Amleth le guerrier, de Saxo Grammaticus à Robert Eggers

  • Amleth, the warrior prince, from Saxo Grammaticus to Robert Eggers
  • Amlethus der Krieger, von Saxo Grammaticus bis Robert Eggers

DOI : 10.57086/sources.940

p. 149-166

Cet article analyse la réception de la légende d’Amleth à l’époque médiévale, dans les Gesta Danorum de Saxo Grammaticus (début du xiiie siècle), et à l’époque contemporaine, dans le film The Northman de Robert Eggers (2022). En mettant en parallèle ces deux versions du célèbre récit de vengeance, les auteurs cherchent à déterminer dans quelle mesure elles caractérisent le protagoniste de façon particulièrement guerrière. Chez Saxo Grammaticus, l’aspect militaire du héros est minoré dans la première partie du récit, puis accentué dans le livre IV des Gesta, témoignant de l’influence potentielle de versions antérieures de la légende. En revanche, chez Robert Eggers, Amleth est présenté du début à la fin comme un guerrier, mêlant folie shakespearienne et stéréotype viking issu des sagas, dans une interprétation innovante de la légende.

This contribution analyses the reception of the legend of Amleth in the medieval period, in Saxo Grammaticus’s Gesta Danorum (early 13th century), and in the contemporary period, in Robert Eggers’s movie The Northman (2022). By comparing these two versions of the famous tale of revenge, the authors seek to determine to what extent the character is presented as a warlike hero. In the Gesta Danorum, the military aspect is downplayed in the first part, then emphasised in Book IV, which reflects the possible influence of earlier versions of the legend. By contrast, Robert Eggers presents Amleth as a warrior throughout, combining Shakespearean madness and stereotypes derived from Viking sagas in an innovative interpretation of the legend.

Dieser Artikel untersucht die Rezeption der Amlethus-Legende im Mittelalter, in den Gesta Danorum von Saxo Grammaticus (Anfang des 13. Jahrhunderts) und in der Gegenwart, im Film The Northman von Robert Eggers (2022). Indem sie diese beiden Versionen der berühmten Rachegeschichte gegenüberstellen, wollen die Autoren herausfinden, inwieweit sie den Protagonisten auf besonders kriegerische Weise charakterisieren. Bei Saxo Grammaticus wird der militärische Aspekt des Helden im ersten Teil der Erzählung unterbewertet und dann im vierten Buch der Gesta betont, was auf einen möglichen Einfluss früherer Versionen der Legende hindeutet. Bei Robert Eggers hingegen wird Amlethus von Anfang bis Ende als Krieger dargestellt, wobei sich Shakespeares Wahnsinn und das aus den Sagen stammende Wikingerstereotyp in einer innovativen Interpretation der Legende vermischen.

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À la recherche du guerrier en Amleth

On n’a guère l’habitude d’associer Hamlet à l’image du guerrier : le prince de Danemark de Shakespeare, indécis et changeant, parfois même velléitaire, n’est pas un homme d’action, encore moins d’action militaire. S’il échafaude des plans de vengeance, la plupart restent à l’état de projet ou entraînent les conséquences tragiques que l’on sait. Or c’est oublier que le récit-cadre qui enserre la pièce est plein d’échos guerriers. Du début à la fin de la tragédie, l’ombre du roi norvégien Fortinbras le Jeune plane sur le destin des protagonistes : l’armée norvégienne constitue dès la première scène un danger d’invasion qui menace le pouvoir de l’usurpateur Claudius1, et c’est cette même armée qui offre la résolution de l’intrigue, Fortinbras recueillant le trône danois après que l’ensemble de la famille royale danoise a péri2. Il est vrai que, dans les adaptations de la pièce au théâtre ou au cinéma, ce récit-cadre n’est souvent rien que cela : un cadre, le plus souvent oublié dans l’action, sans réelle fonction dramatique. Nombre de metteurs en scène choisissent donc de le réduire, voire de le supprimer3, à l’instar – pour ne mentionner que les cinéastes – de Laurence Olivier en 1948, de Nicol Williamson en 1969 et de Franco Zeffirelli en 1990. La pièce étant déjà longue, beaucoup d’adaptateurs choisissent de ne pas s’appesantir sur une intrigue jugée secondaire. Un des effets de l’occultation ou du moins de la minimisation de la figure de Fortinbras est de réduire encore la dimension guerrière et militaire de l’histoire de Hamlet.

Une exception en la matière – avant le film de Robert Eggers dont il sera question dans la suite de cet article – est fournie par l’adaptation de l’acteur et cinéaste britannique Kenneth Branagh. Dans son Hamlet – sorti sur les écrans en 1996 et long d’environ quatre heures puisqu’il n’introduit aucune coupe dans le texte shakespearien –, le monde donné à voir dès l’ouverture est un univers d’uniformes et d’armes : uniformes et armes de parade, certes, dans une ambiance xixe siècle et non médiévale ou renaissante, mais le xixe siècle n’est-il pas précisément le grand siècle de la culture militaire ? C’est donc un univers où ce qui domine est, sinon la guerre elle-même, du moins la préparation et la célébration de la guerre. Le film se clôt sur un majestueux cinquième acte dont la construction fait alterner les scènes tirées de la pièce (le dernier duel d’Hamlet4) et des scènes (silencieuses car elles ne sont pas chez Shakespeare) représentant l’invasion norvégienne et la prise de contrôle violente d’Elseneur par les troupes de Fortinbras. L’armée d’opérette de Claudius, avec ses uniformes chamarrés, ne fait pas le poids face aux soldats norvégiens aguerris, « professionnels et bien vêtus5 », aux uniformes gris et ternes mais dont les fusils tirent de vraies balles. Entre le début et la fin du film, plusieurs scènes de « bruits de bottes » rappellent aux spectateurs que la guerre ne quitte jamais l’horizon6.

De Shakespeare à Saxo Grammaticus : remonter le fil d’une légende

Or si la pièce de Shakespeare est inscrite au sein d’un récit-cadre guerrier, ce n’est pas seulement dû à la fantaisie du dramaturge. Comme d’autres traits bizarres voire apparemment incohérents de cette pièce, l’encadrement guerrier de la narration est dû aux sources où le dramaturge a puisé son argument7. On sait depuis longtemps que la tragédie shakespearienne, représentée pour la première fois vers 1600, a connu une première version, appelée dans la littérature spécialisée Ur-Hamlet, présente sur le théâtre anglais à la fin des années 1580 et attribuée tantôt au dramaturge Thomas Kyd (1558-1594), tantôt à Shakespeare lui-même8. L’argument est clairement tiré de la 5e partie du tome V des Histoires tragiques de François de Belleforest (1530-1583), apparue dans la version publiée à Paris en 1572 et reprise dans les rééditions ultérieures9 : il est certain que l’œuvre de Belleforest, tout comme le Ur-Hamlet, a compté parmi les sources directes de Shakespeare. Le récit de Belleforest est lui-même adapté du chapitre 6 du livre III et des chapitres 1 et 2 du livre IV des Gesta Danorum de Saxo Grammaticus, écrits au début du xiiie siècle mais dont la première édition a été imprimée en 1514 à Paris10.

Le Ur-Hamlet est perdu, mais les passages hamlétiques de Belleforest et, bien sûr, de Saxo sont bien connus et ont fait l’objet d’innombrables travaux et commentaires. William F. Hansen, entre autres, a publié il y a quarante ans une étude fouillée après laquelle on peut avoir l’impression de ne plus avoir grand-chose à dire11. Toutefois, occupé à traquer dans la littérature médiévale et moderne les sources de la pièce et de certains détails « aberrants », Hansen a choisi de ne pas s’attarder sur certains thèmes et motifs narratifs peu exploités par Shakespeare. C’est le cas, précisément, des questions militaires auxquelles Saxo puis Belleforest accordent une place bien plus importante qu’un simple récit-cadre. Hamlet – ou plutôt Amlethus pour utiliser la forme présente chez Saxo, que Belleforest francise en Amleth12 –, y est un homme d’action, un guerrier, qui se bat bien autrement que dans un ultime duel truqué.

