Le changement climatique remet-il en cause l’identité des vins et des vignobles dans le Rhin Supérieur ?

DOI : 10.57086/rrs.383

p. 157-182

Résumés

Le Rhin Supérieur possède des vignobles renommés dont la spécificité repose sur des cépages particuliers et notamment le Riesling. Leur importance paysagère est aussi déterminante pour l’attractivité touristique du territoire. Mais le changement climatique représente un important défi. Les entretiens menés auprès d’acteurs viti-vinicoles en France, Allemagne et Suisse montrent comment ils y répondent. Puisque le changement climatique modifie les conditions naturelles, les facteurs humains doivent aussi être adaptés. C’est alors l’identité viti-vinicole de chaque domaine et celle de la région qui est à redéfinir, pour allier respect des héritages, maintien des spécificités locales et préparation aux conditions futures. Un rapprochement des trois pays pourrait alors être envisagé dans la construction de cette identité.

The Upper Rhine holds renown vineyards whose specificity relies on particular grape varieties and especially Riesling. Their landscape importance is also decisive for the touristic attractivity of the territory. But Climate Change represents an important challenge. Interviews conducted with wine actors in France, Germany and Switzerland show how they respond to it. Since Climate Change modifies the natural conditions, the human factors must also be adapted. It is then the identity of each winegrower and of the region which has to be redefined, so as to combine respect of heritages, maintenance of local specificities and preparation to future conditions. Bringing the three countries together could then be considered in the construction of this identity.

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Du fait de la diversité des conditions naturelles, des sociétés humaines et de leur histoire, une multitude de vignobles se distinguent à travers le monde. Chacun a ses spécificités en termes de pratiques d’élaboration des vins et de culture de la vigne, et de paysages ainsi créés. Autant de caractéristiques qui donnent une identité propre à chacun de ces vignobles et contribuent fortement à l’attractivité touristique des territoires viti-vinicoles dans le cadre de la mondialisation.

Les évolutions climatiques rapides observées depuis le dernier siècle et particulièrement depuis les trente à quarante dernières années1 pourraient néanmoins mettre en péril la production et l’identité des vignobles, contraints de s’adapter.

L’adaptation est un concept utilisé dès les années 1970 par exemple par Ian Burton, Robert Kates, et Gilbert White dans un livre de synthèse publié en 1978, The Environment as Hazard. Mais il a ensuite été abandonné dans les années 1980 en raison de critiques quant à son caractère insuffisamment radical2, et car il était jugé plus pertinent d’agir sur les causes du changement climatique, autrement dit l’atténuation3. L’adaptation est définie comme l’ensemble des mesures permettant de réduire la vulnérabilité au changement climatique et donc, les impacts de celui-ci4. Plus de quarante ans après le début des négociations sur le climat5, ce concept bénéficie à nouveau d’une attention accrue, en particulier depuis le 4e rapport du GIEC (groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) en 20076, car il est devenu illusoire de croire que l’atténuation seule permettra de se prémunir des conséquences du changement climatique7. Mais jusqu’en 2014 et le 5e rapport du GIEC, adaptation reste synonyme d’« ajustement » et continue de ce fait à concentrer les critiques8. Ce n’est qu’alors qu’est introduite une dimension transformative9, appelant une restructuration systémique afin d’agir sur les causes structurelles de la vulnérabilité10.

L’adaptation repose sur des actions concrètes ou « options d’adaptations »11, que nous appelons mesures, et qui correspondent dans notre cas à des pratiques agricoles. Celles-ci sont généralement articulées de façon plus ou moins cohérente et planifiée, afin d’atteindre un but et selon une vision propre à l’acteur qui prend ces décisions. C’est cet ensemble qui forme une stratégie d’adaptation12. Ce concept est donc plus général et englobe toute une série de motivations et de facteurs qui guident consciemment ou inconsciemment les choix.

Ces questions sont particulièrement prégnantes pour les vignobles rhénans, situés majoritairement sur les coteaux de part et d’autre de la frontière (Figure 1). Ceux-ci sont en effet mondialement reconnus pour leurs vins et leurs paysages, dont la spécificité repose sur des cépages et des types de vins particulièrement vulnérables aux effets du changement climatique, qui pourraient être de grande ampleur dans la région13. Le Rhin Supérieur est une région tri-nationale partagée entre la France, l’Allemagne et la Suisse. Les vignobles dans ces trois pays présentent de nombreuses similitudes (pédologie, climat, culture de la vigne, élaboration des vins, etc.). Les problématiques sont donc a priori identiques, mais, de part et d’autre des frontières, des différences culturelles ou réglementaires peuvent conduire à des approches et des opportunités différentes lorsqu’il s’agit de s’adapter aux conséquences du changement climatique.

Figure 1 : Localisation des vignobles du Rhin Supérieur et des acteurs enquêtés.

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Sources : GeoRhena, GADM. Réalisation : Gaël Bohnert, CRÉSAT

Dans ce contexte, quelles sont les mesures d’adaptation employées et comment se répercutent-elles sur l’identité des vins et des paysages viticoles rhénans ? Et, dans cet espace partagé entre trois pays, des circulations transfrontalières d’informations et de pratiques contribuent-elles à solutionner ces problématiques semblables de part et d’autre de la frontière ?

