À l’occasion de la collecte des archives de notre structure par le service compétent de l’université1, il nous a été suggéré de rédiger un bref panorama de l’histoire de l’UMR et de ses étapes successives. À lire la page d’accueil de son site internet, l’UMR 3400 (Arts, civilisation et histoire de l’Europe) est « l’équipe de recherche des enseignants-chercheurs et des étudiants qui travaillent à mieux comprendre les sociétés médiévales, modernes et contemporaines en Europe, en se spécialisant en histoire et en histoire de l’art et de l’architecture. Elle organise ses recherches à partir d’un large spectre géographique (l’Europe au sens large, et ses interfaces atlantiques, méditerranéennes, orientales), d’une approche généralement comparatiste, et d’une insistance sur les questions de transferts, de diffusion, d’emprunts, de circulation et de voyages2 ». En réalité, la dénomination et l’acronyme de l’équipe datent des années 2010, et la transformation en unité mixte de recherche est vieille seulement d’un an : « mixte » ne renvoie d’ailleurs pas à un partenariat avec le CNRS mais à la signature d’une convention entre l’École nationale supérieure d’architecture de Strasbourg et l’université. D’où la tentative faite ici pour reconstituer les grandes étapes du parcours accompli, un parcours collectif au sein duquel on fera apparaître l’action de certains des membres de la structure, lorsqu’elle aura joué un rôle particulièrement décisif. C’est l’occasion de remonter à une époque pas si lointaine, les dernières années du xxe siècle, où la recherche collective dans les sciences humaines et sociales était encore peu structurée, peu concertée et peu dirigée, et de mieux apprécier la petite révolution qui s’est accomplie au fil des années 2000 et 2010.
À l’origine, deux structures existaient à Strasbourg pour orienter ou encadrer la recherche en histoire et en histoire de l’art et de l’architecture. La plus ancienne, née en 1921 après le retour de l’Alsace à la France et refondée ensuite en 1946 était le Centre d’études germaniques, le lieu d’où partit en 1969 la création de la Revue d’Allemagne. Comme l’ont observé ses historiennes, Corinne Defrance et Christiane Weeda, cette institution avait été pensée à la fois comme une « sentinelle » et comme un « pont » sur le Rhin, c’est-à-dire qu’elle avait reçu pour mission d’être un observatoire d’où étudier, depuis la France, l’Allemagne voisine, réfléchir sur ses héritages et apprécier ses mutations, et simultanément comme une passerelle incitant les savants spécialistes des deux pays à concevoir des projets communs3. Pendant un certain temps, le Centre avait même fonctionné comme un outil de formation permanente pour les officiers français que l’on voulait « mettre à niveau » sur l’Allemagne et les questions allemandes pour les missions qu’ils exerçaient dans le cadre de l’Alliance atlantique et des accords de défense bilatéraux. En 1969-1970, sans doute grâce à Alfred Grosser, qui fut l’un des plus importants passeurs intellectuels entre les deux rives du Rhin, ce centre d’enseignement et de recherche obtint le soutien du CNRS et se lia par une convention à l’université Robert Schuman, c’est-à-dire à l’établissement strasbourgeois consacré aux sciences politiques, juridiques et économiques qui était issu de l’éclatement de la « vieille » université après le choc de 1968. Dans ce cadre, il se trouva être en particulier adossé à l’Institut d’études politiques de Strasbourg : une identification qui devait être, au fil du temps, à la fois une chance et une limite, comme on le verra plus loin, car on peut estimer qu’elle empêcha ses dirigeants de jouer le rôle fédérateur auquel ils auraient pu prétendre parmi les nombreux talents et spécialités centrés sur l’aire germanique qui étaient présents sur le site de Strasbourg.