Le récit de Saxo, en grande partie repris par Belleforest, s’organise en deux parties dont le contenu et la tonalité sont très différents. D’abord, jusqu’au meurtre de son oncle Fengo, le jeune Amlethus n’est pas encore le guerrier qu’était son père Horvendillus. C’est donc par la ruse et la dissimulation qu’il parvient à ses fins et obtient sa vengeance : même s’il manie l’épée pour tuer l’espion dissimulé dans la chambre de sa mère puis pour tuer Fengo lui-même13, il ne se livre pas à des actes de guerre et n’est généralement violent que de manière indirecte ou médiée. Ainsi, c’est à l’aveugle qu’Amlethus tue le personnage indiscret et anonyme caché sous le lit de sa mère qui donnera naissance au Polonius de Shakespeare14 ; ce n’est pas Amlethus lui-même mais le roi d’Angleterre qui, sur la foi de lettres forgées par le héros, fait pendre les ambassadeurs danois15 ; enfin, Amlethus brûle les sbires de Fengo dans sa halle mais à la différence des scènes comparables dans les sagas16, l’incendie ne donne pas lieu à un combat en règle puisque les victimes sont immobilisées sur leurs bancs par des crochets17. Fils d’un héros guerrier, le jeune Amlethus du livre III des Gesta Danorum est donc tout sauf un guerrier. Le récit pourrait s’arrêter là, à la fin du livre III – et de fait, c’est bien là qu’il s’arrête chez Shakespeare18. Mais l’histoire, chez Saxo, continue. À la différence du héros de Shakespeare, celui de Saxo ne meurt pas en accomplissant sa vengeance et ce n’est pas un roi norvégien qui recueille son héritage : il vit encore de nombreuses années et connaît des aventures qui, cette fois-ci, sont souvent guerrières. Cette suite, presque aussi longue que la première partie19, forme les deux premiers chapitres du livre IV des Gesta Danorum.

Que faire de ce récit touffu, complexe et étrange, qui forme comme un excursus dans le cours de la narration de Saxo ? En effet, à la différence de la plupart des autres récits, l’histoire d’Amlethus ne porte pas sur un « roi des Danois » mais sur un prince jutlandais : or, cela importait pour Saxo qui accorde en général la supériorité à l’île de Seeland et déprécie le Jutland20. Il est également significatif que Belleforest ait extrait ce récit pour en faire une « histoire tragique » indépendante. L’histoire d’Amleth se suffit donc à elle-même et peut être regardée – pour utiliser une expression de Hansen – comme une Vita Amlethi indépendante au sein des Gesta Danorum21. Belleforest, qui précise que « Saxon le Grammairien a escrit ce discours22 », suit donc la même trame et n’introduit pas d’épisodes ou de personnages supplémentaires. Si son texte est sensiblement plus long, c’est qu’il met « au goût du jour » le récit médiéval.

Avant de porter notre attention sur sa dimension guerrière, on notera que plusieurs traits du récit de Saxo relèvent de la septentrionalité, voire du boréalisme23. Ainsi, une anthroponymie typiquement scandinave distingue les personnages principaux des autres, les non-Scandinaves restant souvent anonymes (le roi d’Angleterre et sa fille, le roi d’Écosse…) ou étant pourvus de noms germaniques mais non nordiques (Hermuthruda, par exemple). En outre, le récit prend place dans une scène politique précise, celle d’un Danemark réunissant plusieurs composantes régionales, tantôt concurrentes, tantôt unies sous un seul sceptre. Belleforest reprend l’anthroponymie mais n’est pas sensible aux enjeux proprement danois du récit original : ainsi, alors que Saxo voyait en Viglecus (le prototype du jeune Fortinbras de Shakespeare) un roi seelandais légitime, Belleforest fait de son Vviglere un « tyran » qui « occupe Dannemarch » et désire « tenir tout le païs en sa subiection »24. Quant à Shakespeare, il renouvelle complètement l’anthroponymie en recourant aux noms classicisants ou italianisants que le public de son temps affectionne (Claudius, Polonius, Horatio…) et ne conserve du cadre danois que des ethnonymes (il y a bien dans Hamlet des Danois et des Norvégiens) et quelques éléments de couleur locale relevant plus souvent du Danemark du xvie siècle que des temps médiévaux25, sans lien avec la géographie politique de Saxo : Elseneur, par exemple, est en Seeland26. Ainsi, en s’éloignant des Gesta Danorum, le récit perd ce qui faisait sa spécificité scandinave et danoise. Au terme du processus, les marqueurs de septentrionalité disparaissent entièrement dans nombre d’adaptations pour la scène ou le cinéma : chez Branagh, il ne reste du Nord que la neige… Le contraste est frappant avec le film d’Eggers, où septentrionalité et boréalisme sont pleinement assumés.

De même, la dimension guerrière régresse au fil des transformations de l’histoire originale. Il est malheureusement impossible de préciser sous quelle forme celle-ci a pu circuler au Danemark avant le début du xiiie siècle, mais il semble bien que les exploits militaires aient constitué, pour certains auteurs de la fin du Moyen Âge, le cœur de l’histoire d’Amleth. Certes, la plus ancienne mention, seul témoignage probable de la circulation d’un récit hamlétique avant les Gesta Danorum, n’a rien de guerrier : celle-ci, au détour d’une kenning où le sable du rivage est appelé « farine d’Amlóði (Amlóða mólu) », dans un poème scaldique cité dans l’Edda de Snorri et généralement daté du xe siècle27, doit être rapprochée d’un épisode que Saxo situe sur une plage et où apparaît également une comparaison entre sable et farine28. En revanche, quelques textes postérieurs à Saxo – y compris certains dont la dépendance à l’égard des Gesta Danorum n’est pas assurée29 – montrent comment l’histoire d’Amleth était rapportée dans les derniers siècles médiévaux et quels en étaient les éléments saillants. C’est singulièrement le cas des Annales de Ryd (Annales Ryenses, fin du xiiie siècle30), qui pourraient refléter sur ce point une tradition indépendante car Amlethus y est roi de tous les Danois et non des seuls Jutlandais. Or, même en admettant qu’ils dépendent tous des Gesta Danorum, il convient de noter que la plupart de ces textes parlent avant tout de rois et de guerres : ainsi, dans les Annales de Ryd, Amlethus apparaît comme un grand guerrier victorieux qui meurt dans une bataille navale31. Il faut certes faire la part du genre annalistique qui privilégie la mention des batailles et de la mort des souverains, mais il est intéressant de noter que, parmi les éléments que ces courts textes choisissent de mettre en avant, figurent des combats singuliers où Amleth se distingue en personne. Il en est de même de l’Ambales saga, une « saga menteuse » (lygisaga) attestée par des manuscrits du xviie siècle mais qui pourrait dater du siècle précédent32 : on y entend le fracas des armes bien plus que chez Saxo, Belleforest et Shakespeare.

