L’observation, une activité commune à deux professions non enseignantes

Le cas des psychologues scolaires et des accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH)

DOI : 10.57086/lpa.361

p. 221-246

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Contextualisation et problématique

Notre objet de recherche questionne la fonction des accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) et leurs missions auprès des élèves en situation de handicap. Dans l’exercice de ces missions, ils entretiennent des liens avec d’autres professionnels de l’éducation tels que les psychologues scolaires. Dans cet article, nous cherchons à comprendre les enjeux d’une relation entre ces deux professionnels de l’éducation.

En effet, au cours de notre enquête de terrain, nous avons vu une psychologue observer un élève dans la classe et l’AESH agir auprès de l’élève. L’observation a été suivie d’échanges entre l’AESH, la psychologue et l’élève. Une forme de collaboration semble s’établir entre ces deux professionnels non enseignants, mais œuvrant ensemble pour l’inclusion scolaire de l’élève en situation de handicap. Nous avons donc cherché à savoir ce que ces deux fonctions pourraient avoir en commun et/ou ce qui les différencie.

Dans cette optique, nous nous sommes intéressée aux histoires et aux missions respectives de ces deux fonctions. En dépit de leur émergence à des époques différentes, ces deux fonctions ont pour mission commune, de par leur genèse, la prise en compte des élèves présentant un écart par rapport à la norme, afin de favoriser leur adaptation sur le plan scolaire et social. Nous n’avons pas la prétention de faire une étude comparée de ces deux fonctions. Nous cherchons modestement à percevoir les rapprochements et/ou le parallèle entre le psychologue scolaire et l’accompagnant des élèves en situation de handicap notamment au sujet de l’observation. Ce qui nous conduit au questionnement suivant :

Qu’est-ce qui se joue dans le rapport entre psychologue scolaire et AESH dans la prise en compte des élèves en situation de handicap ? Quelle place occupe l’observation dans la fonction de l’AESH et dans celle du psychologue scolaire ? Comment ces deux professionnels observent-ils les élèves ? En quoi l’observation peut-elle soutenir la collaboration entre l’AESH et le psychologue scolaire pour l’accompagnement des élèves en situation de handicap ?

Méthodologie de la recherche

La méthodologie mise en place dans le cadre de cette recherche est qualitative. Elle est centrée sur des observations, des échanges ponctuels et des entretiens semi directifs réalisés dans deux établissements scolaires du second degré de la région parisienne.

Le premier établissement qui constitue notre terrain de recherche pour cet article est un collège-lycée que nous appelons « CIF ». Nous y avons observé l’inclusion et l’accompagnement d’un élève en classe de 4e porteur de troubles du spectre autistique, par une AESH et une psychologue scolaire. Formée dans la gestion des personnes porteuses des troubles du spectre autistique, la psychologue scolaire accompagne les AESH pour l’inclusion des élèves en situation de handicap en général et en particulier ceux porteurs des troubles du spectre de l’autisme.

Notre observation dans cet établissement s’est déroulée dans la classe pendant les heures de cours sur une matinée avec la psychologue scolaire et deux matinées avec l’AESH. Nous avons également assisté à un temps d’échanges entre l’AESH, la psychologue scolaire et l’élève.

Le deuxième établissement scolaire est également un collège-lycée « LSN ». En revanche, il n’y a pas d’interactions entre AESH et psychologue scolaire pour l’accompagnement des élèves en situation de handicap dans cet établissement. Nous nous sommes donc centrés sur les entretiens semi-directifs et les échanges avec deux AESH et la psychologue scolaire de l’établissement sur la place de l’observation et de l’aide humaine dans l’accompagnement des élèves en situation de handicap.

Afin de mieux appréhender le sujet, un rappel historique de la genèse de ces deux fonctions nous semble nécessaire au préalable.

Rappel historique des deux professions

Rappel historique de la profession des psychologues scolaires

Durant les années 1880, les républicains majoritaires au Parlement, ont placé l’école au centre de leur projet politique. Ainsi, Jules Ferry ministre de l’Instruction publique, par la loi du 16 juin 1881 établit la gratuité totale de l’école et l’obligation de l’instruction scolaire aux familles pour les enfants de six à treize ans, par la loi du 28 mars 1882 (Prost, 1968, p. 192-193). La gratuité concernait les écoles primaires publiques, les écoles normales et les salles d’asile. Ces dernières prennent par la suite le nom d’écoles maternelles (Léon, & Roche, 2012).

En 1905, afin de prévenir la marginalisation et l’exclusion de certains élèves de l’école, le psychologue et pédagogue Alfred Binet à la demande du ministère de l’Instruction publique met en place un laboratoire pédagogique à Paris, rue de la Grange-aux-Belles afin de détecter les aptitudes individuelles des élèves et repérer ceux ayant des difficultés à suivre l’enseignement dit « normal ». En collaboration avec son collègue psychiatre Théodore Simon, ils conçoivent l’échelle métrique de l’intelligence communément appelée « test de Binet et Simon ». La loi du 15 avril 1909 donnant naissance aux classes de perfectionnement dispose :

Sur la demande des communes et des départements, peuvent être créées pour les enfants arriérés des deux sexes 1° des classes de perfectionnement annexées aux écoles élémentaires publiques 2° des écoles autonomes de perfectionnement qui pourront comprendre un demi-pensionnat et un internat
(Jacques, 2004, p. 13).

Mises en place pour la scolarisation des enfants dit « arriérés », les classes de perfectionnement étaient annexées aux écoles ordinaires. La sélection des enfants pour ces classes, se faisait à l’aide du test d’intelligence conçu par Alfred Binet et Théodore Simon (Zongo, 2019, p. 24).

En 1914, la Première Guerre mondiale engendre une sélection des pilotes d’avion. Des professionnels de soin sont alors sollicités pour arbitrer cette sélection qui consistait à identifier les candidats « aptes à gérer leur stress et à prendre rapidement des décisions. » (Martin-Lavaud, p. 14). Cette sélection introduit ainsi, une ébauche des conseillers d’orientation. À l’issue de la Première Guerre mondiale, l’orientation professionnelle connaîtra un envol face aux besoins importants de main-d’œuvre suite à la perte démographique occasionnée par la guerre (Amici, 2018).

Dans cette optique, en 1920, les centres d’orientation professionnelle se multiplient afin de dépister les aptitudes individuelles des élèves par des tests psychotechniques.

Le 8 novembre 1944, une commission chargée « d’ouvrir et de mener une large enquête sur les problèmes de la réforme de l’enseignement » voit le jour (Prost, 2007, p. 62). Elle était composée de cinq professeurs du Collège de France, avec pour président le grand physicien Paul Langevin, les psychologues Henri Wallon et Henri Piéron directeur de l’Institut national d’orientation professionnelle et des historiens Emile Coornaert et Lucien Febvre. La commission effectuera soixante-huit séances du 29 novembre 1944 au 12 juin 19471. Elle siégeait toutes les semaines. En outre, la psychologie scolaire figurait au cœur des thèmes abordés lors des conférences « enseignement et cultures » mises en place par le Front national universitaire (Serina-Karsky, 2013, p. 290-293).