La seconde institution de recherche et d’enseignement, apparue en 1968, était le Centre de recherches régionales et rhénanes que dirigèrent des célébrités comme Georges Livet, historien de l’intendance d’Alsace sous Louis XIV, et, à partir de 1984, Bernard Vogler, historien de la Réforme protestante. Il était basé à l’université des sciences humaines, et fortement lié à la faculté des sciences historiques. L’existence d’un tel centre n’allait pas de soi, et sa dénomination suggère qu’il s’efforçait de fédérer des directions de recherche en réalité fort différentes les unes des autres. De toute évidence, c’était la recherche en histoire locale et régionale qui occupait la première place, comme en témoigne l’important programme qui occupa Bernard Vogler, plusieurs années durant, sur les Caisses d’épargne d’Alsace. En histoire moderne, Jean-Michel Boehler achevait alors sa thèse de doctorat d’État sur la paysannerie de la plaine d’Alsace au xviiie siècle, un travail monumental qu’il devait soutenir en 1993 et publier aux PUS en 1994. Simone Herry, une assistante de recherche recrutée par Georges Livet, était la cheville ouvrière de ces activités de recherche collectives centrées sur les pays rhénans, même si son statut la conduisait à travailler aussi en partie pour le service commun de la documentation : en ce temps-là, chaque institut composant la faculté des sciences historiques possédait en effet sa propre bibliothèque, dans un local distinct de celui des autres, et gardait vivante l’ancienne tradition de l’université allemande associant une chaire d’enseignement supérieur avec une bibliothèque et un séminaire de recherche4.
Mais en parallèle de ce Centre de recherches régionales et rhénanes, plusieurs historiens de la faculté des sciences historiques (qu’on appelait alors UFR, pour unité de formation et de recherche) comme Jean Bérenger, spécialiste de l’Empire des Habsbourg, ou Vladimir Fišera, historien du monde slave, dialoguaient davantage avec le groupe de recherche qui est à l’origine lointaine de l’actuel GEO5 strasbourgeois (unité de recherche spécialisée en études orientales, slaves et néo-helléniques), où leur domaine d’investigation recueillait davantage d’intérêt et pouvait prétendre à plus de rayonnement.
Pour les historiens de l’art, l’histoire régionale mobilisait également les énergies : professeur de 1969 à 1993, Albert Châtelet avait eu un important rayonnement autour de la peinture et de l’art rhénans, de même qu’après lui, le médiéviste Roland Recht, spécialiste de l’art gothique, qui avait fondé la Bibliothèque des Arts et dirigé les musées de Strasbourg de 1986 à 1993. Parallèlement, des recherches sur l’orientalisme et sur la notion d’école en histoire de l’art allaient également bon train autour de Christine Peltre, arrivée à Strasbourg en 1994.
Dans la première moitié des années 1990, cependant, à l’initiative de Jean-Luc Pinol, nommé professeur d’histoire contemporaine à la faculté des sciences historiques en 1989, et spécialiste d’histoire des sociétés urbaines, l’université des sciences humaines de Strasbourg fut dotée d’une URA (unité de recherche associée) rattachée au CNRS et spécialisée en histoire de la ville. Pour une large part, cette URA 1010 « Cultures, arts et sociétés des villes européennes » était le fruit de la grande proximité qui existait entre Jean-Luc Pinol et Maurice Garden, spécialiste de démographie historique du monde urbain de l’Ancien Régime, l’un des plus brillants élèves de l’historien lyonnais de l’économie Pierre Léon. Devenu professeur d’histoire moderne à l’université Lumière Lyon II en 1970, quelques années avant Yves Lequin (l’ancien directeur de thèse de J.-L. Pinol, lui-même historien du travail et de l’industrialisation), M. Garden occupait après 1981 d’importantes responsabilités dans les ministères de l’Éducation nationale, de la Recherche, et finalement de l’Enseignement supérieur. Il y exerça une notable influence vingt ans durant (avec seulement une interruption de trois ans de 1993 à 1997), travaillant notamment comme directeur scientifique des sciences humaines et sociales au ministère de l’Enseignement supérieur. L’URA 1010 était à l’évidence un outil ambitieux, pour une recherche moderne et pluridisciplinaire.
