Pureté et impureté sont personnelles, nul ne peut purifier autrui
Dhammapada, chapitre 121
Introduction
Le corpus
Après le rétablissement de la Compagnie au xixe siècle et la reprise de la mission des Philippines à partir de 1859, c’est à la province jésuitique d’Aragon qu’est confiée l’administration de l’archipel asiatique. Ceci explique le nombre important de Catalans parmi les jésuites qui y officièrent durant la dernière période de la présence espagnole, parmi lesquels Pablo (Pau) Pastells (1846-1932). À la suite de la perte de l’archipel par l’Espagne en 1898, il devint l’assistant d’Antonio Astrain dans la rédaction de la monumentale Historia de la Compañía de Jesús en la asistencia de España2, et l’auteur d’ouvrages tout aussi imposants tels que l’Historia de la Compañía de Jesús en la provincia del Paraguay3, l’Historia General de Filipinas4 ou encore l’édition érudite en trois volumes de la Labor Evangélica de Francisco Colín5. Infatigable conservateur de la mémoire de la mission des Philippines, il établit une énorme collection de copies manuscrites de documents de 119 volumes conservée à l’AHSIC (Archivum Societas Iesu Cataloniae)6, une institution recelant de nombreux trésors récemment déménagés en Castille, à Alcalá de Henares.
Parmi ceux-ci, se trouvent deux gros volumes, de 828 et 557 pages respectivement7, contenant des Casos Morales résolus depuis le collège jésuite de San José de Manille durant la première moitié du xviie siècle, précisément entre 1602 et 1636, par les jésuites Juan de Ribera et Diego de Bobadilla. Il s’agit d’une copie au propre sans doute réalisée ultérieurement par d’autres mains jésuites. Une note préliminaire au premier volume nous dit qu’il fut donné à la Compagnie par le père augustin Celestino Fernández Villar, qui les auraient trouvés « presque jetés au sol » en 1902 lors d’un voyage en Australie. Comment s’y sont-ils retrouvés ? Quoi qu’il en soit, ils sont en très bon état, de sorte que leur lecture ne pose aucun problème majeur, citations en latin souvent erronées et foisonnement d’abréviations parfois sibyllines mis à part. Cette source est très largement inconnue, puisqu’elle n’apparaît pas dans le fameux catalogue en 12 volumes d’Augustin de Backer et Carlos Sommervogel8 et qu’elle n’a été que très rarement et ponctuellement mise à profit9. Nous en avons publié quelques extraits relatifs à la question de l’esclavage dans le numéro 7 de la revue Source(s)10.
La casuistique, souvent présentée comme un trait caractéristique d’une certaine identité jésuite que caractériserait un relativisme moral condamnable a, depuis le xviie siècle et notamment dans la France de la quasi-réforme janséniste, fait assurément couler beaucoup d’encre. Pourtant elle s’inscrit dans la droite ligne de la pensée de Thomas d’Aquin (lequel se référait pour sa part à l’Éthique d’Aristote) lorsqu’il évoquait les cas où « non potest haberi certitudo demonstrativa, eo quod sunt circa contingentia et variabilia. Et ideo sufficit probabilis certitudo11 ». C’est sur ces bases que s’appuya le théologien dominicain Bartolomé de Medina (1527-1580), souvent considéré comme l’initiateur de la doctrine moderne du probabilisme12. Le Concile de Trente et l’emphase qu’il mit sur le sacrement de la confession contribua fortement au développement d’argumentaires en vue d’élaborer, face à un problème donné, une délibération moralement probable basée sur la référence à la rationalité tout autant qu’à l’autorité. À la fin du xvie siècle et au début du suivant, les jésuites se saisirent tout particulièrement de ce mode argumentatif, notamment dans le cadre de la Ratio Studiorum, le plan d’études établi par le supérieur général Claudio Acquaviva en 1598 et rapidement mis en œuvre dans tous les centres éducatifs de la Compagnie.
Dans l’espace colonial hispanique, l’enjeu de la mise en place d’une stratégie discursive adaptée à des populations et donc à des problèmes nouveaux se présenta très rapidement. Ceci passa dans un premier temps par la rédaction de manuels de confessions adaptés à des publics indigènes spécifiques13. La casuistique fit ainsi naturellement son entrée dans les centres éducatifs et religieux des Nouveaux Mondes. Le corpus que nous présentons ici n’en demeure pas moins très précoce et tout à fait exceptionnel par son ampleur et la diversité des thèmes qu’il aborde. De fait, mise à part la somme de cas établie dans la seconde moitié du xviie siècle par Diego de Avendaño, recteur des collèges jésuites de Cuzco et Lima, provincial des jésuites du Pérou, lequel traite, il est vrai très copieusement, de problèmes globaux posés par l’administration civile et religieuse des Indes14, c’est surtout pour l’espace des missions jésuites en pays guarani qu’on connait ce type de textes15, dans ce cas essentiellement focalisés sur la question de l’administration religieuse des communautés indigènes. En revanche, le corpus manillais aborde une grande diversité de questions relatives aux différents groupes sociaux qui constituaient la réalité de la lointaine colonie asiatique. Si l’étude des écrits relevant du probabilisme a récemment suscité l’intérêt de l’historiographie philippiniste, les résolutions de cas moraux produits aux Philippines qui ont été jusqu’à présent étudiés sont ceux qui furent rédigés par le dominicain Juan de Paz (1622-1699) à partir des années 1660, assurément remarquables par leur variété et leur quantité (736 pages sans les annexes dans leur édition sévillane, plus de 900 pages pour les cas manuscrits conservés à l’Université Santo Tomás de Manille) mais postérieurs pour la plupart de plus d’un demi-siècle par rapport à une grande partie de ceux qui seront ici présentés16.
Les Casos Morales doivent être appréhendés comme un document à usage tout à la fois interne et externe.
Interne dans la mesure où ces résolutions de cas avaient vocation à donner des solutions normatives aux autres pères jésuites de la mission, dans un contexte où, à deux océans de distance de Rome, il était malaisé d’attendre une réponse des instances supérieures européennes de la Compagnie. Cette dimension domestique des cas n’est d’ailleurs pas sans poser de gros problèmes en vue d’établir une édition, puisque nombre de références aux sources utilisées sont des abréviations renvoyant à des ouvrages sans doute clairement identifiables par les individus qui avaient accès à la bibliothèque du collège manillais, mais beaucoup moins pour nous.
Externe, puisqu’ils pouvaient être présentés comme le jugement officiel de la Compagnie à l’occasion des réunions de consultation des représentants des ordres religieux établis dans l’archipel que l’archevêque était amené à solliciter17 afin de répondre à un problème se présentant au sein de la petite communauté espagnole de Manille. Dans ce cadre, il convient aussi de ne pas perdre de vue que ces Casos Morales avaient vocation à constituer un formidable faire-valoir eu égard à la prétention à l’hégémonie intellectuelle des jésuites, notamment face à celle des dominicains.
Comme on vient de le souligner, leur contenu est très divers. De même, les angles depuis lesquels ils peuvent être étudiés sont multiples.
En premier lieu, on peut y chercher, et y trouver, une sorte de journal éthique de la colonie, à savoir une compilation de ce qui, à un moment donné, y fit question ou problème, et un témoin de la façon dont s’est orienté le débat qui en découla. Ces cas purent déboucher sur des décisions prises in situ, des dispositions provisoires qui donnèrent, ou non, lieu à des pratiques, objets, ou non, d’une exposition à Madrid du problème et de sa résolution locale, laquelle, moyennant un aller-retour de correspondance de quelque trois années, pouvait donner lieu à l’émission d’une cédule royale, à savoir une ordonnance ayant force d’ordre. À terme, ces cédules accumulées au fil des années pour chacune et l’ensemble des colonies espagnoles seraient finalement organisées sous la forme d’un corpus législatif global dans la Recopilación de las Leyes de Indias18. Dans cette mesure, ces résolutions de Casos Morales constituèrent assurément une étape non négligeable dans la construction de la norme coloniale.
De façon beaucoup plus technique, mais aussi moins strictement locale, ou plus précisément dans une perspective qui articule des données issues d’un contexte ultrapériphérique et très spécifique à des constructions théoriques occidentales à prétention universalisante, ces textes ont un indéniable intérêt du point de vue de l’histoire des idées. Il s’agit dans ce cas d’étudier l’argumentation intellectuelle dans sa logique et ses transpositions, parfois inattendues. Ainsi peut-on suivre dans le corpus ici présenté une argumentation sollicitant Aristote, Cicéron, Thomas d’Aquin ainsi que, évidemment, de nombreux théologiens du xvie et début du xviie siècle, originaires d’Espagne, du Portugal, d’Italie et de Hollande, en vue de questionner la légitimité des pourboires donnés par les joueurs à l’occasion des festivités du Nouvel An chinois dans le Parian de Manille. Il s’agit alors d’étudier la circulation et l’adaptabilité des savoirs occidentaux et d’établir une histoire culturelle certes toujours européenne, mais néanmoins assurément transcontinentale.
Enfin, et c’est là la raison initiale du choix de ce corpus dans le cadre de ce dossier, ces résolutions de cas proposent des éléments factuels sur un certain nombre de problèmes concrets allant de questions d’administration religieuse, de matrimonialité et sexualité indigènes, aux enjeux économiques, en passant par l’esclavage ou les questions diverses qui concernent ici la communauté des Chinois de Manille, aussi diverses que la guerre, les pratiques commerciales frauduleuses ou encore des enjeux d’intégration socio-culturelle. Certes, ces thématiques peuvent être abordées par le biais d’autres types de documents, laïques ou religieux, mais le format particulier du questionnement casuistique, qui doit trouver une réponse adéquate à la chose telle qu’elle est et non telle qu’il convient de la présenter, font de ce corpus une source précieuse de renseignements sur la réalité quotidienne de la colonie au-delà de son écriture officielle. On espère ainsi que le lecteur pourra tirer des cas ici exposés des informations, si ce n’est totalement inédites, tout au moins prises sur le vif.
Quel que soit l’angle d’approche que le lecteur privilégie parmi ces trois, il constatera, peut-être avec quelque étonnement, que la perspective des auteurs jésuites de ces Casos est passablement laïque, au sens où elle en appelle à la raison et très rarement à la religion comme porteuse d’une valeur supérieure en soi indiscutable qui n’aurait pas besoin d’être démontrée. Dans ce sens, ils sont plus éthiques que moraux, et en quelque manière moins dogmatiques, au sens premier du terme, que les sources civiles espagnoles contemporaines, qui se devaient assurément de donner des garanties de leur stricte adhésion à la « Vérité » prônée par la « Monarchie Catholique » hispanique au sein de laquelle leurs auteurs évoluaient.
Les Sangleys de Manille19
Cinq ans après l’accomplissement par le basque Andrés de Urdaneta du voyage retour à travers l’océan Pacifique qui permit l’implantation pérenne des Espagnols aux Îles du Ponant, en 157020, les officiers de Sa Majesté prirent la plume afin de s’enquérir de la volonté du souverain. Si l’objectif de l’installation aux Philippines était, comme cela avait été le cas depuis le départ de Magellan en 1519, de prendre position aux Moluques21, l’idéal était d’établir la capitale de la future colonie à Cebu, au centre de l’archipel. Si en revanche le but était de se rapprocher de l’Empire du Milieu, le port de Manille, sur l’île de Luzon, dont les Espagnols venaient de découvrir l’existence, constituait assurément l’emplacement le plus opportun. La conquête de la cité luzonaise en 1571 et sa subséquente fondation comme capitale de la colonie des Philippines eut ainsi clairement pour but de placer l’Espagne au plus près de la Chine, 14 ans après l’installation des Portugais à Macao (1557). Maynilad était en effet un tout jeune emporium musulman fondé sous l’égide du Brunei qui constituait la branche septentrionale du réseau commercial des sultanats marchands reliant l’Asie du Sud au monde chinois22. D’une part, l’allégement provisoire du haijin 海禁, la prohibition qui frappait le commerce maritime extra-impérial, en 1567, dans le cadre plus global du relâchement du contrôle impérial marquant le début de la décadence de la dynastie Ming et, d’autre part, l’envoi depuis le Mexique d’abondantes quantités d’argent en vue d’acquérir des produits asiatiques, allaient très rapidement attirer de nombreux marchands, essentiellement originaires du Fujian, qui furent appelés Sangleys, un terme certainement issu du hokkien seng-lí (shengli 生理), « commerce », ou siâng-lâi (changlai 常來), les « visiteurs fréquents »23. En 1575, à l’occasion de l’ambassade à Amoy de l’augustin Martin de Rada et du soldat Miguel de Loarca à Amoy, puis en 1599, dans le cadre de l’expédition de Juan de Zamudio qui donna lieu à l’obtention virtuelle du port d’El Pinal24, les Espagnols cherchèrent à occuper un poste continental, en vain. Macao, qui avait fait de son mieux pour que El Pinal ne devînt pas une réalité, demeura la seule cité européenne à jouir de ce privilège jusqu’à la cession aux Britanniques de Hong Kong par les Qing, en 1842. C’est donc à Manille et non directement dans l’Empire du milieu que se firent pour les Espagnols le commerce avec la Chine25.
Dans un premier temps, ces Sangleys devaient regagner leurs navires à la nuit tombée. Mais un édifice de bois installé au pied de fortifications espagnoles encore très rudimentaires dix ans à peine après la prise de Manille fut construit dès 1581. Ainsi naissait le Parian, premier Chinatown, au sens de quartier chinois intégré à un territoire occidental. Détruit à plusieurs reprises par des incendies, il fut déplacé au début des années 1590, au moment où Manille se dotait d’un système défensif de pierre, en face de la ville des Espagnols (Intramuros) et à portée de leurs canons, dans la zone appelée Arroceros où il demeurerait, moyennant quelques déménagements éphémères de l’autre côté du fleuve Pasig, jusqu’à la seconde moitié du xviiie siècle.
Le commerce de produits chinois exportés annuellement vers l’Amérique via Acapulco constituait la principale ressource de la petite communauté espagnole des Philippines puisque, dès la seconde moitié des années 1580, les marchandises de l’Empire du Milieu représentaient la quasi-totalité des exportations manillaises26. La seule alternative aux marchands du Fujian était l’intermédiation des Portugais de Macao, sujets du roi d’Espagne de 1582 à 1643, dont les aspirations monopolistiques ne faisaient pas forcément les meilleurs collaborateurs des Espagnols des Philippines27. Conséquemment, les Sangleys étaient des partenaires commerciaux indispensables. C’est bien cette activité d’importation-exportation autour du Parian qui fit la renommée de la cité asiatique, notamment en Nouvelle-Espagne où le quartier chinois de Manille donna son nom à un centre commercial installé sur la place centrale de Mexico jusqu’en 1843 et au marché artisanal de Puebla, celui qu’il porte encore aujourd’hui. Vu depuis le Mexique, le galion de Manille, qui entreprenait annuellement le long voyage entre Manille et Acapulco et qui transportait pourtant aussi hommes et nouvelles de la lointaine annexe asiatique de la Nouvelle-Espagne, était fondamentalement la « nef de Chine28 ».
Mais cette dépendance de la colonie philippine vis-à-vis de la communauté chinoise se joua aussi et surtout vis-à-vis des Sangleys ayant élu domicile dans l’archipel philippin et qui ne pouvaient dès lors véritablement le quitter, puisque la politique du haijin faisait d’eux des proscrits. Dès la fin du xvie siècle, ceux-ci tendirent à accaparer, au détriment des communautés indigène et espagnole, le commerce de gros comme de détail, les activités artisanales et arts mécaniques les plus divers, mais aussi la production maraichère ou encore l’imprimerie séculière et la médecine. Source tout à la fois d’admiration et de crainte, comme en témoigne la fameuse lettre sur les affaires chinoises que le premier évêque des Philippines Domingo de Salazar (1581-1594) fit parvenir au roi Philippe II en 159029, cet accaparement des activités productives de la colonie fit débat durant tout le xviie siècle30.
Avec ses plus de 20 000 membres face à un millier d’espagnols au début du xviie siècle31, la communauté des Sangleys de Manille faisait peur, avec quelque raison, comme en témoignent les insurrections du Parian de 1603, 1639 et 1662, auxquelles s’ajoutèrent de violentes tensions en 1685-1686. En 1603 et 1662, c’est la crainte d’une invasion chinoise qui allait échauffer les esprits hispaniques, mener au harcèlement des Sangleys et à la subséquente rébellion de ceux-ci. La répression a pu atteindre des niveaux apocalyptiques : en 1639, ce sont plus de 20 000 individus qui furent assassinés32. Enfin, en chaque occasion, ce fut l’ensemble de la société coloniale qui se révéla hostile aux insurgés chinois, puisque les indigènes ainsi que les autres groupes ethniques résidant à Manille, notablement les Japonais à l’occasion du premier soulèvement, participèrent allègrement au massacre.
À chaque fois, on parla de limiter drastiquement le nombre de résidents chinois, voire d’expulsion générale. Mais ce n’est qu’en 1686 qu’on décréta ce bannissement, qui ne serait réellement acté que dans les années 1740, et surtout après 1764, à l’issue de deux ans d’occupation anglaise de Manille, à laquelle on reprocha aux Sangleys d’avoir collaboré, ce qui donna lieu au déménagement définitif du quartier chinois vers la rive est du fleuve Pasig, dans les secteurs de Quiapo et Binondo, où vivaient les Sangleys convertis et où de nouveaux migrants purent rapidement s’installer. C’est là qu’aujourd’hui se trouve encore le quartier chinois de la ville.
Pourquoi donc tant d’hésitations face à un constat toujours plus négatif ? Le trésor public, au sens le plus large du terme, était profondément dépendant de la contribution économique de la communauté chinoise, qu’il s’agît des licences de résidence, qui constituaient la première source de revenu de la colonie, du paiement du tribut, mais encore, des très généreux pots-de-vin divers et variés consentis de gré ou de force au bénéfice des fonctionnaires espagnols.
Outre les Chinois qui résidaient dans le Parian, qui avaient donc le statut d’étranger dans la colonie, il convient enfin d’évoquer les Sangleys convertis au christianisme, lesquels résidaient surtout, comme il vient d’être dit, dans les secteurs de Quiapo et Binondo. De fait, la question de la conversion constitua un enjeu majeur et chronologiquement premier, qui se posa dès la mise en place de la colonie, à une époque où les missionnaires qui arrivaient aux Philippines ne voyaient essentiellement dans l’archipel qu’une étape afin d’atteindre la Chine. Ainsi, en même temps que son équivalent dans la langue locale tagalog, le premier livre publié aux Philippines fut une Doctrina Christiana en letra y lengua china produite par le dominicain Juan Cobo et le futur archevêque de Manille Miguel de Benavides (1602-1605) en 159333.
Cette conversion au christianisme, condition pour être exempté de licence de résidence et pouvoir se marier avec des indigènes, donna lieu à de nombreux débats concernant le risque qu’elle constituait, tant du fait des interactions avec les populations locales, puisqu’on prêtait aux Sangleys de nombreux travers, dont des pratiques sexuelles contre-nature34, que parce qu’elle semblait ouvrir la porte à une migration incontrôlable. Si l’évêque Salazar imposa comme obstacle l’obligation aux convertis de renoncer à leurs cheveux longs, cette disposition fut interdite par Madrid dès 158735, ce qui n’empêcha pas qu’elle continuât à constituer une menace fréquemment utilisée par des administrateurs peu scrupuleux en vue d’obtenir quelque paiement illicite. Quoi qu’il en soit, conversions et mariages il y eut en abondance, de sorte que, dès la première moitié du xviie siècle, la communauté des métisses de Sangleys occupait une place économique, sociale et politique de première importance dans la colonie, laquelle se verrait confirmée durant les siècles qui suivirent.
Les jésuites aux Philippines36
Les Augustins arrivèrent aux Philippines dès 1565, les franciscains en 1578. Dans un premier temps, l’objectif des missionnaires, qui avaient généralement une expérience américaine préalable, n’était pas l’archipel philippin, avatar périphérique et encore majoritairement animiste de l’univers malais, apparemment facilement intégrable à la logique de fabrique d’« indiens » à l’œuvre dans le Nouveau Monde, mais l’horizon plus brillant de la conquête hautement intellectuelle que la Chine représentait au plus haut point. C’est en 1581, avec l’arrivée du premier évêque, le dominicain Domingo de Salazar, accompagné du premier groupe de jésuites mené par Alonso Sánchez, que cette dynamique commença à changer. Le prélat, fidèle des enseignements de son coreligionnaire Bartolomé de Las Casas, inaugura ainsi peu après son arrivée le premier synode de Manille, qui s’attacha à recentrer l’activité missionnaire sur l’archipel, et à définir celle-ci comme la raison première de la présence espagnole aux Philippines, qui serait présentée comme la nécessaire vitrine de la sincérité de la catholique politique du roi d’Espagne dont elles arboraient le prénom.
Le positionnement de Sánchez, avec lequel Salazar fut dans un premier temps en grande syntonie, ne laissa pas d’être ambigu en la matière. D’une part, la Compagnie avait beau jeu de blâmer depuis les Philippines la fascination des autres ordres pour l’ « Asie des civilisations », elle qui comptait à Macao d’une porte directement ouverte sur l’Empire du Milieu37, et qui s’apprêtait à disposer, de 1585 à 1608, d’un motu propio papal lui réservant théoriquement l’exclusivité de la mission du Japon. D’autre part, Sánchez, qui fut nommé représentant de la colonie pour recevoir le serment de fidélité des autorités portugaises à Macao à l’occasion de l’union des deux couronnes ibériques, profita de sa mission diplomatique pour visiter la Chine où il revint à la fin de l’année 1583. Surtout, désigné pour porter les requêtes de la jeune colonie auprès du roi, il défendit en 1587 à la cour la légitimité de l’évangélisation armée de la Chine, un débat qui l’opposa au dominicain Juan Volante, et qu’il perdit38.
En l’absence de directives explicites du général Claudio Acquaviva quant à l’établissement d’une mission permanente aux Philippines, l’action évangélisatrice des jésuites dans l’archipel fut dans un premier temps très modeste, puisqu’ils se contentèrent d’assumer les cures de Taytay et Antipolo, à l’est de Manille, en 1590, avant de tâter prudemment le terrain de l’île de Panay, dans la partie ouest de l’archipel central des îles Visayas, ce qui fut l’occasion de la création de la première école jésuite de l’archipel.
Ce faisant, les membres de la Compagnie s’attachèrent à tisser des liens étroits avec les autorités coloniales laïques locales. En ce sens, le retour d’Alonso Sanchez dans la Péninsule s’avéra fructueux puisque Philippe II lui proposa de sélectionner le futur gouverneur des Philippines, qu’il choisit en la personne de Gómez Pérez Dasmariñas (1590-1593). Ultérieurement, les gouverneurs Pedro Bravo de Acuña (1602-1606), Juan de Silva (1610-1616) et surtout Sebastián Hurtado de Corcuera (1635-1644) furent notablement acquis à leur cause. De même, les jésuites s’efforcèrent d’asseoir leur autorité éducative en lançant dès 1595 un collège destiné à faire office de séminaire, qui serait baptisé Collège de San Ignacio lorsque le fondateur de la Compagnie serait canonisé, et qui fut complété en 1601 par le Collège de San José, destiné aux étudiants extérieurs. En 1621, les jésuites purent attribuer la première licence et cinq années plus tard, le premier doctorat.
Mais les jésuites n’étaient pas le seul ordre religieux à avoir des prétentions éducatives sur la place manillaise. Les dominicains, qui, exception faite de Salazar, n’arrivèrent dans l’archipel qu’en 1587, fondèrent eux aussi un collège baptisé en l’honneur de saint Thomas, en 1611, l’année même où l’inquisition romaine interdisait la publication d’écrits concernant la polémique autour de la question de la grâce (qui mena à la mise en place d’une Congregatio de auxiliis par Clément VII) qui avait vivement opposé durant près de cinq décennies jésuites et dominicains. Au même moment, à la mort de Matteo Ricci (1610), débutait également la querelle autour des rites chinois intégrés par les missionnaires jésuites, que dominicains et franciscains considéraient comme idolâtriques. Aux Philippines, les tensions autour de la préséance de l’une ou l’autre institution éducative se firent jour dès la fin de cette décennie, pour durer jusqu’au milieu du xxe siècle39.
L’activité d’évangélisation des jésuites mise en place depuis les Philippines ne commença réellement qu’en 1595, année de la réception de l’accord d’Acquaviva pour mettre en place une mission permanente, de la création de l’archevêché et des évêchés provinciaux, et surtout de la division de l’archipel en régions confiées aux différents ordres religieux en fonction de critères géolinguistiques.
Les jésuites allaient dès lors se déployer dans les Visayas, au centre de l’archipel, sur les îles de Samar, Leyte, Bohol, le centre de Cebu et le sud de Panay40. De même, dès cette même année 1595, ils s’attachèrent à se positionner sur la grande île méridionale de Mindanao, où vivaient des groupes musulmans, lesquels, tout comme leurs coreligionnaires de l’île de Jolo, posèrent rapidement un grave problème de sécurité dans les missions des Visayas, du fait des razzias périodiques qu’ils lançaient en vue de capturer des indigènes convertis pour en faire des esclaves. De ce fait, les jésuites espagnols des Philippines firent de la mobilisation des forces hispaniques sur ce front leur leitmotiv, au détriment des îles Moluques, occupées par les forces espagnoles, autant que la belligérance néerlandaise le permit, de 1606 à 1663, où ils refusèrent de prendre le relais des pères portugais jusqu’en 165441.
Il convient de rajouter, bien que ces enjeux soient souvent passés inaperçus, que les jésuites des Philippines orientèrent aussi leur action depuis les Philippines en direction des communautés japonaises et chinoises. Concernant la communauté nippone, constituée dans un premier temps essentiellement de marchands ou mercenaires établis dans le quartier de Dilao, à proximité du Parian, et pris en charge par les franciscains, les jésuites administrèrent à partir de 1613 une communauté de Chrétiens nippons (Kirishitan キリシタン) bannis du Japon dans le quartier de San Miguel. Eu égard aux populations chinoises, administrées au Parian par les dominicains, les jésuites s’attachèrent à obtenir l’administration des Sangleys convertis qui étaient établis dans le quartier de Quiapo lequel dépendait de la paroisse de Santa Cruz précédemment confiée à un prêtre diocésain, ce qui fut l’objet de litiges du début des années 1630 jusqu’à la fin du siècle42. Ce qui était en jeu ici n’était pas forcément une compétition intellectuelle avec l’ordre des Prêcheurs autour de la prise en charge des très civilisés Chinois mais aussi, et peut-être surtout, un enjeu économique. Comme on le verra dans le corpus ci-après, la communauté des Chinois de Manille était l’objet de toutes les convoitises, et une cure particulièrement stratégique pour des jésuites dont les missions dans les îles Visayas n’étaient assurément source que de chiches revenus43.