S’opposant à la conception de la psychologie à l’école comme instrument de sélection pour des raisons économiques et politiques, le psychologue Henri Wallon s’évertue à introduire une psychologie scolaire à l’école. Serina-Karsky n’a pas manqué de souligner l’entrée de cette nouvelle discipline, « au service de l’enfance normale » par le truchement du corps des psychologues scolaires (Serina-Karsky, 2013, p. 284).

Henri Wallon, concevait la psychologie scolaire comme un maillon essentiel de la réforme démocratique de l’enseignement. Raison pour laquelle, la question de l’enseignement spécial pour les élèves « déficients », la fonction et la place des examens et la formation des maîtres étaient au cœur des orientations du projet de la commission Langevin-Wallon (Gutierrez & Kahn, 2016, p. 24).

Le plan prévoyait une prolongation de la scolarité qui s’effectuerait dans un tronc commun en limitant toutes les formes de ségrégation et de séparation. Largement contesté, le projet ne verra pas le jour (Serina-Karsky, 2013).

Henri Wallon demeure constant sur le refus de séparation entre le milieu ordinaire et le milieu spécialisé (Gutierrez & Kahn, 2016, p. 41-44). Il recommandait plutôt aux psychologues scolaires, la mise en œuvre d’une pédagogie nouvelle afin de connaître l’enfant et découvrir les « causes intellectuelles, caractérielles et sociales de son comportement scolaire » (Guillemard, 1982, p. 9).

En outre, il insiste sur l’importance de la psychologie. D’après lui, elle doit être au service des enfants et n’a pas pour but de les exclure.

Dans cette optique, une première équipe d’instituteurs du département de la Seine sera formée pour constituer le noyau de la psychologie scolaire en France. Grâce à cette première équipe, Henri Wallon réussit à préciser sa conception de cette discipline en construction. Il s’agit d’une pratique sur le terrain, qui ferait ainsi du psychologue, un auxiliaire du pédagogue. En dépit de la mise à l’écart et du classement du projet de réforme de l’enseignement souhaité par Henri Wallon dans les archives, la psychologie a poursuivi son chemin tranquillement.

Ainsi, des professeurs de l’enseignement secondaire formés en 1948 en psychologie sont envoyés dans les lycées. Dans cette dynamique, les psychologues scolaires organiseront deux congrès nationaux à Sèvres en 1952 et à Grenoble en 1950 (Tiberghien, Lieury & Coll, 1996).

Cependant, en 1954, le recrutement des psychologues scolaires sera brutalement suspendu. Ainsi, ceux qui étaient en fonction ont été appelés à reprendre leurs postes d’instituteurs. En réalité, la psychologie scolaire qui devait servir d’éclairage à la réforme pour un enseignement démocratique se retrouvait difficilement dans un système scolaire qui avait du mal à l’intégrer.

Certains enseignants au lieu de reprendre leur poste d’enseignants, ont rejoint les centres psychopédagogiques. En 1958, l’espoir ressurgit avec le ministre Berthoin nommé par le général de Gaulle pour la réforme de l’enseignement. Dans un arrêté du 2 juin 1960, le terme « psychologue scolaire » apparaît pour la première fois dans un texte officiel avec la mention suivante : « pour le conseil d’orientation, on fera appel à un psychologue scolaire, s’il existe » (art. 25) (Zazzo, 1964, p. 546).

En octobre 1960, le recrutement des psychologues scolaires revoyait le jour. Ainsi, cinquante instituteurs détachés par leurs académies sont invités à suivre une formation de deux ans dans différentes universités (Zazzo, 1964, p. 546).

Après les années 1968, plusieurs groupes de travail, des rencontres et des colloques ont essayé de mettre en œuvre une doctrine de la psychologie à l’école et un statut des personnels lié à l’évolution de la recherche et à la physionomie de l’école de cette époque. Cependant, leurs suggestions ont été combattues par certaines personnes aux mentalités conservatrices et hostiles au changement dans le secteur de l’enseignement. Se trouvant alors en difficulté, quant à l’élaboration d’une doctrine cohérente indépendamment des organisations syndicales, les psychologues scolaires finissent par abandonner leur projet.

La circulaire du 9 février 1970 sur « la prévention des inadaptations et portant création des groupes d’aide psychopédagogique (GAPP), des sections et classes d’adaptation » rendra officielle l’existence des psychologues à l’école. Ladite circulaire fixe pour rôle principal du psychologue scolaire, l’adaptation des élèves. Il est invité à partager ce rôle avec les rééducateurs. Mettant l’accent sur le mode d’intervention, la circulaire recommande au psychologue scolaire « l’observation continue et la participation multidisciplinaire »2.

Le groupe d’aide psychopédagogique est constitué d’un psychologue et d’un ou plusieurs rééducateurs. C’est une équipe chargée de veiller à l’adaptation des élèves d’un ou de plusieurs groupes scolaires par une observation continue.

Malgré la nouveauté que semble avoir apportée la circulaire de 1970, la conception psychopathologique de l’échec scolaire demeure son fil conducteur. En effet, elle n’a pas réussi à se détacher de l’ancien système qui consistait, à éliminer les déviants par une classification des enfants dans des classes d’accueil ou de perfectionnement.

Trois types de sections voient le jour à l’école maternelle. Les sections d’adaptation pour « Handicapés physiques »3, terme en usage à l’époque, avec une section pour « déficients visuels » et une autre, pour « déficients auditifs ». Elles comptent au maximum douze élèves pour l’une et au maximum huit élèves pour l’autre.

Puis, les sections pour « enfants rencontrant les difficultés de développement », dites parfois classes d’attentes. Elles sont chargées de l’accueil des enfants de quatre à sept ans avec un effectif limité à quinze élèves. Enfin, les sections pour « enfants rencontrant des difficultés d’ordre relationnel » voient ainsi le jour à l’école maternelle (Circulaire no IV-70-83 du 9 février 1970 : Création de section ou classes d’adaptation).

L’école élémentaire quant à elle, connaîtra deux types de classes. Une classe regroupant « les enfants mis en situation d’échec par les difficultés de développement intellectuel » et une classe pour les « enfants rencontrant des difficultés d’ordre relationnel » (Circulaire no IV-70-83 du 9 février 1970 : Création des classes d’adaptation au niveau élémentaire).

Des classes d’adaptation voient également le jour dans le second degré. Elles ont pour vocation, le soutien thérapeutique et la résolution des problèmes affectifs qui pourraient compromettre la scolarité des élèves, par une équipe médico-psychopédagogique compétente (Circulaire no IV-70-83 du 9 février 1970 : Création des classes d’adaptation au niveau de second degré).

