Les juifs et le serment dans le Rhin supérieur et l’espace confédéré à la fin du Moyen Âge

DOI : 10.57086/rrs.477

p. 123-146

Résumés

L’article propose d’étudier les pratiques juratoires des juifs devant des autorités urbaines chrétiennes dans la région entre Constance et Strasbourg, pour évaluer si elles témoignent d’une intégration dans la communauté politique urbaine. Les formes et modalités du serment révèlent une adaptation pour créer de la confiance et le rendre acceptable par les deux parties. Le juramentum more judaico était cependant avant tout judiciaire, et la place marginale qu’il occupe dans les livres municipaux de cet espace suggère une position des juifs hors de la communauté des bourgeois. En fait, les juifs prêtaient peu de serments politiques, et étaient notamment exclus du Schwörtag. On peut toutefois se demander s’ils auraient souhaité eux-mêmes être liés à la ville par un engagement aussi fort que le serment.

Der Aufsatz untersucht die Eidespraktiken der Juden gegenüber christlichen Stadtobrigkeiten im Raum zwischen Konstanz und Straßburg und erörtert, ob sie von einer Integration in die politische Stadtgemeinde zeugen. Formen und Modalitäten der Eidesleistung lassen Bemühungen erkennen, gegenseitiges Vertrauen zu schaffen und den Eid für alle akzeptabel zu machen. Das juramentum more judaico war jedoch in erster Linie ein Gerichtseid; es begegnet nur am Rand der Stadtbücher, was auf eine Stellung der Juden außerhalb der Bürgergemeinde schließen lässt. In der Tat leisteten Juden nur wenige politische Eide und waren namentlich vom Schwörtag ausgeschlossen. Es fragt sich, ob sie selbst gerne durch eine so starke Verpflichtung wie einen Eid an die Stadt gebunden gewesen wären.

Plan

Texte

Les recherches anciennes comme récentes insistent fortement sur la signification du serment pour fonder la communauté urbaine1. Cette prégnance du lien juré semble particulièrement forte dans le Rhin supérieur et l’espace confédéré à la fin du Moyen Âge – un espace fragmenté, mais marqué par une culture politique commune, et s’étendant sur le plateau suisse, l’Alsace et le pays de Bade actuels, de Constance à Strasbourg. Par exemple, de nombreuses villes, de Strasbourg à Zurich en passant par Sélestat ou les deux Fribourg (en Brisgau et en Nuithonie), procédaient à un grand rituel annuel ou biannuel d’assermentation collective des bourgeois adultes mâles, qui juraient fidélité au conseil de ville, lequel s’engageait à son tour par serment à gouverner pour le bien de la communauté. Ainsi, cette conjuratio reiterata (W. Ebel) s’affichait spectaculairement lors de ces Schwörtage (Jours du serment)2.

Par ailleurs, et c’est également un signe du poids peut-être plus fort du serment dans cette région qu’ailleurs dans l’Empire ou l’Europe médiévale, les villes disposaient de « livres de serments » (Eidbücher), où étaient consignées sinon toutes, du moins la plupart des formules juratoires des bourgeois, élus ou officiers ayant à s’engager envers la cité3.

Mais les habitants juifs des villes du Rhin supérieur étaient-ils membres de ce que Paolo Prodi nomma la « société jurée », et dont il voyait le monde urbain des xiiie-xve siècles comme une des meilleures expressions4 ? Spontanément, l’histoire des expulsions et massacres qui frappèrent les communautés juives, et dont il est largement question dans les articles de ce numéro, n’invite pas à se poser cette question. Pourtant, une tradition historiographique de plusieurs décennies a cherché à aller au-delà des preuves de marginalisation, discrimination et persécution envers les juives et juifs de l’Occident médiéval et a notamment insisté sur le fait que ces derniers pouvaient jouir du statut de civis ou Bürger dans les villes, aussi bien dans la partie germanophone de l’Empire que, pour donner un exemple d’ailleurs, en Provence et en Catalogne5.

En portant l’attention sur les serments des juifs dans les villes du Rhin supérieur et de l’espace confédéré à la fin du Moyen Âge, cet article entend donc proposer une contribution à la question aussi classique qu’essentielle de l’appartenance des juifs à la communauté politique urbaine. Il ne sera donc question que des serments prêtés par des juifs à des autorités chrétiennes.

On verra dans un premier temps comment les formes prises par les serments more judaico servaient à instaurer une confiance nécessaire pour fonder les relations entre juifs et chrétiens, puis que le Judeneid était d’abord et avant tout un serment non politique, mais judiciaire. Pour finir, il apparaît que le contenu des quelques serments politiques que les juifs devaient prêter reflète majoritairement une position extérieure à la communauté politique.

Comment créer de la confiance ?

Les formes du serment more judaico

Le serment est, au Moyen Âge, la forme privilégiée de l’engagement, rendant possible des relations sociales fondées sur la confiance. Ce rituel associant mots et gestes, prenant à témoin la divinité et exprimant une auto-malédiction conditionnelle, est omniprésent dans l’Occident médiéval6. Il n’est donc pas étonnant que la société chrétienne de cette époque ait jugé indispensable de trouver des moyens de lier à elle les juifs, qui, par ailleurs, pratiquaient le serment, et les prestations de serment effectuées par ces derniers pour les chrétiens ont beaucoup intéressé la recherche historique7.

Pour s’en tenir à l’essentiel : partout, l’on s’accorda sur une façon de faire paraissant acceptable pour tous, le serment more judaico. Certes, il s’agissait de modalités prévues par des chrétiens pour des juifs, mais on reconnaît un vrai souci d’adaptation8. Le texte est en allemand, mais correspond, avec ses formules d’auto-malédiction, à la foi juive : le jureur est menacé, en cas de parjure, de subir les mêmes souffrances qu’Abraham devant sacrifier son fils ou que Pharaon face aux plaies d’Égypte9. De façon comparable au serment sur les Évangiles, la prestation se faisait la main droite posée sur la Torah (ou sur le Décalogue) ; en revanche, les jureurs juifs avaient la tête couverte (fig. 1 et 2)10.

En effet, c’est le livre sacré des juifs qui était employé. Les jureurs pouvaient apporter leur propre rouleau de la Torah ou volume du Pentateuque, et jurer qu’il était bien un livre sacré pour eux11. Peut-être était-ce nécessaire parce que les chrétiens ne disposaient pas de Torah, parce qu’ils n’étaient pas non plus en mesure de vérifier le contenu d’un ouvrage en hébreu, mais aussi parce que pour instaurer la confiance, il fallait placer le jureur dans une situation où il pouvait s’engager sincèrement, donc sur un livre qu’il reconnaissait12. Au début du xvie siècle, le Laienspiegel, dont il sera question par la suite, envisage des serments de juifs dans des lieux sans communauté juive, et donc sans Torah : le Décalogue leur est lu, et ils posent leur main sur la poitrine13.

Fig. 1 : Serment de juif (Diß seit uns von dem juden eyde, wi suͤ sweren suͤllent), Der künige buch – Schwabenspiegel, vers 1430

Bruxelles, Bibliothèque royale, Ms. 14689-91, fol. 204r.

Quant aux femmes, pour lesquelles le serment est problématique, nous n’avons pas repéré de sources présentant des juives prêtant serment dans le Rhin supérieur. Les exemples issus d’autres régions invitent cependant à croire qu’elles disposaient également de modalités adaptées à leur religion14.

Rien, par ailleurs, n’est dit dans le corpus sur le(s) lieu(x) de l’acte juratoire, mais le paiement d’une taxe au scribe du tribunal à Obernai suggère qu’il pouvait se tenir dans des lieux civiques et pas seulement juifs15.

D’où venaient les formules juratoires utilisées dans le Rhin supérieur ? Plusieurs sources différentes paraissent évidentes, même si on ne peut dans le cadre de cet article proposer de comparaison fine des textes : le Judeneid d’Erfurt, le plus ancien connu en allemand et qui servit de modèle dans tout l’Empire, et le Miroir de Souabe (Schwabenspiegel), ce code juridique rédigé sans doute vers 1275 à Augsbourg, qui pouvait servir de droit subsidiaire en cas de lacunes dans le droit local, et fut largement diffusé dans le sud de l’Empire16. On trouve ainsi à la fin d’un petit censier paroissial de Willgottheim (au nord-ouest de Strasbourg), une copie quasiment mot pour mot du texte du Schwabenspiegel17. Le serment des juifs de Nuremberg de 1479 est, quant à lui, copié à Colmar en 149818.

La peau de cochon : humiliation et confiance sont-elles conciliables ?