Les deux auteurs et leurs contextes d’écriture44
Juan de Ribera (156545 ?-1622), dont les écrits contenus dans notre recueil de Casos Morales s’échelonnent sur une période de douze ans, de 1602 à 1614, naquit au Mexique, à Puebla de los Ángeles. Il entra dans la Compagnie à l’âge de 17 ans, et arriva aux Philippines en 1595, au moment où les jésuites prenaient en charge les missions du centre de l’archipel. Il fut le premier enseignant désigné par la Compagnie au moment où le collège fut inauguré et assuma à deux reprises les fonctions de recteur de ce même collège, où il prit en charge les enseignements de théologie, sur la base des études qu’il avait certainement entreprises à Mexico.
Le contexte philippin dans lequel il s’inscrit est particulièrement dense : début des missions jésuites, tentative infructueuse de conquête de Mindanao, insurrection du Parian en 1603, conquête des Moluques en 1606, dans le cadre du conflit avec les forces de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales (Verenigde Oost-Indische Compagnie, VOC), créée en 1602, qui marquera au plus haut point la décennie suivante. Ribera se verra d’ailleurs confier en 1614 par le gouverneur Juan de Silva la mission diplomatique de se rendre à Goa afin d’obtenir une aide militaire du vice-roi de l’Inde portugaise Jerónimo de Azevedo46, en vue de lancer une puissante armada contre l’ennemi, ce qui fut fait, depuis les Philippines tout au moins, à la fin de l’année 1615, sans que le résultat escompté ne fût obtenu47. En 1618, Ribera, tout comme deux ans plus tôt le provincial jésuite des Philippines Valerio de Ledesma48, écrivit au roi pour lui signifier toute l’importance de la conservation de l’archipel face au péril batave49. Il décéda à Manille quatre ans plus tard.
Diego de Bobadilla (1590-1648), dont les cas reportés dans le manuscrit s’échelonnent de 1620 à 1636, naquit pour sa part à Madrid au sein d’une famille aristocratique. Il intégra la Compagnie à l’âge de 16 ans et n’arriva aux Philippines qu’en 1615, sans doute déjà fort d’une solide formation théorique. Dans l’archipel, il fut responsable pendant trois ans de la formation en philosophie et pendant 12 ans des études de théologie. En 1637, il fut envoyé comme représentant de la province jésuitique (Procurador General) sà Madrid, dont il revint avec 43 missionnaires en vue de renforcer le front nouvellement ouvert (1637) de Mindanao50. Il fut lui aussi deux fois recteur du collège jésuite, nommé provincial en 1646, quelques années après avoir endossé les fonctions de commissaire de l’inquisition aux Philippines51, pour le port de Cavite tout au moins, en 164252. Ce fut avant tout un théologien mais pas seulement, puisqu’il semble qu’il ait été l’auteur d’un Arte de la lengua tagala.
L’époque durant laquelle il écrivit les cas que nous publions ici fut toujours marquée par le péril néerlandais53, quoique sans espoir de renverser le rapport de force définitivement à l’avantage de ces derniers, mais aussi, jusqu’au milieu des années 1630 et l’arrivée du gouverneur Corcuera tout au moins, par un certain recentrement de la colonie autour de ses intérêts mercantiles. Entre objectifs militaires et commerciaux, on retiendra ainsi en 1626 l’installation au nord de Taïwan durant le mandat du gouverneur intérim Fernando de Silva (1625-1626), dans le but de protéger l’arrivée des navires chinois en provenance du Fujian des attaques hollandaises à la suite de l’installation de ceux-ci au sud de l’île en 1624. Surtout, les dates de rédaction des cas résolus par Bobadilla qui sont exposés dans la présente publication correspondent exactement au mandat du gouverneur Juan Niño de Távora (1626-1632) avec lequel les relations des jésuites comme des Sangleys eux-mêmes ne semblent pas, comme on le verra, avoir été idylliques.
Chez l’un comme chez l’autre, le lecteur constatera une remarquable liberté de ton et un usage fréquent de la première personne, non dénué parfois de quelque prétention intellectuelle mais qu’on doit aussi voir comme un avatar écrit de la modalité du prêche. Par son tempérament peut-être, mais aussi en vertu des thématiques qu’il aborde, la tonalité des écrits de Diego de Bobadilla peut s’avérer davan Higueras tage percutante et polémique que celle de Juan de Ribera, plus piquante aussi, puisque Bobadilla se laisse parfois aller à la plaisanterie ironique.
Les textes
Critères d’édition
Les textes que nous présentons ici constituent, sauf omission de notre part, l’intégralité des cas consacrés à des questions relatives aux Chinois dans les deux tomes des Casos Morales54. Ils sont présentés selon leur ordre de succession dans le corpus, lequel respecte globalement (mais pas absolument) la chronologie de leur rédaction, précédés d’un titre thématique que nous leur avons attribué par souci de commodité pour le lecteur. Nous avons effectué quelques coupures, identifiables dans la transcription, en vue de conserver à la présente édition des dimensions compactes. Il s’agit de passages théoriques non indispensables à la compréhension globale de l’argumentation et particulièrement chargés en référence érudites en latin55.
Pour la transcription du texte espagnol, nous avons fait le choix d’une modernisation minime de la langue. Évidemment, des binômes article-mot ont été désolidarisés, des virgules ont été ajoutées, des points virgules remplacés, des phrases trop longues parfois sectionnées. Il est aussi à noter que les textes que nous éditons ici ont été compilés par un copiste, qui commet des erreurs, lesquels nous corrigeons généralement en réalisant des modifications que nous signalons.
Dans l’ensemble cependant, notre transcription se veut fidèle au texte original. Ainsi, nous avons pris le parti de respecter l’orthographe de l’époque et n’avons essentiellement corrigé que les verbes haber et hacer, auquel nous avons rajouté leur « h » pour éviter les confusions, et le verbe echar, auquel nous avons enlevé le h surnuméraire pour la même raison. Nous avons en revanche conservé les « v » en lieu des « b », et vice versa, entre autres témoins de l’état de la langue castillane au début du xviie siècle. De même, nous avons conservé les por que écrits en deux mots, souvent avec un sens de para que typique de la langue du Siècle d’Or et les abréviations lorsqu’elles ne posaient pas de problème de compréhension.
En revanche, nous avons rajouté les accents toniques sur les mots là où ils sont écrits à l’heure actuelle, tout en éliminant les voyelles accentuées telle qu’elles apparaissent dans le texte original, dans la mesure où les accents sont souvent disposés de façon capricieuse (le o de « où » peut être ainsi ortographié o, ò ou ô) parce que leur fonction dialogique perd de son sens avec l’ajout des « h », du verbe haber, et qu’ils ne correspondent pas forcément à la prononciation (notamment sur le « i »). Enfin, il convient de noter, ce que le lecteur ne manquera pas de remarquer, que nous avons décidé de conserver une grande partie des majuscules où elles se trouvaient, dans la mesure où elles nous semblent faire partie intégrante du signifié.
En ce qui concerne la traduction française, si nous n’avons pas cherché à feindre une langue archaïsante, nous nous sommes attachés dans la mesure du possible à n’utiliser que des formulations vraisemblables à l’époque.
Nous avons dû consacrer dans les notes de bas de page une large place à l’identification des auteurs et des références théologiques ou juridiques citées et des citations latines, traduites par nos soins, qui apparaissent dans le texte. Même si ce n’est pas là ce qui intéressera le plus le lecteur, et que cette tâche a demandé un travail disproportionné si l’on considère sa transcendance toute relative au regard de l’intérêt général du corpus, c’est-à-dire de ce qu’on peut y chercher et y trouver, aucune alternative n’était possible puisqu’il en allait du respect de la matière textuelle dans sa véritable nature.
Enfin, la numérotation des notes de bas de page est continue. Dans les traductions en français, les numéros d’appels de notes sont les mêmes que ceux utilisés dans les transcriptions en espagnol de manière à conserver une concordance entre la source et sa traduction. Pour le lecteur francophone, les notes attenantes à l’édition traduite seront donc situées avant leur appel.
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Lettre à Philippe II de la communauté chinoise de Manille demandant que cessent les exactions commises contre eux, version en castillan, Manille, mai 1598.
Espagne. Ministerio de Cultura. Archivo General de Indias, MP-ESCRITURA_CIFRA, 28. Reproduit avec l’aimable autorisation du dépositaire
Lettre à Philippe II de la communauté chinoise de Manille demandant que cessent les exactions commises contre eux, version langue chinoise, Manille, mai 1598.
Espagne. Ministerio de Cultura. Archivo General de Indias, MP-ESCRITURA_CIFRA, 28. Reproduit avec l’aimable autorisation du dépositaire
Plan de la ville de Manille réalisé par le dominicain Ignacio Muñoz, 1671. Espagne.
Légende : I : Parian ; e : Dilao ; 20 : Tondo ; i : Binondo ; h : Quiapo.
Ministerio de Cultura. Archivo General de Indias, MP-FILIPINAS,10. Reproduit avec l’aimable autorisation du dépositaire.
De l’insurrection du Parian de 1603
Tome I, Partie 1, Juan de Ribera, c. 1604, f. 150v-153v
Le xviie siècle commença assurément aux Philippines sous des auspices menaçants. En 1600, la flotte du néerlandais Oliver Van Noort se présentait à l’entrée de la baie de Manille, ce qui donna lieu à une première confrontation navale qui en annonçait de nombreuses à venir : la guerre de Quatre Vingt-Ans venait d’être transportée aux confins de l’empire hispanique. En 1603, trois mandarins arrivèrent à Manille pour vérifier, à ce qu’ils dirent, le bruit selon lequel se trouvait à Cavite, où se situaient les arsenaux de la ville, une montagne d’or. L’incongruité de cette visite fit craindre aux Espagnols un subterfuge des autorités chinoises en vue d’espionner la colonie dans le but de conquérir l’archipel. La suspicion porta rapidement sur les résidents chinois qui pouvaient constituer un cheval de Troie. Le harcèlement aidant, les Sangleys du Parian se soulevèrent le 3 octobre 1603. Le quartier de Quiapo, où le mouvement commença, fut incendié, les murailles de la ville espagnole vite attaquées, le Parian pris et transformé en quartier général de l’insurrection. Les Sangleys parvinrent à tuer des soldats espagnols le 4 octobre, mais ce furent surtout des Chinois, plus de 20 000, qui furent victimes de massacres qui continuèrent jusqu’au 12 novembre. Il n’en serait resté vivant que 500, qui furent condamnés aux galères56.
Le train ordinaire des choses repris bien vite son cours, le Parian détruit, reconstruit, et déjà fort de 500 boutiques dès 160657. Mais le traumatisme était certain, de sorte qu’il y eut assurément un avant et un après l’insurrection de 1603. Les résolutions de cas moraux que nous présentons ici évaluent les exactions commises par les Espagnols et leurs collaborateurs en cette occasion. Il y a fort à parier que cet item plutôt long, le seul qui concerne un épisode belliqueux précis dans le corpus, alors que ceux-ci, certes sans doute jamais aussi proches, ont été nombreux durant les deux premières décennies du xviie siècle, trouve son origine dans les nombreuses confessions au cours desquelles des consciences coupables sont revenues sur ces événements.
Juan de Ribera évalue ici la justice d’une guerre. En ce sens, il s’inscrit dans la continuité du débat théologique sur la légitimité de la conquête tel qu’inauguré par le dominicain Francisco de Vitoria dans ses lectures De Jure belli Hispanorum in barbaros de 1532. Cependant, tandis que le titulaire de la chaire de théologie de l’université de Salamanque argumentait en faveur de l’injustice du conflit, le jésuite mexicain justifie les meurtres et les vols au nom de la légitime défense. Cependant, même si son plaidoyer mobilise surtout l’école de Salamanque, ses sources et ses continuateurs, ce texte doit à notre sens être aussi mis en rapport avec les débats théologiques qui, en Nouvelle-Espagne, furent consacrés à la notion de « guerre juste », concept juridique dont les bornes sont définies dès l’époque de Cicéron, dans le cadre des conflits avec les chichimèques, les ethnies « barbares »58 du nord du Mexique en 1569, 1570, 1574 et 157559. Ainsi, il est assez significatif que ce soit dans le récit de la révolte des Tarahumaras de la fin du xviie siècle rédigé en latin par le jésuite Joseph Neumann60 que nous avons retrouvé certaines citations présentes dans le texte de Ribera. À la différence que, et c’est là un point capital, les Indiens dont il était question au Mexique étaient des sujets actuels ou potentiels de la Couronne espagnole, tandis que les Sangleys étaient des étrangers, et par conséquent, dans le cas d’un conflit armé, une population pouvant purement et simplement être considérée comme un agresseur, certes domestique, mais nonobstant externe à la communauté ou « République » des Espagnols et conséquemment susceptible d’être éliminé pour le salut de celle-ci.
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Casos que occurrieron en la Guerra de los Sangleyes, 3 de Octubre, víspera de San Francisco, 1603
1. Pregunta: [¿]Si la Guerra fue justa de parte nuestra61?
Respóndese que fue justíssima, defensiva, y por todos los títulos buenos, y guerra por la Santa Fee (que si perdíamos aquel lance se extinguía en Filipinas), por la Patria, y por el Rey62, por las vidas, libertad, hazienda, mugeres, hijos, y todo quanto teníamos, y en esto no se puede poner duda63.
Y no sólo fue defensiva, pero pudo ser ofensiva y castigo a revelados que estaban sujetos a Príncipe Christiano64, y en sus tierras, y [era justo] hazerles guerra a fuego y à sangre por que aunque esta República reconoce superior y comúnmente dicen los D[octor]es que non potuit indicere bellū65 sino Príncipe o República que no conoce superior, pero quando el Rey está muy distante, y no puede vel non audet según el mismo Victoria66 y Dor Molina, potest etiam dux uel quem vivam resp[ondend]a vindicare in hostes et occidere &c.67
1. Question : Si la guerre fut juste de notre partt61
On répond qu’elle a été très juste, défensive, et réalisée en vertu de justes titres. Ce fut une guerre pour la Sainte Foi (puisque si nous succombions à cette épreuve, elle aurait disparu des Philippines), pour la Patrie, et pour le Roi62, pour les vies, la liberté, les biens, les femmes, les fils, et tout ce que nous possédions, et à ceci on ne peut opposer aucun doute63.
Et elle ne fut pas seulement défensive mais elle pouvait être offensive et constituer un châtiment contre des rebelles qui étaient les sujets d’un Prince Chrétien64, et en ses terres, et il était légitime de leur faire la guerre à feu et à sang puisque, bien que cette République reconnaisse un supérieur et que communément les Docteurs disent que non potuit indicere bellū65 si ce n’est le Prince ou une République qui ne connaît pas de supérieur, quand le Roi est très distant et ne peut vel non audet, d’après Vitoria66 lui-même et le Docteur Molina potest etiam dux uel quem vivam resp[ondend]a vindicare in hostes et occidere etc.67
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2. Si fue justo quemar el Parián y matar a los anayas que dizen eran Inocentes?
Respóndese que pudieron muy bien quemar el Parián por que era defensa del Enemigo. Del salió el carro68, en él se tenían banderas levantadas sobre los tejados, desde unas casas del Parián tiraban, y mataron tres hombres de nuestra muralla, del Parián socorrían al Enemigo, y hasta que le vio quemado, no dexó el cerco de la Ciudad. Al fin, allí tenía su fuerza y confianza, y assí fue justo destruirlo. Y aunque los Anayas69 fuesen inocentes en aquella ocasión, no estaban obligados a mirar en esso, como vemos en un castillo que se bate y derriba por estar en él traidor, aunque [h]aya algunos niños inocentes, y en la galera de Turcos que la baten, aunque venga tripulada con Christianos70, y otros exemplos donde se matan por accidens los inocentes, y dize un Doctor que, si a esto se mirara, no se pudiera defender la Religión Christiana. Al fin, en los Anayas, no [h]avía tanta certidumbre de que fuesen inocentes, especial[mente por]que les combidaron con paz, y con la Ciudad donde los tendrían seguros, y no quisieron entrarse en ella, sino estarse en su Parián donde, como vimos, [h]avía Banderas lebantadas, y muchíssimos enemigos dentro, y que esta Nación, como se aduna tanto, es más cierto estaban de su parte que no de la nuestra.
2. S’il fut juste de brûler le Parian et de tuer les Anayas dont on dit qu’ils étaient innocents
On répond qu’on a pu à raison brûler le Parian, parce qu’il s’agissait de se défendre de l’ennemi. C’est de là qu’est sorti le char68, c’est là où les drapeaux flottaient sur les toits, c’est d’une maison du Parian qu’on a tiré, en conséquence de quoi trois hommes de notre muraille ont été tués, du Parian qu’on portait secours à l’ennemi et, jusqu’à ce que celui-ci ne le voit en flammes, il ne renonça pas au siège de la Ville. Enfin, c’est là qu’il avait sa force et sa confiance, de sorte qu’il fut juste de le détruire. Et quand bien même les Anayas69 fussent innocents en cette occasion, ils n’étaient pas obligés de se mêler de cela, comme on le voit lorsqu’un château est attaqué et détruit parce qu’il abrite un traître, même s’il y a des enfants innocents, et dans les galères des Turcs qu’on attaque même si l’équipage est chrétien70, et d’autres exemples où on tue par accidens les innocents, et à propos desquels un Docteur dit que, si on faisait attention à cela, on ne pourrait pas défendre la Religion Chrétienne. Enfin, dans le cas des Anayas, on n’était pas si certain qu’ils étaient innocents, particulièrement du fait qu’on les avait invités pacifiquement à se réfugier dans la Ville où ils auraient été en sécurité, et ils n’ont pas voulu y entrer mais au contraire rester dans le Parian où, comme on l’a dit, les drapeaux étaient levés, et de très nombreux ennemis étaient présents, et comme cette nation fait particulièrement corps, il est plus probable qu’ils étaient du côté de l’ennemi que du nôtre.
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3. Si fue justo matar à los Sangleyes que estaban fuera de Manila en los Pueblos por sólo asegurarse de ellos?
R[espóndese.] No fue bastante causa ésta para matarlos, pues [h]avía otros medios para asegurarse de ellos, como era quitarles las armas, y tenerlos en prisión, et non sunt facienda mala ut veniat bona71, ni se deve matar a nadie por el mal que se teme hará sino por el mal que ha hecho, y en estas muertes se hizieron grandíssimas injusticias por los pueblos como Otón72, Cagayán73, Camarines74, Laguna75 &c. Dios lo juzgará, que lo sabe todo, pero también creo que algunos se escusaron de pecado por que, como vieron la guerra rompida, la Ciudad de Manila (que es toda la defensa de estas Yslas) cercada con más de doce mil Sangleyes, temores y rezelos de trato con el Rey de China, y mayor conspiración, y peligro, con otras muchas circunstancias, se pudieron persuadir que no tenían otro remedio para salvar las vidas proprias sino quitarlas à los Sangleyes, persuadiéndose también que aquellos eran culpados, y conjurados con los demás76.
3. S’il fut juste de tuer les Sangleys qui étaient dans les villes en dehors de Manille seulement pour s’assurer d’eux
On répond. Ceci ne fut pas une cause suffisante pour les tuer, puisqu’il y avait d’autres moyens de s’assurer d’eux comme leur confisquer leurs armes ou les enfermer et non sunt facienda mala ut veniat bona71. On ne doit pas non plus tuer quelqu’un en vertu des maux qu’on craint sinon pour les maux qu’il a occasionnés, et avec ces morts on a commis de très graves injustices dans des villes comme Oton72, Cagayan73, Camarines74, Laguna75 etc. Dieu en jugera, puisqu’il sait tout, mais je crois aussi que certains n’auront pas commis de péché puisque, comme ils virent la guerre ouverte, la Ville de Manille (qui est toute la défense de ces îles) encerclée par plus de douze mille Sangleys, ce à quoi s’ajoutait la crainte d’une entente avec le Roi de Chine, d’une conspiration et d’un péril plus grands, en sus de nombreuses autres circonstances, ils ont pu se persuader qu’ils n’avaient pas d’autre choix pour sauver leurs vies que d’ôter celles des Sangleys, se persuadant aussi que ceux-ci étaient coupables et tout aussi conjurés que les autres76.
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4. [¿]Si fue lícito matar algún Sangley Christiano?
R[espóndes]e. Mientras duró el conflicto de la guerra y la batalla, es muy verisímil que pudieron matar a los que andaban desmandados, y por lo menos es cierto que pudieron matar a los que estaban entre los mismos Enemigos, por que meterse entre ellos [no] era sino hazerse de su vando, especial[mente] que, en aquella ocasión, corrió voz que todos eran enemigos, y se sabía que algunos andaban capitaneándolos, como Yunten77 y otros Christianos, pero no pudieron matar a los que estaban recogidos en Tondo o en el Río, ni a los que se venían a amparar a la Ciudad, ni a ninguno otro, pasado el conflicto de la guerra, especial después del Vando de que no los matasen.
4. S’il fut licite de tuer quelque Sangley Chrétien
On répond. Tant que dura le conflit de la guerre et la bataille, il est très probable qu’ils purent tuer ceux qui s’étaient rebellés, et il est pour le moins certain qu’ils purent tuer ceux qui étaient au milieu des ennemis, puisqu’être parmi eux n’était rien d’autre que d’être des leurs, étant donné qu’en cette occasion le bruit courut qu’ils étaient tous ennemis, et on savait que certains les dirigeaient, à l’instar d’Untay77 et d’autres Chrétiens, mais ils ne pouvaient pas tuer ceux qui s’étaient repliés à Tondo ou sur le fleuve, ni ceux qui venaient se protéger dans la Ville, ni aucun autre, une fois le conflit de la guerre passé, en particulier après la publication du ban demandant à ce qu’on ne les tuât pas.
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5. [¿]Si fue lícito el pillage que se hizo en sus haciendas en la Guerra y después de ella &c.?
R[espóndese]. En resolución (por que ésta es materia muy larga) lo que tomaron los Españoles, Yndios, y negros en la guerra a los Sangleyes, suyo es iure belli78. Esse fue común sentimiento de Audiencia79, Religiosos y Seglares, y una aclamación pública con que todos aprobaban el saco, y deseamos que cebassen, y animassen los soldados y los Yndios con la pressa, por ver que nos yba a todos las vidas, y aunque según las leyes se puede oponer que debabat Gubernatur indicere bellum80 y echar bando público para el saco. Respóndese que con el hecho se hizo, y aprobó, y el [h]averse olvidado un ápice del derecho no es maravilla en aquella ocasión, y podrá responder lo que Cayo Mario81 a este punto: in strepitu armorum non potuimus audire vo[c]es legum civilium82.
2° El soldado que en aquella ocasión tomó dineros con buena fee, y no sabe si era de amigos o enemigos, quédese con ellos. Si tomó alguna cosa en especie en el Parián, suyo es83. Si fue en Tondo, haga diligencia para saber el dueño, por que allí se hicieron grandes robos à los Christianos […].
Los Alcaldes mayores84 y ministros de Justicia que, prendiendo los Sangleyes, los robaron, tienen obligación de restituir lo que tomaron porque no fue iure belli, sino como Ministros de Justicia. Los tales despojos han de dar a los Sangleyes si la Justicia los dio por libres, como a muchos ha dado, que entonzes fueron presos, o al Fisco de su Magd cuyos Ministros eran quando los prendieron o mataron85[…].
Los Sangleyes captivos en esta Guerra, es probable opinión que se pueden huir, como tiene el M[aestr]o Soto86, y Caietano87 De Servis captis in bello justo88, aunque la opinión contraria tubimos por más probable in m[ater]ia de fides, q. 10 a 10, que es de Navarra, Cobarrub[ias]89, y Dor Molina. La Hazienda que los Sangleyes tenían antes de ser captivos es suya, y pueden hazer de ella lo que quisieren por que, en rigor, solos los bienes que adquirió el esclavo en el captiverio son del Amo, y no los que antes tenía […].
Los Clérigos, y Religiosos en aquella ocasión pudieron lícitamente pelear, y aun por ventura estaban obligados a hazerlo, por que como dize el P[adr]e Gregorio de Valencia90, en caso de necessidad que [h]aya de perecer la Rep[úblic]a, o por alcanzar alguna insigne victoria que redunda en grande bien de la Rep[úblic]a, están obligados lege nature a pelear, y trae por esta sentencia a Cai[e]ta[no], Cobarrub[ias], Mo Báñez91 &c., pero de que puedan pelear en defenza suya y de la práctica, es común sentencia de todos92.
También es la más probable sentencia que en este caso no se incurre irregularidad ninguna aunque mate a otro, por que no se halla en derecho expressa irregularidad por homicidio lícito puesta a personas particulares, sino a públicas, como a Juezes, que por executar sentencia de muerte incurrent irregularidad que llaman ob defectū per[f]ecte lenitatis93 […].
5. Si le pillage qu’on fit de leurs biens durant la guerre et après celle-ci fut licite &
On répond. En résumé (car il s’agit là d’une matière très longue), ce que prirent les Espagnols, Indiens et noirs durant la guerre faite aux Sangleys est à eux iure belli78. Ceci est du sentiment commun de l’Audiencia79, des religieux et des séculiers, et objet de la publique acclamation par laquelle tous ont approuvé le pillage, et notre désir de ce que soldats et Indiens soient motivés et encouragés par la prise en voyant qu’on allait tous perdre la vie, et bien que selon les lois on puisse opposer que debabat Gubernatur indicere bellum80, et proclamer un ban pour le saccage. On répond que cela se fit par l’acte, et fut approuvé, et le fait d’avoir oublié d’un iota le droit n’est pas étonnant en cette occasion, et on pourra répondre sur ce point comme Caius Marius81 in strepitu armorum non potuimus audire vo[c]es legum civilium82.