De façon évidente, c’est cette structure qui eut le plus d’impact sur les méthodes du travail collectif des enseignants-chercheurs historiens et historiens d’art de Strasbourg. En effet, les « Centres » avaient parfois l’aspect de coquilles vides, et la notion même de travail en équipe n’était pas dans les habitudes. L’individualisme affirmé des plus anciens professeurs, ceux qui étaient nés dans les années 1930 et 1940 et qui avaient connu le monde universitaire d’avant 1968, fut donc combattu par l’action dynamisante d’enseignants-chercheurs de la génération postérieure, celle de Jean-Luc Pinol lui-même (né en 1949) ou de l’hispaniste médiéviste Denis Menjot (1948-2024). Dans les locaux de la rue de l’Ail, en plein cœur du vieux Strasbourg, de véritables séminaires se tenaient et d’importants moyens étaient mis au service de la recherche, en analyse des données ou en cartographie. Bertrand Bernard, objecteur de conscience, œuvrait comme ingénieur d’études (il devait aller fonder, plus tard, les éditions du Détour). De nombreux doctorants, y compris non spécialisés sur l’histoire des villes, s’associaient avec enthousiasme à ces activités, comme s’en souvient Catherine Maurer, elle-même historienne de l’aire germanique, arrivée à Strasbourg en 1989. Certains de ces apprentis historiens de la ville comme Judith Rainhorn ou Isabelle Rabaud-Mazières ont connu plus tard un très beau parcours académique. L’URA devait aussi alimenter une collection chez L’Harmattan et même éditer une revue : certes Villes. Histoire et culture ne connut que deux numéros, en 1994 et 1997, mais elle peut être considérée avec le recul comme une initiative préfigurant la revue Histoire urbaine, émanation de la Société française d’histoire urbaine, lancée en juin 2000.
En effet, l’expérience menée sur le site de Strasbourg ne dura pas très longtemps, trois ans à peine : en 1995-1996, pour des raisons personnelles, Jean-Luc Pinol était amené à demander sa mutation pour l’université de Tours (d’où il devait repartir ensuite pour terminer sa carrière comme directeur du département des sciences sociales de l’ENS de Lyon). La même année, Denis Menjot quittait également Strasbourg et rejoignait l’université Lumière Lyon II. La volonté de continuer de faire vivre l’URA 1010 sur sa spécialité d’origine n’étant pas vraiment manifeste sur place, le CNRS décide brutalement de stopper l’expérience. Par conséquent, au début de l’année académique 1997-1998, les activités de recherche se relancent difficilement, à partir d’un paysage qui ressemble un peu à un champ de ruines. Tout est alors à reconstruire, à partir du rang de base des équipes de recherche dans le classement du ministère, celui de PPF (Plan Pluri-Formation)6. Le Centre de recherches régionales et rhénanes n’existe plus vraiment en tant que tel et n’apparaît plus que comme un simple groupe de travail au sein de cette « Équipe de recherches en sciences historiques » qui ne possède encore ni dénomination ni spécialisation propres, et dont le pilotage est confié dans un premier temps à Jean-Claude Waquet, spécialiste de l’histoire de l’Italie de la première modernité. Quant au Centre d’études germaniques, il joue plus que jamais la carte de Sciences Po Strasbourg7.
Des tensions assez vives subsistent, par ailleurs, autour de l’identification d’un champ de recherche commun aux personnels enseignants-chercheurs de la faculté des sciences historiques, bien que ce soit « l’espace dans la pratique des historiens » qui finisse par s’imposer comme le nouveau cœur de métier de ce PPF (un volume parut aux PUS sous ce titre en 2000, sous la direction de Jean-Claude Waquet, Odile Goerg et Rebecca Rogers). Après l’obtention du statut de « Jeune Équipe », l’attribution du label « Équipe d’accueil » fut encore loin d’être une sinécure : néanmoins, en dépit d’une évaluation mitigée de la part du ministère, ce label sera finalement officialisé en 2001.