Dans le contexte d’une adaptation du rituel juratoire pour instaurer la confiance, l’évocation d’une peau de cochon sur laquelle le jureur juif devrait se tenir ne laisse pas d’étonner. Elle se trouve dans le Schwabenspiegel, puis dans des versions plus tardives du Miroir des Saxons (Sachsenspiegel)19. La question est bien sûr de savoir si un dispositif si offensant a pu être appliqué20. L’iconographie donne une première réponse : un manuscrit illustré du Schwabenspiegel, justement produit à Haguenau dans l’atelier de Diebold Lauber, vers 1430, met bien en scène cette peau, ce qui correspond parfaitement au texte, qui comporte des passages problématiques pour un jureur juif (fig. 1)21. Au contraire, dans le Laienspiegel, manuel ou formulaire imprimé en 1509 à Augsbourg puis l’année suivante à Strasbourg, ni le texte, ni la gravure l’accompagnant n’évoquent une peau de cochon. Or cet ouvrage rédigé par Ulrich Tengler, un temps secrétaire de la ville de Nördlingen, était destiné à ses confrères des chancelleries urbaines et avait donc des visées plus directement pratiques que le Miroir de Souabe22. Notons d’ailleurs qu’alors que l’illustration du Schwabenspiegel affuble le juif d’un chapeau caractéristique, la gravure des éditions strasbourgeoise comme augsbourgeoise du Laienspiegel le présente la tête couverte d’un bonnet neutre (fig. 2). En revanche, le jureur comme d’autres personnes autour de lui portent sur leur vêtement une rouelle qui les désigne comme juifs. De plus, il pose non la main droite, mais la gauche sur le livre23.

Fig. 2 : Ulrich Tengler, Layenspiegel

Fig. 2 : Ulrich Tengler, Layenspiegel

Imprimé par Matheis Hupfuff, Strasbourg 1510, fol. 52r

Domaine public. https://doi.org/10.11588/diglit.1898#0119.

La peau de cochon – comme le passage humiliant de la formule juratoire du Miroir de Souabe présentant les juifs comme déicides – a donc disparu du texte utilisé dans le contexte urbain, ce qui semble logique : comment attendre d’un jureur qu’il dise la vérité si on l’avilit ?

Cependant, la volonté d’humiliation du Miroir de Souabe n’est pas inconnue des administrateurs : le serment de Saverne (après 1489) mentionne que le juif doit jurer avec les pieds sur une peau de cochon, mais qu’on l’en dispense sur demande. Il s’agit donc d’humilier, mais sans mettre en danger l’efficacité du serment. Cette référence à la peau de cochon, exceptionnelle dans les textes copiés dans les livres municipaux de la région, semble en fait éloignée de la réalité du rituel24.

Enfin, alors que des images de serments de juifs plus anciennes ou issues d’autres régions de l’Empire (Erfurt, Landshut) figurent un rouleau de la Torah, l’iconographie du Judeneid du Rhin supérieur la présente sous la forme – ignorance ou convention ? – d’un codex25.

Au total, les modalités des serments que des juifs prêtaient à des chrétiens témoignent à la fois d’une volonté, des deux côtés, de s’adapter pour trouver un langage commun, et d’une certaine gêne ou méconnaissance de la part des autorités chrétiennes. Il faut cependant se demander si les formules juratoires copiées dans les livres municipaux dans la seconde moitié du xve siècle ne sont pas conservatrices et, au fond, éloignées des pratiques réelles. En effet, dans le Rhin supérieur, les chrétiens ne juraient en général pas sur des reliques ou des Évangiles, mais, en fait, sans objet juratoire, simplement en levant les trois premiers doigts de la main droite26. Or dans un conflit entre le Magistrat et les juifs d’Haguenau, le parnas Mosse de la communauté dut jurer qu’il disait le vrai ; la charte d’arbitrage du Conseil d’Obernai indique qu’il le fit « comme un juif, avec les doigts levés et en répétant les mots qui lui avaient été lus »27. Même si on ne sait pas ce que recouvre l’expression « als ein jude », « comme un juif », qui pourrait désigner une main sur la Torah, il est aussi possible que les juifs aient adopté des modalités plus légères, même quand le livre sacré était disponible.

Le juramentum more judaico, un serment judiciaire

Si les juifs devaient bénéficier d’une adaptation du serment chrétien qui le rende acceptable à leurs yeux comme à ceux de leurs interlocuteurs non-juifs, les attestations du juramentum more judaico ont cependant une limite essentielle : elles sont pratiquement toutes des serments assertoires, tels qu’on en avait besoin pour faciliter le commerce et la justice surtout : les juifs juraient d’abord aux chrétiens qu’ils disaient vrai, comme dans le cas de Mosse à Haguenau ci-dessus. On leur demandait beaucoup moins de s’engager à un comportement donné dans le futur (serment promissoire).

Des exceptions existent, comme la caution juratoire (Urfehde, engagement à accepter une condamnation28) d’un juif apparemment d’origine française, banni de la ville de Strasbourg en 1387 :

Item Memmelot de Morschele le juif, le welsche, qui fut trouvé dans la cathédrale et qu’on battit de verges autour de la cathédrale, a juré par son serment juif de se tenir éloigné d’une lieue de la ville, à perpétuité. Et si on l’attrape à l’intérieur des limites, on devra l’exécuter par noyade. Fait le jeudi avant la Saint-Jean-Baptiste [20 juin 1387]29.

Ainsi, même ce condamné à une peine infâmante pour s’être trouvé dans un lieu de culte chrétien avait pu prêter serment more judaico. Il s’agissait bien d’un serment engageant l’avenir, mais, pour reprendre la terminologie de Paolo Prodi, qui relativise à raison la distinction classique entre serments assertoires et promissoires, pas d’un serment politique, qui fondait une relation interpersonnelle durable30. De fait, les formules juratoires qui trouvèrent place dans les livres municipaux du Rhin supérieur n’appartiennent qu’à la sphère judiciaire, comme s’il importait de régler des interactions nécessaires, devant le tribunal, ou pour garantir des transactions commerciales ou financières, mais pas de régler le vivre-ensemble.

Des serments à la marge

Les serments de juifs sont présents dans la documentation urbaine du Rhin supérieur. Mais leur place est tout à fait éloquente. En effet, ils manquent totalement dans les Eidbücher, comme si leurs formules juratoires n’avaient pas leur place dans les collections de serments prêtés à la ville, ces outils indispensables du gouvernement urbain31. Le Judeneid d’Obernai a certes été copié dans le livre des serments, mais après les formules juratoires elles-mêmes, au dernier folio, à la suite d’une liste d’entrées en bourgeoisie (et de résiliations), qui n’appartient pas au recueil et dont seule une analyse codicologique pourra dire si elle se trouvait à l’origine dans le volume32. Les autres serments de juifs apparaissent dans des livres municipaux différents, souvent très disparates, et eux aussi pratiquement toujours à la fin du volume, voire sur les contreplats, comme si leur position dans le codex devait refléter leur marginalité, ou, plus sûrement, parce qu’on ne savait pas trop où les mettre33.

Cette marginalité se reflète également dans la méconnaissance que les administrateurs semblent avoir du juramentum more judaico. En fait, il ne devait pas être si répandu que cela : en effet, le margrave Bernard Ier de Bade (1372-1431), un prince pourtant assez puissant, écrivit au conseil de Strasbourg une lettre lui demandant de fournir à son porteur une copie en allemand et en hébreu (zü dútsche und hebraysche) du Judeneid, car il « avait appris » (vernomen) que la ville l’avait par écrit (eygentlichen verschrieben). Si la ville ne disposait pas du texte hébreu, elle devait « tout de même l’envoyer en allemand » (so schickend uns ine doch zu dútsche)34. Autre indice du faible degré de connaissance du serment des juifs, le Laienspiegel, là où la formule juratoire nurembergeoise qui lui servait de modèle menaçait le parjure d’être heram (soit hèrem, « anathème »), indique « heran » (Augsbourg, 1509) ou « hieran » (Strasbourg, 1510, soit « ici », « à cela »), et met donc un mot allemand – sans aucun sens dans le contexte de la phrase – à la place du mot hébreu visiblement incompris35.

Ainsi, la place des serments juifs dans la documentation administrative des villes suggère que les autorités ne prévoyaient guère que des assermentations dans un cadre judiciaire. Faire société politique avec les juifs grâce au serment était-il prévu ?