2° Le soldat qui en cette occasion prit de l’argent de bonne foi et ne sait pas s’il appartenait à des amis ou à des ennemis, qu’il le garde. S’il prit une chose en espèce dans le Parian, c’est à lui83. Si ce fut à Tondo, qu’il s’attache à savoir qui était le propriétaire parce qu’on commit là de grands vols contre les chrétiens […].
Les Alcaldes mayores84 et officiers de Justice qui, en arrêtant les Sangleys, les ont volés, ont obligation de restituer ce qu’ils ont pris parce que cela ne fut pas fait dans le cadre du iure belli mais bien en tant que ministres de la Justice. Ces choses saisies doivent revenir aux Sangleys si la Justice les declara libres comme elle l’a fait pour beaucoup qui ont été arrêtés à ce moment-là, ou au fisc de Sa Majesté dont ils étaient les ministres quand ils les ont arrêtés et tués85[…].
Quant aux Sangleys capturés durant cette guerre, il est d’opinion probable qu’ils peuvent fuir, comme cela est posé chez le Maître Soto86, et Caietanus87 dans son De Servis captis in bello justo88, bien que nous tenions l’opinion contraire pour plus probable in m[ater]ia de fides, q. 10 a 10, selon Navarra et Covarrubias89, et le Docteur Molina. Les biens que les Sangleys possédaient avant d’être capturés sont à eux, et ils peuvent en faire ce qu’ils veulent, parce que strictement, seuls les biens acquis par l’esclave durant sa captivité sont au maître, et non ceux qu’il possédait auparavant […].
Les clercs et religieux en cette occasion purent licitement se battre, et même peut-être étaient obligés à le faire, puisque comme le dit le père Gregorio de Valencia90, en cas de nécessité, de péril de la République ou afin d’obtenir une insigne victoire qui résulte en un grand bien de la République, ils sont obligés lege nature de se battre, avis partagé par Caietanus, Covarrubias, le Maître Bañez91 etc., mais c’est un avis commun à tous qu’ils peuvent se battre pour se défendre eux-mêmes et en vertu de la pratique92.
Il est aussi très probable que, dans ce cas, on ne tombe dans aucune irrégularité, même si on tue quelqu’un d’autre, parce qu’en droit on ne trouve aucune irrégularité expresse pour un homicide licite qui soit appliquée à des particuliers mais seulement à des personnes publiques comme des juges, lesquels, en exécutant une sentence de mort, incurrent l’irrégularité qu’on appelle ob defectū per[f]ecte lenitatis93 […].
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D’un projet d’expulsion des Japonais
Tome I, Partie 1, Juan de Ribera, 4 mars 1608, f. 149r-149v
Ce cas, qui concerne la communauté nippone et non chinoise, est proposé ici à titre comparatif, puisque le Japon constitue l’autre pôle de l’« Asie des Civilisations » telle qu’elle peut être appréhendée depuis Manille, et que les Japonais du quartier de Dilao, à côté du Parian, quoique bien moins nombreux que les Sangleys (peut-être quelques 500 au début du xviie siècle94), constituait alors l’autre communauté inquiétante de Manille. À l’époque de Toyotomi Hideyoshi, en 1592, l’année même du lancement de la conquête de la Corée, le gouverneur Gómez Pérez Dasmariñas avait reçu une lettre dans laquelle on lui demandait de se soumettre au voisin du Nord, à défaut de quoi la colonie serait envahie95. Cinq ans plus tard et un an avant le décès d’Hideyoshi eut lieu l’épisode des vingt-six martyrs japonais et hispaniques affiliés aux ordres jésuite et franciscain96.
Au début du xviie siècle, l’accès au pouvoir de Tokugawa Ieyasu changea la dynamique des relations, notamment commerciales, entre le Japon et la petite colonie espagnole97, comme en témoigne le texte ci-dessous. Cependant, dès 1605, dans sa lettre du 3 février consacrée au problème sangley déjà citée, l’archevêque Miguel de Benavides alertait sur le danger constitué par la communauté des Japonais : « [h]avemos de guardarnos dellos como de enemigos o son peores o tan malos como los sangleyes ynfieles98 ». Et effectivement, entre 1606 et 1609, le quartier japonais de Dilao connut plusieurs épisodes d’agitation, sur lesquels on possède étonnamment très peu de témoignages.
Un dernier élément de contexte est ici à souligner : dans la Péninsule, l’époque était aux projets massifs de bannissement, puisqu’un an plus tard, en 1609, Philippe III expulsa les morisques, les musulmans supposément convertis au christianisme qui vivaient dans la Péninsule, une décision à laquelle contribua fortement un autre Juan de Ribera, archevêque de Valence et patriarche latin d’Antioche, canonisé en 1960.
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A una Consulta que hubo en la Sala de la Audiencia a 4 de Marzo de 1608. Sobre si convenía echar los Japones de estas Yslas. Respondimos un papel en la forma siguiente99.
1. Respóndese (salvo meliori judicio) que combiene sumamente yr echando los Japones de estas Yslas por los peligros en que nos hemos visto con ellos, y los recelos para adelante, y por las razones que la Ciudad representa.
2. Lo 2°, que se echen con suavidad, y maña, y no con violencia, teniendo atención a no alborrotallos, ni que del Reyno de Japón se tome motivo, aunque se aparente, de guerra.
Y para esto, podrán servir los medios siguientes. El 1°, que de los consejos de guerra, o consultas de Religiones, no salga voz, que los echen a todos, y menos se publique que las Religiones son de ese parecer, por que el decirse será alborotallos, y poner en más cuidado a la Ciudad, y el publicarse que las Religiones son de ese parecer redundara en daño de la Christiandad y Religiosos de Japón donde es cierto que llegara la voz, que es cosa de gravíssimo inconveniente100.
Lo 2°, que no se eche Vando general que se vaia[n] todos so pena de la vida, o galeras &c., por que ni [h]an de yr todos, ni [es] conveniente. De que no [h]an de yr todos es cierto, pues ni [h]ay Navíos para tantos, ni muchos de los que están aquí casados o [h]an cometido delictos en Japón se yrán, aunque los hagan pedazos, y el echar Vando para no cumplirle es desacreditar los Vandos, y que no se estimen o no se cumplan, viendo que se manda una cosa moralmente impossible, y así conviene mandar cosas hacederas, y que probablemente tendrán execución, y ésas llevarlas adelante hasta el fin. Y que no convenga que se vayan todos también parece claro, por que a la Ciudad le está bien que queden algunos intérpretes, supuesto que ha de [h]aver trato y comercio con el Japón, y para una ocasión de guerra, y Cartas que de allá se escriben en la lengua Japona, especial[mente por] que [h]ay algunos casados, y muy buenos Christianos, que en una comunidad no falta, y éstos serán testigos que no los echamos por odio de la Nación, sino por la conveniencia de la cosa.
3. Medio para hazerlo con suavidad es dar aviso con los primeros Navíos al Emperador de Japón de los alborotos, y turbaciones que [h]an pasado, dando razón de las muertes que [h]ubo, y del incendio del Parián para que no nos tengan por injustos, ni tomen ocasión de mover guerra sino darnos razón, especial[mente] profesando el Emperador101 amistad con esta República, pues hasta ahora [h]a procedido honradamente, embiando Cartas, y presentes, que no lo [h]an hecho sus antecesores, antes Taicosama pidió tributo y quiso que se le diesse la obediencia102. Éste [h]a pedido comercio y trato, y tiene buena correspondencia, como se [h]a visto.
4. Que pues [h]ay Cartas de este mesmo Emperador que dicen es gente ruin la que [h]a venido a estas Yslas, y que sean castigados conforme a las Leyes de este Reyno, y que tendrá quenta de no embiar Navío sin Chapa y Provisión suya, ni más Navíos de los que se le pidieren. De esto mismo se tome color para echarlos de aquí, y mucho mejor a los que vinieren de nuevo, diciendo que su mesmo Emperador lo quiere assí, y lo pide, y con esto se hará con más suavidad, y sin ofensión alguna.
5. Últimamente, que se publique y sepan que no quitamos el trato y comercio natural con los Japones trayendo sus mercadurías, que es lo que [el] Emperador quiere, y teniendo buena correspondencia, que a esta república no está mal, pues traen harina, yerro, armas, balas, bronce, salitre103, que del Reyno de China en ninguna manera se consiente traer104.
De este Colegio de la Compañía de Jesus de Manila a 6 de Marzo de 1608.
À propos d’une consultation qui eut lieu au sein de l’Audiencia le 4 mars 1608, en vue de déterminer s’il convenait d’expulser les Japonais de ces îles. Nous avons répondu dans un document de la façon suivante99.
1. On répond (salvo meliori Judicio) qu’il convient au plus point de commencer à expulser les Japonais de ces îles du fait des périls dans lesquels nous nous sommes trouvés avec eux, des craintes pour l’avenir, et des raisons que la Ville présente.
2. En second lieu il convient de les expulser en douceur, et astuce, et non avec violence, en faisant attention à ne pas les mener à l’émeute, ni à ce que dans le Royaume du Japon on y voit un motif, même apparent, de guerre.
Et pour cela on pourra user des moyens suivants. Le 1er, que des conseils de guerre ou des réunions des ordres religieux, aucun mot ne s’échappe de ce qu’on envisage de tous les expulser, et qu’encore moins on ne publie que les ordres sont de cet avis, car cela les mènerait à la révolte et mettrait la Ville en plus grand danger, et le fait que l’on rende public que les ordres religieux sont de cet avis s’avérerait dommageable à la Chrétienté et aux religieux du Japon où il est certain que la nouvelle parviendrait, ce qui est un très grave inconvénient100.
Le 2e, qu’on n’émette pas de ban général que tous doivent partir sous peine de mort, ou de galères etc., parce que ni tous doivent partir, ni cela convient. Que tous ne doivent pas partir, c’est certain du fait qu’il n’y a pas assez de navires pour autant de gens, et que parmi ceux qui sont ici mariés, ou ont commis des délits aux Japon, beaucoup ne partiront pas même si on les coupe en morceau, et émettre un ban pour ne pas s’y tenir discrédite les bans, et fait qu’on ne les estime pas ni respecte, au vu de ce qu’on exige une chose moralement impossible, de sorte qu’il faut ordonner des choses faisables, qui seront probablement suivies d’une exécution, et les mener jusqu’à leur terme. Et qu’il ne convienne pas qu’ils partent tous semble tout aussi clair, parce qu’il convient à la Ville qu’il reste quelques interprètes, étant supposé qu’il doit y avoir relation et commerce avec le Japon, et pour une occasion de guerre, ou pour [traduire] les lettres qu’ils écrivent de là-bas en langue japonaise, et tout particulièrement parce qu’il y a quelques hommes mariés et bons chrétiens, ce qui ne manque jamais dans une communauté, et ceux-là seront témoins qu’on ne les expulse pas par haine de leur Nation, mais pour la convenance de la chose.
3. Le moyen de le faire en douceur est de transmettre un avis par le premier navire de l’Empereur du Japon des tumultes et agitations qui ont eu lieu, en donnant raison des morts qu’il y a eu, de l’incendie du Parian, pour qu’ils ne nous considèrent pas injustes, ni n’en prennent prétexte pour nous faire la guerre mais nous donnent plutôt raison, particulièrement parce que l’Empereur101 professe l’amitié envers cette République, puisque jusqu’à présent il a procédé honorablement en envoyant des lettres, des présents, ce que n’avaient pas fait ses prédécesseurs, car Taicosama avait au contraire exigé un tribut et réclamé qu’on lui déclare obéissance102. Celui-ci a sollicité commerce et relations, et il entretient comme on l’a vu de bons rapports avec nous.
4. En effet, il y a des lettres de ce même Empereur qui disent que ceux qui sont venus dans ces îles sont de mauvaises gens, qu’ils doivent être punis en conformité aux lois de ce Royaume, et qu’il prendra soin de ne pas envoyer de navire sans sceau et provision de sa part, ni d’autres navires que ceux qu’on lui demande. Qu’on s’appuie là-dessus pour les expulser d’ici, et plus encore ceux qui viendraient à nouveau, en disant que leur Empereur lui-même le veut ainsi, et le demande, et de la sorte on agira avec davantage de douceur, et sans aucune offense.
5. Enfin, qu’on publie et qu’ils sachent que nous ne mettons pas fin aux relations et commerce naturel avec les Japonais qui apportent leurs marchandises, ce qui est ce que souhaite leur Empereur, et qui entretiennent de bons rapports avec nous, ce qui n’est pas mauvais pour cette République, puisqu’ils apportent de la farine, du fer, des armes, des balles, du bronze, du salpêtre103, toutes choses que de Chine en aucune manière on consent à amener104.
De ce collège de la Compagnie de Jésus de Manille, le 6 mars 1608.
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Des fraudes des gardes des bateaux chinois
Tome I, Partie 1, Juan de Ribera, mai 1606, f. 156r-156v
Sans surprise, la question du commerce de produits chinois et des problèmes moraux qu’il peut poser aux Espagnols est une des thématiques que les jésuites se devaient d’aborder dans la Manille du début du xviie siècle. Afin d’éviter la spéculation des commerçants chinois et, il faut le dire, démunis qu’ils étaient face au savoir-faire de ceux-ci en matière de tractations commerciales, les Espagnols mirent en place le système de la pancada en vertu duquel les achats se faisaient en gros à un prix fixé pour la globalité des marchands et marchandises similaires105. Cependant, l’appât du gain aidant, nombreux étaient les Sangleys qui s’attachaient à sortir des marchandises non déclarées de leurs navires, afin de ne pas payer de droits de douanes106 mais aussi sans doute de pouvoir fixer leur prix plus librement. Sur la base des registres de comptabilité de Manille, Juan Gil a pu établir que, lorsqu’ils étaient découverts, les marchands chinois se voyaient infliger des amendes étonnamment dérisoires107, de l’ordre de quelques pesos, ce qui laisse supposer une certaine connivence avec les autorités de la colonie ou, pour le moins, la tolérance d’un inexorable état de fait. En ce qui concerne la question spécifiquement traitée ici des fraudes réalisées par les gardes des navires, elles avaient fait l’objet dès la fin du xvie siècle d’une plainte de la part des marchands sangleys, pourtant à l’origine de la sortie en fraude des marchandises hors des navires, laquelle avait donné lieu à l’envoi d’ordres royaux au gouverneur des Philippines Gómez Pérez Dasmariñas afin d’y mettre fin108, en vain apparemment.
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Pregúntase, [¿]si las Guardas que se ponen en Navíos de sangleyes estaban obligados a restituir los derechos de las Mercadurías que se sacan a escondidas ipsor[um] permisu et consensu109?
En los Navíos de China, se ponen guardas por parte de los oficiales Reales para que no se saque Ropa sin registro. A éstos no se les da salario ninguno, ni por derecho tienen otra ganancia, más de la que se les da por denunciadores quando el Sangley saca alguna cosa a escondidas, que si denuncian les dan un tanto, y con ser assí que apenas denuncia hom[br]e apetesen mucho este oficio, y lo pretende[n] alegando méritos &c. Lo que se presume y que pasa en realidad de verdad, [es] que reciben cohechos de los Sangleyes, y son aprovechados en comprar alguna ropa, y de noche suelen permitir que los sangleyes saquen algunas petacas110 de ceda, o mantas, por algunas pías que les dan. Pregúntase pues si éstos tales peca[n] en dejar sacar Ropa sin Registro, y si están obligados a pagar al Rey N[uest]ro S[eñ]or sus derechos.
Respóndese que pecan contra Justicia, y están obligados a restituir a Su Mag[esta]d los derechos. La Razón es por que son Ministros Suyos deputados para esse efecto, y aunque aleguen que no les dan salario, no dexan de tenerle, que es la tercia parte de denunciados, y con ese concierto entran sin hazerles fuerza, antes rogándolo ellos. Ésta es común Doctrina de los Dores [sic] Card[enal] Toledo111, L. 4, c. 21, illis verbis ex off[ici]o obligari112 &c. y trae a Cai[etano] Verbo restitutio, Soto, L. 4, q. 7, ar. 3, Zeco113, custodes tenent ad damnum illatum si nont revelent114, 2. p., de deposito C. 22, # 9, Manuel115, Rg. c. 124 con 8. Las guardas de las Mercaderías que están puestas en los Puertos, dexando passar los Mercaderes sin denunciar de ellos para que paguen los Tributos, obligados están a pagarlos por que, dado caso que no estén obligados a pagar la pena como dizen Silv[estro]116 y Nav[arro]117, están obligados a pagar los Tributos, pues éstos no se deven como pena, sino como interés. Assí lo tiene Nav[arro], c. 25, n. 34, P[adr]e Sá, Verbo Restitutio118, n° 3, sita a Silvestro, Pabrina119, Ang[elicus]120, Rocela121, Navarra122, y Paludano123, y assí en esta Sentencia no se puede poner duda.
El cohecho que les dan, no están obligados a restituir como tiene Zeco, Nav[arro], Pe Luis Lopez124 1.
También se permite que se les den cosas de comer, mal provecho les haga. Mayo [1]606.
On demande si les gardes qu’on met dans les navires des Sangleys sont obligés à restituer les droits des marchandises qui sont sorties en cachette ipsor[um] permisu et consensu109
Dans les navires de Chine, on met des gardes au nom des officiers Royaux pour qu’on ne sorte pas des vêtements non enregistrés. On ne leur consent aucun salaire, et ils n’ont aucun autre bénéfice de droit, si ce n’est ce qu’on leur donne comme dénonciateurs quand un Sangley sort quelque chose en cachette, sur quoi ils reçoivent une portion, et malgré que presque jamais un homme ne soit dénoncé, cet office est très convoité, et on y prétend en faisant valoir ses mérites etc. Ce qu’on présume et qui se passe en réalité est qu’ils reçoivent des pots-de-vin des Sangleys, et sont favorisés pour acheter des vêtements, de sorte que la nuit ils ont coutume de permettre aux Sangleys de sortir quelques petacas110 de soie, ou des mantes pour quelque bagatelle qu’on leur donne. On demande donc si ceux-ci pèchent en laissant sortir des marchandises non enregistrées, et s’ils sont obligés de payer ses droits au Roi Notre Seigneur.
On répond qu’ils péchent contre la Justice, et sont obligés de restituer à Sa Majesté les droits. La raison en est que ce sont des siens ministres dépêchés à cet effet, et même s’ils allèguent qu’on ne leur donne pas de salaire, ils ne laissent pas d’en avoir un, à savoir le tiers de ce qu’ils dénoncent, et c’est en vertu de cet accord qu’ils entrent dans leurs fonctions qu’ils ont prié de se voir confier. C’est là la commune doctrine des Docteurs Sic Cardinal Toledo111 L. 4 c. 21 illis verbis ex off[ici]o obligari112 etc, qui invoque Caietanus Verbo restitutio, Soto, L. 4, q. 7, ar. 3, Zecci113, custodes tenent ad damnum illatum si nont revelent114, 2. p., de deposito, C. 22, # 9, Manuel115, Rg. c. 124 avec 8, Les gardes des marchandises qui sont entreposées dans les ports, s’ils laissent les marchands les passer [en fraude] sans les dénoncer afin que ceux-ci payent les tributs, sont obligés de les restituer, parce qu’au cas où ils ne seraient pas obligés à payer l’amende comme disent Sylv[ester]116 et Nav[arro]117, ils sont obligés à payer les tributs, car ceux-ci ne sont pas dus en tant que peine mais en tant qu’intérêt. C’est ce que dit Navarro c. 25 n. 34, le père Sa, Verbo Restitutio118, n° 3, qui cite Sylvester, Pabrina119, Ang[elicus]120, Rochelle121, Navarre122, et Paludano123, de sorte qu’en cette sentence il ne peut y avoir aucun doute.
Ils ne sont en revanche pas obligés de restituer le pot-de-vin qu’on leur donne selon Zecci, Navarre, le père Luis López124, 1.
Il leur est aussi permis de recevoir des choses à manger, grand mal leur en fasse. Mai 1606.
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De l’argent passé en fraude
Tome I, Partie 1, Juan de Ribera, date inconnue, f. 157v-158r
Le thème de l’argent sorti des mines américaines pour être exporté aux Philippines en vue d’y acquérir des produits chinois est évidemment fondamental. On laissera ici le débat sur la quantité de métaux du Nouveau Monde qui a pu ainsi transiter vers l’Asie plutôt que vers l’Europe aux spécialistes de la question, à l’instar de Mariano Bonialian, qu’on peut lire dans ce volume125. Nous nous contenterons donc de donner ici quelques bornes chronologiques qui nous semblent essentielles pour comprendre le problème. Après une période de flottement dans la régulation du trafic, le 11 janvier 1593, le commerce du galion fut strictement limité à 250 000 pesos en valeur de marchandises dans le sens Manille-Acapulco, et 500 000 pesos de valeur entre Acapulco et Manille, un chiffre qui incluait l’argent envoyé pour l’acquisition de produits asiatiques et l’aide financière apportée par la Nouvelle Espagne à la colonie126. Les flux commerciaux se trouvèrent donc officiellement drastiquement limités, ce qui généra logiquement un trafic clandestin exponentiel et de fréquents rappels à l’ordre. En 1603, plusieurs cédules furent émises afin de réévaluer la forme en vertu de laquelle le commerce du galion de Manille devait être mené127. Surtout, dans le cadre de la reprise en main de l’administration du royaume suite à la chute du très corrompu favori du roi le duc de Lerma et à l’entrée de l’Espagne dans la Guerre de Trente Ans, le 26 novembre 1620, Madrid crèverait l’abcès en écrivant à l’Audiencia de Manille une lettre d’une très grande virulence dans laquelle, en même temps que la mauvaise administration de l’archipel, serait dénoncé le « trafic de la Chine » consistant dans l’échange d’« argent si précieux dans ses royaumes » contre « des habits, des chiffons et d’autres choses de peu d’importance »128.
Ici, ce qui est précisément en jeu est l’argent envoyé par le galion de façon parfaitement illégale sans avoir été frappé ni même enregistré afin que soit appliquée l’imposition du quinto, laquelle, comme son nom l’indique, impliquait que, avant toute taxation supplémentaire, 20 % des ressources extraites du sol américain revenaient directement au trésor royal129.
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[¿]Qué se hará con los que traen plata por quintar, para vender a los Sangleyes130?
R[espóndes]e. Que restituyan el Quinto a Su Mag[esta]d por que se le debe, y no basta alegar que la traxeron de Pirú131 o Nueva España con grandíssimo Riesgo, por que esta razón, quando mucho, valdrá para no pagar los Derechos de los dos por ciento de Registro132, pero el quinto radicalmente se debe, aunque ni se trajesen, por Razón de ser las Minas de Su Mag[esta]d133, y [h]aver permitido se labren en su Reyno por que se le pague su quinto como largamente se dize Lib. 6 Nove Recopil[atione], tt. 13, Leg. 2.3.4.134, y estas Leyes no son penales sino directivas, y assí obligan in con[s]ciencia et ante sentenciam judicis, como prueba el Pe Alonso, Reg. ttt. De furto q[ui] an mineralia Sint invenientium135, trae a Soto, L. 4, q. 3 a 3 ad. 2, Mancio136 y Felipe de Meneses137.
Que fera-t-on de ceux qui amènent de l’argent brut pour le vendre aux Sangleys130?
On répond. Qu’ils restituent le quinto à Sa Majesté car on le lui doit, et il ne suffit pas d’alléguer qu’ils l’ont amené du Pérou131 ou de Nouvelle Espagne à grand risque car cette raison, dans le meilleur des cas, vaudra pour ne pas payer les droits de deux pour cent de registre132, mais le quinto est radicalement dû, même s’il n’y avait pas de droits à payer, du fait que les mines appartiennent à Sa Majesté133, et que [le Roi] a permis qu’on les exploite dans son Royaume dans la mesure où on lui paye son quinto, comme cela est amplement développé dans le livre 6 Nove Recopil[atione] tt. 13 Leg. 2.3.4.134, et ces lois ne sont pas pénales mais directives, et obligent ainsi in conciencia et ante sentenciam judicis, comme le prouve le père Alonso Reg. ttt. De furto q[ui] an mineralia Sint invenientium135, lequel invoque Soto L. 4 q. 3 a 3 ad. 2, Mancio136 et Felipe de Meneses137.
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Des médecins sangleys
Tome I, Partie 1, Juan de Ribera, 13 septembre de 1603, f. 173v-174v
Le thème des médecins sangleys dont il est ici question s’inscrit dans le cadre plus large de la monopolisation de fait des offices par la communauté chinoise de Manille, laquelle explique en grande partie les hésitations de la communauté hispanique des Philippines quant à l’opportunité, invariablement débattue à chaque soulèvement du Parian, d’expulser la communauté des Sangleys : si, avec eux, aucune république espagnole « autosuffisante » n’était possible, sans eux, non plus. En l’occurrence, le manque de médecins dans la colonie fut régulièrement mis en exergue dans la correspondance de Manille avec sa métropole138. Ainsi, les praticiens sangleys furent amenés à exercer au-delà des murs de l’hôpital qui leur était assigné et qui avait été mis en place vers 1589 par un médecin et herboriste chinois fraîchement converti au christianisme139.
La bonne opinion de Ribera vis-à-vis de ces médecins chinois est à la hauteur du peu d’estime qu’il porte aux médecins péninsulaires, de toute façon trop rares, qui exerçaient dans la colonie. En particulier, il sait gré aux praticiens sangleys de ne pas sélectionner leurs clients et de permettre ainsi à tout un chacun, indépendamment de son statut ethnique ou socio-économique de recevoir des soins.
Un point particulièrement intéressant à souligner concernant cette résolution de cas est le fait que les textes européens permettant d’étayer la question traitent fondamentalement du problème des médecins juifs. Ceci est globalement révélateur d’une tendance à assimiler la communauté sangley à celle des juifs, latente dans la documentation de l’époque et parfois explicitement énoncée. Ainsi, en 1643, deux cédules royales demandaient-elles un complément d’information par suite de la réception d’une lettre du gouverneur des Philippines Sebastián Hurtado de Corcuera dans laquelle celui-ci proposait d’obliger les Sangleys à résider derrière des murs, comme pour les juifs de Rome et d’Alexandrie selon les termes du gouverneur repris par les autorités métropolitaines140.
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Pregúntase, [¿]si los Christianos se podrán Curar con Médicos Sangleyes Gentiles141?