La même circulaire a institutionnalisé les procédures de sélection précoce. Cette institutionnalisation consiste à la mise en place de la commission médico-pédagogique de circonscription (CMPC) pour les classes élémentaires déjà existantes et une Commission maternelle chargée d’examiner les demandes de dérogation au sujet des entrées en cours préparatoire avant six ans.

Cette circulaire a également institué une hiérarchie des handicaps poussant à l’exclusion des élèves en difficulté d’une classe dite « normale ».

Sa mise en application s’est davantage concrétisée, par l’ouverture des classes d’adaptation et la transformation des classes de perfectionnement en classe d’adaptation.

Ainsi, elle officialisait l’appartenance des psychologues à l’éducation spécialisée et les légitimait comme spécialistes de l’enfance inadaptée. L’appartenance du psychologue à l’école se confirmait donc par le lieu de sa nomination.

Cette proximité qui s’est étendue à l’ensemble des élèves, a probablement favorisé une évolution des conceptions sur l’origine des échecs scolaires et des comportements déviants qui y sont mêlés. Durant cette période, des critiques d’ordre sociologique quant au rôle de l’école comme appareil idéologique contribuant à la reproduction des inégalités sociales par les chercheurs Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron, associées aux problèmes de l’école et de la sélection étaient à l’ordre du jour. D’emblée, des recherches se multiplient en sociologie de l’éducation. Ainsi, les travaux du Centre de recherche sur l’éducation spécialisée et l’adaptation scolaire (CRESAS) ont servi à davantage faire comprendre les causes de l’échec et à mettre en lumière certains concepts tels que celui du handicap socio-culturel. Ces recherches auront un impact sur les psychologues en formation. En effet, ils sont désormais amenés à une analyse critique de leurs pratiques pédagogiques et de l’institution scolaire. L’analyse des pratiques est une méthode, dont l’avènement en France remonte au début des années 1960. Elle est centrée sur « la co-réflexion à égalité à partir de problèmes concrets de terrain » (Nimier, 2008, p. 126).

De 1975 à 1980, la psychologie scolaire a été confrontée à ce que certains ont considéré comme des restrictions de leur liberté et de leurs possibilités d’initiative par le pouvoir politique. En effet, certains textes de la réforme Haby mentionnent comme tâche du psychologue à l’école « le dépistage précoce des troubles de toute nature avec des médecins avertis des problèmes pédagogiques ». Ce texte est ainsi perçu par certains comme une limitation de l’autonomie du psychologue à l’école. Ils voient la fonction comme celle « d’un agent d’exécution chargé d’appliquer une certaine forme de psychologie, normative et classificatrice » (Guillemard, 1982, p. 18-19).

De nos jours, la donne a changé. Le psychologue scolaire est non seulement perçu comme une personne-ressource dans le cadre de l’inclusion des élèves en situation de handicap, mais aussi, comme une aide aux enfants, aux adolescents, aux jeunes, aux enseignants et aux familles. Ces missions du psychologue scolaire ont été précisées dans la circulaire no 2017-079 du 28 avril 2017 en ces termes :

Dans le cadre du service public d’éducation, les psychologues de l’éducation nationale (PsyEN) participent à la lutte contre les effets des inégalités sociales et inscrivent leur action au bénéfice de la réussite scolaire pour tous. Par leur qualification de psychologues, ils apportent un appui spécifique aux enfants, aux adolescents et jeunes adultes ainsi qu’à leurs familles. Ils accompagnent dans cette perspective les équipes pédagogiques et éducatives des écoles et des établissements d’enseignement. Les psychologues de l’éducation nationale conçoivent les méthodes et mettent en œuvre les moyens liés à la formation et à la qualification qu’ils ont reçues. En mobilisant cette expertise au service de la prise en compte de toutes les dimensions de l’évolution et du développement cognitif, psychologique et social de chacun, ils contribuent à favoriser une approche bienveillante de l’école. Leurs interventions ont vocation à faciliter l’accès de tous les élèves aux apprentissages, à la culture, à la citoyenneté, à l’autonomie et au « vivre-ensemble », ainsi qu’au développement d’un environnement favorable au bien-être en milieu scolaire. Ils partagent l’objectif des équipes pédagogiques et éducatives d’élever le niveau d’aspiration et de formation de tous et ainsi de contribuer à accompagner chacun vers une qualification reconnue, gage d’une insertion sociale et professionnelle future
(Circulaire no 2017-079 du 28 avril 2017).

En précisant les missions du psychologue, la circulaire a apporté une réforme au corps des psychologues scolaires en les divisant en deux spécialités. Il s’agit des psychologues de la spécialité « Éducation, développement et apprentissages (PsyEN-EDA) » intervenant auprès des élèves de l’enseignement primaire et les psychologues de la spécialité « Éducation, développement, conseil en orientation scolaire et professionnelle (PsyEN-EDO) » intervenant dans le second degré le plus souvent.

Leur recrutement s’effectue par le truchement d’un concours composé de deux épreuves écrites et deux épreuves orales. Les candidats doivent être titulaires d’un master de psychologie (baccalauréat plus cinq ans d’études). À l’issue de leur succès au dit concours, ils suivent une formation d’une année en alternance entre les cours théoriques et la pratique sur le terrain où ils sont encadrés par un tuteur.

Au terme de leur formation, certaines missions sont communes aux deux spécialités. Il s’agit entre autres, de l’accompagnement en vue de la réussite et de l’épanouissement du public dont ils ont la charge ; de l’étude de la situation des enfants ou adolescents rencontrant des difficultés ou en situation de handicap. Ils réalisent également des entretiens favorisant une analyse des situations, afin de prendre en compte les besoins du public dont ils ont la charge. Ils effectuent des bilans psychologiques afin d’élucider les problématiques rencontrées. À l’issue de ces bilans, ils mettent en place « des modalités de suivi psychologique adapté » et participent à la « conception des réponses pédagogiques » (Amici, 2018, p. 43). Ils sont aussi chargés d’accueillir, d’écouter, d’informer les publics dont ils s’occupent. En lien avec les équipes pédagogiques, éducatives et avec les familles, ils mettent en place « les modalités d’aide et de suivi individuelles et collectives nécessaires » (Amici, 2018, p. 43).

Centrée davantage sur l’observation de l’enfant ou de l’adolescent dans son environnement, la fonction du psychologue met l’accent sur l’écoute. Partant de là, elle suscite un rôle de médiation. Cette attitude d’écoute conduit bon nombre de psychologues à mener des entretiens non directifs auprès des élèves. Ces entretiens ont pour objectif l’inclusion sociale et scolaire des enfants et un changement de posture chez les enseignants, les AESH et les parents. Ils sont parfois accompagnés d’une observation. À ce sujet, le chercheur Marc Pierre fait remarquer que l’observation « précoce, continue et générale », réalisée dans la pratique fournit au psychologue scolaire les éléments nécessaires à l’élaboration de sa synthèse sur l’élève qu’il accompagne (Marc, 1977, p. 67).