Si la dimension militaire de la vie d’Amleth intéressait les auteurs de la fin du Moyen Âge, et si l’on aimait à rapporter ses victoires militaires, pourquoi la narration de Saxo, du moins dans sa première partie, est-elle si peu guerrière ? Les choix de l’auteur, qui l’ont conduit à reléguer Amleth le guerrier à la seconde partie du récit, s’expliquent peut-être par ses modèles plus que par ses sources qui, de toute manière, nous restent inaccessibles. Ce qui compte pour Saxo, c’est l’attitude du héros qui feint la folie et l’imbécillité pour assurer sa propre sécurité et pour préparer sa vengeance. Des récits parallèles sont connus et circulaient en Scandinavie dans les derniers siècles médiévaux. Les Gesta Danorum eux-mêmes33, puis la Saga de Hrolf kraki au xive siècle34, racontent ainsi comment les frères Harald et Halfdan (ou Hroar et Helgi), neveux du tyran Frotho (Fróði), jouent les simples d’esprit afin de venger leur père. Mais le principal parallèle est probablement fourni par l’histoire de Lucius Junius Brutus, futur consul et fondateur de la République romaine, qui trompe la vigilance du roi Tarquin en feignant la folie35 ; or, comme Amlethus, Brutus a un nom qui signifie « idiot ». Cette histoire est rapportée par Tite-Live36, mais aussi et surtout par Valère Maxime dans ses Facta et dicta memorabilia, œuvre de compilation du Ier siècle de notre ère qui est, on le sait, un des principaux modèles littéraires de Saxo37. Le Brutus de Valère Maxime connaît donc, comme l’Amlethus de Saxo, un destin en deux temps nettement distincts : une jeunesse marquée par la dissimulation et la folie apparente face à des adversaires politiques (les fils de Tarquin38) ; une maturité de dirigeant politique conclue par la mort au combat contre un adversaire qui lui dispute le pouvoir (Arruns, l’un des fils de Tarquin39).

Dès lors, il n’est pas interdit d’imaginer qu’a pu circuler oralement, en amont des Gesta Danorum, une histoire du prince Amleth qui avait feint la folie dans le but de venger son père : en témoigneraient la kenning rapportée par Snorri et, peut-être, les Annales de Ryd. Dans ces récits, le jeune prince, fils d’un grand guerrier, devenait à son tour un guerrier après avoir accompli sa vengeance et tuait plusieurs rois ennemis avant de tomber au combat. Saxo a pu être sensible aux ressemblances avec le récit de Valère Maxime, qui pourraient d’ailleurs s’expliquer par l’existence d’un récit archétypal, de nature folklorique, celui du « Hero as Fool40 ». Le choix de présenter la vie de son Amlethus en deux époques distinguées de manière aussi nette – qui plus est de part et d’autre de la césure des livres III et IV – serait alors dû à l’influence de Valère Maxime, dont l’œuvre présente deux visages très différents de Lucius Junius Brutus.

Ce qui appartient en propre à Saxo, en revanche, c’est la création d’un récit de formation où le héros, avant et surtout après la charnière que constitue l’acte de vengeance, gagne en assurance et assume de plus en plus ouvertement la violence. Au livre III, il ne cesse d’user de la ruse mais les personnages qui lui viennent en aide sont de moins en moins nombreux : si lors des premières épreuves il s’appuie sur divers adjuvants41, il finit par falsifier seul les lettres destinées au roi d’Angleterre42 puis par mettre seul le feu à la halle (après avoir attaché les convives à leurs bancs43) et par tuer seul son oncle (préalablement privé de son épée44). Au livre IV, il commence par assumer ses actes en revendiquant d’avoir agi seul45, puis il renonce progressivement à la ruse et, là encore, aux adjuvants : si dans un premier temps c’est la fille du roi d’Écosse qui falsifie les lettres et lui sauve la vie46, il affronte le roi d’Angleterre qui l’a attaqué47, puis il s’en prend au roi Viglecus, accepte son défi en retour et meurt au combat48. La violence d’Amleth va donc croissant, tout comme sa solitude.

Ainsi, l’Amlethus de Saxo est de plus en plus actif, assumant ouvertement l’exercice de la violence et devenant progressivement le roi de guerre qu’était son père : à la fin de sa vie, il affronte loyalement son dernier adversaire, tout comme Horvendillus face au roi norvégien49. Devenir ce que son père avait été, un grand guerrier : c’est ce que font l’Amlethus de Saxo et l’Amleth de Belleforest, mais c’est précisément ce que le héros shakespearien ne parvient jamais à faire. En interrompant l’action à la charnière même du récit original et en faisant mourir le héros juste après son retour au Danemark, c’est-à-dire au moment même où s’accomplit sa vengeance, Shakespeare a resserré l’action autour du thème de la folie et de la dissimulation et a fait disparaître Amleth le guerrier. Après plus de quatre siècles d’occultation, il réapparaît devant la caméra de Robert Eggers.

De Saxo Grammaticus à Robert Eggers : Amleth le guerrier, figure contemporaine

Dans The Northman, Robert Eggers propose sa propre version de la légende d’Amleth, qui dévie en grande partie de celle de Saxo Grammaticus. Le film se divise en cinq parties qui ont peu de choses à voir avec le récit de Saxo. Dans la première, Amleth est présenté au magicien Heimir qui, au cours d’un rite initiatique, lui fait promettre qu’il vengera la mort de son père. Son oncle Fjolnir décapite Aurvandill tout de suite après la cérémonie initiatique. Amleth réussit à échapper de justesse à la folie meurtrière de son oncle en prenant la fuite sur une barque et se jure à lui-même de venger son père en tuant Fjolnir. Dans la deuxième partie du film, nous retrouvons le héros plusieurs années plus tard, alors qu’il est devenu membre d’une bande de guerriers opérant dans la Rus’. Ayant appris que son oncle réside désormais en Islande, Amleth se fait passer pour un esclave afin d’être vendu à son oncle. Il se lie alors à Olga, une esclave d’origine slave. La troisième partie du film se concentre sur la vie d’Amleth en tant qu’esclave sur le domaine de Fjolnir en Islande. Une nuit, alors qu’il profite de l’obscurité pour inspecter le domaine de son oncle et y trouver des failles permettant de mettre en œuvre son plan, il rencontre un sorcier qui lui apprend l’existence de l’épée magique, nommée Draugr, qui lui permettra d’accomplir son projet et qu’il parvient à obtenir à la suite d’un duel avec un revenant. La quatrième partie du film constitue le point de bascule où commence l’entreprise sanglante des représailles. Ayant appris que sa mère, Gudrún, a elle-même organisé le meurtre de son père Aurvandill, Amleth est pris de rage et assassine Thorir, le fils aîné de Fjolnir, puis il supprime sa mère et son demi-frère Gunnar, à la suite de quoi s’ouvre la cinquième partie du film, lors de laquelle il meurt en achevant Fjolnir lors d’un duel au bord du cratère d’un volcan. L’image d’une valkyrie transportant Amleth vers le Valhalla clôt le film.

Le critique de cinéma Simon Abrams a récemment publié un ouvrage consacré à la réalisation de ce film50. Dans le titre de son ouvrage, qui s’apparente à une sorte de livre making of, Simon Abrams désigne le film comme un « thriller de vengeance viking épique (epic Viking revenge thriller) » : cette catégorie filmique semble, de prime abord, inconnue au bataillon et créée de toute pièce par le critique de cinéma new-yorkais. Toutefois, elle est la concaténation de plusieurs genres cinématographiques connus. Le premier est celui du thriller, genre tirant son nom du verbe anglais to thrill, « faire frémir », étymologie qui en révèle bien le principal procédé narratif, à savoir le suspense : dans le cas de The Northman, la vengeance est le mécanisme par lequel le suspense est mis en tension, d’où l’appartenance du film au sous-genre du revenge thriller.

