locomotives des temps d’élections politiques et des situations de guerre, sont aujourd’hui loin d’être abrogées. Dans Algorithm Allowed (2017), Joana Moll développe une enquête d’investigation mettant en lumière les trackings présents sur les sites internet appartenant à des pays sous embargo des États-Unis (à savoir, Cuba, l’lran, le Soudan, la Syrie, la Crimée ainsi que la Corée du Nord). En Corée du Nord, Internet tel qu’on le connaît n’est accessible qu’à des groupes restreints, comprenant certains membres du gouvernement ainsi que les touristes présents sur le territoire. Pour le reste de la population, un service « intra-net » fermé et surveillé, appelé « Kwangmyong », a été développé depuis l’année 2000 afin de se substituer au service d’information mondial. Les tensions entre les États-Unis et la Corée du Nord ont conduit les pays à interdire tout échange commercial entre eux. Cependant, en accédant aux codes sources de certains sites nord-coréens, l’artiste a constaté la présence de produits américains tels que Google et Adobe, comprenant notamment des autorisations pour l’utilisation de polices ou de modules.

Algorithm Allowed porte à interroger, au même titre que l’utilisation de la post-vérité par les dirigeants politiques, la nature des discours et relations entre différents interlocuteurs lorsque la notion d’« intérêt » est soulevée : si aucune transaction tangible n’est tolérée entre les pays sous embargo et les États-Unis, les transactions financières « immatérielles » sont pour autant acceptées. Dans quelle mesure le virtuel peut-il alors être considéré moins influent que le réel ?

Capture d’écran du site Internet du projet Algorithm Allowed

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Site internet du projet: http://www.janavirgin.com/ALGORITHMS_ALLOWED/

« Voisins vigilants » : cyberpatrouille, communautarisme et rêves d’idéaux

Vous êtes les oreilles et les yeux de la nation. Depuis votre poste de contrôle, vous observerez à travers plusieurs caméras de surveillance les entrées illégales dans le pays et serez tenus d’en informer vos supérieurs afin qu’ils y remédient. Votre tâche est des plus importantes pour la sécurité et l’avenir de notre pays. Bonne chance.

Si ces mots semblent décrire le synopsis d’un jeu vidéo de surveillance dont l’action prendrait place en temps de conflit, ils pourraient aussi bien illustrer le projet ayant donné lieu à l’œuvre The Virtual Watchers (2010). Grâce à une plateforme créée en 2008 en partenariat avec l’État du Texas, la compagnie RedServant offre la possibilité à chaque citoyen américain – désirant apporter leur aide dans les missions de contrôle des populations immigrées – un accès illimité aux caméras de surveillances placées en périphérie des frontières entre les États-Unis et le Mexique afin de signaler aux autorités la moindre action suspecte.

The Virtual Watchers donne un aperçu à son tour des conversations Facebook entre les différents membres du groupe, qui ont gardé leur véritable identité et révélé naturellement plusieurs informations sur leur vie privée lors de leurs « patrouilles » de surveillance. En collaboration avec l’anthropologue spécialiste des frontières Cédric Parizot, Joana Moll cherche à rendre visible le processus de militarisation de la population à travers les réseaux sociaux. L’artiste parle elle-même d’un système de surveillance « post-panoptique »8 dans la mesure où les utilisateurs avaient une vision à 360 degrés des frontières dans le but de « punir » en faisant état de l’immigration clandestine. L’action, ici exécutée à travers l’écran immatériel des réseaux sociaux, n’en est pas moins lourde de conséquences sur la réalité tangible des migrants, qui se verront arrêtés ou expulsés. Ce qui demeurait jusqu’alors dans le champ du « virtuel » bascule alors dans le champ du « réel ». Réel et virtuel s’opposent-ils pour autant ?