Juifs et serment politique

Des bourgeois pas comme les autres

La marginalité politique des juifs se traduit également par leur absence des Schwörtage. S’il n’est pas exclu qu’ils aient pu y participer dans d’autres régions, il n’y en a aucune trace de Strasbourg à Constance. Or, au-delà du serment lui-même, le cadre de ces grands rituels collectifs était très fortement religieux – ils avaient souvent lieu dans ou devant une église, à Strasbourg ou Zurich par exemple36. Aussi l’hypothèse d’un silence documentaire s’expliquant par l’absence de problème nécessitant une mise en écrit n’est-elle pas envisageable.

Les juifs pouvaient pourtant accéder au droit de bourgeoisie dans les villes du Rhin supérieur, et certains apparaissent dans les rôles ou livres d’entrée en bourgeoisie, ainsi à Colmar ou à Fribourg en Nuithonie37. Cependant, ils relèvent alors d’une autre forme de bourgeoisie, qui, comme l’a bien vu Hans-Jörg Gilomen, relève moins de l’appartenance à la communauté civique que d’un contrat de protection d’ailleurs limité dans le temps38. Cette protection coûtait, en outre, très cher à ceux qui la sollicitaient, sans commune mesure avec la taxe d’entrée habituelle pour les chrétiens39 : cela les distingue fortement des autres bourgeois au statut dérogatoire, nobles ou autres « bourgeois forains » (non-résidents), qui pouvaient également devenir bourgeois pour une période déterminée40.

Quelle acceptation des serments politiques par les juifs ?

Pour autant, quelques serments de juifs conservés montrent que les autorités urbaines cherchaient à lier à elles les habitants juifs comme les autres, par des serments « politiques », à une époque où l’assermentation était le moyen le plus efficace pour assurer solidarité mais aussi obéissance, et où les villes s’efforçaient de se faire jurer fidélité par toutes les catégories d’habitants, bourgeois, manants, compagnons de métiers ou encore clercs. Dans ces formules juratoires, le contenu des clauses à respecter ne distingue guère, voire pas du tout, les habitants juifs des autres. C’est ainsi le cas à Zurich en 1383, lorsque la ville commanda aux juifs de jurer obéissance au bourgmestre et au conseil, et en particulier de ne saisir que le tribunal urbain en cas de délit, même si toutes les parties étaient juives : le plaignant ne pouvait recourir au tribunal de la communauté41. Ici, seule l’amende prévue, 200 marcs d’argent, est exorbitante42 ; pour le reste, l’exigence des autorités zurichoises est conforme à la volonté des villes des xive et xve siècles de se réserver la justice en excluant toute action devant un tribunal étranger. Ainsi les cités se battaient-elles pour obtenir le privilège de non evocando et les bourgeois devaient-ils jurer de ne poursuivre quiconque sinon devant le juge de la ville43. Dans le cas de Zurich, la disposition visait sans doute d’abord les tribunaux hors de la ville, car de nombreux cas de saisine du tribunal juif de Zurich sont attestés après 138344. Il s’agissait certainement surtout pour les autorités d’affirmer le principe de leur compétence exclusive, comme à Fribourg en Nuithonie en 1413, où les juifs résidents ou bourgeois devaient s’adresser seulement au tribunal urbain, mais où ce dernier, « ensi coment l’on en use auxi autre part en plusour bonne villes », pouvait en fait ensuite renvoyer l’affaire à la juridiction de la communauté juive45.

Un engagement à se conformer aux règles en vigueur pour les autres habitants – chrétiens – était-il cependant acceptable pour les juifs, qui entendaient conserver leurs coutumes et pour cela une certaine autonomie de leurs communautés ? On sait par exemple combien il était mal vu de ces dernières qu’un de leurs membres fasse appel à un juge chrétien plutôt qu’au tribunal rabbinique46.

Un conflit entourant un serment que Haguenau exigeait de ses juifs suggère combien un engagement politique juré était délicat. Le « vieux livre des statuts » de cette ville du nord de l’Alsace comporte en effet un serment à prêter par les juifs, qui, non daté, est cependant situé au xve siècle47. G. Mentgen souligne que les exigences adressées aux juifs haguenoviens n’ont rien d’exceptionnel48 : en fait, elles sont justement intéressantes parce que le premier paragraphe ne se distingue en rien de celles qui pesaient sur les chrétiens qui s’installaient en ville, comme bourgeois ou comme manants : fidélité aux autorités, et, en particulier, engagement à ne pas saisir de tribunaux étrangers, tant pendant leur séjour dans la ville qu’après l’avoir quittée, s’ils avaient affaire à la justice pour des causes concernant leur période de résidence à Haguenau. Le deuxième paragraphe du texte est au contraire très spécifique, contenant des clauses relatives à l’usure.

L’intérêt de ce texte à jurer – une sorte de Judenordnung – réside dans la réaction qu’il semble avoir suscitée. En effet, en 1468, bourgmestre et Conseil d’Obernai furent sollicités pour arbitrer entre Haguenau et Mosse, représentant les juifs de la ville. Ce dernier affirmait en effet que les autorités d’Haguenau auraient lu aux juifs une feuille (zedel) puis les auraient poussés à la jurer. À vrai dire, on ignore si cette feuille correspondait au texte du livre de statuts ; le bourgmestre d’Obernai dit seulement que Mosse pria le grand-bailli d’Alsace, représentant de l’empereur, d’intervenir en faveur des juifs de Haguenau ; Mosse lui-même déclara sous serment qu’il avait oublié les différents points à jurer49. Parce que la Judenordnung était classique, G. Mentgen part du principe qu’elle comportait d’autres clauses qui conduisirent les juifs à la rejeter. On peut penser au contraire qu’un serment de fidélité était en soi problématique pour eux. Mosse aurait en effet expliqué que « les juifs de Haguenau ne prêtaient pas de serment à la ville de Haguenau depuis longtemps » ; après la lecture de la feuille, on leur aurait demandé de la jurer ou de quitter la ville, « ce qui n’était jamais arrivé avant »50. Une telle alternative, qui visait à forcer des personnes situées hors du groupe des bourgeois ou manants qui, eux, juraient obéissance aux autorités, à faire de même, était pourtant courante, et heurtait les personnes ou groupes qui tenaient à leur différence. Au même moment (1465-1469), par exemple, Mulhouse avait placé Hans von Hirtzbach devant le même choix, ce noble ayant finalement préféré quitter la ville plutôt que de lui prêter allégeance51. C’est qu’Hirtzbach, à cause de son honneur aristocratique, ne voulait pas se fondre dans la communauté urbaine. Il n’est, à mon sens, pas absurde de penser que les juifs ne voulaient pas non plus renoncer aux marges de manœuvre que leur réservait leur statut particulier, plutôt que de se lier à une communauté civique dont ils ne partageaient ni la foi ni toutes les coutumes et qui jouissait de privilèges auxquels ils n’avaient pas part.

Conclusion

Le serment était tellement essentiel pour garantir vérité et confiance dans les relations sociales que la société chrétienne du Moyen Âge tardif dut trouver des solutions pour assermenter les juifs. Cela nécessitait des adaptations ou « efforts de traduction »52, au sens propre ou figuré : trouver des gestes ou des objets juratoires, sans doute également des lieux acceptables par toutes les parties. Les tâtonnements, parfois les erreurs manifestes suggèrent cependant que l’on ne savait pas toujours bien comment faire : la méconnaissance des pratiques juratoires juives dut jouer un rôle. Elle était d’autant plus forte que pendant une bonne partie des deux siècles qui viennent d’être abordés, les juifs étaient, à la suite d’expulsions violentes ou de massacres, absents des villes du Rhin supérieur ou de l’espace confédéré, et les pages qui précèdent doivent être lues à la lumière de ce contexte : dans plusieurs cas, comme à Colmar en 1498, les formules juratoires coïncident avec un retour timide des juifs53.

Des solutions étaient trouvées pour rendre possibles des interactions entre juifs et chrétiens devant le tribunal. En revanche, les serments more judaico ne paraissent pas avoir servi à donner aux juifs une place au cœur de la communauté urbaine. Ils témoignent ainsi de l’ouverture de la société majoritaire à la minorité juive, comme de l’inverse, mais aussi de ses limites.

Annexe

Formules juratoires de juifs

Les transcriptions suivent la graphie des originaux, aux exceptions suivantes, conformément aux usages des historiens pour les textes allemands médiévaux (Archivschule Marburg)54 : ne sont écrites en majuscule que les initiales des phrases et des noms propres ; i/j et u/v sont distingués selon leur valeur phonétique ; la ponctuation est adaptée à celle pratiquée en allemand moderne. Enfin dans certains cas, les signes d’abréviation redoublant une consonne déjà écrite ne sont pas pris en considération (nam̅en n’est pas transcrit nammen). Pour la traduction française, la fidélité et la précision ont été préférées à l’élégance.