Comme nous l’avons déjà mentionné, les psychologues scolaires ne travaillent pas seuls. Ils interviennent dans une « perspective pluridisciplinaire », prenant en compte la subjectivité des élèves et certains acteurs en charge de l’inclusion tels que : les enseignants, les ATSEM, les AESH et autres intervenants (Le Mézec, 2007, p. 161).

Parmi ces acteurs, les AESH sont ceux dont nous ferons cas dans la suite de cet article. Après avoir évoqué partiellement la genèse et l’évolution de la profession des psychologues scolaires, qu’en est-il de celle des accompagnants des élèves en situation de handicap dans les classes au quotidien connus sous l’appellation AESH ?

Genèse et missions des accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH)

Passée de l’auxiliaire d’intégration scolaire à l’accompagnant des élèves en situation de handicap, la fonction a connu plus d’une dizaine d’appellations. Le professeur Grégoire Cochetel dans son ouvrage intitulé : AESH et enseignants. Collaborer dans une école inclusive (2017) mentionne la particularité française quant à l’accompagnement des élèves en situation de handicap par un personnel non enseignant.

La loi d’orientation du 30 juin 1975 en faveur des personnes handicapées et ses circulaires ont été à l’origine de l’obligation de l’accueil et de l’intégration des enfants et jeunes handicapés dans les écoles ordinaires. Cependant, les premières initiatives d’accompagnement d’élèves handicapés en milieu scolaire ordinaire ne verront le jour que dans les années 1980.

Mise en place au départ à l’initiative des parents d’enfants en situation de handicap et des associations, les emplois pour l’accompagnement des élèves se sont vite introduits dans la sphère des politiques publiques en faveur de l’emploi des jeunes (Belmont, Plaisance & Vérillon, 2011, p. 93), afin de pallier le chômage des jeunes. Ainsi, le recrutement se fera en 1997, par le moyen des « emplois jeunes ». Puis, en 2003, l’Éducation nationale prendra en charge le financement, le recrutement et la formation des assistants d’éducation. Une partie d’entre eux se verra attribuer, l’accompagnement des élèves en situation de handicap.

Appelés auxiliaires d’intégration scolaire, ils seront en œuvre jusqu’au printemps 2003. Refusant la reprise de ce système ou la création d’un nouveau métier, comme le demandaient les familles et les associations, le gouvernement met en place le statut des assistants d’éducation (AED), (Cochetel, 2017, p. 14). Agents non titulaires de la fonction publique, certains d’entre eux se verront confier la mission d’auxiliaire de vie scolaire (AVS) pour l’accompagnement individualisé des élèves en situation de handicap.

La loi du 11 février 2005 « relative à l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées » a apporté un nouveau regard, dans la prise en compte du handicap et dans la politique de scolarisation des élèves en situation de handicap.

Dans cette dynamique, la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République du 8 juillet 2013, viendra poser comme principe de base de l’éducation, l’inclusion de tous les élèves au sein des établissements scolaires et l’adaptation éducative et pédagogique aux besoins de chaque élève. Ainsi, le décret du 27 juin 2014, donne le jour aux accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH). La loi no 2019-791 dite loi « pour une école de la confiance » est venue soutenir les avancées de la fonction, en entrevoyant la désignation d’un ou de plusieurs AESH « référents » dans chaque département. Ces AESH « référents » constituent un appui pour leurs collègues AESH dans leur mission (Rapport « Avis », 2021).

Les principales missions qui leur sont assignées sont : l’accompagnement de l’élève en situation de handicap dans les actes de sa vie quotidienne, de sa vie sociale et relationnelle. L’accompagnement et le soutien dans ses apprentissages scolaires en font également partie.

Au sujet des missions et activités des personnels chargés de l’accompagnement des élèves en situation de handicap, la circulaire ministérielle du 3 mai 2017 stipule : « Sous le contrôle des enseignants, ils ont vocation à favoriser l’autonomie de l’élève sans se substituer à lui sauf lorsque c’est nécessaire ».

Trois types d’aides caractérisent ces missions auprès des élèves : l’aide humaine individuelle, l’aide humaine mutualisée et l’accompagnement collectif dans les dispositifs d’unités localisées pour l’inclusion scolaire (ULIS).

L’aide individuelle est attribuée par la Commission des droits de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) à un élève dont la situation et le besoin nécessitent un accompagnement « continu et soutenu » (Circulaire no 2017-084 du 3-5-2017). C’est elle qui détermine la quotité horaire et les activités principales pour cette aide humaine individuelle.

L’aide humaine mutualisée est de même attribuée par la CDAPH, à un élève dont la situation ne nécessite pas un accompagnement continu. La CDAPH détermine les principales activités de la personne chargée de cette aide. En revanche, elle ne précise pas la quotité horaire, car la personne chargée de l’aide humaine mutualisée peut être sollicitée pour l’accompagnement d’un ou de plusieurs élèves à différents moments.

L’accompagnement collectif dans les dispositifs ULIS relève de l’autorité académique et non de la CDAPH. Les personnes en charge de cet accompagnement aident l’ensemble des élèves du dispositif, au sein de l’unité localisée d’inclusion scolaire ou lors des temps d’inclusion en classe ordinaire (Circulaire no 2017-084 du 3-5-2017).

Les différentes missions de l’AESH s’effectuent dans ces aides en fonction des besoins des élèves accompagnés.

Ainsi, l’accompagnement aux actes de la vie quotidienne regroupe les activités suivantes : assurer la sécurité et le confort de l’élève, l’aider aux actes essentiels de la vie quotidienne et favoriser sa mobilité.

Afin d’assurer les conditions de sécurité de l’élève dont il a la charge, l’AESH devra « observer et transmettre les signes révélateurs d’un problème de santé » et « s’assurer que les conditions de sécurité et de confort sont remplies » (Circulaire no 2017-084 du 3-5-2017).

L’aide aux actes de la vie quotidienne consiste à : « assurer le lever et le coucher, aider à l’habillage et au déshabillage, aider à la toilette et aux soins d’hygiène de façon générale, aider à la prise des repas et veiller au respect du rythme biologique » (Circulaire no 2017-084 du 3-5-2017).

L’aide à la mobilité consiste à : « l’installation matérielle de l’élève dans les lieux de vie considérés ; permettre et faciliter les déplacements de l’élève dans l’établissement ou à l’extérieur ainsi que les transferts (par exemple du fauteuil roulant à la chaise dans la classe) » (Circulaire no 2017-084 du 3-5-2017).

Afin de favoriser l’accompagnement et le soutien de l’élève dans les apprentissages, l’AESH est invité à : « stimuler les activités sensorielles, motrices et intellectuelles de l’élève en fonction de son handicap, de ses possibilités et de ses compétences » (Circulaire no 2017-084 du 3-5-2017).