Interface de la plateforme RedServant après la saisie d’un rapport d’anomalie

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Image capturée par l’artiste en 2009

La relation entre réel et virtuel, selon les termes de Gilles Deleuze, est bien trop souvent réduite, à tort, à l’antonyme. Le réel se traduit par les faits actualisés, ce qui s’est passé ou est en train de se passer. Le virtuel est une version du réel qui n’est pas encore actualisée et qui peut ou non l’être. Pierre Lévy, dans Qu’est-ce que le virtuel ?, prenait à titre d’exemple le fait que l’image d’un arbre est présente dans une graine. Par conséquent, l’arbre est l’objet virtuel et la graine l’objet réel, ce qui ne signifie pas pour autant que l’arbre ne deviendra pas lui-même un objet réel dans le temps9. Lévy et Philippe Quéau considèrent tout deux les racines du mot « virtuel » comme « venant du latin virtus, qui signifie force, énergie, impulsion initiale »10. De ce fait, le virtuel n’est pas l’absence de réel, mais bien un réel non matérialisé. Il peut donc avoir un effet sur la réalité tangible au même titre que le réel par l’action d’actualisation, de réalisation. Seul le passage à l’action peut faire passer le virtuel au réel.

Ainsi, par la simple inscription via une adresse mail valide, chacun peut intégrer la communauté observée dans The Virtual Watchers. Le comportement patriotique, de l’ordre du « virtuel »11, devient donc « réel » par la capacité d’agir. L’artiste, après s’être inscrite elle-même sur le site afin de constater son fonctionnement, dit avoir senti l’obligation d’appuyer sur le bouton rouge de signalement lorsqu’un corps était visible sur l’écran. L’immersion dans la tâche était telle qu’elle avoue avoir envisagé ce geste comme étant « la bonne chose à faire », malgré son engagement moral opposé à la surveillance des frontières. La structure qu’offre la plateforme peut alors s’apparenter à celle du jeu vidéo, où l’action semble « irréelle » et où l’utilisateur ne prendrait pas conscience de l’action que peut engendrer le fait d’appuyer sur un bouton derrière la sphère privée de son ordinateur. Il s’est avéré, après inspection des profils des membres – qui pour la plupart étaient publics – que les identités des utilisateurs étaient aussi variées que leur localisation : ainsi, si la majorité des membres prenant part au groupe était constituée d’individus de nationalité américaine et proches des valeurs conservatrices, de nombreux autres d’utilisateurs ont toutefois également été répertoriés en dehors du pays (notamment au Canada et en Angleterre) et étaient issus de toutes professions (artistes, infirmiers, professeurs, sans emploi).

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Capture d’écran de la première intervention de l’artiste en tant que « border watcher », 2010

Carte de localisation des membres Facebook

The Virtual Watchers, Joana Moll et Cédric Parizot, 2016

L’utilisation des réseaux sociaux observée dans The Virtual Watchers illustre le concept de « cyberespace » développé par l’écrivain William Gibson dans son premier roman dystopique de science-fiction Neuromancien en 1983. Décrit comme un « espace simulé à l’intérieur des réseaux informatiques interconnectés »12, le cyberespace est un lieu immersif de réalité alternative destiné à favoriser la communication et l’accès à l’information à son utilisateur. Repris par John Barlow avec le Manifeste du cyber- espace (1996), celui-ci est transformé en concept utopique visant à la création d’une communauté en ligne mondiale qui bannirait toute forme d’autorité et de soumission. Véritable alternative aux anciens systèmes de pouvoir, le manifeste a inspiré de nombreux mouvements, notamment le mouvement « Occupy » aux États-Unis né après le krach boursier de 2008, qui a appliqué ce mode de vie à la réalité tangible. Par le biais d’appels lancés sur les réseaux sociaux – notamment à travers la communauté Anonymous – les manifestations « Occupy », qui ont eu lieu successivement aux États-Unis, au Canada, en France et en Turquie, ont réuni des centaines d’individus pour la lutte contre l’infuence du système boursier sur la politique. La voix de chaque individu souhaitant s’exprimer était alors portée par l’ensemble de la communauté. On s’est alors rendu compte qu’il était possible d’organiser une foule sans le moindre exercice de pouvoir ou de hiérarchie.

