Communication interculturelle vitivinicole

p. 321-325

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Ce descriptif synthétise plusieurs contributions actuellement en cours de publication.

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Depuis 2018, un groupe de recherche constitué de chercheurs du CRÉSAT et de collègues nationaux et internationaux, et co-dirigé par Jean-Claude Domenget (université de Bourgogne- Franche-Comté, ELLIAD) et Carsten Wilhelm (université de Haute-Alsace, CRÉSAT) mène un projet sur la communication interculturelle vitivinicole (CIVIN), avec le soutien financier du centre de compétences transfrontalières NovaTris2.

La culture œnologique constitue un objet complexe sur lequel se sont penchées de nombreuses disciplines. L’approche en sciences de l’information et de la communication apparaît comme une approche complémentaire dans la mesure où ces dernières s’intéressent à la valorisation des territoires et de leurs productions et non uniquement à l’adaptation aux goûts. En effet, les sciences de l’information et de la communication ont développé historiquement une attention particulière à la communication territoriale et patrimoniale. Elles analysent les modalités selon lesquelles les territoires cherchent à exister, à se composer une identité, du local au régional au travers de nombreuses stratégies (noms, labels, storytelling, relations presse, classements, etc.). Les sciences de l’information et de la communication s’intéressent particulièrement aux enjeux associés aux objets complexes, en concentrant leur attention sur les médiations. Elles prennent ainsi en compte non seulement des produits et discours hétéroclites mais aussi leur circulation dans des espaces socio-culturels variés et leur appropriation par des publics différents (approche de la complexité et de la médiation patrimoniale, de la médiation touristique). Les sciences de l’information et de la communication se présentent alors comme l’une des disciplines les plus à même d’articuler et développer des approches interdisciplinaires fécondes pour l’analyse de la gastronomie, en général, et du vin, en particulier.

Le projet CIVIN souhaite donc élaborer une enquête sur les modalités de communication des représentations transfrontalières autour du vin et de ses métiers. Cela permettra d’analyser les manières de transmettre, sans simplification et à des publics de cultures différentes, la complexité de la culture vitivinicole d’un pays, spécifiquement mais non exclusivement à l’aide de dispositifs numériques. Les chercheurs du projet CIVIN se proposent donc d’arpenter des terrains variés, tels que la communication transfrontalière, la compréhension mutuelle des vins en contexte franco-allemand ainsi que la communication internationale du vin, particulièrement dans le contexte du marketing des vins grecs en France.

La place du numérique est au cœur de l’investigation car le secteur viticole s’appuie de plus en plus fortement sur des stratégies de communication digitale. À ce sujet, deux études exploratoires, réalisées par un groupe du Master 2 Communication et édition numérique (université de Haute-Alsace) en 2017 et 2019, questionnent la présence numérique de plusieurs vignerons et domaines. Cette étude a permis d’établir un état de l’art des outils numériques mobilisés dans leur communication stratégique, ainsi qu’une première approche des représentations provoquées chez les professionnels de la vigne et du vin. Des contacts ont été établis avec des organisations interprofessionnelles et des observations ont été menées dans le cadre de salons professionnels en France, en Grèce et en Allemagne.

La perception et la communication d’un produit culturel

À la fois concrétisation et extension d’une proposition initiale qui s’intéressait à la transmission, à travers des outils numériques, de la culture française du vin à un public non expert et issu de cultures différentes, le projet CIVIN cherche à interroger l’écart culturel entre les représentations symboliques d’un produit comme le vin et les modalités de sa communication à l’international. Il s’appuiera pour cela sur des recherches antérieures portant sur la dimension interculturelle associée au vin. Celles-ci ont cherché à comprendre comment une culture alimentaire très pointue est perçue par des populations aux traditions alimentaires différentes et donc quels éléments de cet objet complexe sont appréciés ou au contraire dépréciés.

Le rôle de médiation du numérique

L’étude partira des travaux concernant les stratégies de communication, de construction de discours adaptés et les démarches mises en place par les sites de vente de vin en ligne pour s’adapter à des publics hétérogènes et de niveaux de connaissance œnologique variés. Partant de l’hypothèse que les outils numériques sont capables de traduire la complexité d’un objet sans le simplifier, elle visera, dans une perspective de valorisation socio-économique, le développement de services numériques pouvant véhiculer la richesse de la culture vitivinicole d’un pays et ainsi favoriser à terme l’exportation des vins alsaciens.

La première étape de cette démarche consiste à comprendre les représentations et à catégoriser les usages actuels des outils numériques par les acteurs/professionnels de la filière vitivinicole en Alsace et en Bourgogne-Franche-Comté.