Dans le même temps ou presque, en décembre 2004, le Centre d’études germaniques disparaissait définitivement, victime du manque d’intérêt de l’université Robert Schuman et du manque de soutien du CNRS. Très vraisemblablement, d’anciennes rivalités, au sein du petit monde des lettres et sciences humaines spécialisé sur l’aire germanique, furent à l’origine de cette disgrâce. Devenu unité de recherche associée (URA 0108) au CNRS, le CEG avait une déjà longue histoire et un bilan non négligeable à mettre en avant, mais on jugeait que son fonctionnement n’était pas en conformité avec ce qu’on attendait désormais d’un laboratoire de recherche. Un rapport remis par un célèbre historien de l’Allemagne moderne aurait, dit-on, servi d’argument au CNRS pour le lâchage de ce Centre, dont on pointait les faiblesses supposées – manque de dynamisme, revue trop peu ambitieuse, déficit en doctorants – sans remarquer qu’il accueillait des allocataires-moniteurs ou des chercheurs associés de valeur comme Édouard Husson ou Corinne Defrance… L’équilibre entre les disciplines au sein de l’université Robert Schuman a sans doute joué aussi, au détriment des historiens et des politistes, pour expliquer qu’aucune solution alternative ne soit alors proposée. À la disparition du Centre, seule subsista en tout cas la Revue d’Allemagne, grâce au fait qu’elle s’était adossée à une société savante que ces réagencements du paysage local de la recherche n’atteignaient pas. À ce moment-là, donc vers le début des années 2000, son directeur (et dernier directeur en exercice du CEG), Michel Fabréguet, décida d’ouvrir la rédaction de manière plus large afin que celle-ci intègre les spécialistes du monde allemand du site de Strasbourg extérieurs à l’Institut d’Études politiques. Plusieurs membres de l’EA 3400 comme Michel Hau, historien de l’industrialisation alsacienne et allemande, Christian Baechler, spécialiste de l’histoire politique du Kaiserreich et du régime de Weimar, ou encore Catherine Maurer (qui allait plus tard prendre la tête de la revue) furent alors cooptés et participèrent désormais aux travaux et à la programmation de la Revue d’Allemagne.
Pendant les années 2010, un GIS (groupement d’intérêt scientifique) Mondes germaniques s’efforcera de fédérer les activités de recherche sur les sites de Strasbourg et Mulhouse, principalement dans une orientation d’histoire des savoirs et d’histoire culturelle et religieuse. Hébergé par la MISHA (Maison interuniversitaire des sciences de l’Homme – Alsace) et appuyé par le CNRS, ce GIS ne se maintient cependant que quelques années. Au départ, le site de Strasbourg avait accueilli plutôt défavorablement le CIERA (Centre interdisciplinaire d’études et de recherches sur l’Allemagne), apparu en 2001 comme un consortium d’établissements, avec le statut de groupement d’intérêt public. Parce qu’il s’agissait d’un projet scientifique ouvertement interdisciplinaire et parce qu’il portait l’empreinte de l’EHESS, il fut plutôt mal reçu à Strasbourg – aujourd’hui, c’est une agence de moyen, avec des établissements cotisants (Lyon II, EHESS). Ce GIS Mondes germaniques pouvait passer pour une alternative au CIERA : la MISHA, à l’origine très axée sur les sciences de l’Antiquité, avait pris conscience de l’intérêt d’afficher aussi une orientation allemande, une balle que, sous la direction de Christine Maillard au milieu des années 2000, elle prit au bond, si bien qu’elle réussit à bénéficier d’importantes aides du Contrat de Plan État-Région. Mais comme souvent dans ce type de situation, l’arrêt des financements sonnerait la fin des initiatives : né en 2008, le GIS disparut faute de financements (ceux du CPER ayant été arrêtés après deux contrats de 4 ans)8.