Une communauté peut donc à la fois être réelle – à savoir, provoquer une action dans la réalité tangible – et virtuelle, à la manière d’un rassemblement sur un groupe Facebook qui n’aurait d’autre objectif que de créer des liens entre ses membres à travers la discussion. Qu’elle soit donc réelle ou virtuelle, une communauté semble se définir par le partage de valeurs et d’idées communes, de manières similaires d’envisager un « vivre-ensemble ». Cette définition pourrait être appliquée aux situations de manifestations virtuelles sur les réseaux sociaux comme dans The Virtual Watchers : un groupe d’individus qui ne se connaissaient pas, qui ne savaient rien les uns des autres, prend la décision de se réunir dans un cadre spatio-temporel précis. Les individus présents forment une communauté à un endroit et un temps définis, le temps du présent, et partagent des idées similaires qu’ils souhaiteraient voir « réalisées », « actualisées ». On peut alors parler de « communautés in situ » ou de communautés éphémères, car une fois le rassemblement terminé, chacun retourne à ses occupations, mais les idées et valeurs persistent. Les communautés virtuelles peuvent alors devenir, le temps d’un instant, des communautés réelles par la force de l’action, de la concrétisation, ou alors demeurer dans le virtuel sans actualisation « tangible ».

« He will (not) divide us » : du virtuel au réel, une transition non-anticipée

La naissance du cyberespace a popularisé l’idée qu’Internet est le premier outil à pouvoir organiser des rassemblements et manifestations sans l’aide de leaders. Grâce aux réseaux sociaux et la fonction « créer un événement », l’action fédératrice s’intensifie. On se plaît à afficher sa participation à tel événement comme une preuve de son engagement : signer des pétitions en un clic, exprimer son avis à travers un sondage en quelques minutes, faire un don ou mobiliser ses followers par le biais d’un hashtag sont autant d’actions courantes qui traduisent le désir de prendre part à un projet commun parmi un groupe d’individus animés par la même volonté. Si l’on n’observe habituellement pas les conséquences futures et réelles de notre participation sur le projet initial, la culture du « fédérateur » développée à travers les réseaux sociaux encourage les individus à prendre part à une cause au-delà d’une utilisation purement individualiste d’Internet. Et le milieu de la politique l’a clairement saisi : au-delà des médias traditionnels, Internet est aujourd’hui un outil complémentaire aux campagnes présidentielles, notamment dans l’optique de s’attirer la sympathie d’un public plus « connecté ».

C’est le cas de la stratégie de campagne menée par Barack Obama en 2008 – comptant alors pour seuls réseaux populaires Facebook et Myspace – qui a développé l’image d’un candidat jeune et investi dans les technologies actuelles, à l’opposé de son prédécesseur Georges W.Bush. En multipliant les opérations de communication sur Internet, Barack Obama est rapidement devenu le président de la pop-culture, son image ayant même été reprise pour illustrer de nombreux memes et gifs circulant sur la toile. Cette victoire a inspiré de nombreux hommes politiques à travers le monde, notamment Justin Trudeau, premier ministre canadien, à qui l’on attribue le statut de « cool » et accessible, mais également les candidats politiques à l’élection présidentielle française en 2017 : la course à la popularité sur les réseaux sociaux a vu fleurir les comptes Twitter des représentants politiques, régulièrement mis à jours par des tweets et vidéos du quotidien des candidats. On citera également la création du jeu vidéo « Fiscal Kombat » par le leader de la France Insoumise Jean-Luc Mélenchon, où chaque citoyen se voit la possibilité, à travers un avatar à l’effigie du candidat, de reprendre aux oligarques l’argent extorqué au peuple.