Il lui revient également d’aider l’élève à s’exprimer, de lui rappeler les consignes et les règles à respecter pendant les activités. De plus, son rôle consiste à : « contribuer à l’adaptation de la situation d’apprentissage, en lien avec l’enseignant, par l’identification des compétences, des ressources, des difficultés de l’élève ». En fonction de la situation et des besoins de l’élève, il peut être amené à assister l’élève par des prises de notes.

En ce qui concerne l’accompagnement des élèves dans les activités de la vie sociale et relationnelle, il revient à l’AESH de participer à leur accueil, en favorisant la mise en confiance et leur sécurité dans leur environnement. Dans cette optique, il est invité à « favoriser la communication et les interactions entre l’élève et son environnement ». Pour cela, il est de son devoir de « sensibiliser l’environnement de l’élève au handicap et prévenir les situations de crise, d’isolement ou de conflit » (Circulaire no 2017-084 du 3-5-2017).

Parallèle ou rapprochement entre deux professionnels non enseignants

Créé durant la seconde guerre mondiale pour la prise en compte de l’enfance inadaptée, le corps des psychologues scolaires agira par la suite auprès de tous les élèves. La même préoccupation de l’adaptation scolaire pour les élèves en situation de handicap conduira à la création de la fonction des accompagnants pour ces élèves autour des années 1980.

Comme nous l’avons précédemment mentionné, l’émergence de ces fonctions à deux époques différentes est liée à la question de vouloir prendre en compte les élèves présentant un écart à la norme ou en situation de handicap. Ces deux fonctions auraient donc comme point commun, la réparation et la compensation.

Cependant, la différence entre elles réside dans le champ d’action de leurs professionnels. En effet, contrairement aux AESH qui agissent spécifiquement dans le champ du handicap auprès des élèves en situation de handicap, les psychologues scolaires agissent auprès de tous les élèves. Ils semblent même être des personnes ressources pour les enseignants, les familles et les équipes éducatives. Comme le souligne la psychologue Virginie Martin-Lavaud, la rencontre entre psychologue et élève à l’école est souvent une initiative des parents. Cette rencontre ne peut s’effectuer au préalable sans l’accord de la famille (Martin-Lavaud, 2017, p. 60).

Le lien avec la famille est fondamental pour le psychologue scolaire dans l’exercice de sa profession.

Il s’avère donc essentiel pour le psychologue d’écouter les parents et les enfants qui vivent difficilement l’adaptation à l’école ou en famille.

Face à une incompréhension de la part des parents ou des enseignants, le psychologue scolaire est tenu de donner son point de vue et d’argumenter son observation sur l’élève qu’il suit. Il peut arriver aussi que le psychologue de l’école propose une observation de la relation enseignant-élève en classe, en vue de donner des pistes de travail à l’enseignant ou proposer une réunion d’équipe pédagogique éducative afin d’échanger sur les aménagements susceptibles d’aider l’élève à progresser et reprendre confiance en lui.

À l’inverse, les AESH sont placés sous la responsabilité pédagogique des enseignants. Ils sont appelés à agir auprès des élèves en situation de handicap sans être enseignant, ni soignant, ni psychologue. Ce personnel contractuel de l’Éducation nationale se trouve souvent démuni face aux difficultés des élèves qui lui sont confiés. L’introduction de cette nouvelle fonction pour l’inclusion des élèves en situation de handicap vient donc, interroger la question de la place et des relations dans la fonction.

Qualifiée de fonction d’aide humaine, comment aider sans une formation assez conséquente à la relation d’aide, au handicap et au travail scolaire ?

Contrairement au psychologue scolaire dont la collaboration semble être évidente, officielle, et indispensable, le lien entre AESH et famille subit une restriction. En effet, les échanges entre AESH et familles ne peuvent avoir lieu en l’absence d’un personnel de l’école (Maraquin, 2017). La circulaire ministérielle du 3 mai 2017 stipule que « sous l’autorité de l’enseignant et avec son accord, les AESH peuvent échanger avec la famille de l’élève, dans la limite de leurs prérogatives et dans le respect de l’obligation de discrétion professionnelle4 ». Pourquoi celui ou celle qui accompagne l’élève dans son parcours et au sein de la classe ne peut-il échanger avec la famille de l’élève qu’avec l’accord de l’enseignant ? Cette question de la relation AESH et familles qui nous paraît indispensable fera l’objet d’une recherche ultérieure.

En effet, comme le souligne Dominique Momiron5, « le travail de l’AESH est un travail fondé sur le partenariat avec l’élève, ses enseignants, sa famille, et les autres professionnels »6. L’équipe de suivi et de scolarisation reste pour l’instant, le seul cadre institutionnel pour la rencontre entre l’AESH et la famille de l’élève accompagné.

Dans les lignes précédentes, nous avons évoqué l’engagement de l’AESH et du psychologue dans le cadre de l’accompagnement des élèves en situation de handicap pour leur inclusion à l’école. Qu’est-ce que l’inclusion scolaire ? Quels sont les liens entre ces acteurs œuvrant pour cette école inclusive ?

L’école inclusive et ses acteurs

Selon le dictionnaire des besoins éducatifs particuliers, l’inclusion scolaire consiste à :

permettre à l’enfant, quels que soient ses besoins, d’être un élève à part entière et de réaliser son plein potentiel d’apprentissage. Il doit se sentir accueilli, valorisé, confiant, heureux et sécurisé. L’inclusion favorise chez lui une participation active à la vie de la communauté scolaire
(Leleu-Galland & Hernandez, 2017, p. 118).

L’éducation inclusive peut donc être considérée comme une stratégie favorisant la réalisation de l’Éducation pour tous et une reconfiguration du système scolaire ordinaire (UNESCO, 2009). Il revient à l’institution de trouver des stratégies pour s’adapter aux élèves et non l’inverse comme c’était le cas en 1975 avec ce que l’on appelait « intégration ».

En effet, dans le cadre de l’intégration scolaire, la responsabilité revenait aux élèves de s’adapter au système. Les principes de l’éducation inclusive mettent au clair la mission et la responsabilité des institutions en ce qui concerne l’accueil et la scolarisation des élèves. En France, la loi no 2005-102 du 11 février 2005, dite loi « pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées » est venue apporter des précisions sur la notion du handicap. Elle a également favorisé des avancées majeures dans la politique de scolarisation des élèves en situation de handicap.

Cette loi a insisté sur le droit à la scolarité, à la formation professionnelle et la responsabilité du système éducatif vis-à-vis de l’accompagnement de la scolarisation des enfants en situation de handicap (Zongo, 2019). En outre, elle a fusionné dans une seule et même instance, des commissions qui, auparavant fonctionnaient différemment. Cette fusion a donné naissance à la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH), un cadre au sein duquel les personnes en situation de handicap sont accueillies, informées et conseillées par « un seul et même interlocuteur » (art.19). La commission met également en place, le droit à la compensation en aide humaine, financière ou matérielle pour les personnes handicapées (art 11).