L’équipe s’est donc développée, au fil des années 2000, à partir de l’ancien noyau que l’on vient de décrire. Longtemps encore, elle est restée organisée selon une logique surtout disciplinaire entre d’un côté l’histoire de l’art et de l’architecture, de l’autre l’histoire de l’Allemagne et des mondes germaniques, et enfin les historiens non germanophones qui, comme on l’a vu, avaient élu comme domaine de travail privilégié la question de l’espace dans la pratique des historiens. Lors du contrat quadriennal 2001-2004, par exemple, l’équipe fonctionnait toujours autour de 3 groupes rappelant cette subdivision (« Espace perçu, espace symbolique », « La construction d’un espace centre-européen, du Saint-Empire au Reich », « L’œuvre d’art : approches disciplinaires »). Le statut d’équipe d’accueil (EA) ayant été regagné en 2001, ce qui était l’objectif principal du mandat de Jean-Michel Boehler, un financement récurrent des activités était désormais sécurisé et un séminaire commun de recherche commençait à fonctionner, où Rebecca Rogers, historienne de l’éducation, et Odile Goerg, historienne de l’Afrique et du monde des villes, invitaient fréquemment des intervenants extérieurs. Jean-Michel Boehler travaillait également à développer, à la suite de l’accord intervenu entre Jean-Claude Waquet et le directeur des Presses universitaires de Strasbourg, Lucien Braun, la collection dénommée « Sciences de l’histoire », dont le premier volume parut en 20009. Mais les évaluations menées par l’AERES en 2003, et encore ensuite en 2008, restèrent encore mitigées. Il est reproché principalement à l’équipe les cloisonnements induits par la séparation entre les spécialités, les critiques concernant le bilan scientifique en lui-même étant particulièrement dirigées contre le domaine germanique. Malgré le classement décevant de 2003, le vice-président du conseil scientifique de l’université Marc Bloch (nouveau nom de l’université des sciences humaines de Strasbourg après 1999), Christian Civardi, et le président de l’université, Albert Hamm, tous deux spécialistes du domaine anglophone, maintiennent leur confiance aux responsables de la structure, et préservent le financement alloué à celle-ci.
C’est néanmoins aussi sur la base de ces évaluations que l’EA 3400 a travaillé, par la suite, à refondre son projet scientifique et son organisation : d’abord au cours du contrat quadriennal 2005-2008 puis au cours du contrat quadriennal 2009-2012 où elle a bénéficié de nouvelles facilités budgétaires consécutives à la fusion des trois universités et à la naissance, en 2009, de l’université de Strasbourg. Dans la première période, c’est principalement Georges Bischoff, professeur d’histoire du Moyen Âge, qui est à la manœuvre, bien qu’il n’assure officiellement qu’un intérim : il impulse le premier projet d’équipe global, le Dictionnaire historique de la Liberté (qui sera achevé en 2015 et publié chez Nouveau Monde Éditions), et il encourage un fonctionnement plus souple, sous forme d’axes : l’axe central, dit « Mobilités, Échanges, Transferts », illustre particulièrement bien cette volonté de faire travailler ensemble les membres autour de projets intellectuels, et pas seulement en fonction d’alignements ou d’étiquettes disciplinaires. Pour la deuxième phase, pendant le mandat de directeur de Benoît Tock, cette orientation s’affirme encore. L’EA se centre progressivement sur des thèmes relatifs aux rapports entre espace, identités et pouvoirs, jouant sur les échelles depuis l’histoire urbaine jusqu’à l’histoire des frontières régionales et des confins du continent européen. Mais c’est également Benoît Tock qui a l’idée de créer un axe consacré à l’édition critique des sources de l’historien, de sorte que l’équipe passe à une organisation en trois principaux axes, transcendant les barrières disciplinaires et attentifs à dialoguer entre eux et à développer de véritables synergies10. Lors de ce contrat 2009-2012, l’histoire de l’art et de l’architecture et le domaine germanique n’apparaissent plus en tant que tels dans l’identification et la définition des axes de recherche, qui sont respectivement intitulés : « Europe : marges et frontières », « Autorité, liberté et contrainte », « Sources et méthodes ». C’est également pendant le mandat de Benoît Tock que, le 29 novembre 2010, l’EA 3400 prend le nom d’ARCHE (acronyme d’Arts, civilisation et histoire de l’Europe), qu’elle fait réaliser son logo (évoquant une arche, un pont entre les disciplines et entre les cultures française et allemande, mais aussi un vaisseau transportant toutes les espèces de chercheurs et de chercheuses !) et qu’elle est adossée à l’école doctorale (ED) 519 SHS-Perspectives européennes, alors dirigée par le sociologue Pascal Hintermeyer. L’évaluation des activités de l’équipe faite début 2012 par l’HCERES salue de manière positive ce travail et cette transformation.