A. Le serment des juifs d’après le Miroir de Souabe

Diz ist der juden eit

Diz ist der juden eit, wie sie suln swern umbe ein jegelich ding daz zir eide hœret. Er sol uf einer súwe húte stan, unde suln diu fiunf bůch hern Moysy vor im ligen, unde sol im diu rehte hant in dem bůche ligen untz an daz riste, unde sol er also sprechen nach einem, der im den eit git, der sol also sprechen : Umbe so getan gůt, alse dich dirre man ziehet, daz du dez núten weist, noch en hast, noch in dine gewalt nie gewunne, noch dehein din ehalte under erden vergraben hat, noch mit slozzen beslozzen hat, so dir helfe der Got, der himel unde erde geschůf, tal und berg, walt, loub unde gras. Unde so dir helfe diu e, dú got selbe da schreib in monte Synay unde so diu fiunf bůch hern Moysi dir helfen, unde so du niemer niht muͤzzest enbizzen diu muͤzzest dich allen beschissen alse ouch der kuͤnig von Babylonie da tet und so daz swebel und der bech uf dinen halz muͤzze rinnen unde regenen, daz ouch úber Sodoma unde Gomorra da regente, unde so dich daz selbe bech uber rinnen muͤzze, daz ze Babylonia uber ran zwei hundert man oder me. Und so dich diu erde uber valle und dich verslinde [sic !] alse si tet Thattan und Abiron, unde so din erde niemer muͤzze kumen zů ander erde und din griez niemer muͤzze kumen zů andrem griezze in den barn dez herren hern Abrahames, so hast du war unde reht, und so dir helfe Adonay, du hast war dez du gesworn hast, unde so du muͤzist werden malazig, also Neoman unde Iesi ; es ist war, unde so der slag dich muͤzze an gan, der daz israhelsche volk an gie, do si durh Egypten lant fůren ; es ist war, dez du gesworn hast, und daz blůt unde der flůh iemer an dir wahsen muͤzze und nút ab nemen, dez din geslehte in selber wunschte, do si Iesum Christum verteilten und martereten unde sprachen also sin blůt kom uffen uns unde uffen unserú kint ; es ist war, dez helfe dir der Got, der Moysen erschein in einem brinnenden boschen, der doch beleip unverbrunnen, ez ist war, der eit, den du gesworn hast, bi der sele, die du an dem jungesten tage bringen můst fúr gerihte per dominum Abraham, per dominum Ysaac, per dominum Jacob, ez ist war, dez helfe dir Got und der eit, den du gesworn hast.

 

Ceci est le serment des juifs

Ceci est le serment des juifs, comme ils doivent le prêter pour chaque affaire où leur serment est nécessaire. Il doit se tenir debout sur une peau de cochon, et les cinq livres de Moïse doivent être posés devant lui, et sa main posée dans le livre jusqu’au poignet, et il doit répéter les mots suivants prononcés par celui qui lui lit le serment : de ce bien, à propos duquel cet homme t’accuse, tu ne sais rien du tout, tu ne l’as pas, ne l’as jamais eu en ta possession, aucun de tes dépendants ne l’a enterré dans le sol, ni ne l’a enfermé avec des serrures, que t’aide le Dieu qui créa ciel et terre, vallées et montagnes, feuilles et herbe ; et que t’aident la loi que Dieu lui-même a écrite sur le mont Sinaï, et les cinq livres de Moïse. [Mais sinon] tu devras ne plus jamais mordre et devras te couvrir de merde, comme le roi de Babylone, et le souffre et la poix devront couler et pleuvoir sur ton cou, comme ils plurent sur Sodome et Gomorrhe, et la poix devra couler sur toi, qui engloutit 200 hommes ou plus à Babylone. Et que la terre te tombe dessus et t’avale comme elle le fit avec Datân et Abiram55, et que ta terre ne puisse pas venir à d’autres terres, ni ta poussière à d’autres poussières dans le sein du seigneur Abraham. Ainsi tu dis vrai et as raison, que t’aide Adonaï pour que soit vrai ce que tu jures. [Mais si tu mens] tu devras devenir lépreux, comme Naamân et Guéhazi56 ; c’est vrai, [sinon] que la foudre te frappe, qui a frappé le peuple d’Israël, lorsqu’il traversait l’Égypte. Ce que tu as juré est vrai, sinon que le sang et la malédiction grandissent toujours sur toi et ne diminuent pas, comme les tiens57 l’ont souhaité eux-mêmes lorsqu’ils ont condamné et crucifié Jésus-Christ et dit : « que son sang aille sur nous et nos enfants ». C’est vrai, que t’aide Dieu, qui apparut à Moïse dans un buisson ardent, qui ne se consuma pourtant pas58 ; c’est vrai, le serment que tu as juré, par ton âme, que tu porteras au jugement dernier pour être jugée par le seigneur Abraham, le seigneur Isaac, le seigneur Jacob. C’est vrai, que Dieu t’aide et le serment que tu as juré. Amen.

Éd. Friedrich L. A. von Laßberg, Der Schwabenspiegel oder schwäbisches Land- und Lehenrechtsbuch, nach einer Handschrift vom Jahr 1287 herausgegeben, Tübingen, Fues, 1840, p. 118-119. Voir également Harald Rainer Derschka, Der Schwabenspiegel, übertragen in heutiges Deutsch. Mit Illustrationen aus alten Handschriften, Munich, Beck, 2002. Pour plus de lisibilité, l’édition a été adaptée aux pratiques de 2024 (ponctuation, distinction de i/j et u/v selon la valeur phonétique). Traduction O.R.

B. Serment des juifs d’Obernai (vers 1470)59

Juden eydt

Ponat judeus manum in librum apud judeos humas nominatum, id est quinque libri Moysi et addatur [?] liber manu clausa in libro et sub juramento prestando antequam iuret deponat illum verum esse librum humas60.

Als dich N. anclagt hat etc. daz du doru(m) wor habest und recht swerest als helff dir der Got, der geschaffen hat loub und graß, gehúr und ungeh[úr] und alle creatúre, und daz du wor habest und recht swerst, also helff dir der Got Abraha(m)s, Ysaacs, Jacobs und Moyses. Und wa du nit recht swerest und war habest umb dise sach also müssen die fúnff bůch Moysi dir an lib und an sele ewigklich ein flůch sin. Und d(a)z du recht swerest und wor habest umb dieselb sach, also helff dir der Gott Adonay und sin gewaltige gotheit und alle sin heiligkeit.

Und wa du nit recht swerist und war habest umb dieselb sach, also müß daz júngest gericht úber dich und úber din frucht ewigklich ergon. [ajout plus tardif : Und von semlichem eyt sol der jud dem gerichtschriber V ß dn fúr sin belonung geben <etc.>61 on intreg menglichs].

Not(a) in quodam privilegio per Sigißmundum Romanorum imperatorem judeis in Alsacia dato continetur articulus sequens : « Item welicher zit d(az) geschehe, daz ein jude sweren solt, daz er uff Moyse<s> bůch sweren múge mit solichen worten : Als im Got helff by der ee, die Got gab uff dem berg Synaÿ und nit anders. »

 

Serment de juif

Le juif pose sa main dans le livre que les juifs appellent Houmash, c’est-à-dire les cinq livres de Moïse, et la main est fermée dans le livre62 ; et avant de prêter serment, il doit certifier qu’il s’agit vraiment du livre Houmash.

Puisque N. t’a accusé, etc., [pour] que tu dises vrai et jures de façon juste, que t’aide Dieu qui a créé feuilles et herbe, animaux et monstres et toute créature, et que tu dises vrai et jures de façon juste, que t’aide le Dieu d’Abraham, Isaac, Jacob et Moïse. Et si tu ne jures pas de façon juste et ne dis pas vrai dans cette affaire, alors que les cinq livres de Moïse te soient une malédiction, dans ton corps et ton âme. Et [pour] que tu jures de façon juste et dises vrai dans cette affaire, que t’aide le Dieu Adonaï et sa puissante divinité et toute sa sainteté. Et si tu ne jures pas de façon juste et ne dis pas vrai dans cette affaire, alors le jugement dernier devra être prononcé éternellement sur toi et ta descendance63.

[Ajout plus tardif] Et pour un tel serment, le juif doit donner 5 sous de deniers au scribe du tribunal pour son salaire, sans contestation aucune.