Sobre este caso tuvimos una conferencia en nuestra Casa en Manila, por [h]avernos preguntado el S[eñ]or Arzobispo si [h]abría obligación en esta tierra de publicar y guardar el motu proprio que prohíbe curarse los Christianos con Médicos Judíos, o Gentiles. Halláronse pocos Authores por que, como España abunda de Médicos Christianos, y no se consienten Judíos142, no [o]curre el caso. En Roma dixeron143 los P[adr]es Italianos que se guarda con rigor. En la Yndia, dixeron otros que no se guarda, sino que curan Judíos144 comúnmente aun en los Conventos de Religiosos. Debe de [h]aver la mesma necessidad que por acá [h]ay. Silvestro, aunque dize que ningún Judío puede ser [médico] de Christianos, refiere a Hugo145 que [lo] admite con necessidad quando[?] alius non habet, y lo mismo dize el Archidiacono146 […]147.
Pareció a los P[adr]es que si hubiese Médicos Christianos bastantes para curar commodamente, se devía guardar el Breve, pero como de presente están las cosas en estas Yslas, no [h]ay obligación de publicarle, ni guardarle, y assí se puede con buena conciencia suspender la publicación, y execución de él.
La 1ª Razón se funda en la necessidad que es precisa y muy grande en esta tierra por la falta grande de Médicos, y sobr[a] de muchos enfermos ordinarios, pues es cierto que el Médico que [h]ay, ni otro que huviesse, puede curar tantos enfermos Yndios, Sangleyes, Japones, Esclavos, Hospitales de estas mismas Naciones148, y otros muchos pobres Españoles, hombres, y mujeres. Que si les quitasen este remedio de los Sangleyes, morirían, o padecerían mucho daño en su salud, y no es visto que la Ley positiva obligue con tanto dispendio, ni los Pontífices quieren por sus Leyes que se venga a peligro de muerte, o grave daño de la salud como se vee en el Ayuno, oýr Missa, no comer carne &c., quando interviene necessidad, o enfermedad, y en este caso parece que obra el Derecho natural, especial en gente pobre, que no tienen otro remedio.
Y para lo que toca al publicar supp[lemen]to que la necessidad es presente y no particular de éste, o del otro, sino general y común, es causa bastante para que se suspenda, principalmente no [h]aviéndose publicado en 22 años que ha que se hizo en Roma149.
2° Los inconvenientes que se dizen en las Bullas de Curar Judíos cesan en gran parte con estos Chinas por que no son zelosos de su Ley, ni co[mo] el Judío que es tenaz, y zelosíssimo de introducirla con que se temen mucho[s] daño[s] de sus curas, pero a estos Chinas no se les da un quarto que cada uno viva en la Ley que quisiere, ni tampoco se puede temer que maten los enfermos, por que la codicia que tiene[n] de ganar haze que los deseen sanar, y de ordinario los conciertos que hazen en sus curas es darlos sanos dentro de tanto tiempo, donde no, que no les paguen.
3° Los Médicos Christianos son caríssimos, acuden mal, no se aplican a curar personas miserables, ni enfermedades de llagas de ojos &c., antes las remiten a los Sangleyes, no curan Yndios, ni negros, el Sangley a todos acude y qualquiera los halla.
4° Aunque la Bulla excluye los Gentiles por los capítulos del derecho, sólo habla de Judíos por ser más perjudiciales, y más odiosos en Derecho.
Últimamente tenemos por cierto que, aunque el Breve se publique, no se ha de recebir, ni guardar, generalmente hablando.
No quita esto que no se dé parte a Su Santidad, y se le pida rem[edi]o, y en el entretanto se hagan examen de Médicos Sangleyes Gentiles que ejerzan, que sean en lo moral de buenas costumbres, a lo menos no dañosas a los que curan, que no curen con palabras, o invocaciones, sino con medecinas naturales, como de ordinario lo hazen, y en los Pueblos de Yndios que se quiten Yndias curanderas, y Catalonas150. 13 Septiembre 1603.
On demande si les Chrétiens pourront se soigner avec des médecins sangleys gentils141
Sur ce cas nous avons eu une conférence à notre résidence de Manille, car le Sieur Archevêque nous avait demandé s’il y aurait obligation en cette terre de publier et appliquer le motu proprio qui prohibe aux chrétiens de se soigner avec des médecins juifs ou gentils. On n’a trouvé que peu d’auteurs car, comme en Mexique les médecins chrétiens abondent, et les juifs ne sont pas tolérés142, le cas ne se présente pas. À Rome, les pères italiens dirent143 qu’on l’applique avec rigueur. En Inde, d’autres dirent qu’on ne l’applique pas, et qu’au contraire les juifs144 soignent communément, même dans les couvents des religieux. Il doit y avoir [là-bas] la même nécessité qu’il y a ici. Sylvester, bien qu’il dise qu’aucun juif ne peut être [médecin] de chrétiens, se réfère à Hugues145 qui [l’]admet en cas de nécessité, quand alius non habet, et l’Archidiacre dit la même chose146 […147].
Il a semblé aux pères que s’il y avait suffisamment de médecins chrétiens pour soigner commodément, on devrait respecter le Bref, mais étant donné l’état des choses à présent dans ces îles, il n’y a pas obligation de le publier, ni de l’appliquer, et ainsi peut-on en bonne conscience suspendre sa publication, et son exécution.
La 1ère raison se fonde sur la nécessité, qui est impérieuse et très grande dans cette terre, du fait du grand manque de médecins, et [où] les malades ordinaires abondent, de sorte qu’il est certain que le médecin qui est là, et pas un autre qu’il y aurait, peut soigner de nombreux malades indiens, sangleys, japonais, esclaves, [dans] des hôpitaux de ces mêmes Nations148, et d’autres nombreux pauvres espagnols, hommes et femmes. Et si on leur enlevait ce remède des Sangleys, ils mourraient, ou leur santé souffrirait de grands dommages, et on ne voit pas que la Loi positive oblige à un tel gâchis, ni que les Pontifes souhaitent que par leurs Lois on encoure la mort, ou un grave préjudice pour la santé, comme on le voit pour le jeûne, assister à la messe, ne pas manger de viande etc., quand la nécessité intervient, ou la maladie, et dans ce cas il semble que c’est le Droit naturel qui prime, particulièrement pour les gens pauvres, puisqu’ils n’ont pas d’autre remède.
Et pour ce qui est de publier un supplément précisant que la nécessité est présente et non particulière à ceci ou à cela, mais bien générale et commune, c’est là une raison suffisante pour qu’on le suspende, d’autant plus qu’il n’a pas été publié en 22 ans qu’il a été rédigé à Rome149.
2° Les inconvénients qui sont mentionnés dans les Bulles quant à ce que les juifs puissent soigner cessent en grande partie avec ces Chinois car ils n’ont guère de zèle vis-à-vis de leur Loi, au contraire du juif qui est tenace et très zélé pour l’introduire, ce pour quoi on craint beaucoup de maux de leurs curations, mais ces Chinois n’en ont rien à cirer que chacun vive dans la Loi qu’il souhaite, et on n’a pas non plus à craindre qu’ils tuent les malades, parce que l’avidité qu’ils ont de gagner de l’argent fait qu’ils veulent les guérir, car l’accord qu’ils fixent pour leurs soins est de rendre les gens sains dans un certain laps de temps, à défaut de quoi ils ne sont pas payés.
3° Les médecins chrétiens sont très chers, ils s’acquittent mal de leur charge, ne s’appliquent pas à soigner les personnes misérables, ni les maladies de plaies des yeux etc., et les renvoient plutôt aux Sangleys, ils ne soignent pas les Indiens, ni les noirs, alors que le Sangley s’occupe de tout le monde, et n’importe qui peut le trouver.
4° Bien que la Bulle exclue les gentils du fait des termes du Droit, elle parle seulement des Juifs du fait qu’ils sont plus préjudiciables, et plus odieux en Droit.
Enfin, nous sommes certains que même si le Bref était publié, il ne serait ni bien reçu, ni obéi en termes généraux.
Cela n’empêche pas qu’on en rende compte à Sa Sainteté, ni qu’on lui demande un remède, et entretemps qu’on fasse un examen des médecins sangleys gentils qui exercent, pour qu’ils soient moraux et de bonnes mœurs, ou pour le moins pas nuisibles à ceux qu’ils soignent, qu’ils ne soignent pas avec des mots, des invocations, mais avec des médicaments naturels comme ils le font d’ordinaire, et dans les villages d’Indiens qu’on écarte les Indiennes guérisseuses et les Catalonas150. 13 septembre 1603.
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Du Juge Ecclésiastique et des Sangleys
Tome I, Partie 1, Juan de Ribera, 6 mars 1614, f. 174v-175v
La configuration des Philippines, tout particulièrement du fait de la présence des Sangleys, présentait un cas de figure tout à fait inédit dans le cadre de l’administration des Indes espagnoles, notamment en ce qui concerne le cadre légal à appliquer. En effet, en Amérique, les autorités civiles et religieuses administraient des populations européennes supposément catholiques151 et des populations non-européennes ayant vocation à l’être, qu’il s’agît des communautés indiennes152 ou même des esclaves africains153. Les Chinois du Parian n’étaient en revanche pas chrétiens et ne pouvaient être obligés à l’être, à partir du moment où ils s’acquittaient du paiement de leur permis de résidence.
En tant qu’institution ecclésiastique, le Tribunal du Saint Office de l’Inquisition espagnole, fondé en 1478, notamment en vue de pourchasser les nouveaux-chrétiens crypto-judaïsants péninsulaires, n’était censé poursuivre et punir que des individus formellement convertis au christianisme. Même si dès 1535, le premier évêque du Mexique, le franciscain Juan de Zumárraga, allait assumer les fonctions d’inquisiteur, et si plus tard, des tribunaux américains furent créés, en 1570 à Lima, 1571 à Mexico (celui dont dépendait le commissariat de Manille) et en 1610 à Carthagène des Indes, et en dépit du fait que, dans un premier temps, elle put s’en prendre aux indigènes supposément convertis qui retombaient dans leur paganisme premier154, l’inquisition n’eut pas vocation à poursuivre les délits de foi des nouveaux convertis du Nouveau Monde, qui étaient pris en charge en la matière par les tribunaux ecclésiastiques ordinaires, définis dans ce cas comme tribunales de naturales ou Inquisición ordinaria155.
Dans le cas ici résolu, la question qui se pose est de savoir, dans le cadre d’une « république » chrétienne, dans quelle mesure des crimes religieux pouvaient être définis pour des populations non-chrétiennes et quelles institutions pouvaient les réprimer. L’enjeu est majeur et spéculativement subtil, puisqu’il s’agit typiquement d’un cas pour lequel le théologien doit articuler différents niveaux de référents légaux : droit naturel, droit civil antique et moderne, droit ecclésiastique et même droit chinois, autant que celui-ci pouvait être compris par un missionnaire jésuite assigné aux Philippines au début du xviie siècle.
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Pregúntase si el Juez Ecc[lesiástic]o Ordinario de esta Ciudad podrá castigar a los Sangleyes Chinas, que viven en ella, por el pecado de la Ydolatría, y generalmente se pregunta si los Juezes Ecc[lesiástic]os, o Seculares, podrán obligar a los Gentiles que viven en Tierras de Christianos a que guarden la Ley Natural, y castigarlos por el quebrantamiento de ella.
Comúnmente los Authores, ansí Teólogos como Juristas, convienen en que los Juezes Chr[is]tianos pueden compeler a los Gentiles que viven en sus Tierras a que guarden la Ley Natural, y castigarles por el quebrantamiento de ella, como son pecados de Ydolatría, pecado nefando156, injurias de tercero, y todo lo que se puede convencer, que es contra razón natural, pero no les pueden compeler a que dejen su secta, y reciban la fee, por que por esso no les podemos convencer con razón natural. Puédese probar esta conclusión con las Leyes que hizo Constantino Magno Emperador157, las quales alava San Ambrosio en la Epístola 30158, y en ellas el Príncipe manda que todos los Gentiles súbditos a Su Ymperio quebranten los Ýdolos y dexen los Sacrificios, donde no, que sean gravemente castigados. Estas Leyes aprueba San Ambrosio en la Epístola 48 y 50. Lo mismo hizo el Emperador Teodosio como lo dizen las Leyes 2ª, 4ª y 6ª c. de paganis sacrificiis et Temples159, y en el concilio Elibertino, Canone 46160, se manda a los Amos que tienen esclavos Ynfieles que no les consientan tener ýdolos, y en el Concilio Cartaginense 5° canone 15161, se trata de deshazer todos los Ýdolos &c., y Greg[orio] 13162 lo declaró en una Bulla, y Constitución que hizo contra los Judíos. La razón de esto es por que la República tiene potestad para obligar a los que viven en ella a que vivan según razón natural, y a castigar lo contrario.
Este derecho tienen los Juezes, assí Ecctos como seglares, por que es mixti fori163, y quando un gentil se sujeta al Gobierno de una República, es según el Orden Judicial que tiene, en el qual entra el derecho mixti fori. Y el Juez Eccto puede quitar los Escándalos que los Gentiles dan a los Christianos, repellendo et po[e]niendo164, y lo que dixo San Pablo de [at istud] his qui foris sunt. Quid ad nos[?165]. Se entiende de lo que toca a sus sectas, o de los que son sui iuris, y que no están sujetos a nuestra República, pero en los súbditos, aunque sean Gentiles, siempre se ha guardado este estilo de no consentirles pecados contra la Ley natural. Y assí se haze en Roma con la sinagoga de los Judíos. Y en esta tierra se ha estendido, a no dejarles trabajar los Domingos, assí por quitar el escándalo que pueden tomar los Yndios como también por que en esto en cierta manera los hazen guardar la Ley Natural, que según allá [h]avían de dar algunos días a Dios166. Y puede el Príncipe Chr[is]tiano señalarles los días para que conste, y assí ha señalado los Domingos. Pero lo que toca a la Ydolatría es más claro y cierto en los Doctores, y assí no parece que se puede poner duda, S. Tomas, 2ª 2ª, q.e 10 an 11, Antonino167, Silvestro, Cayetano, Cobarr[ubias], Panormitano168, Albertino169, Turrecrementa170, Victoria, Simancas171, Maestro Azo172, L. 8, insti. Moral, c. 24, y otros muchos.
Y en lo que toca al derecho que tiene la Yglesia de defenderse ab injuriis illatis et a scandalis173 que dan los Gentiles a los Christianos, es muy llano, y antes fuera absurda, y contra Razón Divina y Humana, no reprimir estos pecados pudiéndolo hazer, como se ha dicho con los Gentiles que viven en n[uestr]as Tierras. Confirma esto la costumbre recebida en esta tierra ab initio nascentis Ecclesia, que el Juez Eccto ha castigado [los] delicto[s] de los Sangleyes, y sobre esto, a los principios, [h]ubo Consultas de Teólogos, y la Audiencia Real pasó por ello. Manila, 6 de Marzo 1614.
On demande si le Juge Ecclésiastique Ordinaire de cette Ville pourra punir les Sangleys chinois qui y vivent, pour le péché d’idolâtrie, et on demande généralement si les Juges Ecclésiastiques ou séculiers pourront obliger les gentils qui vivent en terres de chrétiens à garder la Loi Naturelle, et les punir s’ils l’enfreignent.
Communément, les auteurs, théologiens comme juristes, conviennent que les juges chrétiens peuvent obliger les gentils qui vivent en leurs terres à garder la Loi Naturelle, et les punir s’ils l’enfreignent, comme dans le cas du péché abominable156, les injures à des tiers, et tout ce dont on peut se convaincre que cela va contre la raison naturelle, mais ils ne peuvent pas les contraindre à abandonner leur secte, et à recevoir la foi parce que, pour cela, on ne peut pas les convaincre par la raison naturelle. On peut prouver cette conclusion par les Lois que fit l’Empereur Constantin le Grand157, lesquelles sont louées par Saint Ambroise dans l’Épître 30158, et dans celles-ci le Prince ordonne que tous les gentils sujets de son empire détruisent les idoles et abandonnent les sacrifices, et quand ils ne le feraient pas, soient gravement châtiés. Saint Ambroise approuve ces lois dans l’Épître 48 et 50. L’Empereur Théodose fit de même comme le disent les Lois 2, 4, et 6 c. de paganis sacrificiis et Temples159 et, dans le concile d’Elvire, Canon 46160, on demande aux maîtres qui ont des esclaves infidèles qu’ils ne les autorisent pas à avoir des idoles, et dans le concile de Carthage, 5 canon 15161, il est question de briser toutes les idoles &, et Grégoire XIII162 l’a déclaré dans une Bulle et des Constitutions qu’il fit contre les Juifs. La raison de ceci est que la République a le pouvoir d’obliger ceux qui y vivent à vivre selon la raison naturelle, et à punir le contraire.
Les Juges, ecclésiastiques comme séculiers ont ce droit parce qu’il s’agit de mixti fori163, et quand un gentil se soumet au Gouvernement d’une République, c’est selon l’Ordre Judiciaire que celle-ci possède, dans lequel entre le droit mixti fori, et le Juge Ecclésiastique peut mettre un terme aux scandales des gentils vis-à-vis des chrétiens repellendo et poniendo164, ce que dit Saint Paul [en demandant] que [at istud] his qui foris sunt. Quid ad nos[?165]. On peut accepter ce qui touche à leurs sectes, ou [ce qui concerne] ceux qui sont sui iuris, et qui ne sont pas assujettis à notre République, mais en ce qui concerne les sujets, même gentils, on a toujours gardé cette règle de ne pas consentir qu’ils pèchent contre la Loi naturelle. Et ainsi fit-on à Rome avec la synagogue des juifs. Et cela s’est étendu à cette terre, en ne les [i.e. les Sangleys] laissant pas travailler les dimanches, pour éviter le scandale auprès des Indiens mais aussi parce qu’en cela on leur fait en quelque manière garder la Loi Naturelle, puisque là-bas ils devaient aussi donner quelques jours à Dieu166. Et le Prince Chrétien peut leur imposer les jours à cet effet, et ainsi il a désigné les dimanches. Mais en ce qui concerne l’idolâtrie, cela est plus clair chez les Docteurs, de sorte qu’il nous semble qu’il ne peut y avoir de doute, [voir] S. Thomas 2nde q.e 10 an 11, Antonino167, Sylvester, Caietanus, Covarrubias, Panormitanus168, Albertinus169, Turrecrementa170, Victoria, Simancas171, Maître Azo172, L. 8, insti. Moral, c. 24, et bien d’autres.
Et en ce qui concerne le droit qu’a l’Église de se défendre ab injuriis illatis et a scandalis173 que font les gentils aux chrétiens, cela est très clair, et le contraire serait absurde, et contre la Raison Divine et Humaine de ne pas réprimer ces péchés alors qu’elle peut le faire comme on l’a dit avec les gentils qui vivent en nos terres. Ceci est confirmé par la coutume reçue ab initio nascentis Ecclesia en vertu de laquelle le Juge Ecclésiastique a puni les délits des Sangleys, et à ce propos il y eut au début des Consultations de théologiens et l’Audiencia Royale a statué à ce sujet. Manille, 6 mars 1614.
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De la représentation des comédies
Tome I, Partie 2.1174, Diego de Bobadilla, 25 février 1626, f. 55v-56v
Aux Philippines, la mise en scène spectaculaire des mystères de la religion chrétienne et, plus généralement, les représentations théâtrales, constituèrent un élément de première importance dans le processus d’acclimatation de la culture hispanique au sein des populations natives des basses-terres de l’archipel philippin175.
Ici, ce sont les comédies ou représentations théâtrales de sujets issus de la culture chinoise à destination de la communauté sangley de Manille qui sont en question. Objet dans un premier temps de curiosité, voire d’admiration pour la bienséance de leur propos aux yeux du jésuite Alonso Sánchez176, elles furent pourtant dénoncées comme immorales à même la porte de l’église de Saint Dominique par le père Cristóbal de Salvatierra en 1592 et par conséquent interdites. Cependant, comme souvent en matière de mesures concernant la communauté des Sangleys, il semble que quelques arrangements, sans doute pécuniaires, aient permis de passer outre les prohibitions formelles.
Le témoignage du père Bobadilla de 1626 nous permet de constater que, à cette date, ces représentations étaient parfaitement admises177, puisque ce n’est en aucun cas leur bien-fondé, et donc un quelconque enjeu moral, qui est ici en question pour le jésuite. La perspective de celui-ci semble d’ailleurs pouvoir être qualifiée de libérale, puisque, strictement au même titre que la communauté hispanique, il défend le droit de la « République du Parian » aux bénéfices de l’administration espagnole en matière d’organisation de divertissement publics de son goût.
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Si el Alcalde mayor del Parián puede llevar algo por dar Licencia para Comedias
Pregúntase si el Alcalde mayor del Parián puede llevar cosa determinada por dar Licencia para hazer Comedias los Sangleyes, como son doce capones, advirtiendo que en otros tiempos por costumbre se llevaba mucho más, y que esto es gracia, y no Justicia.
Respondo, que por ningún caso se puede llevar cosa determinada, porque el Juez no puede llevar nada, si no es alguna cosa de comida de poca monta, Liberalmente, dada sin obligación como determina en el derecho cap. Statut. # in super in 6°, donde se dice que el Juez no pueda recebir nisi forte esculentum aut poculentum mera Liberalitate oblantum q.d paucis diebus consumi possit178, lo qual aún se e[s]trecha más en las Leyes de la nueva recupilación, donde ni aún cosas de comer se permite rec[i]vir (recupilación donde ni aún cosas de comer se permite[n]) à los Juezes, pero quando fuese por mera Voluntad del que lo da sin violencia, ni que entienda que ha de negociar mejor por llevar los pies en las manos, no repararía en recevir algún capón, o un par de gallinas &c.
La razón es a mi parecer llana, porque esto no es gracia sino Justicia. Debe el que govierna dar algunos regocijos y entretenimientos a la República, que se le encarga, y por esto no debe llevar nada, como el Señor Governador no lo podría llevar por dar licencia para correr toros, o jugar cañas179 &c. Porque todo esto toca a la buena administración de la República que le han encargado […].
Donde aun [h]ay otra razón muy particular, y es que esta República del Parián da mil pesos180 al Alcalde Mayor para la Justicia que exercita y Gobierno que tiene, y assí el darles los entretenimientos convenientes de Comedias, y Juegos [de] su Pasqua ya está pagado, y no puede llevar más.
Ni vale decir que [h]ay costumbre, porque es irracional y al mal uso [toca] quebrale la pierna, y para que la costumbre haga Ley, son menester muchas cosas, que aquí no concurren, que dexo por brevedad. Esto se me ofrece salvo mejor parecer. Fecha en este Colegio de San Joseph de la Compañía de Jesús, Febrero 25 de 1626.
Si l’Alcalde mayor du Parian peut recevoir quelque chose pour autoriser la représentation de comédies
On demande si l’Alcalde mayor du Parian peut recevoir quelque chose pour donner une licence afin que les Sangleys puissent représenter des comédies, par exemple douze chapons, étant donné qu’en d’autres temps on avait pour coutume de prendre beaucoup plus, et qu’il s’agit d’une question de grâce, et non de Justice.
Je réponds qu’en aucun cas on ne peut recevoir quelque chose parce que le Juge ne peut rien prendre, si ce n’est quelque nourriture de peu de valeur, libéralement donnée, sans obligation, comme cela est déterminé dans le chapitre statut. # in super in 6°, où il est dit que le Juge ne peut recevoir nisi forte esculentum aut poculentum mera Liberalitate oblantum q.d paucis diebus consumi possit178, ce qui est encore davantage restreint dans les lois de la Nouvelle Compilation où on n’autorise pas même les choses à manger (compilation dans laquelle même les choses à manger sont permises) aux Juges. Mais quand cela serait par pure volonté de celui qui le donne sans violence, et non pas parce qu’il entend qu’il pourra négocier plus facilement en graissant quelque patte, on peut admettre de recevoir quelque chapon, ou une paire de poules etc.
La raison en est à mon sens très simple, parce que ce n’est pas de la grâce mais de la Justice. Celui qui gouverne doit quelques réjouissances et divertissements à la République, qui l’en charge, et pour cela il ne doit rien prendre, comme le Sieur Gouverneur ne pourra rien prendre pour donner l’autorisation d’une corrida de taureaux, ou une joute de roseaux179 etc. Parce que tout cela touche à la bonne administration de la République qu’on lui a confié […].
Là où il y a encore une autre raison particulière, c’est que cette République du Parian donne mille pesos180 à l’Alcalde mayor pour l’exercice de la Justice et sa gouvernance, et ainsi le fait de leur donner les divertissements convenables que sont les comédies et les jeux de leurs Pâques est déjà payé, et il ne peut prendre plus.
Et il ne vaut pas de dire qu’il s’agit d’une coutume, parce que c’est irrationnel et il faut casser le bras aux mauvais usages, et pour que la coutume fasse Loi, beaucoup de choses sont nécessaires, qui ne concourent pas ici, ce que je laisse par souci de brièveté. Voici ce qui se présente à moi sauf meilleur avis. Fait dans ce collège de Saint Joseph de la Compagnie de Jésus le 25 février 1626.
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Des cheveux des Sangleys
Tomo I, Parte 2.1, Diego de Bobadilla, 2 de diciembre de 1628, f. 105r-108r
Le débat autour de l’opportunité ou non de permettre aux Sangleys de se faire baptiser avec leurs cheveux long181, qui impliqua l’intervention de Philippe II en personne, est bien connu, à tel point qu’on trouvera difficilement un article dédié aux interactions entre Espagnols et Chinois aux Philippines qui ne lui consacre pas quelques lignes. Il convient cependant de noter que les Chinois ne constituèrent pas la seule communauté pour laquelle la question de la coupe des cheveux au moment du baptême se fût posée, puisque d’après Juan de Solorzano, compilateur des lois des Indes, le problème s’était d’abord présenté avec des Indiens du royaume de Nouvelle Grenade (actuelle Colombie) et avait donné lieu en 1582 à l’émission d’une cédule enjoignant l’archevêque à ne pas démotiver les indigènes en les obligeant à ce qui constituait pour eux un déshonneur182. Il en alla de même pour les Sangleys, puisque l’Audiencia ayant écrit en 1585 au Conseil des Indes afin de rapporter, entre autres plaintes, que l’évêque Salazar avait imposé cette mesure très mal acceptée par les intéressés, aux yeux desquels cette disposition était celle qu’on imposait en Chine comme châtiment aux délinquants183, le roi décida d’interdire cette pratique dès 1587184.