Trois terrains concrets permettront d’approfondir ces recherches :

1. Un terrain « proche » : dans le cadre de la perception par les publics cibles des stratégies de communication dans le territoire franco-allemand, notamment en Alsace et ses régions voisines outre-Rhin, des études comparatives sont réalisées dans le Jura et en Bourgogne. Cette étude des représentations comprend la perception du vin mais aussi l’analyse des évolutions du secteur économique et de ses intermédiaires. L’enquête de terrain permettra d’aborder in situ avec les professionnels à la fois les démarches intégrant le numérique, et plus particulièrement celles à destination d’un public étranger, et leurs représentations à l’égard des technologies numériques. Le choix s’est porté sur l’Allemagne pour des raisons d’expertise de l’équipe, mais aussi pour des raisons stratégiques : le marché du vin en Allemagne est l’un des plus importants au monde (quatrième marché mondial de consommation de vin derrière les États-Unis, l’Italie et la France ; premier importateur mondial de vin en volume et le troisième en valeur). Ce pays voisin de la France, à la culture proche, a développé un rapport au vin tout autre : importance des cépages et non des appellations, importance des médailles notamment allemandes, importance des marques, linéaires des grands magasins organisés par couleurs et non par régions. Cette enquête a été réalisée lors de la plus importante foire en Allemagne consacrée au vin et s’adressant aux professionnels, ProWein lors des éditions 2018 et 2019, qui se tient chaque année en mars à Düsseldorf, salon et plate-forme d’affaires la plus importante au niveau mondial pour la branche internationale « vin et spiritueux » avec plus de 6 500 exposants de plus de 60 pays dont, en 2019, près de 1 000 exposants français. Les chercheurs ont également pu aller à la rencontre des professionnels à l’occasion de la Badische Weinmesse (5-6 mai 2018) à Offenburg, de la Weinmesse Basel (27 octobre au 4 novembre 2018). À cette occasion, des interviews avec les vignerons, vendeurs et spécialistes continuent d’être menées et la documentation sur l’évolution de la communication numérique et interculturelle du vin d’être enrichie. Des déplacements dans le Jura pour rencontrer les interprofessions du vin ont d’ores et déjà permis la réalisation d’interviews longues et la récolte systématique de la documentation commerciale du secteur. L’analyse est en cours mais des résultats partiels ont pu être communiqués au colloque « Vin et altérité » (18-19 octobre 2018) à l’université de Haute-Alsace et au colloque « Regards croisés sur les transformations des filières et des acteurs de la vigne et du vin » (23-25 janvier 2019) à l’université de Reims.

2. Un terrain « lointain » avec le cas spécifique de la communication outre-Atlantique des vins de coopératives alsaciennes. Suite à un stage long d’une étudiante du Master 2 Communication et édition numérique (université de Haute-Alsace) dans une coopérative importante en Alsace, des échanges ont permis d’identifier des problématiques intéressantes, tant au niveau de la communication internationale des gammes de vin que des saveurs et des valeurs. Entre vente en gros, marques « haut de gamme » et alcools, les productions d’une grande coopérative sortant de son territoire habituel posent des défis de communication. Alors que, pour l’instant, des importateurs se sont occupés de la commercialisation des vins outre-Atlantique, le producteur fait davantage appel à des agences de communication biculturelles et aux outils numériques.

3. Un terrain « inversé » : une observation (2016-2018) de la sélection et distribution des vins grecs en France ainsi qu’une visite des territoires canadiens de viticulture (2016) ont permis de formuler une problématique « inversée » : le défi de la communication du vin grec et du vin canadien dans un territoire « saturé » et exigeant tel que la France. Ces terrains sont particulièrement intéressants car émergents sur la scène internationale et particulièrement en France. Leur stratégie de communication et l’usage du numérique dans ce cadre paraissent prometteurs. Des changements de génération stimulent, dans le cadre des deux pays, des innovations dans ces domaines. Un savant mélange de tradition et innovation semble alors guider les producteurs. Un premier déplacement en Grèce (visite du salon OENOS, à Thessalonique en mars 2019) a généré une vingtaine d’interviews enregistrées avec vignerons, vendeurs, spécialistes pour mieux comprendre les aspirations et stratégies de communication à l’international de ce marché en émergence.

2 Ce travail a bénéficié d’une aide de l’État gérée par l’Agence Nationale de la Recherche au titre du programme Investissements d’avenir portant la

Notes

2 Ce travail a bénéficié d’une aide de l’État gérée par l’Agence Nationale de la Recherche au titre du programme Investissements d’avenir portant la référence ANR-11-IDFI-0005, NovaTris, Centre de compétences transfrontalières. Le projet est proche de l’initiative « Le Vin de l’autre », mené par une équipe interdisciplinaire sous l’égide de Michel Faure, professeur émérite d’histoire des idées britanniques (équipe d’accueil ILLE, université de Haute-Alsace).

Citer cet article

Référence papier

« Communication interculturelle vitivinicole », Revue du Rhin supérieur, 1 | 2019, 321-325.

Référence électronique

« Communication interculturelle vitivinicole », Revue du Rhin supérieur [En ligne], 1 | 2019, mis en ligne le 01 novembre 2019, consulté le 29 mars 2024. URL : https://www.ouvroir.fr/rrs/index.php?id=116

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