Nota : dans le privilège donné par Sigismond, empereur des Romains, aux juifs en Alsace64, est contenu l’article suivant : « Item à chaque fois qu’un juif doit prêter serment, qu’il puisse jurer sur le livre de Moïse avec les mots suivants : “Que Dieu l’aide par la loi que Dieu donna au mont Sinaï”, et pas autrement ».

Archives municipales d’Obernai BB 14, fol. cxxxr / 193r. Transcription et traduction O.R.

C. Serment des juifs de Saverne (après 1489)65

Der Junden [sic!] eyde

Als mich der zů rede hatt gesatzt unnd mitt worten bescheiden bin, des bin ich ungschuldig gar unnd gentzlich, also helffe mir der almechtige herr got der beschaffen hatt hym(m)el unnd erden, wasser unnd fure, lufft unnd dufft, loupp unnd grasß, berge unnd dhale unnd alle creaturen. Unnd ob ich liege in disem eyde, so můß mir neymer zü hilffe kom(m)en die heilige ee, die got gabe dem heren her Moyses uff dem berge Synay an der steinen tafel, unnd myessent mir nyemer zü hilff kom(m)en die heiligen namen dry, die do geschriben stont inn den fünff büchern here Moysy. Unnd ob ich liege in disem eyde, so mieß mir neymer zü hilffe kom(m)en das aller gröste gebott, das got gebot, das gebott der beschnydung, daby hievor unnser altvetter Abraham, Ysaack unnd Jacob eyde stabten unnd schworen ; unnd ob ich liege in disem eyde, so můß myn wyb wittwen werden unnd myn kinde weysen unnd myn grieß nyemer kom(m)en zü anderm grieß.

Disen eyd soll ein jude schweren uff ierem dalmütbůch unnd mitt den fiessen steen uff einer schwynen hüte, aber man erlest sy es umb bettwillen, das sy nitt uff der húte steen.

Ir gemeyner eyde

Dü schwerest uff die buͤcher Moysy was dir vorgesprochen ist, das dem also unnd war syge ; unnd ob du unrecht schwerest, so komen uͤber dich alle fluͤche so inn geschriben sygent in den buͤchern Moysy unnd der p(ro)pheten. Der jude spreche amen unnd schwere uff das bůche Moysy.

Item er schwere, das er die finger nitt gen hymel hallt, aber undersch.

 

Serment des juifs

Puisque celui-là m’a mis en cause et que je suis accusé : je suis totalement innocent de cela, que m’aide le seigneur Dieu tout-puissant, qui a créé ciel et terre, eau et feu, vent et parfum66, feuilles et herbe, montagnes et vallées et toutes les créatures. Et si je mens dans ce serment, alors que ne vienne plus jamais en aide la sainte alliance que Dieu conclut avec le seigneur Moïse sur le mont Sinaï sur les tables de pierre, et que ne me viennent plus jamais en aide les trois saints noms qui sont écrits dans les cinq livres du seigneur Moïse. Et si je mens dans ce serment, que ne vienne plus jamais en aide le plus grand commandement que Dieu a commandé, le commandement de la circoncision, sur lequel par le passé nos ancêtres Abraham, Isaac et Jacob firent jurer et prêtèrent serment. Et si je mens dans ce serment, que ma femme devienne veuve et mes enfants orphelins, et que ma poussière ne soit jamais jointe à d’autres poussières.

Le juif doit prêter ce serment sur leur livre du Talmud et se tenir debout, pieds sur la peau d’un cochon. Mais on les exempte à leur demande de se tenir debout sur la peau.

Leur serment ordinaire

Tu jures sur les livres de Moïse que ce qui t’a été lu est exact et vrai ; et si tu fais un faux serment, te tomberont dessus toutes les malédictions qui sont écrites dans les livres de Moïse et des prophètes. Le juif dit « amen » et jure sur le livre de Moïse.

Item il jure de telle manière qu’il ne tient pas les doigts dirigés vers le ciel, mais vers le bas.

Archives municipales de Saverne 10, fol. 18r (après 1489). Transcription (fautive) dans Dagobert Fischer, Geschichte der Stadt Zabern im Elsass seit ihrer Entstehung bis auf die gegenwärtige Zeit, Saverne, H. Fuchs, 1874, p. 224, reprise, corrigée et traduite par O.R.

D. Serment des juifs de Colmar (1498)67

[p. 494]

Ein juden eydt

Der jude, so einen eydt sweren sol, <sol> sin rechte hant biß an den knoden inn ein bůch, darinne die gebott Gottes, die er hern Moyses uff dem berge Synay geschriben, geben, legen und dann dem, der ime den eydt stabt nochsprechen.

Adonay ewiger almechtiger gott, ein herre úber alle malachym, ein einiger gott, muter, vattere, der du uns die68 heiligen torache gegeben hast, ich rüffe dich und dinen heiligen namen Adonay und dine almechtikeit an, daz du mir helffest besteten minen eydt, den ich yetz tün sol ; und wo ich unrecht oder betrieglich swere, so syge ich beroubt aller gnoden des ewigen gottes und mir werdent uffgelegt alle die stroffe und flüche, die Gott den verfluchten juden uffgelegt hatt und myn sele und lyp habent ouch nyemer eynichen teil an der versprechunge, die uns Gott geton hatt ; und ich sol ouch nit teil haben an Messyas noch an dem versprochenen ertrich des heiligen seligen landes.

Ich verspriche ouch und bezúge ouch, daz by dem ewigen Gotte Adonay, daz ich nit wil begeren, bitten oder uffnemen eyniche erclerunge, ußlegung, abnemunge oder vergebung von keinen juden noch andern menschen, wo ich mit disem minem eyde, so ich yetz hie tun wurde eynichen menschen betriegen.

Dornoch so swere der jude und spreche dem cristen noch disen eydt :

[p. 495]

Adonay ein schöppffer der hymel und des erttrichs und aller dinge ouch myn und der menschen, die hie stont, ich rüffe dich an durch dinen heiligen namen uff dise zytt zu der worheit.

Also und der .N. mir zügesprochen hatt umb den oder den handel, so bin ich ime darumb oder daran gantz nudt schuldig oder pflichtig und habe ouch inn disem handel keinerley valscheyt oder unworheit gebrucht, sunder ist wie es verluttet hatt umb houbtsache, schulde oder sust waz die sache ist, also ist es wor, one alle geverde, argeliste und verborgenlicheit ; also bitte ich mir Gott Adonay ze helffen und ze bestetten dise worheit. Wo ich aber nit recht oder wor habe an diser sache, sunder eyniche unworheit, valsch oder betrieglicheit darinne gebruche, so syge ich horam und verflücht eweklich ; wo ich ouch nit wor und recht habe inn der sache, daz mich dann úbergee und verzere daz fúre, das Sodoma und Gomorra ubergieng und alle die flüche, die an der Tora geschriben steen, und daz mir ouch der wore Gott, der loub und gras und alle dinge beschaffen hatt, nyemer zü hilffe noch zü statten kome inn eynichen minen sachen oder nötten. Wo ich aber wor und recht habe inn diser sache, also helff mir der wore Gott Adonay und nit anders.

[p. 496]

Aber wie man einem juden einen eydt stabt

Als uch vorgelesen ist und mit worten bescheyden ist, daz wellent ir halten und getruwlich volziehen, bittent den almechtigen Gott Adonay, uch ze helffen des die worheit ze besteten und wor69 ir daz verbrechent inn einem puncten, so sygent ir70 heram und verflücht eweklich, und daz uch úbergee und verzere daz für, daz Sodoma und Gomora úbergieng und alle die flüche, die an der Tora geschriben stont, und daz uch ouch der wore Gott, der loub und gras und alle dinge beschaffen hatt, nyemer zü hilffe noch zu statten kome inn eynichen uwern sachen oder notten.

Aber ein stabunge eins juden eyds

Als dir vorgelesen und mit worten bescheyden ist, daz wiltu halten und getruwlich volziehen, als dir der almechtige Gott Adonay und nit anders welle helffen und ouch die gebott, die der selbe almechtige Gott, der loub und gras und alle dinge beschaffen hatt, hern Mouses geben uff dem berge Synnay, ime und allen, die domitte gedochtent ze genesen.