Benoît Tock devient doyen de la faculté des sciences historiques au printemps 2012, et Nicolas Bourguinat, directeur de l’Institut d’histoire contemporaine, lui succède alors avec, pour la première fois, un directeur adjoint, Damien Coulon, médiéviste. Pour le plan quinquennal 2013-2017 les axes retenus sont « Sources, Savoirs, Méthodes », « Espaces, Identités, Frontières », « Autorité, Contrainte, Liberté ». La gouvernance de l’équipe est revue, et un nouveau règlement intérieur est adopté en 2016, juste avant que Catherine Maurer, contemporanéiste, n’accède à la direction de l’équipe avec son adjoint Marc Schurr, historien de l’art médiéval : désormais, au lieu du binôme direction/bureau (3 personnes représentant les axes), on aura un véritable conseil de laboratoire, où doctorants et membres associés auront des représentants. La revue Source(s), émanation de l’équipe, est fondée à l’initiative de Nicolas Bourguinat et publie son premier numéro à la fin de 2012. Une deuxième collection est créée au sein des Presses universitaires de Strasbourg : « Écrits de femmes » (2014). Par ailleurs, à partir de 2016, et concrètement surtout pour le contrat quinquennal 2018-2022 (rallongé jusqu’à fin 2023 à cause de la pandémie de covid-19), un quatrième axe de recherche fait son apparition : « Transmissions, modèles, patrimoines » vient s’ajouter à « Sources, savoirs, corpus », « Transfrontalier, transnational, transcontinental » et « Autorité, contrainte, liberté »11.
Certains enseignants chercheurs de l’École nationale supérieure d’architecture de Strasbourg avaient appartenu à l’EA 3400, d’abord Pier Giorgio Gerosa, professeur d’histoire et théorie de la ville et de l’urbanisme, puis à partir de 2009, Anne-Marie Châtelet, professeur d’histoire et de culture architecturales. À la suite de celle-ci, plusieurs spécialistes d’histoire de l’architecture et de l’urbanisme travaillant à l’ENSAS s’étaient associés à l’équipe : en effet, l’école ne comptait alors qu’un seul laboratoire (AMUP) plutôt orienté sur l’urbanisme et l’architecture – moins sur l’approche et la méthode historique – en partenariat avec l’INSA de Strasbourg (Institut national des sciences appliquées). Ce rapprochement, d’abord disciplinaire du fait de la présence d’autres d’historiens de l’art et de l’architecture au sein de l’EA 3400 (devenue UR 3400 en 2020), deviendra un véritable projet institutionnel initié et défendu par C. Maurer et A.-M. Châtelet. Sous le mandat de N. Bourguinat, commencé en septembre 2023, cela entraînera la création, au 1er janvier 2024, de l’unité mixte de recherche actuelle, dépendante de deux tutelles, d’une part l’université de Strasbourg (c’est-à-dire le MESR) et d’autre part l’ENSAS (c’est-à-dire le ministère de la Culture).