Cette revanche est bien sûr celle qui découle de la reprise de la légende d’Amleth, récit de la faide déclenchée par le meurtre inaugural du père du protagoniste. S’inspirant à la fois de la version de Saxo Grammaticus mais aussi de celle du Hamlet de Shakespeare, le réalisateur de The Northman résume l’intrigue au travers de la triple promesse qu’il fait prononcer à Amleth à la fin de la première partie du film : « I will avenge you, Father! I will save you, Mother! I will kill you, Fjolnir! (Je te vengerai, Père ! Je te sauverai, Mère ! Je te tuerai, Fjolnir !) ». Le rythme ternaire de ce serment que le personnage se répète trois fois à lui-même possède un caractère presque hypnotisant du fait qu’Amleth le clame alors qu’il prend la fuite à bord d’un esquif ballotté par la houle. La formule, qui rappelle des promesses de vengeance similaires dans d’autres œuvres médiévalistes (Arya dans la série Game of Thrones par exemple), résume alors ce que l’on pourrait appeler le programme du film : elle est le fil d’Ariane d’une adaptation de la légende qui est, plus qu’une simple interprétation, une véritable réécriture de l’histoire d’Amleth, synthétisant, outre les apports majeurs de Saxo Grammaticus et de Shakespeare, de nombreuses autres influences médiévales, modernes et contemporaines qui ont façonné ce personnage de sa création jusqu’à nous.

C’est en cela qu’il faut comprendre la dernière partie du nom de la catégorie filmique où le range Simon Abrams, à savoir « viking épique ». Le film, écrit par Robert Eggers avec la complicité de l’auteur islandais Sjón, agrège en effet en lui-même de nombreux éléments qui ne sont pas spécifiques au mythe d’Amleth mais qui sont en fait issus à la fois d’une esthétique héritée de la littérature islandaise et d’une tradition cinématographique bien connue cette fois-ci, puisqu’elle fait l’objet d’un regain d’intérêt et de production ces dernières années, à savoir ce que l’on pourrait appeler le « film viking ». Ainsi, Amleth n’est ici pas seulement un héros légendaire ou un personnage tragique shakespearien, mais véritablement l’incarnation d’un archétype du viking créé par le cinéma de genre très en vogue actuellement, notamment depuis la série Vikings de Michael Hirst (2013), et que l’on peut en fait faire remonter bien plus loin. L’historien Kevin J. Harty51 fait en effet remonter la naissance du genre au film The Viking Bride de Lewis Fitzhamon, sorti en 1907, le deuxième grand jalon de l’histoire de ce genre étant The Vikings de Richard Fleischer, sorti en 1958 et mettant notamment en scène Kirk Douglas et Janet Leigh. En ce sens, l’Amleth de Robert Eggers est bel et bien, de manière essentielle, un guerrier, et plus précisément un guerrier viking, cette caractérisation fondamentale justifiant d’ailleurs la classification de l’œuvre dans la catégorie des films dits « épiques ».

De ce fait, en promouvant une figure d’Amleth combattant, Robert Eggers donne une interprétation singulière de la légende originelle qui, on l’a vu, n’était pas foncièrement encline à le caractériser comme tel. On peut donc se demander pourquoi le réalisateur a choisi d’insister sur cet aspect plutôt que sur un autre. Est-ce simplement par volonté de coller au stéréotype viking tel qu’il est diffusé par les productions cinématographiques contemporaines ? Ou bien cette interprétation belliqueuse d’Amleth ouvre-t-elle de nouvelles perspectives concernant le récit de la vengeance, entre faide médiévale et tragédie shakespearienne ? En d’autres termes, le film The Northman nous invite à nous interroger sur le statut de la violence dans le stéréotype contemporain du viking et, inversement, à décortiquer la construction du personnage d’Amleth le guerrier dans le film de Robert Eggers, en y distinguant ce qui relève des réflexes d’un certain cinéma de genre et ce qui appartient au contraire à une originalité de l’œuvre, résultat de la sédimentation de plusieurs strates de médiévalisme.

Du viking au berserkr

Chez Eggers, le personnage d’Amleth est avant tout un stéréotype de combattant scandinave du Moyen Âge et hérite de nombreux éléments appartenant à l’univers martial médiéval, à commencer par le contexte conflictuel de la vengeance, plus précisément de la faide. Saxo Grammaticus paraît ici une inspiration évidente mais il n’est pas le seul auteur médiéval à avoir pu influencer Robert Eggers à ce sujet. Au début du film, Amleth apparaît d’abord à l’écran comme un jeune garçon prenant exemple sur son père, viking de renom, dans une relation père/fils très forte qui annonce la vengeance à venir : on songe ici à la manière dont les sagas commencent fréquemment par une description des ascendants de leur personnage principal52. L’idée d’une colonisation de l’Islande qui aurait fait suite aux pressions du roi de Norvège est quant à elle déjà présente dans le Landnámabók d’Ari Þorgilsson au xiie siècle qui insiste sur la « tyrannie de Haraldr aux Beaux Cheveux53 ». Ces éléments contribuent ainsi à situer le film dans un contexte d’intenses rivalités militaires où Amleth n’a d’autre choix que de vivre sa vie en combattant.

Il devient en fait plus précisément un guerrier-fauve, ou berserkr en vieux-norrois. Le film prend ici une certaine liberté, puisque les berserkir, bien que présents dans la culture populaire contemporaine54, sont souvent moins connus du grand public que les vikings. La rage du guerrier-fauve (berserksgangr55) se présente ici comme une réinterprétation de la folie d’Amleth. On peut par exemple voir dans la cérémonie d’initiation des guerriers-fauves qui est proposée dans la deuxième partie du film la reproduction d’une scène des matrices de Torslunda56. Le maître de cérémonie, borgne, représente Odin tenant les bâtons servant à marquer le rythme de l’incantation. La bande de berserkir fait immédiatement penser à la Saga de Hrólf kraki, dans laquelle le protagoniste rassemble des guerriers-fauves « équipés avec grande pompe57 », pour venger son père. En mettant en scène des raids d’une grande violence, le film semble faire sienne la conclusion de l’étude de Roderick Dale, qui dépeint les berserkir avant tout en champions de guerre dans sa récente synthèse à leur sujet58.

Mais Amleth n’est pas au service d’un roi : le film reprend ici surtout l’idée de confréries de guerriers-fauves liées par des pratiques rituelles, ce qui évoque plutôt les Männerbunde étudiés par Otto Höfler59, penseur au service l’Allemagne nazie dont les thèses influencèrent durablement l’historiographie, avant la dénazification du sujet au cours des récentes décennies60. Sans promouvoir une idéologie politique quelconque, Eggers fait d’Amleth un guerrier qui entretient à tout le moins une relation particulière à la sphère du divin. Une invocation à Odin ouvre d’ailleurs le film : « Hear me, Odin, all-father of the gods! (Écoute-moi, Odin, père de tous les dieux !) ». Dès le départ, l’aventure d’Amleth est inscrite dans une forme de culte odinique. Lors d’un raid en territoire rus’, Amleth rencontre d’ailleurs une prêtresse slave qui lui annonce que c’est Odin lui-même qui lui ordonne d’accomplir sa vengeance. Ce patronage odinique sur les combattants est déjà présent chez Saxo, où Othinus explique « la pratique des batailles (bellorum usu61) » au roi Haraldus. Cette relation combattant/divinité découle sans doute d’une lecture de la Gylfaginning de Snorri Sturluson62, où Odin a à son service les einherjar, combattants d’élite tombés au combat qui l’ont rejoint au Valhalla. Mais si Snorri donne une version évhémériste du dieu63, le film adopte en revanche une conception du culte odinique qui ne fait aucun cas de la christianisation et semble totalement rendre son efficace au culte de celui qui est souvent décrit comme un « dieu de la guerre64 ».