 

Un serment de juif

Le juif devant prêter serment doit mettre sa main droite jusqu’au poignet dans un livre où sont écrits les commandements que Dieu a donnés au seigneur Moïse sur le mont Sinaï, puis répéter les mots de celui qui lui lit71 la formule du serment :

« Adonaï, Dieu éternel et tout-puissant, seigneur de tous les malachym72, Dieu unique, mère, père, qui nous as donné la sainte Torah, je t’invoque ainsi que ton saint nom Adonaï et ta toute-puissance, pour que tu m’aides à respecter le serment que je dois faire maintenant ; et si je jure de façon fausse ou trompeuse, que je sois privé de toutes les grâces du Dieu éternel et que me soient imposées toutes les punitions et malédictions que Dieu a imposées aux juifs maudits, et que mon âme et mon corps n’aient jamais aucune part à la promesse que Dieu nous a faite ; et moi non plus ne devrai avoir part au Messie ni à la terre promise du saint et salvifique pays.

Je promets aussi et témoigne aussi, par le Dieu éternel Adonaï, que je ne désirerai ni ne demanderai ou recevrai aucune explication, interprétation, annulation ou pardon de la part de juifs ou d’autres personnes, si par le serment que je fais maintenant je trompe qui que ce soit. »

 

Puis le juif doit jurer et répéter après le chrétien le serment suivant :

« Adonaï, créateur des cieux et de la terre et de toutes choses, ainsi que de moi et des personnes ici présentes, je t’invoque par ton saint nom, en ce moment, pour la vérité.

Quant à ce que N. m’a accordé, dans telle ou telle affaire, je ne lui dois absolument rien ni ne lui suis redevable de rien, et je n’ai usé dans cette affaire d’aucune fausseté ni de contre-vérité ; mais, les choses sont telles qu’elles ont été dites, à propos de l’objet du conflit, de dette ou de ce qui est en jeu ; cela est vrai sans fraude, ruse ou dissimulation. C’est pourquoi je prie Dieu Adonaï de m’aider et de garder fermement cette vérité. Mais si je n’ai pas raison ni ne dis vrai dans cette affaire et que j’use de quelque contre-vérité, fausseté ou tromperie, alors que je sois haram et maudit pour l’éternité ; si je ne dis pas vrai et n’ai pas raison dans cette affaire, que me prenne et consume le feu qui prit Sodome et Gomorrhe et toutes les malédictions qui sont écrites dans la Torah, et que le vrai Dieu, qui a créé feuilles et herbe et toute chose ne vienne jamais à mon aide ni à mon secours pour aucune de mes affaires ou de mes besoins. Mais si je dis vrai et ai raison dans cette affaire, que le vrai Dieu Adonaï m’aide et rien d’autre. »

 

Autre façon de formuler un serment de juif

Ce qui vous a été lu et indiqué par des paroles, vous voulez vous y tenir et le réaliser fidèlement ; priez le Dieu tout-puissant Adonaï de vous aider à en garder fermement la vérité. Et si vous en violez un point, soyez heram et maudits éternellement, et que tombe sur vous et vous consume le feu qui tomba sur Sodome et Gomorrhe et toutes les malédictions qui sont écrites dans la Torah, et que le vrai Dieu, qui a créé les feuilles et l’herbe et toute chose ne vienne jamais à votre aide ni à votre secours pour aucune de vos affaires ou de vos besoins.

 

Autre formule de serment de juif

Ce qui t’a été lu et indiqué par des paroles, tu veux t’y tenir et le réaliser fidèlement ; que le Dieu tout-puissant Adonaï veuille t’aider, et rien d’autre, ainsi que les commandements que le même Dieu tout-puissant, qui a créé les feuilles et l’herbe et toute chose, a donnés au seigneur Moïse sur le mont Sinaï, à lui et à tous ceux qui voulaient être sauvés grâce à eux.

Archives municipales de Colmar BB 44 (Neues Rotbuch), p. 494-496. Transcription et traduction O.R.

Notes

1 Parmi les nombreux travaux les plus récents, voir Thierry Dutour, « Le serment dans l’organisation de la vie publique (espace francophone, xiiie-xve siècle) », in W. Falkowski, Y. Sassier, Confiance, bonne foi, fidélité. La notion de « fides », Paris, Classiques Garnier, 2018, p. 293-312. Retour au texte

2 Sur tout cela, je me permets de renvoyer à Olivier Richard, La ville jurée. Serment et gouvernement dans les villes du Rhin supérieur à la fin du Moyen Âge, Heidelberg, HeiUP (Pariser Historische Studien, 130), à paraître en 2024. De tels rituels ne sont ni limités à cette région, ni à la fin du Moyen Âge, voir par exemple Charles Phytian-Adams, « Ceremony and the Citizen : The Communal Year at Coventry, 1450-1550 », in Richard A. Holt, Gervase Rosser, The English Medieval Town. A Reader in English Urban History 1200-1540, Londres [et al.], Longman, 1990, p. 238-264. Retour au texte

3 Sur ces livres, voir Laurence Buchholzer-Remy, Olivier Richard, « Villes médiévales et serment : une enquête », in Élisabeth Clementz, Autorité, liberté, contrainte en Alsace. Regards sur l’histoire d’Alsace, xie-xxie siècle, Nancy/Colmar, Éditions Place Stanislas, 2010, p. 73-81. Retour au texte

4 Paolo Prodi, Il sacramento del potere. Il giuramento politico nella storia costituzionale dell’Occidente, Bologna, Il Mulino, 1992, p. 161-225. Retour au texte

5 Pour l’Allemagne, voir la thèse de la « concivilitas » formulée par Alfred Haverkamp, « “Concivilitas” von Christen und Juden in Aschkenas im Mittelalter », in R. Jütte, A. Kustermann, Jüdische Gemeinden und Organisationsformen, Vienne, Böhlau, 1996, p. 103-136. Au contraire, Michael Toch, Die Juden im mittelalterlichen Reich, Munich, Oldenburg, 2013, p. 34, et Hans-Jörg Gilomen, Juden in den spätmittelalterlichen Städten des Reichs : Normen, Fakten, Hypothesen. 11. « Arye-Maimon-Vortrag » an der Universität Trier, 5. November 2008, Trèves, Kliomedia, 2009, insistent sur le fait que le droit de bourgeoisie dont les juifs pouvaient jouir n’était jamais équivalent à celui des chrétiens ; pour la Méditerranée occidentale, voir Claude Denjean, Juliette Sibon, « Citoyenneté et fait minoritaire dans la ville médiévale. Étude comparée des juifs de Marseille, de Catalogne et de Majorque au bas Moyen Âge », Histoire urbaine, 32 (2011), p. 73-100. Retour au texte

6 Voir notamment P. Prodi, Il sacramento… op. cit. ; Lothar Kolmer, Promissorische Eide im Mittelalter, Kallmünz, Lassleben, 1989 ; Jaume Aurell, Martin Aurell, Montserrat Herrero, Le Sacré et la parole. Le serment au Moyen Âge, Paris, Classiques Garnier, 2018 ; W. Falkowski, Y. Sassier, Confiance, bonne foi, fidélité… op. cit. Retour au texte

7 Pour alléger la liste de références, je renvoie à la bibliographie dans Andreas Lehnertz, « The Erfurt “Judeneid” Between Pragmatism and Ritual : Some Aspects of Christian and Jewish Oath-Taking in Medieval Germany », in C. Bergmann, M. Stürzebecher, Ritual Objects in Ritual Contexts, Iéna/Quedlinburg, Bussert & Stadeler, 2020, p. 12-31, ici p. 13, en ajoutant Guido Kisch, « Studien zur Geschichte des Judeneides im Mittelalter », in G. Kisch, Forschungen zur Rechts- und Sozialgeschichte der Juden in Deutschland während des Mittelalters, Sigmaringen, Thorbecke, 1978, 3 vol., ici vol. 1, p. 137-165, toujours utile. Sur les serments entre juifs, voir Hans-Georg von Mutius, « Judeneid II. Im innerjüdischen Bereich », in Lexikon des Mittelalters, vol. 5 (1991), col. 789-790. Retour au texte

8 Lothar Kolmer, Promissorische Eide… op. cit., p. 257. Retour au texte

9 Voir les textes en annexe, ainsi que le serment des juifs à Bâle, Staatsarchiv des Kantons Basel-Stadt [StABS] Ratsbücher A 1, p. 377 (seconde moitié du xive siècle ; StABS Ratsbücher A 1 [Rotes Buch], numérisé sur https://dls.staatsarchiv.bs.ch/records/315299/401159/preview), édité dans Moses Ginsburger, « Die Juden in Basel », Basler Zeitschrift für Geschichte und Altertumskunde, 8 (1909), p. 315-436, ici p. 340. Retour au texte