Développé initialement comme outil à usage militaire, Internet est aujourd’hui un outil du peuple, où dirigeants et personnalités se plient aux exigences du public pour gagner leur adhésion. Ainsi, les figures de pouvoir dans la réalité tangible peuvent perdre de leur autorité sur Internet, ce qui fut le cas de l’ancien président français François Hollande, à la tête du pays mais mal aimé des réseaux sociaux. C’est pourquoi la mise en scène est un outil indispensable à la communication sur les réseaux sociaux comme récit d’un idéal : qu’elle s’applique aux personnalités ou aux événements, la mise en scène possède indéniablement un pouvoir fédérateur. Ce fut le cas lors des mouvements révolutionnaires des Printemps arabes, pour lesquels le rôle des réseaux sociaux et des cyber-activistes a été considéré comme primordial. Parmi eux, Wael Ghonim, ingénieur pour Google, est devenu un symbole puissant de la révolution égyptienne en créant la page Facebook de l’événement qui a rassemblé des milliers de jeunes militants sur la place Tahrir le 25 janvier 2011. Sur ce point, il soulève notre responsabilité à réaliser le caractère illusoire de la force du leader, contrairement à celle du collectif. La mention de « communautés éphémères » ou « communautés in situ » pourrait alors s’appliquer essentiellement aux manifestations ayant pour origine les réseaux sociaux, puisque celles-ci se caractérisent par la concrétisation d’actions dans le présent sans pour autant s’attacher aux identités réelles des participants.

Il n’y a pas de héros. Nous sommes tous des héros. Il n’y a pas un seul individu qui serait sur un cheval blanc à guider la foule. Ne laissez jamais personne vous faire croire le contraire. Cette révolution appartenait à la jeunesse égyptienne13.

La révolution dans les rues a cependant été le théâtre de violences mortelles et Wael Ghonim, dépassé par les événements, s’est alors exprimé sur le fait de ne pas avoir eu conscience du pouvoir de son action et de la quantité de partisans qu’il considère avoir mis en danger par son initiative de rassemblement massif. Cette révolution a toutefois contribué à faire tomber l’un des plus grands dictateurs du Moyen-Orient, Hosni Moubarak, soutenu par les États-Unis depuis des années. Par la suite, les révolutions se sont épuisées et aucune projection d’un nouveau gouvernement n’a été proposée par les manifestants. La place Tahrir peut à ce titre être considérée comme un symbole de la confusion suscitée par la désorganisation caractéristique des manifestations initiées sur les réseaux sociaux. Car si l’immatérialité d’Internet donne l’illusion de la facilité d’action, le caractère virtuel des manifestations perturbe la capacité à envisager les répercussions. La relation entre virtuel et réel devient alors un prétexte pour alimenter les désirs fantasmés des individus. Il n’est pas rare cependant, de constater un décalage entre les promesses du virtuel et l’expérience du réel : on citera pour exemple le pouvoir des sondages politiques. En annonçant un candidat comme étant en tête, l’influence sur les votes peut amener à la victoire surprenante d’un concurrent bien loin dans les estimations.

Suite à l’élection de Donald Trump, ayant donné lieu à l’utilisation massive du hashtag « he will not divide us » sur les réseaux sociaux, le collectif d’artistes LaBeouf, Rönkkö & Turner signe une installation sur l’un des murs du Museum of Moving Image à New York. Les mots « He will not divide us » surplombent une caméra et un microphone retransmettant en live les images des actions publiques quotidiennes sur le site internet du collectif14. Libre d’accès, ce nouvel espace de discussion dans la sphère publique place les intentions du collectif à l’opposé des modules de communication mis en place par le biais des réseaux sociaux : ici, aucun filtre n’est applicable et la navigation de l’utilisateur de bulle en bulle finit par éclater, réunissant un panel varié d’individus confronté à un échange en direct sur la place publique. Comment parvenir alors à se confronter à l’opinion adverse en dehors de la « sphère privée » de son ordinateur, décrite par Vilém Flusser ?