La vengeance comme guerre

Toutefois, malgré tout son médiévalisme, le film reste éminemment shakespearien dans sa tonalité. À la transe du guerrier-fauve s’ajoute la folie vengeresse prophétisée par un trio de personnages mystiques, « à la Shakespeare ». La première de ces trois figures est Heimir, chef de cérémonie de l’initiation d’Amleth au début du film. Le personnage renvoie à l’univers de Hamlet par sa théâtralité et la projection d’une folie feinte, à la fois jeu d’acteur et transition vers le monde surnaturel. Chez Shakespeare, tout comme chez Saxo et Belleforest, Hamlet feint l’imbécillité pour échapper à la suspicion de son oncle, tandis que dans The Northman, c’est en feignant d’être esclave, et non pas fou, qu’Amleth parvient à ne pas éveiller les soupçons du frère de son père. La deuxième apparition est celle de la prophétesse slave, qui appelle à l’imaginaire de la völva65. Le sorcier qui garde l’épée Draugr, arme qui permet d’accomplir la vengeance, fait quant à lui plutôt référence à l’univers des sagas, via la figure du revenant, citation à peine voilée de la Saga de Grettir, dans laquelle le personnage principal affronte un draugr pour obtenir l’épée Kársnautr, nom qui signifie « l’héritage de Kárr66 ». On comprend alors que l’objet récupéré auprès du revenant au terme d’un violent duel relie implicitement Amleth à son père pour qu’il puisse le venger.

Le deuxième trait shakespearien que l’Amleth de Robert Eggers possède est celui d’être un héros qui doute. Le protagoniste semble en effet de moins en moins entreprenant à mesure que la réalisation de l’acte lui-même de la vengeance approche. Alors qu’il n’hésite pas à se faire tatouer pour pouvoir devenir l’esclave de Fjolnir, il se montre nettement moins résolu à agir une fois sur place et ce n’est qu’avec l’impulsion d’Olga, sa compagne d’infortune, qu’Amleth se décide enfin à mettre sa vengeance en acte. On retrouve ici la figure de la femme incitatrice, présente dans les sagas67 mais aussi chez Shakespeare68. Mais alors qu’il a tué les esclaves et le fils aîné de Fjolnir, il ne parvient pas à porter le coup fatal à son oncle. Déboussolé et en fuite, il perd pied : « My mother killed my past (Ma mère a tué mon passé) », dit-il, comme si les révélations de sa mère au sujet de son adultère et du meurtre de son père avait détruit le sens de sa vengeance. Il ne retrouve la motivation de tuer son oncle qu’en découvrant qu’Olga est enceinte de lui. Le réalisateur choisit de représenter ce retour à un personnage déterminé dans sa vengeance en montrant Amleth sautant du navire qui devait lui permettre de fuir : il est désormais plus motivé que jamais à affronter son oncle et retrouve alors son aura guerrière.

C’est dans l’enchaînement final de meurtres familiaux que The Northman porte l’héritage shakespearien à son comble. Alors que la quatrième partie du film, correspondant à la phase de doute, était placée sous le signe de l’obscurité, la cinquième partie du film qui commence à ce moment-là s’intitule « The Gates of Hel (Les Portes de Hel) », mélange du monde souterrain des morts dans la mythologie scandinave69 et de l’enfer enflammé du paradigme chrétien qui appartient plutôt à l’univers de Shakespeare70. À ce sujet, il faut dire quelques mots de la représentation du christianisme dans le film, puisqu’Amleth y est explicitement représenté comme un guerrier païen. Au moment où les esclaves du domaine de l’oncle sont tués, on accuse directement les esclaves chrétiens d’en être responsables, au motif que leur dieu est « a corpse nailed to a tree (cadavre cloué sur un arbre) » : ici, le script du film met dans la bouche des païens une analogie connue entre le Christ et Odin71, pendu à un arbre pendant neuf jours selon le Hávamál. Le sacrifice humain qui est représenté à l’écran montre néanmoins qu’on se situe bien loin de l’interprétation chrétienne proposée par Belleforest72. Amleth meurt par ailleurs au combat en tuant son oncle, ce qui renvoie au destin des einherjar décrit dans l’Edda de Snorri notamment. Ainsi, le film ne finit pas sur un amoncellement de cadavres comme chez Shakespeare, mais plutôt sur une entrée triomphale au Valhalla, qui témoigne de l’héritage épique du médiévalisme contemporain.

L’imaginaire du guerrier au prisme de la reconstitution historique

Le film The Northman semble en effet s’attacher autant que possible à reconstituer l’univers matériel et historique des guerriers vikings. L’équipe de réalisation du film a pris conseil auprès d’archéologues réputés tels que Neil Price, connu notamment pour ses interprétations novatrices de la fameuse « guerrière de Birka73 », qui s’est déclaré impressionné par la qualité du film lors d’une interview donnée l’an dernier74. Il est vrai que les « films vikings » ne s’embarrassent pas toujours de beaucoup de précision sur le plan matériel75. The Northman porte en revanche à l’écran des éléments faisant l’objet d’hypothèses archéologiques sérieuses. Ainsi, Olga utilise une décoction à base d’amanite tue-mouche qui paraît vraisemblable76, même si des archéologues ont récemment plutôt plaidé en faveur de l’usage de la jusquiame noire comme hallucinogène de prédilection des Scandinaves77. Le film prend aussi la peine de reconstituer un jeu de balle collectif, le knattleikr, que l’on retrouve par exemple dans la Saga de Snorri le godi (Eyrbyggja saga78). Nous n’avons pas d’informations précises sur les règles de ce jeu, mais le match de knattleikr est plutôt le prétexte d’un affrontement mimétique, où Amleth prend le risque de sauver la vie de son demi-frère Gunnar, à un stade du film où il est encore convaincu que sa mère est innocente. De ce fait, le knattleikr sert plutôt ici à caractériser le personnage d’Amleth en vengeur de sa famille : la reconstitution historique du monde viking reste au service d’une représentation guerrière d’Amleth.

De même, la manière dont les rituels magiques sont représentés à l’écran se focalise sur la prophétie de l’accomplissement de la vengeance plutôt que sur une exactitude historique. On peut même dire que le film tombe ici dans certains stéréotypes qui le rattachent en fait à un univers plus néopaïen que réellement viking79. Qu’il s’agisse de l’attachement à des animaux-totems tels que la queue de renard censée guider Amleth dans son projet de vengeance, ou des rites orgiaques d’une sorte de fête de la fertilité organisée par les esclaves du domaine de Fjolnir, rappelant les reconstitutions pseudo-historiques de la fête de la Beltaine dans les mouvements wiccans, on a bien ici affaire à une représentation de l’ancienne religion scandinave déformée par le prisme du médiévalisme contemporain80 et d’un certain nombre de pratiques New Age.

Quelques éléments rituels restent toutefois intéressants d’un point de vue de la reconstitution historico-archéologique. Trois exemples s’inscrivent ainsi dans des questionnements scientifiques bien étayés, au-delà de leur caractère bien évidemment symbolique et esthétique. Tout d’abord, le temple de Svetovit81, visité par Amleth lors du raid dans la Rus’, témoigne d’une forme de syncrétisme religieux scandinavo-slave à l’époque viking. Or, une certaine fusion d’éléments rituels slaves et scandinaves dans la Rus’ a pu être mise en évidence par de nombreuses études archéologiques des tombes de la région. Toutefois, la question n’est pas tranchée, car elle s’inscrit dans des débats très houleux sur un éventuel héritage nordique dans la culture slave82. Deuxièmement, au moment où Amleth tue Thórir, fils aîné de Fjolnir, il arrache son cœur puis procède à un sacrifice humain pour purifier le domaine de l’oncle. Ces sacrifices humains sont d’abord connus par les témoignages textuels de Rimbert, Adam de Brême, Thietmar de Mersebourg et Ibn Fadlân, et il semble qu’ils aient été confirmés pour au moins trois sites archéologiques médiévaux au Danemark (Lejre, Dråby et Trelleborg83). Enfin, les funérailles de Thórir donnent lieu à une sépulture dans un bateau-tombe et au sacrifice d’une jeune femme. L’enterrement des guerriers de haut rang dans des navires est un phénomène bien documenté du point de vue archéologique, avec en tête les bateaux d’Oseberg, Tune ou encore Gokstad84, le sacrifice d’une jeune femme lors des funérailles étant quant à lui rapporté chez des auteurs médiévaux comme Ibn Fadlân. Quelques cadavres féminins retrouvés à bord de ce genre de sépultures navales permettent aussi de soutenir l’hypothèse85. The Northman propose ainsi une lecture du monde viking qui semble à la fois informée par les dernières données de l’archéologie et influencée par des stéréotypes plus contemporains, bien que jamais tout à fait caricaturaux, jouant à l’occasion des failles du savoir historique.