10 Dans certains textes, à la suite du Miroir de Souabe (voir infra, annexe A), il est précisé : « jusqu’au poignet » (biß an den knoden, par exemple Archives Municipales [AM] Colmar BB 44, p. 494, voir infra annexe D) – dans les serments prêtés à des chrétiens, tandis que dans les serments que les juifs prêtaient à d’autres juifs, la main du jureur tenait les rouleaux de la Torah, voir Gundula Grebner, « “Der alte Raby hait eyn gemeyn buche in syner hant gehabt…” Jüdische Eidesleistungen in und um Frankfurt am Main (14.-16. Jh.). Eine Phänomenologie », in F. Backhaus, Die Frankfurter Judengasse. Jüdisches Leben in der Frühen Neuzeit, Francfort-sur-le-Main, Societäts-Verlag, 2006, p. 145-160, ici p. 145. Sur l’utilisation d’un rouleau de la Torah ou d’un codex du Pentateuque, voir Amon Linder, « The Jewry-Oath in Christian Europe », in J. Tolan [et al.]., Jews in Early Christian Law. Byzantium and the Latin West, 6th-11th centuries, Turnhout, Brepols, 2014, p. 311-358, ici p. 349. Retour au texte

11 Voir infra annexe B (Obernai) : et sub juramento prestando antequam juret, deponat illum verum esse librum humas ; une disposition équivalente existe à Nuremberg, Guido Kisch, « Nuremberg Jewry Oaths », Historia Judaica, 2 (1940), p. 23-38, ici p. 29. Retour au texte

12 Voir cependant C. Denjean, J. Sibon, « Citoyenneté et fait minoritaire… », art. cit., p. 96, où les juifs de Puigcerda jurent sur une copie des Dix commandements conservée chez les notaires (chrétiens) ; le serment collectif annuel est toutefois prêté sur les rouleaux de la Torah. Retour au texte

13 Volker Zimmermann, Die Entwicklung des Judeneids. Untersuchungen und Texte zur rechtlichen und sozialen Stellung der Juden im Mittelalter, Berne/Francfort-sur-le-Main, Peter Lang, 1973, ici p. 197. Retour au texte

14 Voir les serments judiciaires prêtés par la sage-femme marseillaise Floreta, accusée en 1403 d’avoir provoqué la mort d’une parturiente, Monica H. Green, Daniel Lord Smail, « The Trial of Floreta d’Ays (1403) : Jews, Christians, and Obstetrics in Later Medieval Marseille », Journal of Medieval History, 34 (2008), p. 185-211, ici p. 205 (iuravit ad sanctam legem Moysis). Mais nous ignorons si les modalités du serment féminin différaient de celles s’appliquant aux hommes, comme cela était souvent le cas dans le monde chrétien. Retour au texte

15 Voir annexe B ; sur les lieux, G. Kisch, « Studien… », art. cit., p. 160. Retour au texte

16 Voir annexe A, Judeneid du Miroir de Souabe. Pour le serment d’Erfurt, voir Andreas Lehnertz, « The Jewry Oath (Judeneid) », in E. Baumgarten, I. Noy, In and Out, Between and Beyond. Jewish Daily Life in Medieval Europe, Jerusalem, The Hebrew University of Jerusalem, 2021, p. 53-58, qui en donne p. 55 une traduction anglaise, et Idem, « The Erfurt Judeneid between Pragmatism and Ritual », art. cit. Sur le Miroir de Souabe, voir notamment Peter Johanek, « Schwabenspiegel », in W. Stammler [et al.], Die deutsche Literatur des Mittelalters. Verfasserlexikon, 2e éd., Berlin/New York, De Gruyter, 1978-2008, 9 vol., ici vol. 8, col. 896-907 ; Theodor Bühler, « Miroir de Souabe », Dictionnaire Historique de la Suisse, en ligne : https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/008948/2011-11-10/ (consulté le 6 mars 2024). Retour au texte

17 Archives d’Alsace – site de Strasbourg [AD67] G 3690/1 fol. 31r-v, xve siècle ; éd. Paul Wentzcke, « Ein elsässischer Judeneid aus dem Anfang des 14. Jahrhunderts », Zeitschrift für die Geschichte des Oberrheins, 66 (1912), p. 701-702 (l’éditeur vieillit le texte et exagère les rares différences avec le Schwabenspiegel). D’après Bernhard Metz, que je remercie vivement pour le renseignement, le cahier est destiné à un chanoine de la famille d’Ochsenstein, curé de Willgottheim entre autres, et par sa famille coseigneur de Hochfelden, localité où vivaient des juifs, qui ne sont attestés à Willgottheim à cette époque. La main qui écrit le serment des juifs est différente des autres qu’on trouve dans le cahier. Retour au texte

18 AM Colmar BB 44, p. 494-496 (voir infra, annexe D), qui correspond au texte dans Christian Hattenhauer, « Die rechtliche Behandlung der Juden im Laienspiegel », in A. Deutsch, Ulrich Tenglers Laienspiegel, Heidelberg, Winter, 2011, p. 295-326, ici p. 322-324. Ce texte de 1479 servit de fondement à l’édition de 1484 dans la Réformation de la ville de Nuremberg, présentée par Renate Evers, « The 1484 Nuremberg Jewry Oath (More Judaico) », The Leo Baeck Institute Year Book, 65/1 (2020), p. 3-35. Retour au texte

19 L. Kolmer, Promissorische Eide… op. cit., p. 257. Retour au texte

20 Gerd Mentgen, « Judeneid », in W. Stammler [et al.], Handwörterbuch zur deutschen Rechtsgeschichte (HRG), 2e éd., Berlin, Erich Schmidt, 2004, vol. 2, col. 1409-1411. Voir la discussion dans R. Evers, « The 1484 Nuremberg Jewry Oath… », art. cit., p. 12. Retour au texte

21 Voir le texte et sa traduction en annexe A. Retour au texte

22 Andreas Deutsch, « Tengler und der Laienspiegel – Zur Einführung », in A. Deutsch, Ulrich Tenglers Laienspiegel op. cit., p. 11-40. Retour au texte

23 Sur ces gravures, voir C. Hattenhauer, « Die rechtliche Behandlung », art. cit., p. 311-314, qui décèle des détails antijudaïques (doigts croisés ou majeur dressé des témoins juifs). Retour au texte

24 Voir infra, annexe C, ainsi que les exemples dans R. Evers, « The 1484 Nuremberg Jewry Oath… », art. cit., p. 12. Retour au texte

25 Comparer les fig. 1 et 2 à celles dans A. Lehnertz, « The Jewry Oath… », art. cit., p. 55 (Franconie, entre 1294 et 1325), et dans Madeline H. Caviness, Women and Jews in the Sachsenspiegel picture-books, Londres, Harvey Miller Publishers, 2018, p. 256 (Landshut, 1361). Retour au texte

26 O. Richard, La ville jurée… op. cit., ch. 3.3.1. Retour au texte

27 AD67 C 78/40, 21 mars 1468 : « als ein jude gesworn mit ufgerecketen vingern und gelörten worten ». Retour au texte

28 Marie-Noëlle Drion, Falk Bretschneider, « Urphede », in F. Bretschneider, C. Duhamelle, Les mots du Saint-Empire. Un glossaire, en ligne : https://saintempire.hypotheses.org/publications/glossaire/urphede (consulté le 6 mars 2024). Retour au texte

29 Karl Hegel (éd.), Die Chroniken der oberrheinischen Städte. Straßburg, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1961, 2 t., ici t. 2, p. 1022 : « Item Memmelot de Morschele der Jude, der Walich, der in dem münster funden wart unde der umbe daz münster gestrichen wart, het dise stat by sime jüdischen eyde eweklich versworen tag und naht eine mile, und wo man (in) in den zilen ergriffet, so sol man in ertrencken. Actum feria quinta ante diem sancti Johannis baptiste ». Retour au texte

30 P. Prodi, Il sacramento… op. cit., p. 14. Retour au texte

31 Il n’y a aucun Judeneid dans les livres de serments étudiés dans O. Richard, La ville jurée… op. cit. Retour au texte

32 AM Obernai BB 14, fol. cxxx/193. Retour au texte

33 Livre rouge de Bâle (StABS Ratsbücher A 1), p. 377 (recto du dernier folio) ; Neues Stadtbuch de Colmar (AM Colmar BB 44), p. 494-496 (dernières pages) ; Stadtbuch I de Sélestat (AM Sélestat BB 50), contre-plat inférieur ; Livre du Conseil I de Constance, p. 1, dans la marge, éd. Otto Feger, Vom Richtebrief zum Roten Buch. Die ältere Konstanzer Ratsgesetzgebung, Constance, Thorbecke, 1955, p. 2. Retour au texte