Le baptême fut dès lors reçu par de nombreux Sangleys, puisqu’il permettait en théorie l’obtention du statut d’habitant officiel de la colonie sans avoir à s’acquitter du permis de résidence et exemptait durant dix ans du paiement du tribut185. Mais la pratique, ou pour le moins, la menace de son exécution, continua à être effective, comme en témoigne une information de la ville de Manille relayant une demande des dominicains de l’année 1621186, à laquelle ferait suite l’envoi d’un mémorial des Sangleyes en 1625187, ce qui donna lieu, à la demande du dominicain Melchor Manzano, à l’émission d’une nouvelle cédule renouvelant l’interdiction en 1627188.
Le cas ici présenté ne revient pas sur la question de la coupe des cheveux au moment du baptême mais questionne la légitimité de la coupe des cheveux en vue de passer une étape supplémentaire dans le processus d’intégration des Sangleys dans la colonie, à savoir le mariage, ce qui constitue un aspect beaucoup moins connu de la question. Dans la plupart des cas, les Sangleys se mariaient avec une femme indigène puisque la majeure partie des Chinois qui venaient s’établir aux Philippines étaient des hommes célibataires, tout au moins officiellement189.
L’objectif de cette mesure tel qu’affiché par Bobadilla et approuvé par l’ensemble de la colonie, à l’exception des dominicains en charge de la communauté Sangley du Parian, était double. D’une part, éviter l’augmentation exponentielle des résidents permanents d’origine chinoise, ce qui ne manquerait pas d’exposer la « République » des Espagnols à un grave danger. D’autre part, protéger les indigènes d’une excessive promiscuité, jugée fortement dommageable à leur christianisme encore fragile, avec une population jugée éthiquement nuisible. Il semble bien que cet avis, sanctionné par l’archevêque Miguel García Serrano, ait triomphé dans les usages de la colonie des Philippines, puisqu’une cédule de 1645 évoque des Sangleys mariés sans cheveux190.
Cependant, il est à souligner que, comme le lecteur le constatera, le point de vue du casuiste jésuite s’éloigne fortement du sermon moralisant. Bien au contraire, il mobilise la notion de Raison d’État191 dans une perspective notoirement laïque, ce qui inscrit Bobadilla dans une ligne de pensée très politique, pour ne pas dire quasi-machiavélienne, au vu de sa définition de la religion comme « la cause de la loyauté et fidélité aux Princes ». On retrouverait de façon bien plus radicale l’expression de cette perspective « politique » une vingtaine d’années plus tard chez un autre missionnaire jésuite aux Philippines, Francisco Combés, qui officierait lui aussi comme théologien au collège de Manille192.
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Si los Sangleyes se casarán con Cavello
Éste fue [e]l parecer del Cavildo Ecclesiástico en cuyo nombre le di [y]o [a]l Señor Dean Dn Miguel Garzetas, y le hize y[o]193.
Lo que se consulta es si se dará licencia para que los Sangyes, como se bautizan con síllo, se casen con él.
Mi parecer es que no se dé tal permiso, sino que se proceda como [h]asta aquí. Fúndomelo primero en la costumbre tan antigua de estas Yslas, por la qual han pasado tantos prelados194, tantos Varones Doctos, religiosos, siervos de Dios, tan Zelosos del bien de las almas, y conversión de los Gentiles, que todos han corrido con esto, para lo qual sin duda tuvieron muchas y muy graves Razones, y agora no las [h]ay tan Urgentes para inmutar cosa tan asentada.
Lo 2° me fundo en una Razón de Estado Christiano porque, casándose con síllo, serían en breves años muchíssimos, los que tomasen [este] estado, por que alcansarse parece que era ane[x]o no obligarles a tomar licencia [de residencia]. Bien se puede presumir de la cudicia de los Sangyes, que en breves años sería infinito el número de los cazados con síllo. Pues aviendo tan poca sílload (como se dice) de su Christiandad, que es la que causa [de la] Lealtad y Fidelidad a los Príncipes, bien [se] sí en quanto peligro quedarían estas Islas, y que por ventura nos veríamos obligados a hacer, lo que hizo n[uest]ra España con los moriscos, aunque eran bauptisados, y Casados, y algunos sin falta eran buenos Christianos, pues se ha visto que de ellos han perecido algunos martirio en Berbería por no renegar, y con todo esso se atropelló195 por todo por el bien común y seguridad de España196. Pero quanto mejor será acudir con tiempo al inconveniente, pues el daño con tanta sílload y aun con certidumbre se puede temer, multiplicándose en tanto número los Enemigos en Casa.
Lo 3° me fundo en otros inconvenientes que se siguieran, por que estos Sangleyes casados con Cavello, o han de Vivir en el Parián, o en los Pueblos de los Yndios donde se casan. Lo primero bien [se] sí quan inpusible [e]s. Lo 2° sería perniciosocíssimo a los Indios197, a quienes sería fuerza que se les pagasen las malas costumbres de los Sangyes con su comunicación y trato. [¡]Quién les [h]avía de evitar el entrar en casa de las Indias, que luego dirían eran parientas de su mujer[¡] [¡]Quién podría estorvar que en las Casas de los dichos Sangleyes casados entrasen Sangleyes gentiles a título de parientes, que estos todos son primos, y hermanos, como negros198[¡] Y de aquí bien [se] sí el inconveniente que se seguiría de amancebamientos de gentiles con Christianas, y de los pecados, por [los cuales] Dios abrasó a síll, pues harto buena sería, que por mirar por el bien (que no lo es en Realidad de Verdad) de Unos Estrangeros, atropellamos el daño tan irreparable de los Indios naturales que devemos tener por hijos, y de quienes el Rey Nuestro Señor hace tanto caso, y manda favorecer y amparar.
Las Razones que por la parte contraria se representan tienen fácil salida. A la primera digo que el hacer que se quiten el síllo para casarse no es violencia, ni ponerles un puñal a los pechos, como se dice, sino ponerles alguna dificultad necesaria y justa, que ellos pueden vencer, y no tan dificultuosamente como se representa, pues el no traer síllo [largo] en esta tierra no es deshonrra, que ellos ven que los [que] gobiernan y mandan no le traen, con ser estimados, y reverenciados de los demás, ni es contra esto el cap° nono de reform[ation]e matrimonii sess. 24 del Concilio Tridentino199, que habla solamente de los Señores temporales y magistrados que, por codicia de alguna grande herencia, con síllo y penas, fuersan a sus súbditos a casarse con ésta o con aquella, ni menos es ilícito poner semejantes dificultades necessarias al matrimonio, porque un Príncipe, aun P[adr]e200, no peca en impedir un matrimonio indigno con medios suaves, con que no haya Violencia ni fuerza. Assí lo tiene Córdova201, in Summa, q. 171 po 1, notab. 2, Luiz López, cap. 44 si aliquis, Vega202, in Summa, lib. 5, caso 558, Gutierres203, questionibus canonicis, lib. 1, c. 20, n. 27, Salón204, 22, ttt. De dominio, q. 5 ar. 5, y si fuere violencia et metus cadens in virum constantem205 el mandarles quitar el síllo para casarse, con mucha mas Razón diríamos que lo era el Pe desheredar el a su hija que se casa contra su Voluntad. En tales circunstancias pues mayor miedo parece que se pone a una doncella en amenasarla con que perderá doscientos mil ducados de herencia si se casa con aquel que quiere, que no a un Sangley con obligarle a quitar el síllo, y con todo esso las leyes permiten que el Pe desherede a su hija, si contrae semejantes matrimonios, como se puede ver en Thomás Sánchez206, Lib. 4 de matr., Disp. 24.
A la 2a razón se responde que (como personas inteligentes, que muchos años han tratado al más207, dicen) no es el remedio para semejantes Vicios como tienen los Sangleyes el casarse, sino el clamar al cielo, penitencias, y otras cosas que ponen los Stos Pes.
A la 3ª Razón, la experiencia ha mostrado que la gente más inútil a esta República son los Sangleyes Xpnos, y sus hijos mestizos, pues por la mayor parte son [h]olgaçanes jugadores, perdidos pleitistas, como [se] sí.
A la 4ª Razón digo que en lo que toca a las cabelleras postizas, no sé como ello se es, solo sé que los que se cortan el síllo muy raros y con dificultad se vuelven a China, y no sería sí, si con síllo se casasen, antes parece que el casarse con síllo se ordena a que se vuelvan a China, que fue la Razón que se dio quando se trató de bauptisarlos sin quitársele, pues para venir en las Philips no tienen síllo de síllo, lo qual es un nuevo y gravíssimo inconveniente, porque pensar que un Sangy, con la fee tan muerta como dicen, la inclinación a los Vicios tan viva, ha de ir a su tierra, done está la síl que tenía en su gentilidad, y sus hijos, ha de guardar castidad, es pensar, que el cielo es de bolla208. Y, [¿]quantos no síllo acá más, quantos se quedarán ella209 con ignominia del bautismo y Religión Xpna[¿] Decir que den fianzas de que síllo con la síl Xpna que acá tienen, es algarabía, pues unos dirán que no tienen quien les fíe, y lo más ordinario será no tratar de nada, sino enbarcarse a la partida de los navíos de China, que lo podrán hacer con grande facilidad. Esto es lo que se me ofrece, salvo mejor parecer, fecha en Manila, a 2 de Diziembre de [1]628.
Si les Sangleys se marieront avec leurs cheveux
Ceci fut l’avis du Chapitre Ecclésiastique au nom duquel Monsieur le Doyen Don Miguel Garzetas l’a donné [à l’archevêque], et c’est moi qui l’ai fait193.
Ce qui est soumis à consultation est de savoir si les Sangleys, comme ils sont baptisés avec leurs cheveux, pourront se marier avec ceux-ci.
Mon avis est qu’on ne donne pas cette permission mais qu’on procède comme on a fait jusqu’ici. Je me fonde en premier lieu sur la coutume si ancienne dans ces îles, par laquelle sont passés tant de prélats194, tant de Doctes Messieurs, des religieux, des serfs de Dieu, si zélés pour le bien des âmes, et la conversion des gentils, qui tous ont suivi cette direction, ce pour quoi ils eurent sans aucun doute de nombreuses et sérieuses raisons, lesquelles ne sont pas présentement si urgentes pour changer ce qui est si établi.
En 2ème lieu, je me fonde sur une Raison d’État Chrétien, parce que, s’ils se mariaient avec leurs cheveux, très nombreux seraient ceux qui en quelques années embrasseraient cet état, parce qu’il semble qu’il était annexe à ce qu’ils ne dussent pas obtenir de licence de résidence. On peut bien présumer de l’avidité des Sangleys qu’en quelques années il y aurait une infinité d’entre eux mariés avec leurs cheveux. Et comme on est si peu satisfait (comme on le dit) de leur chrétienté, ce qui est la cause de la loyauté et fidélité aux Princes, on sait bien en quels périls se trouveraient ces îles, et que peut-être nous nous verrions obligé de faire ce que fit notre Espagne avec les morisques, bien qu’ils étaient baptisés, mariés, et même sans aucun doute de bons chrétiens, puisqu’on a vu que certains d’entre eux ont souffert le martyr en Barbarie pour ne pas avoir voulu renier leur foi, et malgré tout on est passé outre195, pour le bien commun et la sécurité de l’Espagne196. Ô combien meilleur sera-t-il de remédier préalablement au problème, puisque le dommage peut être craint en toute probabilité et même certitude, démultipliant les ennemis dans la maison.
En 3ème lieu, je me fonde sur d’autres inconvénients qui en résulteraient, parce que ces Sangleys mariés avec leurs cheveux, soit devront vivre dans le Parian, soit dans les villages des Indiens où ils se marient. On sait bien que la première éventualité est impossible. La 2ème serait éminemment pernicieuse pour les Indiens197, qui se verraient imposées les mauvaises mœurs des Sangleys par leur communication et fréquentation. Qui les empêcherait d’entrer dans les maisons des Indiennes, dont ils diraient ensuite qu’elles sont parentes de leur femme ! Qui pourrait interdire que dans les maisons desdits Sangleys mariés n’entrent des Sangleyes gentils au titre de parents, puisqu’ils sont tous cousins, et frères, comme des noirs198 ! Et de là on connaît bien l’inconvénient qui en résulterait, le concubinage de gentils avec des chrétiennes, et les péchés pour lesquels Dieu a embrasé Sodome. Elle serait bien bonne, si au nom du bien (qui ne l’est pas en réalité et vérité) d’étrangers, nous provoquions l’irréparable perte des Indiens natifs que nous devons tenir pour nos fils, et dont le Roi Notre Seigneur fait tant de cas, et demande de favoriser, et protéger.
Les raisons qui militent en faveur du contraire sont faciles à défaire. À la première je dis que faire en sorte qu’ils se coupent les cheveux pour se marier n’est pas leur faire violence, ni leur mettre un couteau sous la gorge, comme on dit, mais plutôt leur imposer quelque nécessaire et juste difficulté, qu’ils peuvent vaincre, et pas si difficilement, comme on se le représente, puisque le fait de ne pas avoir les cheveux longs en cette terre n’est pas un déshonneur, que ceux qui les gouvernent et commandent ne les portent pas long, et sont pourtant, estimés et révérenciés des autres, et cela ne va pas contre le chapitre neuvième de reform[ation]e matrimonii sess. 24 du Concile Tridentin199, qui parle seulement des Seigneurs profanes et magistrats qui, par cupidité face à un gros héritage, forcent en les menaçant et châtiant leurs sujets à se marier avec celle-ci ou celui-là, et il n’est pas moins illicite de mettre de pareilles difficultés au mariage, parce qu’un Prince, même Père200, ne pèche pas en empêchant un mariage indigne par des moyens subtils, par lesquels il n’y a ni violence ni force. C’est ce que dit Cordoba201, in Summa, q. 171, po 1, notab. 2, Luiz Lopez, chap. 44 si aliquis, Vega202 in Summa, lib. 5, cas 558, Gutierres203, questionibus canonicis, lib. 1, c. 20, n. 27, Salon204, 22 ttt. De dominio, q. 5 ar. 5, et quand bien même il s’agirait de violence et metus cadens in virum constantem205 en leur exigeant de se couper les cheveux pour se marier, avec grande raison nous dirions que c’est aussi le cas du père qui déshérite sa fille qui se marie contre sa volonté, car il semble qu’en de telles circonstances c’est une plus grande peur qu’on inflige à une jeune fille en la menaçant de perdre deux mille ducats d’héritage si elle se marie avec celui qu’elle aime, que celle d’un Sangley à qu’on oblige à se couper les cheveux et, malgré tout, les lois permettent que le père déshérite sa fille si elle s’engage dans un tel mariage, comme on peut le voir chez Thomas Sanchez206, Lib. 4, de matr., Disp. 24.
A la 2ème raison on répond que (comme des gens intelligents, qui ont traité durant de nombreuses années des questions plus épineuses207, le disent) le mariage n’est pas le remède à des vices tels que ceux des Sangleys, mais plutôt clamer au ciel, les pénitences, et d’autres choses que posent les Saints Pères.
À la 3ème raison, l’expérience a montré que les gens les plus inutiles à la République sont les Sangleys chrétiens, et leurs fils métisses, car la majeure partie d’entre eux sont des joueurs fainéants et des ratés procéduriers, comme on le sait.
À la 4ème raison je dis que, en ce qui concerne les chevelures postiches, je ne sais pas ce qu’il en est, je sais seulement que ceux qui se coupent les cheveux retournent rarement et difficilement en Chine, ce qui ne serait pas le cas s’ils se mariaient avec leurs cheveux. On dirait même que le fait de les marier avec leurs cheveux a pour objet de leur permettre de revenir en Chine, ce qui fut la raison qu’on donna quand on essaya de les baptiser sans les leur ôter, parce que, pour venir aux Philippines, ils n’ont pas besoin de leurs cheveux, ce qui est un nouveau et très grave inconvénient, parce que penser qu’un Sangley, avec la foi si morte qu’on leur attribue et l’inclination au vice si vive, va se rendre en sa terre, où se trouve sa femme, qu’il avait dans sa gentilité, et ses fils, et qu’il va demeurer chaste, c’est penser que le ciel est une boule208. Et combien ne reviendront pas ici, combien préféreront celle-là209, pour la plus grande ignominie du baptême et de la Religion Chrétienne ? Demander qu’ils donnent des garanties qu’ils reviendront avec la femme chrétienne n’est que billevesée, car d’aucuns diront qu’ils n’ont personne auprès de qui donner des garanties, et le plus sûr est que rien ne sera fait, si ce n’est qu’ils s’embarquent au moment du départ des navires de Chine, ce qu’ils pourront faire très facilement. Voici ce qui me semble, sauf meilleur avis. Fait à Manille le 2 décembre 1628.
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Auto del Señor Arzobispo sobre cortarse el cabello los Sangleyes para casarse
En la Ciudad de Manila, en tres días del mes de Dicre de mil seiscientos Veinte y ocho años, estando en la Cathedral de la dicha ciudad, Domingo primero de Adviento, el Il[ustrísi]mo, R[everen]do S[eñ]or Don Fr. Miguel Garzía Serrano210, Arzobispo de Manila, del Consejo de su Magd &c., propuso al síllo Ecclesiástico, Religiones, y a los demás Letrados seglares que se hallaron presentes, conviene a saber el Dean Dn Mig[ue]l Garçetas, [el] maestrescuela Dn Miguel de Velasco, Pe Fr. Francisco de Herrera comisso del Santo Oficio211, Prior y Vic° Provl de la Orden de Santo Domingo, Pe Diego [A]Duarte, Vico del convento de los Reyes del Parián de los Sangleyes212, Pe Fr. Andrés de Sacramto, Provl de la Orden de San Francisco, Pe Fr. Antonio de San Gregorio, Definor213 y Guardián de Dilao214, Pe Fr. Alonso de Ampudia, Guardián de Sta Ana215, Pe Fr. Juan de Talacón, Guardián de Polo216, Pe Fr. Juan de Montemayor, Prior del Convto de Parañaque217 de la Orden de San Augustín, Pes Diego de Bobadilla, Francisco de Roa, lectores del Colegio de la Compa[ñía] de Jesus, y Pe Pedro Parrado, Min[ist]ro de Santa Cruz218, de la misma orden, Pe Fr. Benito del Sp[írit]o Santo, Prior del convento de S. Nicolás de esta ciudad219, Pe Fr. Gaspar de Sta Mónica, Prior del Convto de San Pablo220, Dor Juan F[ernánd]ez de Ledo, Liz[encia]do, Dn Rodrigo de la Barreda, y Lizdo Alonso Ramíres Brabo, Racionero de la dicha Santa Iglesia221, a los quales, todo como dicho, [l]es propuso el dicho Sor Arzbpo las Razones que nuevamente alegan los Pes Min[ist]ros de los Sangleyes para las quales se les debe admitir al sacramento de matrimonio sin forsarles que se corten el síllo, como los circunstantes todos síll por un papel que el dho Señor Arzobispo [h]avía embiado sí al Cavildo Ecclesiástico como a cada una de las Religiones y a los demás Letrados que se hallaban en la dicha junta síll días antes p[ar]a que lo tuviesen visto, y síll su parecer en neg[oci]o de tan gran peso, sin embargo de lo determinado por Su Señoría Illma en la junta que el año pasado de Seiscientos y Veinte [y siete], en trese de Octe, hizo en la dha Cathedral sobre el mismo artículo. Pues [h]aviendo nuevas Razones, era justo hubiese nueva determinación, y [h]aviéndose vintilado, y dificultado el caso, unánimes, y conformes todos, Cavildo, Religiones, y Letrados (fuera de los Pes Fr. Francisco de Herrera y Fr. Diego [A]Duarte)222, se conformaren que en ninga manera se devía innovar el auto s[usodic]ho de treze de Octe de seiscientos y Veinte [y siete], done se determinó con muy grande acuerdo no se consintiese a ningún Sangy con síllo que se pudiese casar, ni se le admitiese al Sto matrimonio si no se le cortava antes por las Razones que en la dha junta se refirieron, y sí mesmo se acortase la mano a los Min[ist]ros de Indios que no pudiesen bauptisar a Sangy alguno con cabello, y aunque se le quería cortar, sin avisar primero a su Prov[incia]l o al que dexa en su lugar qdo falta de la Prova, para que el dicho Pe Provl o su Vic[ari]o examine, o haga examinar, el Spíritu del dicho Sangy, y la capacidad que tiene sí en catezismo como en lo demás en que debe estar para recibir el Sto bpmo, para que se le dé, o se baya dilatando por el t[iem]po que pareciere convenir, y los Min[istr]os Seglares, aunque sean Vicos foráneos223 no podrán bpzar sí mesmo sin licencia de Su Señoría Illma o de Su Prov[is]or y Vico Genl, lo qual todo el dho Arzobispo lo síll, y tubo por bien, y m[an]dó que se guardese inviolablemte el auto de trece de Octubre del año pasado de Veinte [y siete], en que se ordenó que en manera alguna no se casase Sangy alguno sin cortarse primo el síllo, ni se admitiese al bpmo, aunque se quiera cortar el síllo sin orden de los Supres, como dicho es, y que se dé aviso a los Pes Provles para que lo manden executar cada uno en sus Ministerios, y a mí, el infra escrito notario, que pusiese lo sí tratado en la dicha junta por auto, y su Señoría Illma lo firmó, ut supra Fr. Ill. Arzbpo. Ante mí, Gabriel de Móxica Buytrón not[ari]o […]. Concuerda con el Auto Original de que doy Fee = Gabriel de Móxica Buytrón, noto.
Acte du Sieur Archevêque au sujet du fait de couper les cheveux Sangleys pour se marier
À Manille, le troisième jour du mois de décembre de l’an mille six-cent vingt-huit, en la Cathédrale de ladite cité le premier dimanche de l’Avent, le Très Illustre et Révérent Sieur Don Miguel Garcia Serrano210, Archevêque de Manille, du Conseil de Sa Majesté etc. a proposé au chapitre ecclésiastique, aux ordres religieux, et aux autres lettrés séculiers qui se trouvaient présents, à savoir le Doyen Don Miguel Garcetas, le maître d’école Don Miguel de Velasco, le père Frère Francisco de Herrera, commissaire du Saint Office211, Prieur et Vicaire Provincial de l’Ordre de Saint Dominique, le père Diego Aduarte, Vicaire du couvent des Rois du Parian des Sangleys212, le père Frère Andrés de Sacramento, Provincial de l’ordre de Saint François, le père Frère Antonio de San Gregorio, Définiteur213 et Gardien de Dilao214, le père Frère Alonso de Ampudia, gardien de Santa Ana215, le père Frère Juan de Talacón, gardien de Polo216, le père Frère Juan de Montemayor, Prieur du Couvent de Parañaque217 de l’ordre de Saint Augustin, les pères Diego de Bobadilla, Francisco de Roa, lecteurs du Collège de la Compagnie de Jésus, le père Pedro Parrado, Ministre de Santa Cruz218 du même ordre, le père Frère Benito del Espíritu Santo, Prieur du couvent de San Nicolás de cette ville219, le père Frère Gaspar de Santa Mónica, Prieur du couvent de San Pablo220 le Docteur Juan Fernández de Ledo, Licencié, Don Rodrigo de la Barreda, et le licencié Alonso Ramírez Bravo, Prébendier de ladite Sainte Église221, auxquels, comme il a été dit, ledit Sieur Archevêque a proposé les raisons que nouvellement allèguent les pères ministres des Sangleys, pour lesquelles on doit les admettre au sacrement du mariage sans les forcer à se couper les cheveux, comme tous les membres de l’assistance le savaient du fait d’un document que ledit Sieur Gouverneur avaient envoyé au Chapitre Ecclésiastique comme à chacun des Ordres et aux autres lettrés qui se trouvaient dans ladite réunion quinze jours plus tôt, malgré ce qui se consultassent et donnassent leur avis dans une affaire de si grand poids, cependant de ce qui avait été déterminé par sa Seigneurie Illustrissime dans la réunion de l’année passée, le 13 octobre 162[7], dans ladite Cathédrale sur le même point, de sorte que, de nouveaux arguments se présentant, il était juste qu’on fixât une nouvelle décision et, le cas ayant été relayé, et ses difficultés soupesées, unanimes, et tous d’accord, le Chapitre, les Ordres et les Lettrés (hormis les pères Frère Francisco de Herrera et Frère Diego Aduarte222), furent d’accord pour déterminer qu’en aucune manière on devait innover concernant le susdit acte du treize octobre mille six-cent vingt-sept, où on détermina avec l’assentiment général que ne consentît qu’aucun Sangley ne se mariât avec ses cheveux, qu’il pût se marier ou être reçu dans le Saint mariage si on ne lui coupait pas avant les cheveux pour lesdites raisons référées durant ladite réunion, et de même qu’on imposât aux Ministres qui administrent des Indiens qu’ils ne pussent baptiser aucun Sangley avec ses cheveux, de même si [un ministre] voulait les lui couper sans d’abord en aviser son Provincial ou celui qui en ferait office lorsque la Province n’en aurait pas, pour que ledit père Provincial ou son Vicaire examine ou fasse examiner l’état d’Esprit dudit Sangley et ses capacités en matière de catéchisme, comme en toutes les autres choses nécessaires, pour recevoir le Saint baptême, pour qu’on le lui donne, ou qu’on le diffère pour la durée qui semble convenir, et les Ministres Séculiers, même s’il s’agit de Vicaires étrangers223 ne pourront de même pas baptiser sans l’autorisation de sa Seigneurie Illustrissime ou de son Proviseur et Vicaire Général, toutes choses que ledit Archevêque approuva, et considéra bonnes, et demanda à ce que l’acte du treize octobre de l’année passée de vingt-sept, par lequel on ordonna qu’en aucune façon aucun Sangley sans s’être préalablement coupé les cheveux ne fût admis au baptême même s’il souhaite se couper les cheveux sans ordre préalable des Supérieurs, comme il est dit, fût respecté inviolablement, et qu’on donnât avis aux pères Provinciaux pour qu’ils en ordonnassent l’exécution par chacun dans son Ministère, et à moi, notaire mentionné ci-dessous que je le reportasse traité de la sorte dans ladite réunion sous forme d’acte, et Sa Seigneurie Illustrissime le signa, ut supra Frère Illustrissime Archevêque. Devant moi, Gabriel de Mújica Buitrón, notaire […]. Cela concorde avec l’Acte original, ce dont je donne foi = Gabriel de Mújica Buitrón, notaire.