Installation initiale du projet « He will not divide us » à l’entrée du Museum of Moving Image à New York, lancée le 20 janvier 2017

Si la mise en place de filtres crée une situation de monopole de l’opinion, où Internet se charge de trier les informations qui correspondent à nos idées, on recense aujourd’hui plusieurs outils permettant à l’utilisateur lui-même de décider du contenu visible sur son fil d’actualité. La fonction « mute », mise en place sur la majorité des réseaux sociaux depuis plusieurs années, n’affecte plus uniquement les profils mais également le contenu : à la manière d’un hashtag, l’utilisateur informe le réseau de sa volonté de supprimer certaines informations en renseignant uniquement un mot clé dans la barre de recherche du site. Ainsi, toutes les publications comportant les mots masqués seront « blacklistées » du fil d’actualité, conduisant l’utilisateur à une utilisation délibérée d’Internet à l’image de ses centres d’intérêts. Si la sphère des réseaux sociaux participe progressivement à museler l’information dérangeante, le collectif LaBeouf, Rönkkö & Turner instaure avec He will not divide us une nouvelle structure du « Forum », matérialisant la sphère d’Internet dans la sphère publique et favorisant ainsi la confrontation d’opinion sans échappatoire. Dépourvu de la protection qu’offre l’écran d’ordinateur, les modules de bloquage et la possibilité de quitter une page indésirable, l’individu se retrouve confronté en temps réel à des opinions divergeant des siennes, sans possibilité de « muter » son opposant.

La confusion générée par cette situation provient de notre désensibilisation au dialogue direct causée par l’utilisation des réseaux sociaux ; dans le cas de l’installation He will not divide us la seule réponse des individus présents est celle de l’affrontement physique au-delà de la discussion. Le message de paix véhiculé par le collectif a été à la fois mal compris des participants – qui ont été à l’origine d’affrontements face à la caméra – mais également de l’acteur et membre du collectif Shia Labeouf, qui a lui aussi été l’initiateur de comportements violents, conduisant à l’abandon de l’exposition de l’œuvre sur les murs de la façade du musée. Car s’il est dit qu’il « ne nous divisera pas » (en référence à Donald Trump et sa politique sociale), le résultat démontre strictement l’inverse et provoque le contraire des réactions attendues par le collectif. Les affrontements entre partisans et détracteurs, ainsi que les tentatives de troll, se sont multipliés au cours des quatre premiers jours de l’installation de l’œuvre, portant à croire que les différents camps ne sont pas parvenus à voir au-delà du message et sont restés dans un mode de confrontation binaire.

Relocalisée au El Rey Theater à Albuquerque, qui a également été le théâtre de coups de feu et de vandalisme, le message s’est vu transféré sur un drapeau blanc situé dans un lieu isolé et inconnu du public pour éviter des dégradations. En voulant encourager la manifestation publique et collective, le projet a fini par creuser davantage l’écart entre deux communautés victimes d’une campagne présidentielle influencée en partie par l’utilisation d’Internet et des filtrages présents sur les réseaux sociaux. Les transformations appliquées au support du message, qui concernent le transfert d’un espace public à un espace reclus, empêchent tout échange et rendent ainsi le projet sourd et muet à toute discussion ou interaction sociale.

Vidéo montrant l’acteur et artiste à l’origine du projet, Shia LaBeouf adoptant un comportement jugé agressif envers un individu parmi la foule, postée le 22 janvier 2017.

Permalien: https://www.youtube.com/watch?v=E7j2WnAw_kA

Capture d’écran du livestream lors de la mise en place du drapeau

L’évolution des réseaux sociaux vers le concept de plateforme personnalisée à celui de plateforme de diffusion dépourvue de hiérarchie soulève des interrogations quant à l’avenir d’Internet comme outil menaçant l’information objective. On comprend mieux, au regard des différentes situations évoquées, les préoccupations et constats que soulèvent certains artistes contemporain à propos de la création des communautés réelles et virtuelles, en proie à une fictionnalisation du réel. Car c’est bien à travers l’instauration d’un récit que se dessinent les cyber-communautés.

Qu’il soit prétexte à la construction d’une image fantasmée de son identité via les réseaux sociaux ou levier vers une « réalité » unique et orientée, le récit qui se dégage des nouvelles politiques de consommation d’Internet et des réseaux sociaux peut, à terme, être à l’origine d’une confusion entre virtuel et réel. Le décalage créé par un geste exécuté virtuellement et les conséquences concrètes qui peuvent lui être associées donnent lieu à des communautés confuses dont les idéaux sont rattrapés par le caractère imprévisible d’une action menée de manière collective. Citons, parmi tant d’autres, le constat qui émane de l’œuvre de Joanna Moll, qui confronte le spectateur à la manière dont une communauté en ligne peut placer une situation de conflit géo-politiques au rang de « mission » dématérialisée à la manière d’un jeu vidéo. La puissance du récit, si elle tend à rassembler, semble ici constamment opposer ou porter atteinte aux libertés fondamentales concernant la confidentialité de l’utilisateur ou encore la pluralité des opinions.