34 AVES AA 103/48, samedi après l’Exaltation de la Croix (14 septembre), sans indication de l’année. Retour au texte

35 Voir le texte dans C. Hattenhauer, « Die rechtliche Behandlung », art. cit., p. 320-321. La formule de Colmar, de 1498 a, elle, bien suivi le modèle nurembergeois et écrit heram, voir infra annexe D. Retour au texte

36 Richard, La ville jurée… op. cit., ch. 2.2.3. Retour au texte

37 G. Mentgen, Studien… op. cit., p. 191-192 ; Urs Portmann, Bürgerschaft im mittelalterlichen Freiburg. Sozialtopographische Auswertungen zum ersten Bürgerbuch 1341-1416, Fribourg, Universitätsverlag Freiburg Schweiz, 1986, p. 166. Retour au texte

38 H.-J. Gilomen, Juden in der spätmittelalterlichen Stadt… op. cit., p. 14 et p. 19 (« lettres de bourgeoisie » de juifs zurichois de 1384 et 1424), qui reprend H.-J. Gilomen, « Städtische Sondergruppen », art. cit., p. 140. Retour au texte

39 Romain Werro (éd.), Recueil diplomatique du canton de Fribourg, Fribourg, Fragnière, 1839-1877, 8 vol., ici vol. 4, p. 150-158, ici p. 155 (réception de plusieurs juifs comme bourgeois en 1381, pour plusieurs centaines de livres). Retour au texte

40 Heinrich Speich, Burgrecht. Von der Einbürgerung zum politischen Bündnis im Spätmittelalter, Ostfildern, Thorbecke, 2019. Retour au texte

41 Heinrich Zeller-Werdmüller (éd.), Die Zürcher Stadtbücher des xiv. und xv. Jahrhunderts, vol. 1, Leipzig, Hirzel, 1899, no 74, p. 270. Retour au texte

42 H.-J. Gilomen, Juden in der spätmittelalterlichen Stadt… op. cit., p. 25. Retour au texte

43 Eberhard Isenmann, Die deutsche Stadt im Mittelalter, Cologne, Böhlau, 2014, p. 480-482. Retour au texte

44 Susanna Burghartz, Leib, Ehre und Gut. Delinquenz in Zürich im 14. Jahrhundert, Zurich, Chronos, 1990, p. 38. Retour au texte

45 Chantal Amman-Doubliez (éd.), La « première collection des lois » de Fribourg en Nuithonie, Bâle, Schwabe, 2009, no 247, p. 191. Retour au texte

46 M. Toch, Die Juden im mittelalterlichen Reich… op. cit., p. 21. Sur le choix du tribunal chrétien plutôt que rabbinique, voir le cas de Zurich dans S. Burghartz, Leib, Ehre und Gut… op. cit., p. 195-196. Retour au texte

47 Haguenau, Musée historique Ms. 8.05, fol. 94r, éd. Auguste Hanauer, Joseph Klélé (éd.), Das alte Statutenbuch der Stadt Hagenau, Haguenau, Ulrich-Gilardone, 1900, no 128, p. 166-167. L’écriture est clairement du xve s. Retour au texte

48 G. Mentgen, Studien… op. cit., p. 278-279. Retour au texte

49 AD67 C 78/40, 21 mars 1468 : « der puncten er doch nit behalten hab ». Retour au texte

50 Ibid. : « daz die juden zů Hagenôw vor etlichen zitten der stat Hagenôw nit gesworn und die von Hagenôw inen ein zedel vorgelesen und sy den ze sweren getrenget oder us ire (!) stat zů ziehen gebotten haben ». Retour au texte

51 Sur ce point, Olivier Richard, « Oaths and Socio-political Hierarchies in the Urban “Sworn Society” : South-west Germany in the Late Middle Ages », Medieval Worlds, 19 (2023), p. 195-215, ici p. 199 ; en ligne : http://doi.org/10.1553/medievalworlds_no19_2023s195. Retour au texte

52 S. Burghartz, Leib, Ehre und Gut… op. cit., p. 183. Retour au texte

53 O. Richard, La ville jurée… op. cit., ch. 3.3.3. Retour au texte

54 https://www.archivschule.de/uploads/Ausbildung/Grundsaetze_fuer_die_Textbearbeitung_2009.pdf (consulté le 12 juin 2024). Retour au texte

55 Nb 16, 28-33. Retour au texte

56 2 Rois, 5, 27. Retour au texte

57 Geslehte : littéralement « famille », « lignage ». Retour au texte

58 Ex, 3, 2-3. Retour au texte

59 Cette transcription propose quelques corrections à celle que donne G. Mentgen, Studien… op. cit., p. 159, n. 852. Retour au texte

60 Sur ce point, voir G. Kisch, « Studien… », art. cit., p. 153-155. Retour au texte

61 Leçon non sûre. Retour au texte

62 Cette proposition est traduite librement, le latin étant ici peu clair. S’agit-il de dire que la main doit former un poing, ou être « enfermée » dans le livre, qui doit avoir la forme d’un rouleau ? Une formule plus ancienne de Cologne et Dortmund donne « imponat dextram manum totam usque ad membrum brachii in librum Levitici, et claudatur liber » : c’est le livre qui est fermé sur la main. Retour au texte

63 Littéralement : « ton fruit ». Retour au texte

64 Nous n’avons pas trouvé dans les inventaires d’archives ni dans les Regesta imperii de quel privilège il peut s’agir ; G. Mentgen, Studien… op. cit., n’en fait pas mention. Retour au texte

65 La date est celle du début de rédaction du volume, l’« altes stattbuch » (vieux livre municipal), AM Saverne 10, fol. 1r. Retour au texte

66 En allemand « lufft und dufft », qui rime en plus de désigner l’air par deux mots aux sens complémentaires. Retour au texte

67 Il existe un premier serment des juifs de Colmar dans l’Altes Rotbuch de Colmar (AM Colmar BB 43, p. 71), édité dans Paul Willem Finsterwalder (éd.), Elsässische Stadtrechte, III : Colmarer Stadtrechte, Heidelberg, Carl Winter, 1938, p. 318, qui le date de 1370-1380. Le texte présente des similitudes avec le serment d’Erfurt, qui l’a sans doute inspiré. Signalons que le parjure y est menacé non pas de « eristan sterben », comme l’édition le note par erreur, et qui ne veut rien dire, mais de « crystan sterben », mourir chrétien. Retour au texte

68 « die » a été écrit deux fois à cet endroit. Retour au texte

69 Sic, pour « wo ». Retour au texte

70 Ici le manuscrit donne par erreur « wir » (nous), corrigé ici en « ir » (vous). Retour au texte

71 Le verbe staben renvoie à une lecture rythmée, pour la rendre solennelle (Stab, « bâton », fait sans doute référence au bâton du pouvoir de celui qui lit le serment). Retour au texte

72 Malachim : les « messagers » ou anges. Retour au texte

Illustrations

Citer cet article

Référence papier

Olivier Richard, « Les juifs et le serment dans le Rhin supérieur et l’espace confédéré à la fin du Moyen Âge », Revue du Rhin supérieur, 6 | 2024, 123-146.

Référence électronique

Olivier Richard, « Les juifs et le serment dans le Rhin supérieur et l’espace confédéré à la fin du Moyen Âge », Revue du Rhin supérieur [En ligne], 6 | 2024, mis en ligne le 16 décembre 2024, consulté le 03 décembre 2025. URL : https://www.ouvroir.fr/rrs/index.php?id=477

Auteur

Olivier Richard

Né en 1974 à Lyon, ancien élève de l’École normale supérieure de Paris et agrégé d’histoire, Olivier Richard a été maître de conférences à l’université de Haute-Alsace puis professeur à l’université de Strasbourg, et est depuis 2023 professeur d’histoire du Moyen Âge à l’université de Fribourg (Suisse). Parmi ses publications : Mémoires bourgeoises. Memoria et identité urbaine à Ratisbonne à la fin du Moyen Âge, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2009 ; « Oaths and Socio-political Hierarchies in the Urban “Sworn Society”: South-west Germany in the Late Middle Ages », Medieval Worlds, 19 (2023), p. 195-215, DOI: 10.1553/medievalworlds_no19_2023s195 ; La ville jurée. Serment et gouvernement dans les villes du Rhin supérieur à la fin du Moyen Âge, Heidelberg, HeiUP (Pariser Historische Studien, 130), 2024.

Autres ressources du même auteur

  • IDREF
  • ORCID
  • HAL
  • ISNI
  • BNF

Droits d'auteur

Licence Creative Commons – Attribution – Partage dans les même conditions 4.0 International (CC BY-SA 4.0)