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Des jeux et de la corruption à l’occasion du Nouvel An chinois
Volume 1, Partie 2.1, Diego de Bobadilla, 3 avril de 1631, f. 144r-153r
Aussi triviale qu’elle pourrait sembler de prime abord, la question des pourboires concédés par les Sangleys à l’occasion des festivités du Nouvel An chinois, et précisément du jeu appelé par les Espagnols metua, qui correspond peu ou prou aux dominos224, constitue le cas le plus long, et peut-être le plus important pour l’historiographie philippiniste, parmi ceux qui sont transcrits dans ce dossier. En effet, c’est toute la dynamique des interactions entre Espagnols et Chinois et le sens des atermoiements ayant historiquement amené la frêle communauté hispanique à ne pas s’engager dans l’expulsion d’une communauté sangley qu’elle appelait pourtant de ses vœux qui s’y trouve éclairé d’un jour nouveau. Ce qui est en jeu ici est donc en quelque sorte le nerf d’une « guerre » qui ne fut pas mené à son terme.
On sait bien que les caisses de Manille dépendaient fortement de la fiscalité sur les Chinois. Ainsi, pour la période quinquennale 1631-1635, les impôts portuaires sur les bateaux chinois représentèrent une moyenne annuelle de 34.284 pesos, les licences de résidence des Sangleys plus du triple, à savoir 116.916 pesos, pour un total représentant 26,66 % des entrées dans les caisses de la colonie philippine, c’est-à-dire bien davantage que le tribut indigène, sachant que le gros du budget de la colonie provenait de l’aide (situado) envoyée par la vice-royauté de Nouvelle-Espagne225. Bien plus impressionnant encore : si l’on se penche sur les ressources de la municipalité de Manille (cabildo), d’après les estimations rapportées par Inmaculada Alva Rodríguez, lesquelles ne sont malheureusement pas circonstanciées, au xviie siècle, leur très grande majorité (87 % dans le graphique proposé) proviennent des rentes obtenues sur la population du Parian226.
Mais il s’agit là de ressources officiellement enregistrées et ne pouvant donc que difficilement faire l’objet de fraude de la part des administrateurs locaux. Or, cela n’est pas le cas des ressources informelles fournies par cette communauté à l’occasion des festivités qu’elle organisait. L’indispensable Juan Gil avait déjà identifié cette source occulte de revenus, et l’avait étudiée autant que faire se pouvait au gré des dénonciations présentes dans la correspondance officielle de la colonie227. Mais le document que nous présentons ci-devant propose une liste complète des individus ayant bénéficié de ces largesses chinoises et des sommes concernés par ces opérations supposément invisibles. Ainsi apprend-on que le gouverneur des Philippines pouvait empocher en pourboires, sur une période de 10 jours, a minima un cinquième de son salaire annuel et certainement plus d’un tiers228, une proportion sans doute infiniment plus importante pour les nombreux officiers subalternes, méticuleusement reportés par Francisco Bobadilla, ce qui constitue déjà et en soi une information précieuse, puisque cette liste dessine l’univers des administrateurs hispaniques qui vivaient en partie au crochet de la communauté des Sangleys, et dont les exactions ne se cantonnaient certainement pas à celles ici en question. Quoi qu’il en fût par ailleurs, le montant total de ces pourboires, 7.800 pesos soutirés en quinze jours, est dans tous les cas absolument considérable.
Juan Niño de Távora, gouverneur de 1626 à 1632, que le théologien jésuite vise particulièrement dans le cas ici présenté ici, de même que dans celui de l’année suivante, semble avoir particulièrement pressuré la communauté des Sangleys, ce qui ne l’empêcha d’ailleurs pas d’émettre des avis extrêmement négatifs sur celle-ci229. En ce qui concerne les licences de résidence, Pierre Chaunu parle d’« un niveau démentiel » pour la période correspondant au mandat de Niño de Távora et de son successeur230. Pour Bobadilla, l’extorsion de la communauté des Sangleys (laquelle, rappelons-le, passait aussi par la menace monnayée de la coupe des cheveux) mise en œuvre par le gouverneur était particulière injustifiable, et il semble qu’il en fut de même pour les intéressés eux-mêmes dès avant le début des années 1630. Ainsi, la communauté sangley envoya, diligemment aidée en cela par les oidores de l’Audiencia, plusieurs plaintes à Madrid, demanda à être administrés directement par des administrateurs chinois, et alla même jusqu’à solliciter que le gouverneur Távora soit démis de ses fonctions231.
Il n’en fut évidemment rien et Madrid réprimanda l’Audiencia pour être passée outre les prérogatives du gouverneur, son président. Il n’en reste pas moins que l’épisode, comme le cas ici présenté, mettent clairement en évidence dans quelle mesure la communauté des Sangleys constitua au plus haut point un enjeu d’argent et de pouvoir qui dépassait de beaucoup la stricte question du commerce de marchandises chinoises et qui configurait profondément, de façon visible ou non, les rapports de force au sein de la petite colonie asiatique.
Pour revenir à la question des pourboires et clore cette courte introduction, il convient de souligner que, par l’intermédiaire de son porte-parole (procurador general), en 1636, le conseil municipal de Manille demanda au roi que les maisons de jeu soient interdites au Parian du fait des excessifs émoluments reçus par les ministres de Sa Majesté232. De cette date à 1656, le sujet fit l’objet de plusieurs courriers réunis dans un rapport de quelque 70 pages en vue d’intégrer ces pourboires dans le budget de la colonie233, ce qui fut demandé par cédule royale en vue de financer les travaux de réparation des fortifications de Manille et la forge d’artillerie234. Mais on était loin d’en avoir fini avec le « problème ». Ainsi, Juan de Paz développe le sujet dans ces résolutions de cas moraux à la fin du xviie siècle235 tandis qu’on peut encore suivre les débats dans les documents des Archives des Indes au début du siècle suivant236.
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De los Juegos y Baratos del Parián de los Sangleyes
Pregúntase la Conveniencia, y Justificazión que [h]ay, o no [h]ay, en los Juegos que los Sangleyes tienen [durante] sus Pasquas en el Parián, y en los Baratos q[ue] se sacan237.
Para responder a este casso, hemos menester ante todas cosas hacer Relación fiel de lo que en esto passa.
Celebran los Sangleyes su Pasqua en la Luna nueva que cae comúnmente en el mes de Febrero238. Los cinco primeros días, cassi todos, pobres y Ricos, los guardan, y festejan, si no es algún miserable, y des[v]enturados. Luego que passan adelante, aunque no todos, en la celebración de la Pasqua, otros diez días, [ha]sta el Plenilunio, que comienza su año nuebo.
Los cinco primeros días, se da Licencia universal para que jueguen todos en el Parián a todos los Juegos, aunque el más común entre ellos es el de Chapas239, y assí Juegan en las cassas, y [h]asta en las mesmas calles, poniendo para ello petates240 y mesillas. Hubo este año de 1631 más de setenta petates y mesillas, y de cada uno daba el que ponía el Juego, entre día y noche, trece pesos cada día de Varato, los quales él yba sacando de los q. se llegan a Jugar (como entre nosotros los Coymeros241 sacan el Naype) tirando dos reales de cada uno, quando ganava estos trece pesos. Se repartieron esto dicho año de 1631, en esta forma, como lo tengo averiguado de muy buenos Originales, y assí no [h]ay que poner duda en ello.
Primeramente, al Alcalde mayor del Parián, se le dava de barato cada día de estos cinco primeros días de Pasqua, un peso, esto es, un tostón242 de día, y otro de noche, de cada petate o mesilla, y le valió este año más de trescientos pesos – U300 p.243
Más, al Mayordomo del Alcalde mayor, un tostón cada día de cada petate o mesilla, que le valdría en proporción ciento y cinquenta pesos – U150 p.
Más, al A[l]guasil mayor del Parián, un peso cada día, que montaría trescientos pesos – U300 p.
Más, a los dos Thenientes del Alguasil mayor, un peso cada día que es un tostón para cada uno – U300 p.
Más, a los quatro bilangos244 Yndios del Alguasil mayor, un tostón al día – U150 p.
Más, al Guarda mayor del Parián, un peso al día – U300 p.
Más, al Theniente del Guarda mayor, un tostón – U150 p.
Más, al Gov[ernad]or de los Sangleyes, un peso al día – U300 p.
Mas, al Theniente del Govor de los Sangleyes, un tostón – U150 p.
Más al E[scriba]no del Govor de los Sangleyes, un tostón – U150 p.
Más, al Nauatoto245 de los Sanges, un tostón – U150 p.
Más, al Es[criba]no Español del Parián, un peso – U300 p.
Más, al Alcayde de la Cárcel, un tostón – U150 p.
Más, al Alguasil de las Visitas de los Navíos de Sangleyes, un peso – U300 p.
Más, al Pe Mi[nist]ro del Parián246, un tostón - U150 p.
Más, al Mayordomo de la Caxa de la Comun[ida]d 247, un tostón – U150 p.
Más, al Proc[urad]or de los Sangleyes pobres248, un tostón – U150 p.
Más, al Alguacil mor de las Licencias generales, un tostón – U150 p.
Más, a un Ayudante del Campo, un tostón – U150 p.
[Total] 3U900 p.
De suerte que en los cinco primeros días, se sacaron de Varatos tres mil y novecientos pesos, fuera de lo que los mesmos Coymeros sacaron para sí, que no se puede averiguar, y se puede presumir sería una muy grande cantidad. Y es de advertir que, los años passados, no sacaban Varatos tantos como a[h]ora, sino que, poco a poco, han ido pidiendo éstos y es[os] otros, y sólo este año de 1631 le han sacado de nuevo los cinco que van señalados con estrella a la margen249, los quales el año pasado de 1630 y los demás años no le sacaron, y así ha de venir tiempo en que no quede perro ni gato en el Parián que no quería sacar barato, y todos les piden como si de Justicia se les deviera, y le[s] piden con tanta exacción, que me consta que algunos de los Referidos han arrendado algunas veces los Varatos, que [no] les pertenecen, como si fuera Renta debida a sus oficio. Y los que no los arriendan ponen una persona, que con grande exacción y puntualidad los cobra.
Después de estos cinco primeros días, de suyo no se puede Jugr. Si bien es verdad que en tiempo de otros Governadores se ha jugado, dando Licencia los Governadores passados a éste o al otro para poner uno o dos petates &, pero siempre en esto ha [h]avido grande contradicción de los Zelosos del bien público, y aun escándalo, y los Governadores [no se] atr[e]bían a dar claramente Licencia para Jugar los Sanges, sino para que se [h]olgasen a su Usanza, que assí rezavan las tales licencias, como se pueden ver y averiguar, de donde consta que siempre lo tubieran por cossa no bien hecha, pues yban con tantos [r]esguardos. Ni tampoco todos los Governadores dieron estas Lizencias, ni todos los años, porque de Dn Alonso Faxardo me consta que un año no la quiso dar a un privado suyo, diciéndole, quando se la pedía: [«]anda con el Diablo, que no quiero yo me lleve por que Vos os aprovechéis en ocho cientos pos que os ofrecen[»]250.
Pero el Señor Don Juan Niño de Távora251 ha dado los dies mismos días estas Licencias para jugar en un puesto señalado, y casa, y para poner en ella quantos petates o mesillas quisieren, de los quales no sacan baratos los referidos arriba sino Uno, que pone su Señoría, y est[e] saber ha sido [por] un Sangley llamado Ygn[aci]o, el qual sacava de cada petate o mesilla entre día y noche a 5 y a 6 ps, y a más que esto, quien lo podía averiguar. Lo que este año confessó él por su boca252 es que los 5 primeros días de los diez, de que tratamos, tomó para sí […] trescientos pesos, y a buen seguro que fue más, y assí en diez días [h]avían de ser seiscientos pesos, aunque por que no pasase adelante, le quitó el Señor Govor y puso otro, que Dios save lo que tomó. En fin, contemos [sic] seiscientos pos – U600 p.
Más, al Señor Governador, le entregaron de estos diez días más de tres mil ps – 3U000 p.
Más, para el dueño de la Cassa donde se jugó, se sacó cada día de cada petate o mesilla un tostón, que dicen l[e] Valdría unos trescientos pesos – U300 p.
[Total] 3U900 p.253
Son todos los varatos 7U800 p.
Dexo otras mil sacaliñas, que no se pueden averiguar, por poner sólo lo cierto y, según las quentas de arriba, [afirmo] con ésta [h]averse sacado en los quince días siete mil y ochocientos pesos líquidos y ciertos. La parte que cupo al Señor Governador, me dicen, repartió Su Señoría entre sus criados, y algunos pobres, y que assí lo ha hecho otros años, sin quedarse con un quartillo.
Ésta es la Relación cierta de lo que en esta materia ha passado, a la qual se puede seguramente y sin escrúpulo dar entero crédito, por estar muy bien averiguado todo con informaciones de los que han traído las manos en la Mesa, esto es, en estos Varatos. Supuesta pues la Relación del hecho, preguntamos quatro cossas del derecho para que se proceda con distinción y claridad254. Primera, [si] es Lícito consintir estos Juegos. Segunda, si, dado que sea lícito, es conveniente concentirlos. Tercera, si pueden con buena conciencia llevar los Varatos que llevan los cinco primeros días. Quarta, dado que sea conveniente Jugar, y que puedan llevar los cinco primos días los Varatos que se llevan, si los puede llevar el Señor Govor los diez días siguientes. Con estos 4 puntos me parece quedará bien averiguada esta materia.
Des jeux et pourboires du Parian des Sangleys
On demande la convenance, et justification qu’il y a, ou n’y a pas, dans les jeux des Sangleys durant leurs Pâques, au Parian, et les pourboires qui en découlent237.
Pour répondre à ce cas, nous avons besoin avant tout de proposer une description fidèle de ce qui se passe dans ce cas.
Les Sangleys célèbrent leurs Pâques à la nouvelle lune qui tombe généralement au moi de février238. Les cinq premiers jours, presque tous, riches ou pauvres, y assistent et célèbrent, si ce n’est quelque misérable ou malheureux. Ensuite, ils enchaînent, bien que cela ne soit pas le cas de tous, à la célébration de Pâques, encore dix jours, jusqu’à la pleine-lune, qui commence leur nouvelle année.
Les cinq premiers jours, on donne licence universelle pour que tous, au Parian, jouent à tous les jeux, bien que le plus commun parmi eux soit celui des jetons239, de sorte qu’ils jouent dans les maisons et même dans les rues où ils mettent des nattes240 et des petites tables. Il y eut en 1631 plus de soixante-dix nattes et tables, et à chacune, celui qui organisait le jeu donnait entre le jour et la nuit treize pesos par jour de pourboire, qu’il tirait des mises jouées (comme quand parmi nous les croupiers241 sortent le jeu de cartes), en prenant deux réaux à chaque joueur qui atteignait treize pesos de gains. Voici ce qui a été distribué ladite année de 1631, de cette façon, comme j’ai pu le vérifier de source sûre, de sorte qu’il n’y a là aucun doute à avoir.
Tout d’abord, à l’Alcalde mayor du Parian, on donnait, comme pourboire chacun de ces cinq premiers jours de Pâques, un peso, c’est-à-dire un teston242 de jour et un autre de nuit, de chaque natte ou table, et cela lui a rapporté cette année plus de 300 pesos- U300 p.243
Plus, le majordome de l’Alcalde mayor, un teston de chaque natte ou table, qui doit lui avoir rapporté en proportion cent cinquante pesos – U150 p.
Plus, au brigadier-chef du Parian, un peso chaque jour, ce qui a dû faire trois-cents pesos – U300 p.
Plus, aux deux assistants du brigadier-chef, un peso chaque jour, soit un teston pour chacun – U300 p.
Plus, aux quatre bilangos244 indiens du brigadier-chef, un teston par jour – U150 p.
Plus, au garde en chef du Parian, un peso par jour – U300 p.
Plus à l’assistant du garde en chef, un teston – U150 p.
Plus, au gouverneur des Sangleys, un peso par jour – U300 p.
Plus, à l’assistant du gouverneur des Sangleys, un teston – U150 p.
Plus, au greffier du gouverneur des Sangleys, un teston – U150 p.
Plus, au Nauatoto245 des Sangleys, un teston – U150 p.
Plus, au greffier espagnol du Parian, un peso – U300 p.
Plus, au gardien de la prison, un teston – U150 p.
Plus, au brigadier des visites des navires des Sangleys, un peso – U300 p.
Plus, au père ministre du Parian246, un teston – U150 p.
Plus, au majordome de la Caisse de la Communauté247, un teston – U150 p.
Plus, au défenseur des Sangleys pauvres248, un teston – U150 p.
Plus, au brigadier-chef des licences générales, un teston – U150 p.
Plus, à un aide-de-camp, un teston – U150 p.
[Total] 3U900 p.
De sorte que, durant les cinq premiers jours, on a touché trois mille neuf-cents pesos de pourboires, sans compter ce que les croupiers prennent pour eux, ce qu’on ne peut pas vérifier, même si on peut présumer que cela doit être une grosse quantité. Et il faut bien voir que les autres années on ne touchait pas des pourboires comme ceux-là, mais petit à petit ceux-ci et ceux-là ont commencé à demander, et c’est seulement en cette année 1631 que ceux qui sont signalés par une étoile en marge249 en ont reçu, alors que l’année précédente de 1630 et les autres années, ils n’en avaient pas eu, de sorte que viendra un jour où il ne restera pas un chien ou un chat au Parian qui ne veuille recevoir un pourboire, et tous les réclament comme si on les leur devait en vertu de la Justice, et ils les réclament avec tant d’exaction,Lo mesmo dicen otros auctores que tratan que je peux affirmer que certains de ceux qui ont été mentionnés ont parfois mis en gage leurs pourboires, qui [ne] leur appartiennent [pas], comme s’il s’agissait d’une rente associée à un office. Et ceux qui ne les mettent pas en gage placent une personne, qui avec force exaction et ponctualité les collecte.
À l’issue de ces cinq premiers jours, on ne peut plus jouer de sa propre initiative. S’il est vrai qu’à l’époque d’autres gouverneurs on a joué, les gouverneurs passés autorisant celui-ci ou celui-là à mettre une ou deux nattes etc., mais il y a toujours eu opposition des gens soucieux du bien public, et même scandale, et les gouverneurs n’osaient pas accorder ouvertement des autorisations aux Sangleys pour qu’ils jouent, mais seulement pour qu’ils s’amusent à leur manière, comme le stipulaient les autorisations en question, ce qu’on peut voir et vérifier, de sorte qu’on peut constater qu’ils l’ont toujours vu comme une chose mal faite, puisqu’ils prenaient tant de précautions. Tous les gouverneurs n’ont pas non plus accordé ces autorisations, ni toutes les années, parce que je constate que, une année, Alonso Fajardo n’a pas voulu la donner à un de ses proches, auquel il dit, quand celui-ci la lui demanda : « Va au Diable, moi je ne veux pas qu’il m’emporte à moi pour que toi tu profites de huit-cent pesos qu’on te donne »250.
Mais le Sieur Don Juan Niño de Távora251 a donné pour les dix mêmes jours ces autorisations pour jouer en un endroit et une maison précise et pour y mettre autant de nattes et petites tables qu’on voudrait, dont les personnes référées ci-dessus ne tirent pas de pourboires à l’exception d’un, que place Sa Seigneurie, et cela se sait par un Sangley appelé Ignacio, lequel tirait de chaque natte ou table entre le jour et la nuit 5 à 6 pesos, et même plus, ce qu’il avait pu vérifier. Ce qu’il a confessé cette année de sa propre bouche252, c’est que les 5 premiers des 10 jours dont on parle, il a pris pour lui trois-cent pesos, et certainement davantage, et ainsi en dix jours cela devait faire six-cent pesos, même si, pour qu’il n’en gagne pas plus, le Sieur Gouverneur l’a remplacé par un autre, lequel Dieu sait ce qu’il gagna. Enfin, comptons six-cent pesos – U600 p.
Plus, au Sieur Gouverneur, on a remis de ces dix-jours plus de trois mille pesos – 3U000 p.
Plus, pour le propriétaire de la maison où on a joué, on a tiré chaque jour de chaque natte ou table un teston, ce qui ferait trois-cents pesos à ce qu’on dit – U300 p.
[Total] 3U900 p.253
Tous les pourboires font 7U800 p.
Je laisse mille autres rapines, qu’on ne peut pas vérifier, de façon à ne faire figurer que ce qui est sûr, et d’après les comptes ci-dessus, j’affirme qu’avec cela on a assurément tiré durant les quinze jours sept mille huit-cents pesos en liquide. La partie qui est revenue au Sieur Gouverneur, à ce qu’on me dit, a été répartie entre les serviteurs de Sa Seigneurie, et quelques pauvres, et qu’il a toujours fait ainsi, sans garder un seul denier.
C’est là le récit certain de ce qui s’est passé en cette matière, auquel on peut assurément et sans scrupule donner entièrement crédit, car cela est entièrement et parfaitement prouvé par des informations issues de ceux qui ont mis la main dans ce sac, c’est-à-dire dans ces pourboires. Étant donné le récit des faits, nous posons donc quatre questions de droit afin de procéder distinctement et clairement254. En premier lieu, s’il est licite de consentir à ces jeux. En deuxième, si, au cas où cela serait licite, il convient d’y consentir. En troisième, si on peut en conscience prendre ces pourboires des cinq premiers jours. Quatrièmement, s’il convient que l’on joue, et qu’on puisse prendre ces pourboires des cinq premiers jours, si le Sieur Gouverneur peut les prendre les dix jours suivants. Avec ces quatre points, il me semble que la vérification de cette matière sera correcte.
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Punto 1°. Si es Lícito consentir estos Juegos en el Parián
Para averiguar si es Lícito o no consentir estos juegos en el Parián del modo que hemos referido, hemos menester ver si ellos, en sí, como se exercitan, son Lícitos o no, porque de aquí inferiremos si es Lícito consentirlos.
Per Ludum in iure (como dice Navarro in Inchindio, c. 20, n. 6 y notan otros) significatur omnis ludus principalius nitens arte, aut casu quam industria, et arte255, que es lo que decimos Ju[e]go de Ventura. Tal es de los dados, el de los Naypes, el de las tablas Reales256, y otros tales. Y entre éstos entra el de las chapas, que juegan los Sangleyes, porque totalmente consiste en Ventura, y no en arte. Todos estos Juegos de Ventura están prohibidos por derecho común (si no es que se juegue alguna cossa de comer) Lege 2, 3 et 4 f. de ale. usu, et alia toribus et L. aleae. usus, c. De religiosis et sumptibus funex257, y como éstas [h]ay otras leyes semejantes. Pero todas o no obligan a pecado o están ya abrogadas por usu y costumbre contraria, como dicen Navarro, citado n° 10, Lessio258, Li. 2 c. 26 dub. 1 n. 6, Valencia, 22, disp. 5, q. 6, p. 5 # 8 querit, Salas259 ttt. De Ludo dub. 3 n. 3, specul. confesarione disp. 32, q. 4, n. 7 […].
El juego, de suyo, exercitado con las devidas circunstancias, no sólo no es ilícito ni pecado, sino que cossa Santa, y acto de Virtud, que Aristóteles, Lib. 4, et hic, c. 8, llama eutrapeliam260, y otros traducen, urbanitatem, comitatem, Leporem, festivitatem, facetiam261, y Santo Thomás 22, q. 168; art. 2 […] llama iocunditatem262. Assí que no es malo Jugar con el modo debido, pero puede lo ser, y mucho, si no concurren en el Juego las circunstancias necessarias, como enseña el mesmo S. Thomás, ar. 3 corpore, a quien siguen todos los autores que tratan de ludo, los quales traen varias circunstancias, por donde se Vicia y hace pecaminoso el acto de Jugar […].
Ahora pues veamos [si] el consentir estos juegos, y querer sacar tan exorbitantes Varatos, no es causa y occación muy per se de tantos pecados como hacen los Sanges, y de tantos daños, como de a[h]ý se siguen a toda la República. Por que estos varatos, que sacan estos quince [sic] días el Señor Govor, y los demás, los que ponen los petates o mesillas de juegos, sacan tanto de los Jugadores, y quedan todos partidos, y arruinados, y quando no lo queden de hecho, [h]ay por lo menos peligro de ello […].
Lo mesmo dicen otros auctores que tratan de Ludo, y recogiendo la Doctrina común de todos, es cossa cierta que es ilícito Jugar con el que no Juega lo que es suyo, como con el Ladrón, el depositario, el Religioso, el esclavo, o con el que no puede engañar lo que es suyo, como con el pupillo, y menor, con la mujer casada contra la Voluntad de su marido en gran cant[ida]d 263, y aun el que a los tales gana en el juego tiene obligación de restituirlos, de todo lo qual largamente trata, los authores, Molina ttt. 2, disp. 518.519.520., Rebello264, 2. p., Li. 12, q. 4, Salas ttt. De Ludo, a dub. 8 ad 22, Speculum confe[s]sarior[um] citado, arg. 17 ad 28, Bonacina265, De contractibus, disp. 2, q. 3, p. 2, y otros muchos que se podrán ver. Aplicando pues esta doctrina, es cossa cierta que en el Parián estos quinze días juegan los cavezas de los Oficiales el dinero que tienen Recebido para las Obras, el qual no es suyo, sino que le reciuen para repartir entre sus compañeros, y assí son solamente depositarios de él y lo ordinario es perderlo (porque no es posible otra cossa, que tantos Varatos no salen sino de los que Juegan). Perdido, lo que dan ellos, con pérdida del Español, que se lo dio para su obra, y no le puede cumplir, por que aunque él acuda a trabajar, no acudirán sus compañeros, y assí la Obra se queda, y aun el Caveza se suele huir […] todo con Universal daño de Manila, que el que no lo reconociere tendrá muy poca experiencia de cosas. Luego, estos juegos, como se exercitan ahora, son en común illícitos, y malos, por concurrir en ellos las personas que concurren. Luego el Sor Govor pecca gravemente en poner, y consentir estos juegos como se Exercitan […].