Pour finir, il faut souligner que l’archétype du guerrier viking que The Northman propose au travers du personnage d’Amleth s’accompagne également d’un pendant féminin, très prisé du médiévalisme contemporain, celui de la guerrière viking86. Le film ne tombe pas dans la caricature, contrairement à la série Vikings par exemple qui, avec le personnage de Lagertha, a créé un véritable stéréotype cinématographique87. Ce dernier rassemble toutes les caractéristiques de la shield-maiden, forte et téméraire, s’appuyant uniquement sur des sources littéraires et non sur des preuves matérielles88. Rappelons en effet que si la célèbre « guerrière de Birka » a été interprétée par certains historiens et archéologues comme la preuve de l’existence de femmes ayant des fonctions guerrières en Scandinavie médiévale89, la question reste sujette à d’amples débats qui ne sont pas tranchés à ce jour. Or, The Northman prend le parti, à nouveau, d’utiliser ce que les historiens et les archéologues lui offrent de plus attrayant, pour fabriquer des images esthétiquement puissantes : ainsi, le film propose par exemple une véritable résurrection de ladite « guerrière de Birka » lors de la scène du raid sur le village rus’, à la fin duquel apparaît une femme toute armée, montant à cheval et disparaissant peu après, comme une vision évanescente. De même, Olga, si elle est loin de l’archétype de shield-maiden d’une Lagertha, étant donné que le film la présente comme une « sorcière », reste elle aussi un stéréotype de femme forte, incitant Amleth à passer à l’action et amenée à enfanter une petite fille que la prêtresse slave nomme « maiden-king », c’est-à-dire « fille-roi ». Cette androgynie semble typique d’une interprétation contemporaine consistant à faire de l’âge viking une époque faste pour une forme de féminité conquérante. Or, même si des théories s’élaborent ces dernières années sur cette possibilité, il reste que, pour la plupart des spécialistes, le stéréotype belliqueux scandinave est masculin et témoigne d’un système patriarcal, où la féminité est dénigrée et infériorisée90. Enfin, l’image finale de la valkyrie emmenant Amleth vers le Valhalla reprend elle aussi des stéréotypes de la guerrière viking, cavalière toute armée et casquée, tout droit sortie d’un opéra de Wagner.

Conclusion

The Northman propose une version très belliqueuse de la légende d’Amleth, où le personnage principal prend les traits d’un viking sanguinaire, guidé par le dieu Odin et possédant les traits d’un véritable guerrier-fauve. Mais, si l’héritage médiéval de Saxo Grammaticus, des sagas islandaises et de l’archéologie viking prédomine, les éléments shakespeariens et romantiques, voire contemporains, de la réception de la légende ne sont pas pour autant absents du film. Avec cette œuvre à l’esthétique violente et tragique, Robert Eggers suggère donc un Amleth qui se présente comme une sorte de synthèse des grandes versions de la légende, du Moyen Âge à nos jours. Toutefois, la connotation chrétienne du personnage présente chez Belleforest et chez Shakespeare est notablement en retrait dans cet ensemble, le film restant cantonné à un univers très païen. Aussi, The Northman peut être rangé dans la catégorie des films vikings épiques, mais sous un format permettant d’aller plus loin que la plupart des films produits à ce jour : par la prise en compte d’un grand nombre de sources tant textuelles qu’archéologiques, la reconstitution de l’univers spirituel et matériel des vikings atteint ici un niveau peu égalé, si ce n’est dans certains films d’auteur, comme la « trilogie du corbeau » de Hrafn Gunnlaugsson. The Northman renouvelle ainsi le stéréotype cinématographique du guerrier viking au travers de son interprétation du personnage d’Amleth et de l’histoire légendaire de sa vengeance : reste à voir si cela marquera un tournant dans l’évolution de ce genre cinématographique qui tient une place de choix dans le paysage du médiévalisme scandinave contemporain.

Notes

1 William Shakespeare, Hamlet, acte I, scène 1 : voir l’édition bilingue avec introduction, traduction française et notes d’André Lorant, Paris, Aubier, 1988, p. 96-99. Return to text

2 Ibid., acte V, scène 2, p. 316-319. Return to text

3 Patrick J. Cook, Cinematic Hamlet : The Films of Olivier, Zeffirelli, Branagh, and Almereyda, Athens (OH), Ohio University Press, 2011, p. 66. Return to text

4 W. Shakespeare, Hamlet, acte V, scène 2..., op. cit., p. 300-315. Return to text

5 P. J. Cook, Cinematic Hamlet..., op. cit., p. 111. Return to text

6 Ibid., p. 141. Return to text

7 Voir l’introduction d’A. Lorant à son édition de W. Shakespeare, Hamlet..., op. cit., p. 10-24, qui résume utilement une très abondante bibliographie. Voir aussi William F. Hansen, Saxo Grammaticus and the Life of Hamlet : A Translation, History and Commentary, Lincoln (NE), University of Nebraska Press, 1983, p. 66-91. Return to text

8 Voir le descriptif proposé par le site Lost Plays Database, publié par la Folger Shakespeare Library, en ligne : <https://lostplays.folger.edu/Hamlet>. Voir aussi la contribution de P. Andersen sur Amlethus dans ce volume (infra, p. 198). Return to text

9 Nous avons utilisé l’édition suivante : François de Belleforest, « Avec quelle ruse Amleth, qui depuis fut Roy de Dannemarch, vengea la mort de son père Horvvendille, occis par Fengon son frère, & autre occurrence de son histoire », dans Idem, Le cinquiesme tome des Histoires Tragiques, contenant un discours memorable de plusieurs Histoires, le succez & euenement desquelles est pour la plus part recueilly des choses aduenuës de nostre temps, Paris, Chez Jean Hulpeau, à l’escu de Bourgongne, au mont Sainct Hilaire, 1572, fol. 149r‑191r. Return to text

10 Saxo Grammaticus, Gesta Danorum. The History of the Danes, Karsten Friis-Jensen (éd.) et Peter Fisher (trad.), 2 vol., Oxford, Oxford University Press, 2015, vol. I, p. xxxiii-xxxv et lv-lvii. Return to text

11 W. F. Hansen, Saxo Grammaticus and the Life of Hamlet..., op. cit. Return to text

12 Dans la suite de cet article, nous utiliserons cette forme francisée comme une forme générique quand notre propos ne se réfère pas à un texte précis. Return to text

13 GD III.6.25. Return to text

14 GD III.6.13. Return to text

15 GD III.6.21. Return to text

16 Jesse L. Byock, Feud in the Icelandic Saga, Berkeley/Los Angeles/Londres, University of California Press, 1982, p. 107. Return to text

17 GD III.6.22-24, Return to text

18 Comme l’a noté W. F. Hansen (Saxo Grammaticus and the Life of Hamlet..., op. cit., p. 69-71), l’adaptation shakespearienne commence et finit in medias res. Return to text

