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Collage : Le collage est une technique qui consiste à sélectionner des éléments hétéroclites déjà existants afin de les agencer et combiner dans un nouvel espace d’expression artistique. Sous le terme générique d’assemblage, cette pratique est véritablement apparue dans le champ de l’art au début du xxe siècle avec les avant-gardes modernes dont Braque et Picasso furent les initiateurs. C’est l’œuvre Nature Morte à la chaise cannée réalisée en 1912 par ce dernier qui a amorcé l’engouement pour cette technique. Le collage va à l’encontre de toute ressemblance mimétique avec la réalité. Pour Charles Baudelaire, cette pratique met en lumière de nouveaux processus artistiques qui consistent à piocher dans le « magasin d’images et de signes offerts par le réel » pour les transformer par l’imagination. Aujourd’hui, les configurations visuelles composites et disloquées produites par collage ne sont pas sans rappeler les modes de perception et de représentation du réel liés à la multiplication des écrans et la culture du zapping.

 

Détail : Ce que l’on désigne comme détail est un élément qui, dans une image ou une œuvre d’art est situé à la marge de la représentation et semble ne pas participer à l’action ou au message principal. Qu’il s’inscrive dans le domaine scientifique, historique, littéraire ou artistique, le détail se caractériser comme un élément en surplus mais pourtant nécessaire à une bonne compréhension de l’ensemble auquel il est rattaché. En histoire de l’art, il a longtemps revêtu une importance non négligeable dans le processus de création ou dans la manière avec laquelle le regard va se poser sur une œuvre.

 

Dispositif : La notion de dispositif naît dans les années 1970, lorsque le philosophe français Michel Foucault la définit dans Surveiller et Punir (1975). Pour lui, un dispositif se compose d’un « ensemble résolument hétérogène comportant des discours, des institutions, des aménagements architecturaux, des décisions réglementaires, des lois, des mesures administratives, des énoncés scientifiques, des propositions philosophiques, morales, philanthropiques ; bref, du dit aussi bien que du non-dit (…). » L’ensemble de ces éléments hétéroclites, connectés les uns aux autres, revêt avant tout une fonction stratégique de pouvoir.

Dans Qu’est-ce qu’un dispositif ? (2006), le philosophe italien Giorgio Agamben questionne la théorie de Michel Foucault et en propose sa propre définition. Pour lui, le dispositif est « tout ce qui a, d’une manière ou d’une autre, la capacité de capturer, d’orienter, de déterminer, d’intercepter, de modeler, de contrôler et d’assurer les gestes, les conduites, les opinions et les discours des êtres vivants. »

 

Échantillonnage / Sampling : Procédé de composition qui puise son origine dans le domaine musical avec le rap et la musique électronique qui ont fortement contribué à le faire évoluer. L’avènement des nouvelles technologies marque l’essor fulgurant de l’échantillonnage traduit de l’anglais par sampling qui consiste à choisir un extrait sonore au sein d’un enregistrement existant pour être utilisé et remixé dans un autre contexte afin de créer un nouvel ensemble musical. Très courante aujourd’hui, cette pratique peut s’observer au quotidien dans le travail de réagencement des images et des récits médiatiques qui nous parviennent du monde entier. Appliqué au champ de l’art, l’échantillonnage est une méthode de construction qui rejoint celle du collage, de l’assemblage, du montage ou du ready made dans la mesure où il définit une combinaison d’objets préexistants destinés à être assemblés au sein d’une nouvelle syntaxe, l’œuvre. Semblable à un fragment de la réalité, l’échantillon suggère une totalité antérieure dont il a été arraché et serait un extrait. Ce mode d’opération se caractérise donc par un processus de décontextualisation suivi d’une recontextualisation qui dote l’élément choisi d’une nouvelle fonction sans pour autant altérer sa nature. Véritable poïétique, l’échantillonnage/sampling se fonde sur le geste d’appropriation et d’accaparement du réel dont le détournement est l’un des exemples les plus éloquents.

 

Empreinte : Qu’il s’agisse d’une trace de pas, d’écriture ou de l’acte de peindre avec ses mains, dès qu’un support est marqué par une matrice, son résltat peut être défini comme une empreinte. Au-delà de la « trace », l’empreinte est la manifestation matérielle d’une absence et, telle un indice, elle permet de retrouver un corps original. L’empreinte ne participe toutefois pas uniquement d’un simple jeu de détective. Elle peut être la marque d’une autorité comme Georges Didi-Huberman le démontre dans La ressemblance par contact (2008) à travers le cas de la pièce de monnaie césarienne « frappée » du visage du dictateur. Quand bien même la matrice servant à imprimer la figure crée des centaines de copies identiques, l’aura dégagée par César à travers le denier reste inchangée. Loin de demeurer tributaire de son support ou de son référent, l’empreinte peut devenir autonome et individuelle. Elle ne doit pas uniquement être comprise par sa ressemblance avec l’objet « empreinté » mais également considérée à l’aune du support « empreint ». C’est le contact entre une matrice et un support qui crée un nouveau corps singulier doté de leurs caractéristiques.

 

Fragment : Vestige du passé, ce que l’on entend en général par « fragment » est ce que l’on prélève, ou ce que le temps a su préserver. Il s’agit d’un objet de l’entre-deux, en ce qu’il construit notre rapport à une altérité disparue, tout en s’érigeant comme témoin. Alors que le fragment tire un fil entre absence et présence, son existence se fait symbole de cette porosité qui les relie. C’est à l’endroit de cette porosité que les artistes développent un intérêt pour le fragment. À partir des années 1960 avec l’art conceptuel, ces derniers voient dans cet état perméable un endroit de perte de contrôle qui permet à l’œuvre de ne pas se présenter comme monolithique. L’entre-deux que représente le fragment questionne l’idée de vérité : il la présente comme tremblante et instable.