L’AESH est dans cette optique, considérée comme une compensation humaine, pour l’élève en situation de handicap ayant reçu une notification de la CDAPH. Il demeure donc, un des acteurs clé de l’école inclusive. En revanche, il agit en collaboration avec l’enseignant, le psychologue scolaire et d’autres acteurs. Dans le cadre de cet article, nous nous focaliserons sur l’observation qui est une des missions communes partagée avec le psychologue scolaire.

L’observation, une activité commune au psychologue scolaire et à l’AESH

L’observation s’inscrit au cœur d’une relation. En effet, observer suppose une entrée en relation basée sur l’accueil de l’autre.

Le docteur Philippe Chavaroche, formateur auprès des équipes éducatives et soignantes, distingue deux modalités dans l’acte d’accueillir. La première modalité consiste à accueillir une personne pour « observer ce qu’est cette personne dans son irréductible singularité ». La deuxième modalité consiste à l’accueillir pour « observer en nous ce qu’elle vient nous faire et que nous ne connaissions pas en nous avant de l’avoir rencontrée » (Chavaroche, 2016, p. 27).

Notre ancrage théorique s’appuiera sur ces deux modalités d’observation : la singularité de l’autre et la rencontre avec cet autre qui vient nous bousculer ou nous questionner. Nous partons du postulat que dépourvue de la rencontre avec l’autre dans une relation, l’observation est sans portée ou en aurait moins. Cette hypothèse nous amène donc, à convoquer le concept de l’alliance éducative ou de la relation éducative qui selon nous, pourrait donner sens à l’observation dans le cadre de l’accompagnement des élèves en situation de handicap.

La notion d’alliance plutôt « thérapeutique » apparue aux États-Unis dans les années 1970 met l’accent sur la qualité de la relation, du lien entre le professionnel et « l’usager ». La chercheuse Plantade-Gipch souligne l’importance de l’entente et de la coopération sur les visées du travail et les moyens à mettre en œuvre que revêt la notion d’alliance (Plantade-Gipch, 2019). Cette alliance est également identifiée par le terme de la relation éducative ou de la relation pédagogique dans le domaine de l’éducation. Pour le psychologue clinicien Bernard Pechberty, le regard clinique du psychologue est axé sur les conflits internes. Il oppose cette observation, à celle de l’enseignant dont la dimension relationnelle vectrice des apprentissages ne passe au premier plan que lorsque l’élève ou l’apprenant présente une crise (Pechberty, 1999, p. 25). Le professeur Augustin Mutuale quant à lui, l’inscrit dans l’intentionnalité éducative ancrée sur le lien et « l’acte de conduire vers » (Mutuale, 2017, p. 43).

Fabienne Serina-Karsky a illustré cette intentionnalité éducative dans un article par un exemple de collaboration entre une enseignante et une éducatrice de jeunes enfants autour de l’enfant à l’école maternelle. Cette collaboration a été un élément moteur de l’instauration d’une relation éducative et pédagogique et partant de là, d’une alliance éducative entre ces deux professionnels pour le bien-être de l’enfant à l’école (Serina-Karsky, 2016).

L’entente entre professionnel et « usager » dans la relation paraît capitale même dans l’observation. C’est ce que semble confirmer cette AESH :

L’observation du début, c’est avoir de l’humilité et laisser l’élève montrer ce qu’il a envie de montrer, ne pas le brusquer dans ce qu’il veut donner. Ce qu’il faut savoir, c’est qu’en tant qu’AESH, on n’a pas d’informations particulières sur qui il est, et comment il est
(Verbatim Stella AESH no 1).

Cette AESH, souligne « l’humilité » comme une attitude à adopter dans l’accompagnement et l’observation de l’élève. Elle consiste à laisser l’élève révéler librement sa singularité. Cette posture requiert une disponibilité et une capacité d’écoute afin de détecter les signaux internes et externes pour favoriser ou complexifier les apprentissages. Dans ce sens, l’observation pourrait être considérée comme la pierre angulaire de la relation entre l’AESH et l’élève en situation de handicap dans la fonction de l’accompagnement. Stella le souligne ainsi :

Pour la première fois qu’on voit l’élève, c’est cent pour cent du temps : l’observation, la disponibilité, l’écoute. L’observation en cours d’aide, de soutien tout au long de l’année est indispensable. Parce que l’élève peut se sentir moins bien certaines journées, parce qu’il a mal dormi ou parce qu’il aurait eu un problème familial, ou parce qu’il a eu une mauvaise note ou une bonne note. Il va être plus disponible ou pas. L’observation est importante dans la vie de tous les jours. Elle est indispensable dans toute relation humaine
(Verbatim de Stella).

Natacha une autre AESH, semble abonder dans le même sens que Stella. Elle définit l’observation comme un contact qui favorisera la connaissance de l’élève. Elle le déclare en ces termes :

L’observation est le premier contact avec la personne que nous allons suivre, c’est donc primordial, il ne faut pas passer à côté. Ce qui signifie que l’observation a une place très importante dans l’accompagnement. Cela va nous permettre de voir le comportement d’un enfant, de regarder sa manière d’être. L’observation peut nous indiquer des facettes de la personnalité d’une personne. Ainsi, cela va nous permettre de trouver les outils pour un accompagnement optimum
(Verbatim Natacha AESH no 2).

Pour Aline la psychologue scolaire, l’observation est une méthode de collecte d’informations capitale pour le suivi des élèves :

L’observation pour moi, fait partie des méthodes de recueil des informations. Il y a des informations que l’on peut recueillir de la part des élèves. Il y a à la fois, ce qu’ils nous disent et il y a ce qu’on nous dit d’eux. C’est une des méthodes qui est très importante, parce que très riche en information. Tout ce que l’élève ne dira pas de mots, il y a des choses qui ressortent dans tout ce qu’on observe. En cela l’observation est particulièrement importante
(Verbatim d’Aline, psychologue scolaire no 2).

Cependant, elle nous confie ne pas avoir assez de temps pour observer les élèves dans leurs classes, mais souligne sa collaboration avec les professeurs. En effet, recrutée vingt-quatre heures par semaine pour tous les élèves de l’établissement, Aline dit ne pas disposer de beaucoup de temps pour les échanges et l’accompagnement des AESH.