19 11 pages pour la 1e partie, 10 pages pour la 2e dans l’édition de Karsten Friis-Jensen : S. Grammaticus, Gesta Danorum..., op. cit., p. 182-200, 200-220. Return to text

20 W. F. Hansen, Saxo Grammaticus and the Life of Hamlet..., op. cit., p. 5. Return to text

21 Ibid., p. 2. Return to text

22 F. de Belleforest, « Avec quelle ruse... », op. cit., p. 190. Return to text

23 Sur ces notions, voir Sylvain Briens, « Boréalisme. Le Nord comme espace discursif », Études germaniques, vol. LXXI, n° 2, 2016, p. 179-188, et Alban Gautier, Alexis Wilkin, Odile Parsis-Barubé et Alain Dierkens, « Winter is medieval. Représentations modernes et contemporaines des Nords médiévaux », Deshima. Arts, lettres et cultures des pays du Nord, vol. XV, 2021, p. 119-178. Dans ce dernier article (p. 174-176), nous avons distingué la septentrionalité du boréalisme – deux notions élaborées indépendamment l’une de l’autre, qui se rejoignent sans se recouvrir exactement : par septentrionalité, nous désignons la représentation d’un Nord marqué comme tel et visiblement différent de ce qui n’est pas le Nord, par accumulation de traits qui amènent un observateur à dire d’un espace que « c’est le Nord » ; par boréalisme, nous entendons l’ensemble, formant corpus et système, des discours stéréotypés portés sur le Nord, initialement depuis le Sud mais parfois repris et assumés par des auteurs du Nord. En d’autres termes, les marqueurs de septentrionalité peuvent servir à construire un discours boréaliste. Return to text

24 F. de Belleforest, « Avec quelle ruse... », op. cit., p. 187. Return to text

25 W. F. Hansen, Saxo Grammaticus and the Life of Hamlet..., op. cit., p. 81-91. Return to text

26 Gunnar Sjögren, « The Geography of Hamlet », dans Shakespeare and Scandinavia : A Collection of Nordic Studies, Gunnar Sorelius (éd.), Mississauga, Associated University Presses, 2002, p. 64-71. Return to text

27 Poème attribué au scalde Snæbjörn : voir Edith Marold, « Snæbjǫrn, Lausavísur 1 », dans Poetry from Treatises on Poetics, Kari Ellen Gade et Edith Marold (éd.), Turnhout, Brepols (Skaldic Poetry of the Scandinavian Middle Ages, III), 2017, p. 377, via le site Skaldic Project, Snæbj Lv 1, <https://skaldic.org/m.php?p=verse&i=4041&x=0>. Return to text

28 GD III.6.10. Le nom même d’Amleth est en débat : en vieil islandais, le mot amlóði désigne un être physiquement et/ou intellectuellement débile, mais est-ce à cela que le personnage doit son nom ou le nom commun est-il dérivé de celui du héros ? Voir les références du Dictionary of Old Norse Prose, en ligne : <https://onp.ku.dk/onp/onp.php?o3367>. Return to text

29 Sont donc exclues de notre réflexion des œuvres dont la dépendance envers Saxo est évidente, comme le Compendium Saxonis du milieu du xive siècle. Return to text

30 Lars B. Mortensen, « Annales Ryenses », dans Graeme Dunphy et Cristian Bratu (dir.), Encyclopedia of the Medieval Chronicle, Leyde, Brill, 2021, en ligne : <https://referenceworks.brillonline.com/entries/encyclopedia-of-the-medieval-chronicle/annales-ryenses-SIM_00185>. Return to text

31 W. F. Hansen, Saxo Grammaticus and the Life of Hamlet..., op. cit., p. 147-148. Return to text

32 Israel Gollancz, Hamlet in Iceland, Being the Icelandic Romantic Ambales saga, with Extracts from Five Ambales rímur and Other Illustrative Texts, for the Most Part Now First Printed, and an Introductory Essay, Londres, David Nutt, 1898. On appelle « sagas menteuses » (ou « mensongères ») des sagas généralement tardives (après la fin du xiiie siècle) où le surnaturel et les éléments fabuleux tiennent une place importante : voir Matthew Driscoll, « Late Prose Fiction (lygisögur) », dans A Companion to Old Norse-Icelandic Literature and Culture, Rory McTurk (éd.), Oxford, Blackwell, 2005, p. 190-204. Return to text

33 GD VII.1.4-7. Return to text

34 The Saga of King Hrolf Kraki, Jesse L. Byock (trad.), Londres, Penguin, 1998. Return to text

35 W. F. Hansen, Saxo Grammaticus and the Life of Hamlet..., op. cit., p. 25-37. Return to text

36 Tite-Live, Histoires, I, 39-60. Return to text

37 Saxo Grammaticus, Gesta Danorum..., op. cit., vol. I, p. xl-xli. Return to text

38 Valère Maxime, Faits et paroles mémorables, VII, 3, 2, Claude-Antoine-Félix Frémion (éd. et trad.), Paris, Panckoucke, 1834-1835, vol. III, p. 32-35. Return to text

39 Ibid., V, 6, 1, vol. II, p. 216-219. Return to text

40 W. F. Hansen (Saxo Grammaticus and the Life of Hamlet..., op. cit., p. 16-37) : on peut traduire par « le héros qui se fait passer pour un idiot ». Return to text

41 GD III.6.6-11. Return to text

42 GD III.6.16-21. Return to text

43 GD III.6.23-24. Return to text

44 GD III.6.25. Return to text

45 GD IV.1.2-7. Return to text

46 GD IV.1.14. Return to text

47 GD IV.1.20. Return to text

48 GD IV.2.1-2. Return to text

49 GD III.6.1-3. Return to text

50 Simon Abrams, The Northman : A Call to the Gods. Inside Robert Eggers’ Epic Viking Revenge Thriller, Londres, Titan Books, 2022. Return to text

51 Kevin J. Harty (dir.), The Vikings on Film : Essays on Depictions of the Nordic Middle Ages, Jefferson, McFarland, 2014. Return to text

52 Anthony Faulkes, « The Earliest Icelandic Genealogies and Regnal Lists », Saga-Book, vol. XXIX, 2005, p. 115‑119. Return to text

53 Le livre de la colonisation de l’Islande (Landnámabók), Régis Boyer (trad.), Paris, Mouton & Co., 1973, p. 25. Return to text

54 Victor Barabino, « Humaniser le monstre. Sur la réception du berserkr scandinave dans la fantasy européenne post-Tolkien », dans Outi Duvallon et al. (dir.), Entre Scandinavie et Baltique orientale : Acte du ive Congrès de l’APEN, Paris, Presses de l’Inalco (à paraître 2025). Return to text

55 Vincent Samson, Les Berserkir. Les guerriers-fauves dans la Scandinavie ancienne, de l’âge de Vendel aux Vikings (vie-xie siècle), Villeneuve-d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 2011, p. 227-259. Return to text

56 Ibid., p. 288-297. Return to text

57 Saga de Hrólfr kraki, Régis Boyer (trad.), Toulouse, Anacharsis, 2008, p. 118. Return to text

58 Roderick Dale, The Myths and Realities of the Viking Berserkr, New York, Routledge, 2021, p. 150. Return to text

59 Otto Höfler, Kultische Geheimbünde der Germanen, Brunswick, Diesterweg, 1934. Return to text

60 Neil S. Price, The Viking Way : Magic and Mind in Late Iron Age Scandinavia, Oxford, Oxbow Books, 2019, p. 76-89 ; Victor Barabino, « Les combattants nordiques médiévaux dans l’historiographie des années 1920 aux années 2020 », Médiévales, vol. LXXXIV, 2023, p. 5‑24. Return to text