 

Image : Les images occupent une place prépondérante dans notre quotidien. Par le biais d’internet, des annonces publicitaires ou de banales communications informatives, le flux avec lequel elles nous parviennent est tel que ce qui est supposé choquer n’interpelle plus notre attention de la même manière qu’autrefois. L’individu contemporain développé est anesthésié face aux images qu’il voit. Dans un tel scénario, l’image se caractérise, en premier lieu, comme un objet visuel qui agit sur nous par le regard. Nous comprenons ce que nous percevons puis réagissons en conséquence. Mais ce principe, illustré par Jonathan Crary dans Techniques de l’observateur : Vision et modernité au xixe siècle (2016), nécessite un apprentissage préalable de l’image. « L’observateur » comprend une image parce qu’il possède les codes de lecture nécessaire à sa compréhension. Or, ces codes sont régis et transmis par la société. Parallèlement à l’apprentissage sociétal, l’expérience personnelle liée à un objet permet également d’acquérir une compréhension propre de ce dernier.

Dans Iconologie, image, texte, idéologie (1986), William John Thomas Mitchell montre que le processus de représentation artistique est lié à l’image mentale que l’artiste s’est lui-même construit par sa propre expérience du corps à imiter. L’image n’est plus uniquement physique mais devient immatérielle ; elle se véhicule par le texte, par le son, par des expériences sensorielles. Ainsi, loin de se caractérise seulement par une représentation, une mimésis ou une ekphrasis (description détaillée), l’image résulte de nos acquis par rapport à l’objet perçu et de l’expérience que nous avons de ce dernier.

 

Indice : Nous comprenons habituellement l’indice comme un élément menant à une piste à suivre pour atteindre un but. Outre cette définition, l’indice est un concept philosophique mobilisé par Charles Sanders Peirce au sein de la triade icône / indice / symbole. Si ces trois notions ont en commun de renvoyer à un référent, l’indice a la particularité d’entretenir une relation existentielle avec l’objet qu’il indique ; l’un interagit sur l’autre et inversement. Charles S. Peirce illustre ses propos à travers la métaphore de la girouette : la flèche indique le sens du vent mais pour ce faire l’action du vent semble requise. Lorsque nous disons d’une œuvre qu’elle a un statut indiciel, c’est avant tout pour souligner le fait qu’elle ne se suffit pas à elle-même et que sa compréhension nécessite la restitution d’une signification manquante.

 

Mimesis / Imitation : Le concept de la mimèsis trouve ses origines dans l’antiquité grecque. Avec son « allégorie de la caverne », Platon en propose une définition qui ne renvoie pas uniquement à la représentation visuelle de ce que l’on peut voir (c’est-à-dire à la simple image, qu’il appelle eikon) mais qui s’étend aux domaines de la connaissance et de la réalité dans laquelle s’inscrit notre monde. À travers sa pensée, Platon compare celui-ci à une caverne obscure dans laquelle sont enfermés des prisonniers qui n’ont pour source lumineuse qu’un bûcher placé dans leur dos. Enchaînés, ils ne peuvent bouger ni même tourner la tête et sont condamnés à fixer la paroi rocheuse située face à eux. La question de la mimèsis intervient lorsque des personnages vont et viennent comme bon leur semble dans leur dos, les bras remplis d’objets divers. Les ombres projetées que les prisonniers aperçoivent alors sur la paroi rocheuse ne sont en réalité qu’un leurre, qu’une vision faussée de ce qu’ils pensent être la réalité.

 

Observateur : Il existe différentes manières de « regarder » une œuvre et l’une d’elles consiste à se placer en tant « qu’observateur ». Nous retiendrons de l’observateur sa définition par Jonathan Crary dans Techniques de l’observateur : Vision et modernité au xixe siècle (2016). Un observateur « regarde » une production par le biais des normes et usages en vigueur dans sa culture, il assimile des codes de lecture qu’il utilise par la suite pour comprendre cette production. « Bien qu’il soit à l’évidence une personne qui voit, un observateur est par-dessus tout […] une personne qui s’inscrit dans un système de convention et de limitations » (p. 33). Il se différencie principalement du spectateur qui s’identifie davantage à un rôle de « témoin », voire de dilettante, devant une œuvre ou une image.

 

Tactique d’usage : Depuis les études entreprises par Michel de Certeau dans son ouvrage L’invention du quotidien. 1. Arts de faire (1990) sur les ruses anonymes, la tactique induit l’expression d’actes ou d’opérations qui varient en de multiples occasions pour subvertir les contraintes d’une situation en la faveur de celui qui les entreprend. Dans une approche sociologique, elle correspond à un mode opératoire que Michel de Certeau définit comme étant « l’art du faible ». À l’encontre de la stratégie qui consiste en une représentation mentale et fonctionnaliste d’un espace pour le contrôler selon des règles normatives, la tactique échappe à toute logique imposée par « le dominant » puisqu’elle est régie par les seules règles de son auteur.

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Référence électronique

« Glossaire », RadaЯ [En ligne], 4 | 2019, mis en ligne le 01 janvier 2019, consulté le 28 mars 2024. URL : https://www.ouvroir.fr/radar/index.php?id=298

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