À l’inverse d’Aline, Linda la première psychologue que nous avons interrogée, observe ponctuellement les AESH et les élèves en situation de handicap pour leur inclusion dans les classes. Ces observations l’aident à repérer les outils nécessaires aux AESH pour l’accompagnement des élèves. Pour Linda, cette collaboration qu’elle considère comme une alliance éducative avec les AESH, lui procure plus d’informations sur l’élève en situation de handicap. De son côté, elle dit apporter « un regard extérieur » qui aiderait l’AESH à prendre du recul dans sa fonction d’accompagnement :

Il y a certaines AESH que je viens voir tous les mois afin de réellement les guider dans l’accompagnement et je leur propose des outils à mettre en place avec l’enfant ainsi que des explications sur le TSA (Troubles du Spectre Autistique) en général, mais aussi les spécificités du TSA de l’enfant accompagné. Selon la motivation, les conseils que je donne sont plus ou moins appliqués. Il y a aussi des AESH qui sont plus formées et avec qui je viens pour faire le point sur l’évolution de l’enfant, et nous réfléchissons ensemble à ses besoins. L’AESH est au quotidien avec l’enfant et m’apporte alors un autre regard et de réelles informations sur l’enfant que je vois seulement une heure dans la semaine, et je lui apporte mon regard extérieur, souvent bénéfique pour prendre du recul
(Verbatim, de Linda psychologue scolaire no 1).

L’AESH Maria collaboratrice de Linda que nous avons également interrogée à l’issue de notre observation confirme également le bien-fondé d’une telle collaboration pour l’élève :

On passait toujours, un quart d’heure ou vingt minutes tous les trois avec Axel et Linda, on discutait de ce qui s’était passé depuis les 15 jours, qu’est-ce qu’on allait mettre en place. On a fait pendant des années un tableau de comportement avec lui. S’il avait, par exemple 25 points, il a droit à une sucette. En fait, cette carotte, contrairement à ce que beaucoup disent que ce n’est pas bien. Eh bien, c’est faux, parce que ça marchait très bien pour Axel. Et c’est lui-même qui décidait !
(Verbatim de Maria AESH d’Axel).

Les lignes qui précèdent traduisent l’importance de l’observation tant dans la fonction de l’AESH, que dans celle du psychologue et par conséquent, la nécessité d’une alliance éducative pour l’inclusion des élèves en situation de handicap. Même si les chercheurs Toullec-Théry et Brissiaud, évoquent le risque de « brouillages de territoires et d’espaces de parole entre les acteurs » (Toullec-Théry, Assude, & Pérez, 2012, p. 10) ou même de concurrence selon les chercheurs Isabelle Nédélec-Trohel, Sophie Joffredo-Lebrun et Marlène Magnen (2012), cette collaboration est nécessaire dans l’accompagnement des élèves.

Il s’avère donc indispensable pour ces professionnels de l’inclusion, de travailler ensemble pour favoriser l’inclusion et un meilleur accompagnement des élèves en situation de handicap dans les classes.

D’ailleurs, le Rapport sur l’accompagnement humain des élèves en situation de handicap (2022) a relevé des insuffisances liées à la qualité et l’existence de cet accompagnement, en dépit de l’augmentation des moyens humains et financiers (Rapport, 2022, p. 30). Par conséquent, afin de mener à bien cette mission, une analyse de fond sur l’inclusion non seulement des élèves en situation de handicap, mais aussi, de leurs accompagnants (AESH) dans la communauté éducative s’avère indispensable.

Pour que l’alliance entre psychologue scolaire, enseignant et AESH soit une réalité, une formation approfondie apparaît primordiale pour les AESH. À l’inverse de l’AESH, le psychologue scolaire bénéficie d’une formation de niveau master 2 et devient officiellement un professionnel dans le suivi et l’accompagnement des élèves. Placé sous l’autorité pédagogique de l’enseignant, l’AESH ne reçoit que soixante heures de formation sur les différents types de handicap pour l’inclusion de l’élève en situation de handicap.

Cette formation demeure insuffisante, pour répondre aux besoins réels de l’élève en situation de handicap sur le terrain. Face à un tel écart de formation, comment l’AESH, l’enseignant et le psychologue scolaire peuvent-ils instaurer une alliance éducative dans l’accompagnement de l’élève en situation de handicap ? Ces professions ayant pour tronc commun la relation à l’Autre, une étroite collaboration entre ces acteurs de l’inclusion, pourrait répondre en grande partie, aux besoins des élèves en situation de handicap en matière d’accompagnement. Même si l’AESH, est recruté comme une aide humaine afin de répondre aux besoins de compensation et favoriser l’autonomie de l’élève en situation de handicap, sa mission peut-elle s’extraire de la relation humaine ? Autrement dit, qu’est-ce qui donne sens à l’aide humaine dans l’accompagnement de l’élève en situation de handicap ? Pourquoi percevoir l’AESH comme une « aide humaine » et non comme un éducateur ? A-t-il un rôle éducatif ?

Discussion sur l’AESH comme « aide humaine »

La loi no 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances a établi le principe du « droit à la compensation ». Le but de cette compensation est de permettre à la personne en situation de handicap de faire face aux conséquences de son handicap dans sa vie quotidienne, « quels que soient l’origine et la nature de sa déficience, son âge ou son mode de vie » (art. 11). La compensation regroupe des aides de toute nature. Ainsi, l’AESH figure parmi ces aides. Cependant, il est qualifié « d’aide humaine » ? Pourquoi ce terme et qu’est-ce que l’aide humaine ?

Le dictionnaire de la formation et du développement personnel définit l’aide comme « un type de relation d’assistance psychologique à l’égard d’un “client” dans le but de favoriser son développement, son adaptation au milieu social ambiant et sa capacité personnelle d’initiative ou de décision » (Bellenger & Pigallet, 1996, p. 18).

Cette définition laisse percevoir l’aide comme une « relation d’assistance » visant le développement de la personne. En effet, l’AESH est considéré comme une aide humaine, afin de le distinguer des autres types d’aides évoqués dans la loi du 11 février 2005. L’AESH dont la principale mission est de contribuer à l’autonomie de l’élève tant dans les actes de la vie quotidienne que dans les apprentissages, est bel et bien une personne humaine ! Cette quête d’autonomie qu’il vise dans sa fonction, ne peut se réduire à une simple relation d’assistance visant l’adaptation et l’inclusion de l’élève en situation de handicap dans son milieu.

Elle s’inscrit davantage dans la relation éducative, que dans la relation d’aide ou d’accompagnement. En effet, viser l’autonomie d’un élève, consiste à s’engager pour son bien-être, en s’appuyant sur les ressources qu’il possède déjà. Une telle posture se distingue d’une simple aide humaine. À ce sujet, le chercheur Michel Vial dira que : « S’autoriser à éduquer, c’est assumer le désir de former, de développer, de permettre à l’autre de mûrir, d’évoluer, de changer » (Vial, 2010, p. 19).

Afin de favoriser la maturité et le changement dans la relation éducative, le soutien et l’accompagnement nous semblent indispensables, car la personne humaine est le fruit d’un soutien et d’un accompagnement par des êtres humains.

Cet accompagnement et ce soutien se consolident dans l’éducation et par conséquent, dans la fonction de l’AESH.