Décrit comme tel, Internet peut aujourd’hui être considéré comme un nouvel outil de propagande contemporaine, autant à disposition de l’État que des grandes entreprises de vente, bien que son utilisation puisse également être orientée en fonction des aspirations communes que partagent certains individus. Si l’instauration de filtres alimente le concept immersif de cyber « bulle », elle n’est sans doute pas la cause principale de la création de communautés « éphémères », qu’elles soient réelles ou issues du virtuel. La capacité de projection des communautés sur les réseaux sociaux semble compromise par le caractère immatériel du World Wide Web. La « réalité » devient alors subjective, guidée par les aspirations des différentes communautés sur la base utopique du récit fédérateur.

1 On parle davantage d’homme « hyper-moderne » plutôt que de l’homme « hyper-contemporain ». On peut cependant considérer que l’homme « 

2 Me and my Facebook Data est une œuvre présentée en 2017 dans le cadre de l’exposition « Blowing the Whistle, Questioning Evidence » sous le

3 Interview de l’artiste dans l’article « Me and my Facebook Data, Hang Do Thi Duc, USA/New York » [En ligne] sur Schloss-Post, 13 mars 2017, consulté

4 Conçu en 1956 par l’ingénieur américain Herman Hollerith, le RAMAC, ou Random Access Memory of Accounting and Control, pourrait être considéré comme

5 Vilém Flusser, « Le politique à l’âge des images techniques », 1990, trad. C. Maillard, La Civilisation des médias, Belval, Circé, 2006, p. 122-123.

6 Katharine VINER, « How technology disrupted the truth » dans The Guardian [En ligne], publié le 12 juin 2016 https://www.theguardian.com/media/2016/

7 Définition issue du site officiel du dictionnaire d’Oxford https://en.oxforddictionaries.com/word-of-the-year/word-of-the-year-2016

8 Le système panoptique a été imaginé et théorisé par les frères Jeremy et Samuel Bentham au xviiie siècle. Il a été conçu comme un dispositif

9 Pierre Lévy, Qu’est-ce que le virtuel ?, 1995, Paris, Editions La Découverte, 1998, p. 13.

10 Philippe Quéau, Le virtuel, vertus et vertiges, Ceyzérieu, Editions Champ-Vallon, 1993, p. 26.

11 Ici, on parle de « virtuel » et non d’« irréel » car le comportement patriotique est bien réel, mais n’a pas la même portée s’il est adopté

12 Audrey Lohard, « La genèse inattendue du cyberespace de William Gibson » [en ligne] dans Quaderni, n°66, Printemps 2008. Cyberesp@ce & ter

13 Citation extraite d’une interview de Wael Ghonim pour une chaîne de télévision égyptienne, retransmise dans le documentaire Hypernormalisation d’

14 https://labeoufronkkoturner.com/

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Notes

1 On parle davantage d’homme « hyper-moderne » plutôt que de l’homme « hyper-contemporain ». On peut cependant considérer que l’homme « hyper-contemporain » possède les caractéristiques de l’homme hyper-moderne – à savoir, d’après Marcel Gauchet, une émancipation d’une construction de soi à travers la communauté, voire un désir d’auto-construction – à ceci près que ce dernier évolue dans le milieu des nouvelles technologies et influence ainsi leur utilisation.

2 Me and my Facebook Data est une œuvre présentée en 2017 dans le cadre de l’exposition « Blowing the Whistle, Questioning Evidence » sous le commissariat de Tatiana Bazzichelli à l’occasion de l’appel à résidence initié par l’académie Schloss-Solitude de Stuttgart en partenariat avec le ZKM de Karlsruhe.