61 GD VII.10.6. Return to text

62 Rebecca Onion, « The Real-Life Inspirations Behind The Northman’s Wildest Scenes », Slate, 22 avril 2022, en ligne : <https://slate.com/culture/2022/04/northman-movie-accuracy-history-robert-eggers-viking-hallucinogens.html>. Return to text

63 Anthony Faulkes, « Descent from the Gods », Mediaeval Scandinavia, vol. XI, 1982, p. 92‑125. Return to text

64 Victor Barabino, « Warriors of Óðinn : Fighting for a God Before Militia Christi in Medieval Scandinavia », dans Katrín Lísa L. Mikaelsdóttir (dir.), Proceedings of the 10th Háskóli Íslands Student Conference on the Medieval North (Reykjavík, April 15-17, 2021), Reykjavik, Opin vísindi, 2021, p. 63‑64. Return to text

65 Jens Ulriksen, « A Völva’s Grave at Roskilde, Denmark », Offa. Berichte und Mitteilungen zur Urgeschichte, Frühgeschichte und Mittelalterarchäologi, vol. LXXI- LXXII, 2018, p. 229‑240. Return to text

66 Kim Hjardar et Vegard Vike, Vikings at War, Oxford, Casemate, 2016, p. 165. Return to text

67 Judith Jesch, Women in the Viking Age, Woodbridge, The Boydell Press, 1991, p. 185-191. Return to text

68 Marguerite A. Tassi, Women and Revenge in Shakespeare : Gender, Genre, and Ethics, Selinsgrove, Susquehanna University Press, 2011, p. 60. Return to text

69 Hilda R. Roderick Ellis Davidson, The Road to Hel : A Study of the Conception of the Dead in Old Norse Literature, Cambridge, Cambridge University Press, 1943. Return to text

70 John S. Garrison, Shakespeare and the Afterlife, Oxford, Oxford University Press, 2018, p. 1-12. Return to text

71 Régis Boyer, Le Christ des Barbares : Le Monde nordique, Paris, Cerf, 1987, p. 93-150. Return to text

72 Alexander Welsh, Hamlet in His Modern Guises, Princeton, Princeton University Press, 2001, p. 10. Return to text

73 Neil Price et al., « Viking Warrior Women? Reassessing Birka Chamber Grave Bj.581 », Antiquity, vol. XCIII, n° 367, 2019, p. 181‑198. Return to text

74 Shannon Carlin, « The True Story Behind The Northman », Time Magazine, 22 avril 2022, en ligne : <https://time.com/6169501/the-northman-history-behind/>. Return to text

75 Kevin J. Harty, « Introduction : “Save Us, O Lord, from the Fury of the Northmen” ; or, “Do You Know What’s in Your Wallet ?” », dans K. J. Harty (dir.), The Vikings on Film..., op. cit., p. 3-8. Return to text

76 Roderick Dale, The Myths and Realities..., op. cit., p. 74-78. Return to text

77 Kirsten Fatur, « Sagas of the Solanaceae : Speculative Ethnobotanical Perspectives on The Norse Berserkers », Journal of Ethnopharmacology, vol. CCXLIV, 2019, p. 112‑151. Return to text

78 Ben Raffield, « Playing Vikings. Militarism, Hegemonic Masculinities, and Childhood Enculturation in Viking Age Scandinavia », Current Anthropology, vol. LX, n° 6, 2019, p. 813‑835. Return to text

79 Fredrik Gregorius, « Feminist Vikings, Ecological Gods, and National Warriors : the Reception of Old Norse Religion and Culture in Sweden », dans Nicolas Meylan et Lukas Rösli (dir.), Old Norse Myths as Political Ideologies : Critical Studies in the Appropriation of Medieval Narratives, vol. I, Turnhout, Brepols (Acta Scandinavica), 2020, p. 155-173. Return to text

80 Alban Gautier, « Représenter le fait religieux dans les séries Vikings et The Last Kingdom », Le Temps des medias, vol. XXXVII, n° 2, 2021, p. 71‑89. Return to text

81 Sur cette divinité plutôt associée aux Slaves de la Baltique qu’à ceux de l’espace rus’, voir Patrice Lajoye, Mythologie et religion des Slaves païens, Paris, Les Belles Lettres, 2022, p. 116-117. Return to text

82 Wladimir Berelowitch, « Les origines de la Russie dans l’historiographie russe au xviiie siècle », Annales. Histoire, Sciences Sociales, vol. LVIII, n° 1, 2003, p. 63-84. Return to text

83 Marianne Moen et Matthew J. Walsh, « Agents of Death : Reassessing Social Agency and Gendered Narratives of Human Sacrifice in the Viking Age », Cambridge Archaeological Journal, vol. XXXI, n° 4, 2021, p. 597-611. Return to text

84 Gareth Williams, The Viking Ship, Londres, British Museum Press, 2014. Return to text

85 Lucie Malbos, Le monde viking : portraits de femmes et d’hommes de l’ancienne Scandinavie, Paris, Tallandier, 2022, p. 53-72. Return to text

86 Lucie Malbos, Le monde viking..., op. cit., p. 284. Return to text

87 Riccardo Facchini et Davide Iacono, « “The North is hard and cold, and has no mercy’. Le Nord médiéval dans les séries télévisées », Médiévales, vol. LXXVIII, 2020, p. 43-56, ici p. 51-52. Return to text

88 Judith Jesch, « Women, War and Words : a Verbal Archaeology of Shield-maidens », Viking, vol. LXXXIV, n° 1, 2021, p. 127‑142 ; Judith Jesch, Women..., op. cit., p. 176-182 ; Soline Anthore, « Le mythe de la Skjaldmö : de la figure des sagas islandaises à celle de l’empowerment féminin », ¿Interrogations? Revue pluridisciplinaire de sciences humaines et sociales, n° 36, 2023, en ligne : <http://www.revue-interrogations.org/Le-mythe-de-la-Skjaldmo-de-la>. Return to text

89 Charlotte Hedenstierna-Jonson, « Women at War? The Birka Female Warrior and Her Implications », SAA Archaeological Record, vol. XVIII, 2018, p. 28‑91. Return to text

90 Preben Meulengracht Sørensen, The Unmanly Man. Concepts of Sexual Defamation in Early Northern Society, Odense, Odense University Press, 1983, p. 18-32. Return to text

References

Bibliographical reference

Victor Barabino and Alban Gautier, « Amleth le guerrier, de Saxo Grammaticus à Robert Eggers », Source(s) – Arts, Civilisation et Histoire de l’Europe, HS1 | 2024, 149-166.

Electronic reference

Victor Barabino and Alban Gautier, « Amleth le guerrier, de Saxo Grammaticus à Robert Eggers », Source(s) – Arts, Civilisation et Histoire de l’Europe [Online], HS1 | 2024, Online since 27 décembre 2024, connection on 23 avril 2025. URL : https://www.ouvroir.fr/sources/index.php?id=940

Authors

Victor Barabino

Victor Barabino est docteur de l’université de Caen Normandie et membre du centre Michel de Boüard (CRAHAM, UMR 6273) / Victor Barabino is PhD of the University of Caen Normandy and member of the Centre Michel de Boüard (CRAHAM, UMR 6273) / Victor Barabino hat promoviert und ist Mitglied des Centre Michel de Boüard (CRAHAM, UMR 6273).

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Alban Gautier

Alban Gautier est professeur d’histoire médiévale à l’université de Caen Normandie et membre du centre Michel de Boüard (CRAHAM, UMR 6273) / Alban Gautier is Professor in medieval history at the University of Caen Normandy and member of the Centre Michel de Boüard (CRAHAM, UMR 6273) / Alban Gautier ist Professor für mittelalterliche Geschichte an der Université de Caen Normandie und ist Mitglied des Centre Michel de Boüard (CRAHAM, UMR 6273).

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