Les AESH et psychologues interrogés sur la question de l’aide humaine nous l’ont du reste signifié. Pour Aline, le terme d’aide humaine est juste un intitulé. Elle le déclare en ces termes :

Quand on est face à la réalité de l’élève, un même intitulé ne va pas correspondre au besoin de l’élève. Dans la réalité des faits, ça ne s’exprime pas de la même façon. C’est quelque chose de très standardisé, mais on est face à des humains qui ne sont pas standardisés
(Verbatim d’Aline, psychologue scolaire).

Selon Aline, la fonction de l’AESH comme aide humaine va au-delà de ce terme, en fonction des besoins des élèves. Elle la qualifie plutôt de « rôle éducatif » :

L’AESH est un des interlocuteurs privilégiés de ces élèves-là, plus que le professeur qui est parfois à son bureau. Il est souvent là à côté d’eux. L’AESH devient un interlocuteur privilégié de l’élève, parce qu’un interlocuteur de confiance pour l’aider. Les AESH sont souvent au courant de beaucoup de choses concernant les élèves. L’AESH a souvent un rôle éducatif, parce que souvent, l’élève a des questions à poser et il ne trouve pas d’autres personnes et l’AESH est là. C’est un adulte qui est là, qui écoute et qui est bienveillant
(Verbatim d’Aline).

Si la position de l’AESH près de l’élève comme l’évoque Aline favorise l’instauration d’une relation de confiance, dans certains cas, elle peut être vécue par ce dernier comme un empiètement sur son territoire. C’est ce qu’a montré la maîtresse de conférences Marie Toullec-Théry dans l’analyse d’une étude de cas sur la « dialectique distance et autonomie » de l’accompagnement individuel d’un élève en situation de handicap (Toullec-Théry, 2020, p. 70).

Il revient donc à l’AESH, de trouver le juste milieu, car une trop grande proximité peut constituer un frein au développement et à l’autonomie visés dans la fonction de l’accompagnement de l’élève en situation de handicap.

Par ailleurs, les deux professionnels, AESH et psychologues, perçoivent tous un rôle éducatif dans l’aide humaine. Selon l’AESH Stella par exemple, la relation qu’elle entretient avec l’élève ne se limite pas aux missions qui lui sont assignées. Elle le justifie en ces termes :

Parce que les élèves que nous accompagnons, on ne les accompagne pas qu’en mathématiques, qu’en français. Ils sont dans un état d’apprentissage de la vie. Ils ont aussi besoin d’un apprentissage de ce que c’est que devenir adulte, devenir autonome. On ne fait pas que des matières littérales. Il y a aussi une interaction sur ce que c’est qu’être adolescent
(Verbatim de Stella AESH).

Stella met en relation l’accompagnement et l’apprentissage à « devenir adulte et autonome ». Des éléments de la vie dont ont besoin les élèves qu’elle accompagne. Prenant en compte l’étape de l’adolescence que traversent ces élèves, elle semble placer au cœur de son action outre sa mission, l’éducation et l’accompagnement à la vie adulte.

Au demeurant, l’éducation est le fruit d’un accompagnement. En effet, si accompagner c’est rester près de la personne accompagnée, éduquer, c’est l’aider à sortir de son état actuel pour un nouvel état. Tout compte fait, c’est aider l’autre à grandir, à devenir autonome, à devenir auteur de sa vie. Un tel objectif s’inscrit davantage dans l’éducation que dans l’aide humaine, car l’aide humaine ne semble pas toujours revêtir ce processus de changement.

Nous établissons donc un lien concomitant entre la relation éducative et la relation d’accompagnement. En effet, tant dans l’accompagnement que dans la relation éducative, l’expérience vécue et le souci de l’autre comme être humain et membre de la communauté humaine sont présents. Nous sommes appelés à accueillir cet autre dans ce qu’Augustin Mutuale nomme « écorelationnalité » (Mutuale, 2017), avec sa culture, son histoire, ses échecs, ses espoirs, ses faiblesses et à œuvrer avec lui dans un processus de changement. Partant de là, il nous paraît judicieux, de considérer la fonction des AESH comme une fonction éducative et non exclusivement comme une aide humaine.

Conclusion

Cet article nous a permis de présenter un rappel historique sur la création et l’évolution de la profession des psychologues scolaires et de la fonction des accompagnants des élèves en situation de handicap.

Nous nous sommes ensuite interrogé sur l’enjeu de l’observation dans la collaboration entre AESH et psychologues scolaires dans le cadre de l’accompagnement des élèves en situation de handicap, à partir d’une enquête de terrain. Tous les acteurs interrogés se sont accordés sur la nécessité d’une alliance éducative afin de mettre à profit des élèves, les observations faites.

Enfin, nous avons discuté le lien entre la relation éducative et l’aide humaine dans la fonction des AESH.

Cette discussion a mis en lumière, un rapport indissociable entre relation éducative et relation d’accompagnement dans la fonction de l’AESH. Par conséquent, nous suggérons modestement, que la fonction des AESH soit considérée comme une fonction éducative.

Pour atteindre un tel objectif et favoriser une véritable alliance pour l’inclusion des élèves en situation de handicap, une revalorisation de la fonction des AESH, par une formation de qualité axée sur la relation d’aide, le handicap, la psychologie, et la transmission des apprentissages scolaires, avec un volume horaire conséquent apparaît aujourd’hui incontournable.

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Circulaire no 2017-084 du 3 mai 2017. Missions et activités des personnels chargés de l’Accompagnement des Élèves en Situation de Handicap. URL : https://www.education.gouv.fr/bo/17/Hebdo18/MENE1712905C.htm.

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Notes

1 Prost, A. (2007). Langevin-Wallon, l’espoir tué dans l’œuf. Le monde de l’éducation, 2007, 355, février, p. 62-63. Return to text

2 Circulaire no IV-70-83 du 9 février 1970. Return to text

3 Circulaire no IV-70-83 du 9 février 1970 (Création de section ou classes d’adaptation). http://dcalin.fr/textoff/adaptation_1970.html. Return to text

4 Circulaire no 2017-084 du 3 mai 2017. Return to text

5 Momiron Dominique est un inspecteur de l’Éducation nationale à la retraite et ex-conseiller pour l’école inclusive. Return to text

6 Momiron Dominique : Quelle place pour les AESH dans l’école inclusive ? http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2021/10/07102021Article637691899943656583.aspx. Return to text

References

Bibliographical reference

Catherine Ragninwendé Zongo, « L’observation, une activité commune à deux professions non enseignantes », La Pensée d’Ailleurs, 5 | 2023, 221-246.

Electronic reference

Catherine Ragninwendé Zongo, « L’observation, une activité commune à deux professions non enseignantes », La Pensée d’Ailleurs [Online], 5 | 2023, Online since 20 octobre 2023, connection on 06 décembre 2024. URL : https://www.ouvroir.fr/lpa/index.php?id=361

Author

Catherine Ragninwendé Zongo

Doctorante, Institut catholique Paris.

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