Point 1er. S’il est licite de consentir à ces jeux du Parian
Afin de vérifier s’il est licite ou non de consentir à ces jeux du Parian de la façon dont nous avons rendu compte, nous devons voir si, en eux-mêmes, comme ils ont lieu, ils sont ou non licites, parce que de là on pourra inférer s’il est licite d’y consentir.
Par Ludum in iure (comme le dit Navarro in Inchindio c. 20 n. 6 et d’autres le notent) significatur omnis ludus principalius nitens arte, aut casu quam industria, et arte255, ce qui est ce que nous désignons par jeux de hasard. C’est le cas des dés, des cartes, du toutes tables256 et d’autres similaires. Et parmi ceux-ci, on trouve le jeu des jetons auxquels jouent les Sangleys, puisqu’il dépend totalement du hasard et non de l’art. Tous ces jeux de hasard sont prohibés en vertu du droit commun (à moins de jouer quelque chose à manger) Lege 2, 3 et 4 f. de ale. usu, et alia toribus et L. aleae. usus, c. De religiosis et sumptibus funex257, et comme celles-ci, il y en a d’autres. Mais toutes n’impliquent pas qu’il y ait péché ou sont abrogées par usu et la coutume contraire, comme le disent Navarro, cité au n° 10, Lessius258, Li. 2 c. 26 dub. 1 n. 6, Valencia 22 disp. 5 q. 6 p. 5 # 8 querit, Salas259 ttt. de ludo dub. 3 n. 3, Specul. Confesario. disp. 32 q. 4 n. 7 […].
Le jeu, en soi, exercé dans les circonstances adéquates, non seulement n’est pas illicite ni un péché, mais bien une Sainte chose, et même un acte de Vertu, qu’Aristote Lib. 4 et hic c. 8 appelle eutrapeliam260, et d’autres traduisent par urbanitatem, comitatem, Leporem, festivitatem, facetiam261, et Saint Thomas 22 q 168 art. 2 […] appelle iocunditatem262. De sorte qu’il n’est pas mauvais de jouer de la bonne façon, mais cela peut l’être, et beaucoup, si les circonstances nécessaires ne concourent pas, comme l’enseigne Saint Thomas lui-même, ar. 3 corpore, lequel suivent tous les auteurs qui traitent de ludo, lesquels évoquent diverses circonstances, par lesquelles l’acte de jouer devient vicieux et peccamineux […].
Maintenant, voyons si le fait de consentir ces jeux et vouloir en tirer des pourboires aussi exorbitants n’est pas la cause et l’occasion tout à fait per se de si grands péchés tels que ceux que commettent les Sangleys, et de tant de dommages comme ici il s’ensuit pour toute la République. En effet ces pourboires que gagnent durant ces quinze jours le Sieur Gouverneur et les autres, ceux qui mettent les nattes et les tables de jeux, prennent tant aux joueurs qu’ils finissent tous totalement ruinés, et quand ils ne le sont pas en fait, il y a pour le moins danger qu’ils le soient […].
C’est ce que disent les auteurs qui traitent de ludo, et en parcourant la Doctrine commune à tous, il est certain qu’il est illicite de jouer avec celui qui joue ce qui ne lui appartient pas, comme le voleur, le dépositaire, le Religieux, l’esclave, ou avec celui qui ne peut engager ce qui est à lui, comme le pupille, le mineur, la femme mariée contre la volonté de son mari en grande quantité263, et même celui qui gagne ceux-là au jeu a obligation de leur restituer la totalité, ce dont traitent abondamment les auteurs, Molina, ttt. 2 disp. 518.519.520., Rebello264, 2 p., Li. 12, q. 4, Salas ttt. De Ludo, a dub. 8 ad 22 Speculum confesarior[um] cité arg. 17 ad 28, Bonacina265 De contractibus disp. 2 q 3 p. 2, et de nombreux autres qu’on pourra voir. En appliquant ainsi cette doctrine, il est chose certaine qu’au Parian durant ces quinze jours les chefs artisans jouent l’argent qu’ils ont reçu pour les œuvres à réaliser, lequel n’est pas à eux, mais reçu pour être réparti avec leurs compagnons, de sorte qu’ils sont seulement dépositaires de celui-ci, et d’ordinaire ils le perdent (parce qu’il est impossible qu’il en aille autrement, puisqu’autant de pourboires ne proviennent que de ceux qui jouent). Perdu, ce qu’ils donnent, avec une perte de l’Espagnol qui le leur a donné pour le travail à réaliser, ce qu’il ne peut faire, parce que même si lui entame le chantier, ses compagnons ne se joindront pas à lui, et ainsi le travail n’est pas fait, et même le maître d’œuvre prend d’ordinaire la fuite […] toutes choses au détriment universel de Manille, ce que seul celui qui n’a que très peu d’expérience des choses ne reconnaitra pas. Ainsi, ces jeux, comme ils sont pratiqués actuellement, sont communément illicites, et mauvais, les gens qui y participent étant ceux qu’ils sont. Ainsi, le Sieur Gouverneur pèche gravement en établissant et acceptant ces jeux comme ils sont pratiqués […].
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Punto 2° Si, dado que sea Lícito consentir estos juegos, sea conveniente
Pero no escrupulemos tanto (como a alguno quizá l[e] parecerá) y supongamos que no es peccado consentir estos juegos. Por lo menos, tengo por indubitable no ser conveniente. Pruévolo con los daños y inconvenientes que de ellos se siguen. Primeramente, quedan muchos perdidos, por que los ocho o diez mil pesos de Varatos de ellos han de salir ante todas cosas, y assí es fuerza que todos pierdan. De aquí se sigue que unos, aborridos, se quitan la Vida, como ya [h]a [a]contecido, otros se van por a[h]ý a ser Ladrones, como es muy ordinario, y aun por esso Aristóteles, Li. 4, et hic, c. 1, pone en una [misma] categoría a los Jugadores, y Ladrones: Aleator quidem, et spoliatus, et Latro ex illiberalium genire sunt.266 Demás desto, piérdese el trabajo de quince días, que siendo de tanta multitud de trabajadores, no es pequeño daño para Manila, y finalmente muchos temen que, si ha de [h]aver motín y levantamiento en Manila de los Sangleyes, ha de ser por estos Juegos del Parián, que assí me lo dixo el Pe Fr. Baré Martínez, Provincial de Santo Domingo, y hombre de tanta experiencia en materia de Sangleyes, como todos saven. Bien pienzo que alguno no dará crédito a esto. Pero para que se desengañe, pregunte a los expertos y desinteresados, y Verá lo que le dicen, que los que son interesados en estos juegos, no tienen voto ni deben ser oýdos.
Dirá alguno que, si no se les consienten estos Juegos a los Sangleyes estos quince días, se yrán a China y que, de [h]echo, un año que no se los consintieron, se fueron muchos, porque en China usan jugar estos 15 días, y quitarles este Usso, siéntenlo tanto, que se van, lo qual es en gran daño de la República, que no puede pasar sin Sangleyes. Ridícula objección sin falta. Ahora alguno que dé crédito a lo que en ella se dice, pregúnt[e]se, y consúlt[e]nse los Experimentados, y desinteresados. La codicia de los Sangleyes, que vienen a Manila a sus ganancias, a buen seguro no les da lugar a yrse por cossa de tan poca monta, y ojalá los jugadores y vagabundos se fueran, que antes a Manila le estuviera bien, y assí muchas veces se ha tratado de echarlos de las Yslas, mas nunca se ha executado quien [sabe si] por ser cossa que nos está bien. Ni obsta decir que en China juegan estos 15 días, por que otras cossas hacen también en China, como sodomías &c., que no es justo que acá se las consintamos, que devemos gobernar esta República del Parián no como los Sangleyes quisieren, sino como al bien común estuviere mejor.
De lo dicho en estos dos puntos saco que deve el Sor Governor, como persona a quien incumbe el bien común, moderar estos juegos de suerte que no jueguen sino dos, o tres días, y a lo summo los 5 primeros, por que el juego ha de ser poco y, como dice Tulio267, 10, De Officiis, ita parit° condienda vita ludo, ut sale cibi 268. No se echan puñados de sal en la comida, ni es justo que unos oficiales y trabajadores tenga[n] tanto juego. Con ser de esta suerte moderado[s], con quitar todos los Varatos que se sacan, y señalar una cossa muy moderada que saque el [que] pone el Juego, como unos dos pesos de cada mesilla, o petate entre noche y día, cesarán los inconvenientes propuestos y, dado casso que algún daño acontezca alguna vez, será cossa extraordinaria, y per acci[dens]. [H]ay Razones para permitirl[o], por que totalmente quitarles el Juego, bien se ve no ser cossa Razonable. Y es cierto que, siendo como he dicho, no quedarán todos los jugadores perdidos, y que se podrá justificar el Juego mas no los Varatos, de que luego di[r]é. Y no vale decir pueden jugar tres días, luego quince, porque assí se podía ir haciendo el argumento [h]asta todo el año, lo qual bien se ve que sería cossa absurda e iniqua, si todo el año jugasen como los primeros días de su Pasqua. Y es cierto, [h]ay Conveniencias en consentirles, y permitirles un juego moderado pr tres o cinco días, y no las [h]ay en permitirles un mes ni quinze días.
Point 2ème. Si, au cas où cela serait licite de consentir à ces jeux, cela convient
Mais ne tergiversons pas tant (comme il pourrait sembler à certains) et supposons qu’il n’y a pas péché à consentir à ces jeux. Pour le moins, je considère comme indubitable que cela ne convient pas. Je le prouve par les dommages et inconvénients qui s’ensuivent. Premièrement, nombreux s’en trouvent perdus, parce que les huit ou dix mille pesos de pourboires doivent sortir avant toute chose, de sorte qu’il est nécessaire que tous perdent. De là en découle que les uns, enragés, s’ôtent la vie, comme cela est déjà arrivé, d’autres deviennent voleurs, comme cela arrive souvent, et c’est même pour cela qu’Aristote Li. 4, et hic, c. 1, met dans la même catégorie les joueurs et les voleurs : Aleator quidem, et spoliatus, et Latro ex illiberalium genire sunt266. En plus de cela, on perd le travail de quinze jours, et s’agissant d’une telle multitude de travailleurs, cela n’est pas un dommage négligeable pour Manille, et finalement beaucoup craignent que, si une mutinerie ou un soulèvement des Sangleys doit survenir à Manille, la cause en sera ces jeux du Parian, ce que m’a dit le père Bartolomé Martínez, Provincial de Saint Dominique, et homme de grande expérience en matière de Sangleys, comme tout un chacun le sait. Je sais bien que certains n’accorderont pas de crédit à cela. Mais pour qu’ils se détrompent, qu’ils demandent aux experts désintéressés, et ils verront ce qu’ils disent, car ceux qui sont intéressés à ces jeux ne doivent pas être écoutés.
D’aucun dira que, si on ne consent pas à ces jeux des Sangleys durant ces quinze jours, ceux-ci iront en Chine, et que de fait, une année où on ne les a pas autorisés, beaucoup d’entre eux s’en furent, parce qu’en Chine ils ont coutume de jouer durant ces 15 jours, et ils se ressentent tant de ce qu’on leur interdise cet usage, qu’ils s’en vont, ce qui est un grand mal pour la République, qui ne peut se passer des Sangleys. Ridicule objection assurément que celle-ci. Et si quelqu’un y donne crédit, qu’il s’interroge, et demande aux personnes expérimentées et désintéressées. La concupiscence des Sangleys, qui viennent à Manille pour réaliser des profits, ne leur laisse assurément pas le loisir de s’en aller pour une chose de si peu d’importance, et il serait bon que les joueurs et vagabonds s’en aillent, car Manille s’en trouverait bien, et on a de nombreuses fois parlé de les expulser de ces îles, sans passer à l’acte, sûrement parce que cela nous convient. Et il n’est pas non plus possible d’opposer qu’en Chine ils jouent pendant ces 15 jours, parce qu’ils font bien d’autres choses en Chine, comme la sodomie etc., qu’il n’est pas juste qu’on tolère ici, car on doit gouverneur cette République du Parian non pas comme les Sangleys le veulent, mais en vertu de ce qui est meilleur pour le bien commun.
De ce qui vient d’être dit dans ces deux points, je conclue que le Sieur Gouverneur, comme personne à qui il incombe d’assurer le bien commun, doit modérer ces jeux de sorte qu’ils ne jouent que deux ou trois jours et au plus les 5 premiers, parce que le jeu doit être peu fréquent et, comme le dit Tulius267, 10, De Officiis, ita parit° condienda vita ludo, ut sale cibi268. On ne jette pas des poignées de sel dans la nourriture et il n’est pas juste que des officiers publics et travailleurs jouent autant. En les modérant ainsi, en enlevant tous les pourboires qu’on gagne et en proposant un montant très modéré que donne celui qui organise le jeu, comme deux pesos de chaque table ou natte pour le jour et la nuit, les inconvénients présentés cesseront, et s’il se trouve qu’un dommage survienne en quelque occasion, ce sera chose extraordinaire, et per acci[dens]. Il y a des raisons de permettre le jeu, parce que l’enlever totalement est de toute évidence chose déraisonnable. Et il est certain que, si on fait comme je l’ai dit, tous les joueurs ne se perdront pas, et on pourra justifier le jeu mais non les pourboires, ce dont je parlerai ensuite. Et il ne sert à rien de dire qu’ils peuvent jouer trois jours, puis quinze, parce qu’ainsi on pourrait argumenter jusqu’à atteindre l’année entière, ce qu’on voit bien être chose absurde et inique si toute l’année on jouait comme les premiers jours de Pâques. Et il est certain qu’il convient pour plusieurs raisons d’y consentir et leur permettre un jeu modéré durant trois ou cinq jours, et il n’y en a pas de leur permettre un mois ni quinze jours.
Punto 3° Si se pueden con buena conciencia llevar los Varatos que se llevan los cinco primeros días
Dos Géneros de Varatos [h]ay, y ambos justificados, unos que libremente da el que gana después que [h]a ganado, repartiendo a éste, o al otro, los quales son Donación libre y graciosa, otros, los que sacan por el Naype, que será sacando poco a poco de los que ganan [e]sta cantidad de tres pesos por cada baraja, lo qual no es mucho, porque aunque la baraja no cuesta sino cinco Reales al presente, pero el que pone el Juego da messa, candelas, casa, chocolates, colaciones, &c., y lo que más es, sufre la inquietud del Juego, que no se recompensa con ningún dinero. Y assí no falta quien se alargue a que pueden llevar más que los tres pesos, pero bueno está, y quando lleguen a quatro, no se alarguen, que sería excesso. Fuera destos dos géneros de Varatos, yo no hallo otros. Ahora pues los Varatos que los cinco días primeros se sacan en el Parián, ni son del primer género, porque no se dan libre y espontáneamente sino por fuerza, ni son del 2° género, pues lo[s] que los sacan, no ponen los petates, n[i] las chapas, ni candelas &c. Luego no están justificados estos Varatos, y todo lo estarán, lo[s] que sacaren con moderación los Sangleyes que pusieren el Juego, y los que sacaren los dueños de las casas donde se jugare.
La Razón de Justificación que dan los que sacan estos Varatos, como el Alcalde mor, Guarda mor y otros, es decir que ellos defienden, y amparen a los Jugadores, para que ningún soldado, Indios, ni Negros les haga mal, arevatándoles el dinero. Demos que sea esto assí, pero, [¿]dónde se justificarán los Varatos de otros, como los que lleva el mayordomo del Alce mayor, el Escrivano del Parián, y el del Govor de los Sangleyes, el Alcayde de la Cárcel, que se está en ella todo el día, y no asiste a los juegos, el Nauat[a]to, que no interpreta el Juego, el Alguasil mor de las visitas de los Navios Sangleyes, pues los que juegan no son Champanes269 que vienen de China, el Ministro del Parián, pues no administra sacramentos ni entierra a los Jugadores, el mayordomo de la cassa270 de la Comunidad, pues los que juegan, no entra[n] en ella, el Alguasil de las Licencias, pues todos los que juegan la tienen, y assí otros? Díganme, [¿]por dónde se justifican estos varatos[?] Yo no lo alcanzo [a ver], ni lo puedo alcanzar. Pero volvamos a los defensores destos Juegos, que dicen son el Alcalde mor, Guarda mor, y menor, y otros tales. Digo que me atreveré a apostar que, en todos estos cinco días, alg[un]os destos defensores aportan adonde se juega, sino acaso algún rato, por curiosidad, a ver aquel tropel, y bulla de Gente &c., y quando van a cobrar sus Varatos, aunque lo más ordinario es poner un criado negro, o Indio, o China, que los cobre, y él ni los vee, ni los quiere ver, sino su dinero, y sus interés. Pero, porque no me cojan en mentira, admito que los defienden. Díganme, [¿]no llevan por esso los aprovechamientos de sus officios que salen de los mesmos Sangleyes, y en especial el Alcalde mor no lleva mil pesos de la Caxa [de la] comunidad, y la Guarda mayor con su Ayudante no lleva mil y ducientos pesos, por lo qual tienen obligación de defenderlos, y amparar los de noche y de día, en invierno, y en Verano, en días de travajo, y en días de Fiesta y entretenimiento[?] Y si esto es assí, [¿]con qué título pueden pedir ahora de Justicia nuevos aprovechamientos de Varatos[?].
Dicen, que no les piden de Justicia, sino de gracia, y que los mismos Sangleyes lo quieren dar de Su Voluntad. [¡]Grande liberalidad de Sangleyes, que quieran en cinco días dar quatro mil pesos libre, y espontáneamente[!] [¿H]ay quien tal crea[?] Yo no lo puedo creer, sino que los dan a más no poder forzados, y Violentados de los que se los piden, y para persuadírmelo assí, tengo muy gran fundamento en la exacción y Rigor con que se piden estos Varatos, y en arendarse a veces como he dicho, de suerte que en esto no hallo yo más Voluntario, que en el [qu]e paga usuras forzado de su necesidad; antes hallo mucho menos porque en él que paga Usuras recibe algún bien del Usurero, pero estos jugadores ninguno reciben destos Varatos, de donde infiero, que como el Usurero tiene obligación de restituir las Usuras, la tienen estos [beneficiarios de] Varatos de restituir lo que han llevado de Varatos.
Y [si] se me preguntare alguno a quien se ha de restituir, respondo que a los pobres y obras pías, por ser Vienes inciertos, de los quales son herederos los pobres según la doctrina de todos los Theólogos en la materia de Restitutione.
Point 3ème. Si on peut avec bonne conscience prendre les pourboires qui sont pris durant les cinq premiers jours
Il y a deux types de pourboires, également justifiés, les uns que librement donne celui qui gagne après avoir gagné, donnant à l’un ou à l’autre, lesquels sont des donations libres et gracieuses, les autres, ceux qui sont donnés aux cartes, qu’on obtient en prenant de ceux qui gagnent petit à petit cette quantité de trois pesos de chaque partie, ce qui n’est pas beaucoup, parce que même si la partie ne coûte pas plus de cinq réaux présentement, celui qui organise le jeu fournit la table, les chandelles, la maison, les chocolats, les collations, etc., et, ce qui compte le plus, souffre l’inquiétude du jeu, qu’aucun argent ne saurait compenser. De sorte que certains affirment qu’ils peuvent prendre plus que les trois pesos, et quand il s’agirait de quatre, cela va, mais pas plus, car il y aurait excès. En dehors de ces deux types de pourboires, je n’en vois pas d’autres. Maintenant, les pourboires qu’on tire du Parian durant les cinq premiers jours ne sont ni du premier genre, parce qu’ils ne sont pas donnés librement et spontanément mais de force, ni du deuxième genre, puisque ceux qui les prennent ne mettent ni les tables, ni les chandelles etc. Donc ces pourboires ne se justifient pas, et le seraient parfaitement, s’ils étaient modérés, s’agissant de ceux que recevraient les Sangleys qui mettent en place le jeu, et de ceux que recevraient les propriétaires des maisons où on joue. La raison invoquée par ceux qui reçoivent ces pourboires, comme l’Alcalde mayor, le garde en chef, et les autres, c’est de dire qu’ils défendent et protègent les joueurs, afin qu’aucun soldat, indien ou noirs ne leur fasse du mal en leur prenant l’argent. Disons que c’est comme ça, mais comment justifier les pourboires des autres, comme ceux que prend le majordome de l’Alcalde mayor, le greffier du Parian, et celui du gouverneur des Sangleys, le gardien en chef de la prison, qui y passe toute la journée, et n’assiste pas aux jeux, le nauat[a]to, qui n’interprète pas le jeu, le brigadier-chef des visites des bateaux sangleys, puisque ceux qui jouent ne sont pas des sampans269 qui arrivent de Chine, le curé du Parian qui n’administre pas les sacrements ni enterre les joueurs, le majordome de la maison270 de la [caisse de la] Communauté, car ceux qui jouent n’y rentrent pas, le brigadier des licences, car tous ceux qui jouent en ont une, et ainsi de suite ? Qu’on me dise, qu’est-ce qui justifie ces pourboires ? Je ne le vois pas, et n’arriverai pas à le voir. Mais revenons aux défenseurs de ces jeux, lesquels à ce qu’il paraît sont l’Alcalde mayor, le garde en chef, et d’autres de ce type. Je dis que je serais prêt à parier que, durant ces cinq jours, aucun de ces défenseurs ne débarque là où on joue, si ce n’est pour un petit moment, par curiosité, pour voir le nombre et l’agitation des gens etc., et quand il va encaisser ses pourboires, bien que d’ordinaire il envoie un serviteur noir, ou indien ou chinois, pour les encaisser, et lui ne les voit pas, ni ne veut rien voir, sinon son argent, et son intérêt. Cependant, afin qu’on ne m’accuse pas de mensonge, j’admets qu’ils les défendent. Dites-moi, ne reçoivent-ils pas pour cela les émoluments de leurs offices qui proviennent des mêmes Sangleys, et en particulier l’Alcalde mayor ne reçoit-il pas mille pesos de la Caisse de la Communauté et le garde en chef avec son auxiliaire ne reçoit-il pas mille, et deux-cent pesos, ce pour quoi ils ont l’obligation de les défendre et protéger, la nuit, et le jour, en hiver, et en été, les jours de travail, et les jours de fête et divertissement, et s’il en est ainsi, à quel titre peuvent-ils demander maintenant en droit de nouveaux bénéfices en pourboires ?
Ils disent qu’ils ne les demandent pas en droit mais à titre de grâce, et que les Sangleys eux-mêmes veulent le leur donner volontairement. Grande libéralité que celle des Sangleys, qui veulent donner en cinq jours quatre mille pesos librement et spontanément ! Y a-t-il quelqu’un capable de croire cela ? Ce que moi je crois, c’est plutôt qu’ils les donnent parce qu’ils sont forcés comme on ne peut l’être plus, et violentés par ceux qui leur exigent cela, et pour m’en persuader, j’ai de très bonne raison de croire en l’exaction, et en la rigueur avec laquelle on leur demande ces pourboires, qu’on met parfois en gage comme je l’ai dit, de sorte qu’en cela je ne trouve rien de plus volontaire, que chez celui qui paye un usurier contraint et forcé. Je trouve même qu’il est moins forcé dans ce cas parce que dans celui où il paye un usurier il a reçu quelque bien de celui-ci, quand ces joueurs n’en reçoivent aucun avec ces pourboires, d’où j’infère que, comme l’usurier a obligation de rendre le fruit de son usure, les bénéficiaires des pourboires l’ont de rendre les pourboires qu’ils ont pris.
Et si quelqu’un me demande à qui il faudra restituer, je réponds qu’aux pauvres et aux œuvres pieuses, car il s’agit de biens douteux dont les pauvres sont héritiers selon la doctrine de tous les théologiens en matière de restitutione.
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Punto 4. Si el Señor Governador puede llevar los Varatos que lleva los diez últimos días de Juego
Demos caso que sean estos Juegos Lícitos, y convenientes. Digo que, aunque lo sean, no puede el Señor Govor llevar los Varatos que lleva, que este año montaron más de tres mil ps. Para prueba deste punto, que para mí le tengo por evidente, hago el argumento, que en el punto passado, ni estos Varatos se dan librem[en]te por que ninguno se persuadirá, que no querrían más los Sangleyes jugar y no dar estos tres mill pesos, que no darlos. Ni el Señor Govor haze gusto ninguno poniendo casa, petates, mesillas, Chapas, Candelas &c., que son los dos géneros de Varatos Justificados. Luego, éstos que lleva el Señor Govor, no lo están.
Responden: el Sargento mor alquila las tablas de los cuerpos de Guardia en mil, o dos mil ps, los quales lleva con muy buena conciencia, aunque él no pone nada para el Juego, ni hace gasto ninguno, sino que totalmente le hace el que alquiló las tablas. Luego, de la mesma manera, podrá llevar el Señor Govor estos tres mil pos sin poner nada. Respondo: [¿]quién no vee la diferencia que [h]ay de uno a otro[?] El Sargento mayor puede arrendar las tablas en mil o dos mil ps, por que por Usso y costumbre inmemorable tiene derecho a poner este juego en los cuerpos de Guarda, y a la ganancia, que de él se saca, y de este derecho como puede usar, lo puede traspasar por un tanto en Otro. Pero el Señor Govor no tiene derecho ninguno a poner juego, ni a sacar estos Varatos, y assí ni le puede poner, ni arrendar a otro, ni llevar estos tres mil ps de ganancia. O sino, díganme, [¿]por dónde le viene este derecho?