3 Interview de l’artiste dans l’article « Me and my Facebook Data, Hang Do Thi Duc, USA/New York » [En ligne] sur Schloss-Post, 13 mars 2017, consulté le 19/02/2018 https://schloss-post.com/me-and-my-facebook-data/

4 Conçu en 1956 par l’ingénieur américain Herman Hollerith, le RAMAC, ou Random Access Memory of Accounting and Control, pourrait être considéré comme l’ancêtre de la clé usb, tant sa capacité de stockage, remarquable à l’époque, nous paraît faible aujourd’hui.

5 Vilém Flusser, « Le politique à l’âge des images techniques », 1990, trad. C. Maillard, La Civilisation des médias, Belval, Circé, 2006, p. 122-123.

6 Katharine VINER, « How technology disrupted the truth » dans The Guardian [En ligne], publié le 12 juin 2016 https://www.theguardian.com/media/2016/jul/12/how-technology-disrupted-the-truth

7 Définition issue du site officiel du dictionnaire d’Oxford https://en.oxforddictionaries.com/word-of-the-year/word-of-the-year-2016

8 Le système panoptique a été imaginé et théorisé par les frères Jeremy et Samuel Bentham au xviiie siècle. Il a été conçu comme un dispositif carcéral plaçant un gardien dans une tourelle au milieu des cellules, créant un rapport paranoïaque entre regardeur et regardé puisqu’il devait insuffler le sentiment chez les prisonniers d’être sans cesse épiés. Michel Foucault en a fait l’analyse dans son ouvrage Surveiller et punir, Paris, Gallimard, 1975.

9 Pierre Lévy, Qu’est-ce que le virtuel ?, 1995, Paris, Editions La Découverte, 1998, p. 13.

10 Philippe Quéau, Le virtuel, vertus et vertiges, Ceyzérieu, Editions Champ-Vallon, 1993, p. 26.

11 Ici, on parle de « virtuel » et non d’« irréel » car le comportement patriotique est bien réel, mais n’a pas la même portée s’il est adopté quotidiennement dans un cercle privé que sur RedServant, où le citoyen communique directement avec les autorités et pense avoir une véritable capacité d’action dans la « préservation » de sa nation. RedServant peut donc être considéré comme l’outil d’actualisation de l’action.

12 Audrey Lohard, « La genèse inattendue du cyberespace de William Gibson » [en ligne] dans Quaderni, n°66, Printemps 2008. Cyberesp@ce & territoires. p.12.

13 Citation extraite d’une interview de Wael Ghonim pour une chaîne de télévision égyptienne, retransmise dans le documentaire Hypernormalisation d’Adam Curtis, 2016, 2:13:48 secondes.

14 https://labeoufronkkoturner.com/

Illustrations

Capture d’écran du site Internet du projet Algorithm Allowed

Capture d’écran du site Internet du projet Algorithm Allowed

Interface de la plateforme RedServant après la saisie d’un rapport d’anomalie

Interface de la plateforme RedServant après la saisie d’un rapport d’anomalie

Image capturée par l’artiste en 2009

Capture d’écran de la première intervention de l’artiste en tant que « border watcher », 2010

Citer cet article

Référence électronique

Juliana Zepka, « « Yes, we can » : du virtuel au réel, immerger pour mieux régner ? », RadaЯ [En ligne], 3 | 2018, mis en ligne le 01 janvier 2018, consulté le 19 avril 2024. URL : https://www.ouvroir.fr/radar/index.php?id=346

Auteur

Juliana Zepka

Après une licence en arts plastiques à l’université de Strasbourg, Juliana Zepka intègre le master Critique-Essais, écritures de l’art contemporain. Son parcours l’a formée au commissariat d’exposition, à la critique, à la recherche et, plus généralement, lui a permis d’acquérir des compétences concernant les métiers liés à l’exposition et la diffusion de l’art contemporain. Ses recherches actuelles portent sur les nouveaux comportements liés à la surconsommation de l’image et de l’information à l’ère de la post-vérité.

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