Responden, no los lleva para sí, sino para sus criados, y para hacer algunas Limosnas a pobres necessitados. R[es]p[ond]o: el darlos de limosna, no justifica estos Varatos, si ellos no lo están de suyo, como no lo están, que tan poco justifica el hurtar dar a pobres lo hurtado, y assí me parece, se podía decir lo que comúnmente se dice hurtar para dar por Dios. Más: que si los pueda dar de limosna, y a sus criados, también se podrá quedar con ello[s], antes entiendo, que hará muy bien en quedárse[los], y a sus criados satisfacer por otra parte, y a las limosnas no es obligatorio hacerlas. Y es cierto que, si estos Varatos están justificados, los Governadores que sucedieren se quedaran sin falta con ellos, y dirán que son sus aprovechamientos, en lo qual no les condenaría yo debajo de la condición dicha de justificación. Mas pregunto: [¿]qué Razón de Justificación es la de los criados? [¿]El Rey no le da al Govor de Philipinas catorce mil pesos para sí, y para su casa? Satisfaga pues de esto a sus criados, que antes de Gómes Pérez Dasmariñas271, no dava sino la mitad del salario, y representándole este Cavallero a su Magestad, que él no benía a contratar, ni a otras ganancias torpes, y que [h]avía de pagar a sus criados, para que no andubiesen pidiendo a unos y otros (cosa, que tiene muchos inconvenientes), le dobló el salario por este fin, y se quedó doblado para todos los sucesores. Puédese responder, que los Sangleyes de Su Voluntad quieren dar al Señor Governador estos tres mil ps, porque les dexe jugar estos diez días. R[es]p[ondo]: ya he dicho, no [h]ay tal Voluntad libre, sino que son Violentados a darlos. Pero aunque libremente den los Sangleyes estos Varatos al Sor Govor, su señoría no los puede recevir, por que si se los dan libremente, son Dones, y todos los ministros públicos tienen prohibición de Recivir dones como consta del Lib. 3, nove recopilat., tit. 9, L. 3, L 5 y 6, y si los reciben la común sentencia tiene que los deben restituir en conciencia […].
Y assí en este punto, yo no tengo opinión, sino evidencia, y pienso que otros muchos, o casi todos en Manila, son de este mi parecer, que en breve pongo en estas quatro proposiciones.
1ª No son Lícitos estos juegos, y consentirlos es pecado grave.
2ª Aunque no [h]aya peccado en consentirlos, no es conveniente que se consientan por los daños que se siguen.
3ª Los que los primeros 5 días sacan Varatos, no los pueden sacar, y los deven restituir.
4ª El Señor Governador peca en sacar el Varato que saca, y tiene obligación de Restitituirlo.
Este es mi parecer, y lo ha sido siempre más ha de diez años, que se ha ofrecido tratar destos Varatos, aunque nunca de los Governadores, porque no los sacaban. Hele escrito por ser materia tan controvertida este presente año, pues ha llegado [ha]sta los púlpitos sub correctione aliorem272. Fecha en este colegio de la Compañía de Jesus de Manila, a 3 de Abril de 1631273.
Point 4ème. Si le Sieur Gouverneur peut recevoir les pourboires qu’il reçoit durant les dix derniers jours de jeu
Disons que ces jeux sont licites et convenables. Je dis que, bien qu’ils le soient, le Sieur Gouverneur ne peut pas recevoir les pourboires qu’il reçoit, dont le montant, cette année, s’est élevé à plus de trois mille pesos. Pour prouver ce point, qui est pour moi évident, j’argumente, comme dans le point précédent, que ces pourboires ne sont ni donnés librement, car personne ne se convaincra que les Sangleys ne voulaient pas davantage jouer et ne pas donner ces trois mille pesos plutôt que les donner, ni que le Gouverneur rend un quelconque service en mettant à disposition une maison, des nattes, des petites tables, des jetons, des chandelles etc., ce en quoi consiste les deux types de pourboires justifiés. Donc ceux que reçoit le Sieur Gouverneur ne le sont pas.
On rétorque : le Sergent major met en location les planches du corps de garde pour mille ou deux mille pesos, lesquels il prend en très bonne conscience, bien qu’il ne mette rien à disposition pour le jeu, ni ne fait aucune dépense, ce que fait totalement celui qui loue les planches. Donc, de la même manière, le Sieur Gouverneur prend ces trois mille pesos sans rien apporter. Je réponds : qui ne voit pas la différence entre l’un et l’autre ? Le Sergent major peut mettre en location les planches pour mille ou deux mille pesos, car par us et coutume immémorable il a le droit d’organiser ce jeu au sein du corps de garde, et le bénéfice qu’il en tire, et ce droit dont il jouit, il peut le transférer à un autre pour un certain montant. Mais le Sieur Gouverneur n’a aucun droit d’organiser le jeu, ni à prendre des pourboires, de sorte qu’il ne peut ni l’organiser, ni louer ce droit à un autre, ni prendre ces trois mille pesos de bénéfice. Ou alors, dites-moi d’où lui vient ce droit ?
On répond qu’il ne les prend pas pour lui mais pour ses serviteurs, et pour faire l’aumône aux pauvres dans le besoin. Je réponds : le fait de donner l’aumône ne justifie pas ces pourboires, s’ils ne sont pas spontanés, puisque ils ne le sont pas, car le fait de donner aux pauvres le fruit du vol ne justifie pas de voler, et ainsi il me semble qu’on pourrait dire ce qu’on dit communément quant à voler pour faire la charité. Plus encore : s’il peut les donner en aumône, et à ses serviteurs, il pourra aussi les garder pour lui, et j’entends même qu’il fera très bien de les garder, et satisfaire ces serviteurs par ailleurs. Quant à l’aumône, elle n’est pas obligatoire. Et il est certain que si ces pourboires étaient justifiés, les Gouverneurs qui lui succéderaient les garderont pour eux, et diront qu’il s’agit de leurs émoluments, ce en quoi je ne les condamnerais pas à condition qu’ils en donnent une justification. Mais je demande : quelle sorte de justification est celle des serviteurs ? Le Roi ne donne-t-il pas au Gouverneur des Philippines quatorze mille pesos pour lui et sa maison ? Qu’il satisfasse avec cela ses serviteurs, puisqu’avant Gómez Pérez Dasmariñas271, on ne donnait pas même la moitié de ce salaire et, ce Chevalier ayant représenté à Sa Majesté le fait qu’il ne venait pas faire du commerce ni d’autres affaires douteuses, et qu’il devait payer ses serviteurs, afin qu’ils ne demandent pas à d’autres (chose qui a beaucoup d’inconvénients), il lui doubla le salaire dans ce but, et il resta doublé pour tous ses successeurs. On peut répondre que les Sangleys souhaitent volontairement donner au Sieur Gouverneur ces trois mille pesos pour qu’on les laisse jouer durant ces dix jours. Je réponds : comme je l’ai déjà dit, il n’y a pas volonté libre, et au contraire ils sont violemment forcés à donner. Mais même s’ils donnaient librement ces pourboires au Sieur Gouverneur, ce seraient des dons, et tous les fonctionnaires publics ont interdiction de recevoir des dons comme cela est établi dans le Lib. 3, nove recopilat., tit. 9, L. 3, L. 5 et 6 et, s’ils en reçoivent, la sentence commune est qu’ils ont obligation de les restituer en conscience […].
Et ainsi, sur ce point, je n’ai pas d’opinion, sinon une certitude, et je pense que bien d’autres ou presque tous à Manille sont de mon avis, que je résume brièvement dans ces quatre propositions.
1ère Ces jeux ne sont pas licites, et y consentir est un grave péché.
2ème Même s’il n’y avait pas péché à y consentir, il ne serait pas convenable qu’on y consente pour les dommages qui s’en suivent.
3ème Ceux qui durant les 5 premiers jours obtiennent des pourboires, ne peuvent pas les obtenir, et doivent les restituer.
4ème Le Sieur Gouverneur pèche en obtenant le pourboire qu’il obtient, et a obligation de le restituer.
C’est là mon avis, et cela l’a toujours été depuis plus de dix ans que cette question des pourboires s’est présentée à l’examen, quoique jamais à propos des gouverneurs, parce qu’ils n’en obtenaient pas. Je l’ai écrit parce que c’est là une matière particulièrement controversée cette année, puisqu’elle est arrivée jusqu’aux chaires sub correctione aliorem272. Fait en ce collège de la Compagnie de Jésus le 3 avril 1631273.
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De la fonction de Protecteur des Sangleys
Tome 1, Partie 2.1, Diego de Bobadilla, 3 avril 1631, f. 153r-155r
Aux Indes occidentales, la fonction de Protector de los Indios est très ancienne, puisqu’elle remonte à l’année 1516 et que son premier titulaire fut Bartolomé de Las Casas274. Elle fut naturellement exportée aux Philippines dès 1581275. Elle ne paraît cependant pas avoir connu un grand succès, et semble même avoir disparu de l’horizon des îles du Ponant de 1628 à 1691276. Dès la seconde moitié des années 1580, ce poste fut confié à Benito de Mendiola en même temps que celui de Protecteur des Sangleys277, ce qui posa très vite le problème du décalage qu’il existait en termes de bénéfices possibles entre les deux fonctions, évidemment au détriment de la première. Dès ce moment-là, le problème se posa de savoir si le procureur (fiscal) d’une Audiencia devait assumer la fonction de Protecteur. C’était à cette époque-là la perspective de la métropole, laquelle allait régulièrement changer au fil des années, comme le cas ici présenté l’illustre justement en son dénouement.
La fonction de Protecteur des Sangleys fut régulièrement sollicitée à titre de récompense pour services rendus et revendiquée par les procureurs de l’Audiencia278, ce qui ne fut pas du goût des Sangleys eux-mêmes, lesquels, par la voix du dominicain Melchor de Manzano, firent savoir à Madrid en 1627 qu’ils ne souhaitaient pas être assujettis à un Protecteur et que, si cela était nécessaire, ils ne voulaient en aucun cas qu’il s’agisse du Fiscal279.
Il est enfin à souligner que la fonction de Protecteur des Sangleys ne doit en aucun cas être confondue avec celle de Juge des Sangleys, qui n’était apparemment autre que l’Alcalde espagnol du Parian auquel les Sangleys étaient assujettis, là non plus sans inconvénients et enjeux financiers, comme on l’a vu dans le cas consacré aux pourboires280.
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[¿]Si el Fiscal del Rey puede ser P[r]ote[c]tor de los Sangleyes?
1. Pregúntase si, [h]aviendo embiado su Magestad Zédula para que los oficiales no sean protectores, por la incompatibilidad, [h]aviéndose perdido la tal zédula, y constando de información, podrá en conciencia el Governador permitir la dha protectoría al dho Fiscal.
Otrosí se pregunta, en caso que se pueda permitir, si en conciencia se le pudo señalar salario por esto, no haviéndolo señalado su Magestad quando lo nombró protector en la primera Zédula, advirtiendo que el que se le señaló por el señor Dn Juan de Silva281 no fue en Hazienda Real, sino en la Caxa de Comunidad de los Sanges &c.
A la primera pregunta respondo que, en conciencia, puede el señor Governador dar la protecturía al Fiscal de su Magd para cuya prueba supongo que para que obligue qualquiera Ley, es necessaria la promulgación [y] solemne intimación, en lo qual convienen todos los Jurisconsultos y Theólogos, tanto que [h]ay quien diga que la dha promulgación es de substancia y essencia de la Ley y no sólo condición […].
A la Segunda pregunta282, supuesto lo dicho a la primera, digo que se le puede dar al Fiscal lo situado por Dn Juan de Silva. La Razón es porque el Fiscal de Su Magestad, por razón de el salario, no tiene obligación sino a acudir a lo que toca al Real Fisco283 y a todo lo tocante a él. Luego, todo lo demás que de trabajo se le añadiere es de su prerrogación, y se le puede y debe satisfacer, como a un Oydor qudo se le [h]a alguna comissión particular fuera de el salario que tira de Su Magestad, se le señala otro salario particular, lo qual no es injusto, sino muy puesto en Razón, pues su Magd no le da el salario sino para asistir en su Chanzillería, y en la tal Ciud Metropolitana, y es cierto que, acudiendo el fiscal (como entiendo que acude) a defender a los Sangleyes, República tan populosa, en todo lo que se les ofreciere, que merecerá muy bien el Salario. A lo qual se añade que los mesmos Sangleyes por peticiones que han presentado, lo tienen por bien dar de su Caxa el dicto Salario. Esto se me ofrece salvo mejor parecer. Fecha en este Colegio de San Joseph de la Compañía de Jesús a 2 de Abril de [1]626.
El acierto de esta respuesta se vio después porque, en las Naos de 1629, vino zédula de su Magestad para que [el] Fiscal no fuese Protector, y se vio que hasta entonces no [h]avía [h]avido tal zédula, sino que se engañaron los que dixeron la [h]avían visto, y fue que el Señor Don Alonso Faxardo, estando enojado con el Fiscal, sacó un papel en la Audiencia diciendo [que era una] Zédula para que el Fiscal no sea Protector, y sin mostrarle le metió en la faldriquera, y los Oydores quedaron con aprehención [h]avía Zédula, no la haviendo.
Si le procureur du Roi peut être Protecteur des Sangleys ?
1. On demande si, sa Majesté ayant envoyé une cédule pour que ses officiers publics ne soient pas protecteurs, du fait de l’incompatibilité de la chose, ladite cédule s’étant perdue, et en connaissance de cause, le Gouverneur pourra en conscience confier ladite fonction de protecteur au dit Procureur.
De même, on demande, au cas où on le permette, si, en conscience, on a pu lui attribuer un salaire pour cela, puisque Sa Majesté n’en avait indiqué aucun quand il le nomma protecteur dans la première cédule, étant entendu que celui qui avait été fixé par le Sieur Don Juan de Silva281 ne le fut pas sur les Caisses Royales, mais sur la Caisse de Communauté des Sangleys etc.
À la première question, je réponds que, en conscience, le Sieur Gouverneur peut donner la fonction de protecteur au Procureur de Sa Majesté, pour preuve de quoi je suppose que, pour qu’une quelconque loi oblige, il est nécessaire qu’elle soit promulguée et solennellement intimée, ce en quoi conviennent tous les jurisconsultes et théologiens, de sorte que certains disent que ladite promulgation fait partie de la substance et essence de la Loi et n’est pas seulement condition […].
À la deuxième question282, étant supposé ce qui a été dit pour la première, je dis qu’on peut donner au Procureur ce qui a été fixé par Don Juan de Silva. La raison en est que le Procureur de Sa Majesté, en vertu de son salaire, n’est pas censé s’occuper d’autre chose que du Fisc Royal283 et de tout ce qui le concerne. En conséquence, tout le reste de travail qu’on lui rajoute est à sa discrétion, et on peut et doit le lui payer comme lorsqu’on confie à un oidor une commission particulière en dehors de son salaire, qu’il tire de Sa Majesté, on lui donne un autre salaire particulier, ce qui n’est pas injuste, mais au contraire très raisonnable, puisque Sa Majesté ne lui donne pas un salaire que pour assister à sa Chancellerie, et en ladite Ville Métropolitaine, et il est certain que, si le procureur s’occupe (comme j’entends qu’il s’occupe) de défendre les Sangleys, une République si populeuse, en tout ce dont ils auraient besoin, il méritera assurément le salaire. Ce à quoi se rajoute le fait que les Sangleys eux-mêmes, par des requêtes qu’ils ont faites, trouvent bon de donner ledit salaire de leur Caisse. Voici ce qui me semble, sauf meilleur avis. Fait à Manille au Collège de San José le 2 avril 1626.
La justesse de cette réponse a été prouvée par la suite, car en 1629 arriva une cédule de Sa Majesté pour que le procureur ne fut pas Protecteur, ce qui fait voir que jusqu’alors il n’y avait pas eu de telle cédule mais que ceux qui disaient qu’ils l’avaient vu se trompaient, et c’est à cause de ce que Alonso Fajardo, qui était fâché contre le Procureur, sorti un papier à l’Audiencia en disant que c’était une cédule pour que le Procureur ne soit pas Protecteur, et sans la montrer il m’a mis dans sa poche, et les oidores demeurèrent dans l’appréhension qu’il y ait une telle cédule, alors qu’il n’y en avait pas.
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Des monopoles
Tome 2, Partie 2.2, Diego de Bobadilla, 1631, f. 17r-26r
Ces trois dernières entrées sont les seules qui sont issues du deuxième Tome des Casos Morales résolus par Diego de Bobadilla. Ce volume est beaucoup plus systématique que le précédent dans la mesure où les résolutions sont classées en grandes catégories. Tout le début du volume est ainsi consacré à des questions économiques, puisque le premier thème développé est celui des libranzas, à savoir les obligations de paiement, le deuxième la question des monopoles, le troisième, d’un grand intérêt, sur les activités mercantiles des clercs dans le cadre du commerce du galion de Manille. De façon très révélatrice, une portion conséquente des cas traités dans ce deuxième volume est conservée aux archives de l’université dominicaine Santo Tomás, dans un manuscrit clairement écrit de la main du copiste de notre premier volume284, ce qui semble indiquer une certaine surveillance de la part des membres de l’Ordre des Prédicateurs vis-à-vis de la production de leurs compétiteurs jésuites. Non sans raison : une grande partie du Tome II de Barcelone est consacré à la controverse autour de la confession qui fit rage à Manille entre jésuites et dominicains en 1621.
Les cas que nous reproduisons ici font tous partie de la partie consacrée aux monopoles. Le premier est relatif à un sujet capital que la nature de ce dossier ne permet malheureusement pas de développer à sa juste mesure : la vive concurrence entre Espagnols et Portugais autour du commerce de produits chinois285. Le second traite du problème, déjà ponctuellement évoqué dans le long cas relatif aux pourboires, des chantiers non-finis, tandis que le troisième et dernier cas porte sur les fausses nouvelles relatives aux marchands chinois, une configuration fréquente aux îles Philippines, un espace qui, à l’époque moderne, était paradoxalement doublement caractérisé par son hyper-isolement et son hyper-connexion, toutes choses qui en firent assurément au xviie siècle le cadre et l’objet privilégié de ce qu’on appellerait aujourd’hui des fake news286.
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Monopolios
[…]
Caso 6° Si pecarán contra Justicia o contra caridad los Portugueses s[i] impiden con fraude o con persuasiones a los Chinas287 que no traigan mercadurías a Manila para vender ellos las [suy]as más caras [f. 22r-22v]
Todos los autores convienen en la resolución de este caso, los cuales hablan con distinción, y dicen dos cosas. La primera, que si los Portugueses con fuerza fraude o dolo estorban que vengan los Chinos a Manila, diciéndoles que los Castellanos son unos ladrones, y unos tales y cuales &c., para que con esto no vengan, y ellos vendan a precio subido las mercadurías que traen de Macan, pecan contra justicia, con obligación de restituir, así a los de Manila el daño que reciben, comprando más caro que compraran si vinieran los Chinos, como a los mism[o]s Chinas la ganancia que les estorban poner con sus mentiras y fraudes. Y la razón es porque los Portugueces con esto son causa injusta de la pérdida de los de Manila y del daño de los Chinos que dejan de venir y ganar por las mentiras que les dicen.
La segunda cosa que dicen los Autores es que, si sólo lo impiden con persuasiones y buenas razones, no tienen obligación de restituir los daños, aunque pecan gravemente contra caridad, como el que persuade a otro que revoq[ue] la manda que tenía hecha a primero, que no debe restituirle nada, aunque peque en ello. Yta Le[s]sio, C. 21, dub. 21, n° 153, Salas, De Empe. dub. 38, n° 7, Reginaldo288, Lib 25, n° 332, Maldero289, ttt # C. 2, dub. 7 # 3, Manuel Rodrigue[s] to. 2, Summ. C. 82, n° 3, Speculum confes[s]ariorum, disp. 6, q. 113, Bonacina, De Contractibus disp. 3, q. 2, p. 5, n° 8, y otros que citan los mismos.
Monopoles
[…]
Cas 6ème. Si les portugais qui empêcheraient par fraude ou persuasion les Chinois287 de ne pas amener de marchandises à Manille pour vendre les leurs plus chères pèchent contre la Justice ou contre la charité [f. 22r-22v]
Tous les auteurs s’accordent sur la résolution de ce cas, en parlent avec distinction, et en disent deux choses. La première, que si les Portugais avec force fraude ou dol empêchent que les Chinois viennent à Manille, en leur disant que les Castillans sont des voleurs, et pis encore, pour qu’ils ne viennent pas, et augmentent le prix des marchandises qu’ils amènent de Macao, ils pèchent contre la justice, avec obligation de restitution à ceux de Manille le dommage occasionné en achetant plus cher ce qu’ils auraient acheté si les Chinois étaient venus, comme aux Chinois eux-mêmes le bénéfice qu’ils les empêchent d’obtenir avec leurs mensonges et fraudes. Et la raison est que, avec ceci, les Portugais sont la cause injuste du préjudice de ceux de Manille et du dommage des Chinois qui ne viennent pas et ne font pas de bénéfices du fait des mensonges qu’ils leur disent.
La seconde chose que disent les auteurs est que, s’ils empêchent cela par la persuasion et de bonnes raisons, ils n’ont pas obligation de réparer les dommages, même s’ils pèchent gravement contre la charité, comme celui qui persuade un autre de révoquer l’offre qu’il avait fait à une première personne, qui ne doit rien lui restituer bien qu’il pèche contre elle. Ita Le[s]sius, C. 21, dub. 21, n° 153, Salas, De Empe. dub. 38, n° 7, Reginaldo288, Lib. 25, n° 332 Maldero289 ttt # C. 2, dub. 7 # 3, Manuel Rodrigue[s] to. 2, Summ. C. 82, n° 3 Speculum confes[s]ariorum, disp. 6, q. 113, Bonacina, De Contractibus disp. 3, q. 2, p. 5, n° 8, et d’autres que ceux-ci citent.
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Caso 8° Si es lícito consertarse los oficiales de no acabar la obra que otro comienza como hacen los sangleyes [f. 23r-23v]
Éste es un género de monopolio muy pernicioso en la república, y así está prohibido. La única C[ulpa] de monopolios compone de destierro y perdimiento de bienes, por que reciben los particulares gran [di]lación290 de los Oficiales, y se ven obligados a dar por la obra doblado de lo que merece, como acontece a los españoles de Manila con los Sangleyes, los cuales debían ser gravemente castigados. Y es cierto que los Oficiales, que por este concierto que tienen hecho, llevan más del justo precio, lo deben restituirse en conciencia, aunque los Sangleyes, si se les dice esto, se reyerían de nosotros. Toda esta resolución es de Molina, ttt. 2, disp. 345 #, eadem Re[b]ello, 2 p. Li. 9, q. 7, n° 7, Maldero [¿] ttt. 5, C. 2, dub. 7, # ad Bonacina, De contractibus, disp. 3, q. 2, p. 5, n° 20, y otros.
Cas 8ème. S’il est licite que les officiers publics se concertent pour ne pas finir un chantier qu’un autre commence comme le font les Sangleys [f. 23r-23v]
Ceci est un genre de monopole très pernicieux dans la république, de sorte qu’il est interdit. Le seul délit de monopole est passible d’exil et de saisie des biens, parce que les particuliers subissent un grand retard290 de la part des Officiers [publics], et se voient obligés à donner pour le travail le double de ce qu’il vaut, comme il arrive aux Espagnols de Manille avec les Sangleys, lesquels devraient être gravement punis. Et il est certain que les Officiers publics, qui du fait de cet arrangement, reçoivent plus que le juste prix, doivent rendre ce surplus en conscience, bien que si on disait cela aux Sangleys, ils se riraient de nous. Toute cette résolution est de Molina ttt. 2, disp. 345, # eadem Re[b]ello 2 p. Li. 9, q. 7, n° 7, Maldero ttt. 5, C. 2, dub. 7, # ad Bonacina, De contractibus, disp. 3, q. 2, p. 5, n° 20, et autres.
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Caso 9. Si es lícito fingir cartas o echar fama falza de que no vienen navíos de China para encarecer la mercadería que hay en la tierra [f. 23v-24v]
Es muy ordinario esto en Manila, que ya echa uno nueva de que no vienen los Navíos de China por los ladrones que hay en la costa, que el Holandés está en Ylocos291 cogiendo los Navíos de China, y que las Naos de Castilla ha[n] llegado al embocadero292 con mucha plata, con el fin de vender más cara lo que tienen [de] mercaderías, y son tanto[s] estos rumores falsos que ya no se encarga la conciencia en echarlos, pr que ya no se creen, y así para nuestro caso se ha de suponer que los finge uno también, que se da crédito a ello, como si el Sr. Gobernador mostrara una carta fingida diciendo que había llegado de China, de que este año no podía venir Navío, para que con esto vendiese algún amigo suyo la mercadería más cara, en lo cual sin duda pecaría gravemente por ser un género de Monopolio ilícito293 […]
La duda está en si tendría el tal que, hecho el falso rumor o carta fingida, obligación de restituir el daño que hizo, haciendo que otros se adelantasen a comprar el precio que corría, pudiendo en breve comprar mucho más barato, si no hubieran sido engañados, o haciendo que el precio creciese mucho más, y que los compradores fuesen damnificados [cf] Salas, ttt. De Emp., dub. 58, con Sá, Verbo restitutio, n° 4, y otros, dicen que no tiene obligación à restituir. Pero lo cierto es que la tiene, como dice Speculum confes[s]ariorum, disp. 6, que. 13, n° 1 […].
Cas 9. S’il est licite de simuler des lettres et faire circuler le bruit mensonger que les bateaux de Chine ne viennent pas pour faire augmenter le prix des marchandises qu’il y a sur place [f. 23v-24v]
Ceci est très courant à Manille, où un tel annonce la nouvelle que les bateaux de Chine ne viennent pas à causes des voleurs de la côte, parce que les Hollandais sont à Ilocos291 où ils s’emparent des bateaux en provenance de Chine, ou que les navires de Castille sont entrés dans l’archipel292 avec beaucoup d’argent afin de vendre plus cher les marchandises qu’ils ont, et les fausses rumeurs sont si nombreuses qu’on n’a plus mauvaise conscience à les propager, parce qu’on ne les croit plus, et ainsi pour notre cas on doit supposer qu’un tel les profère et qu’on y accorde crédit, comme si le Sieur Gouverneur montrait une fausse lettre en disant qu’elle venait de Chine, que cette année aucun bateau ne pouvait venir, pour qu’un de ses siens amis pût vendre la marchandise plus chère, ce en quoi il pécherait gravement car il s’agit d’un genre de Monopole illicite293 […]
Le doute consiste en savoir si, ayant propagé une fausse rumeur ou falsifié une lettre, le responsable devrait avoir obligation de restituer le montant du dommage en faisant en sorte que d’autres se pressent d’acheter au prix du moment, alors qu’ils auraient pu acheter peu après pour beaucoup moins cher, s’ils n’avaient été trompés, ou en faisant en sorte que le prix augmente beaucoup plus, et que les acheteurs soient pénalisés [cf.] Salas, ttt. De Emp., dub. 58, avec Sá, Verbo restitutio, n° 4, et d’autres disent qu’il n’a pas obligation de restituer. Mais il est certain qu’il l’a, comme il est dit dans Speculum confesariorum, disp. 6, que. 13, n° 1 […].