Pour répondre à ces questions, cette recherche s’appuie sur une trentaine d’entretiens auprès d’acteurs des filières viti-vinicoles française, allemande et suisse, principalement des producteurs, mais aussi des acteurs intervenant en amont et/ou en aval : coopératives, sociétés de conseils, acteurs de la recherche (Tableau). Il s’agit de questionner les acteurs sur leur vécu du changement climatique et sur ses conséquences, sur leurs stratégies d’adaptation, particulièrement les motivations, freins et leviers associés à leur mise en place. L’analyse des entretiens s’efforce de mettre en évidence la manière dont l’identité des vins et des paysages est prise en compte, que ce soit pour la préserver ou pour s’en démarquer, afin d’identifier des bonnes pratiques qui pourraient être partagées et transposées.

Tableau : caractéristiques de l’échantillon

type pays surfaces de vigne modes de commercialisation activités de diversification label ancienneté dans la profession et perspectives
salariée France 15 ha 100 % vinifié et embouteillé gîte AB fin de carrière
salariée France 45 ha 100 % vinifié et embouteillé musée en conversion AB début de carrière
exploitante France 12 ha 100 % vinifié et embouteillé AB, Demeter fin de carrière
exploitant France 3,9 ha majoritairement vinifié et embouteillé, un petit peu de raisin livré au négoce aucune en conversion AB
exploitant France 10 ha 100 % vinifié et embouteillé arboriculture (3 ha) AB fin de carrière, reprise par le fils
exploitant France 19 ha raisin livré à deux coopératives petite activité de négoce HVE milieu de carrière ; conversion AB en réflexion
salarié France 15-16 ha 100 % vinifié et embouteillé aucune AB, Demeter milieu de carrière
exploitant France 20 ha 100 % vinifié et embouteillé arboriculture (6 ha) AB, Demeter début de carrière
exploitant France 65 ha 100 % vinifié et embouteillé
exploitant France 32 ha 100 % vinifié, 95 % embouteillé, 5 % du vin en vrac au négoce aucune HVE, Terra Vitis milieu de carrière
exploitant France 10 ha 50 % vinifié et embouteillé ; 50 % raisins vendus à une coopérative et un négoce grandes cultures (30 ha), asperges (<1 ha) HVE, partiellement AB milieu de carrière ; objectif de passer intégralement en AB dans les prochains 5-10 ans
exploitant France 17 ha 100 % vinifié et embouteillé aucune HVE, en conversion AB
exploitant France 100 % vinifié et embouteillé aucune AB début de carrière
conseiller France
conseillère France
chercheur France
chercheur France
salarié Allemagne 30 ha 100 % vinifié et embouteillé aucune Fair N Green milieu de carrière ; conversion bio en réflexion
exploitant Allemagne 35 ha 100 % vinifié et embouteillé aucune conversion bio et Demeter début de carrière ; restaurant en construction
exploitant Allemagne ? 100 % vinifié et embouteillé aucune Bioland fin de carrière
salarié Allemagne 65 ha 100 % vinifié et embouteillé aucune Demeter
exploitant Allemagne 12 ha 100 % vinifié et embouteillé restaurant Bioland fin de carrière
exploitante Allemagne 7,5 ha 1/3 vinifié et embouteillé, 2/3 de raisins en cave coopérative grandes cultures (50-60 ha selon nos estimations), arboriculture (1,5 ha), petit élevage (bovins, ovins, caprins, porcins, poules) Naturland, EcoVin, Demeter fin de carrière ; pas de repreneur
exploitant Allemagne 7,5 ha 1/3 vinifié et embouteillé, 2/3 de raisins en cave coopérative grandes cultures (50-60 ha selon nos estimations), arboriculture (1,5 ha), petit élevage (bovins, ovins, caprins, porcins, poules) Naturland, EcoVin, Demeter fin de carrière ; pas de repreneur
conseiller Allemagne
conseillère Allemagne
chercheur Allemagne
conseiller Allemagne
conseiller Suisse
exploitant Suisse 8ha vente au caveau sélection de cépages bio fin de carrière

Les conséquences du changement climatique remettent en cause l’identité des vins

Une modification des caractéristiques des vins…

L’augmentation des températures perturbe considérablement la maturation des raisins, qui gagnent en sucres et perdent en acidité, donnant des vins plus sucrés et alcoolisés14. Il est vrai que ces évolutions étaient souvent perçues positivement, les conditions étant parfois trop froides il y a quelques décennies pour une maturité optimale, et les vendanges plus tardives coïncidant avec des périodes plus humides responsables de maladies cryptogamiques :

Ils sont tous contents que le climat se réchauffe, parce que ça va améliorer la qualité des vins d’Alsace […] Les vins mûrissent beaucoup mieux, il y a une belle maturité […] La qualité a augmenté. Elle est devenue bien meilleure ces dernières vingt années […] les vendanges, c’était beaucoup plus tardif. Et ensuite il y a des années où ça ne mûrissait pas, où ça pourrissait […] Et le printemps souvent était merdique, il pleuvait15.

Néanmoins, les évolutions sont rapides, et l’optimum est déjà passé. En effet, selon certaines études, le climat alsacien serait déjà trop chaud en 1990 pour faire des vins de qualité avec les cépages actuels16. S’il convient de relativiser le rôle des facteurs physiques face aux facteurs humains dans la qualité des vins17, nous montrerons néanmoins que la modification du climat nécessitera d’importants efforts des acteurs viti-vinicoles pour maintenir la qualité ou la typicité des vins. La viticultrice précédemment citée oppose ainsi à la satisfaction qu’elle relève chez beaucoup de ses collègues ses craintes pour l’avenir des cépages typiques d’Alsace : « Le Riesling n’existera plus en Alsace, ça c’est déjà des pronostics […] Pour les cépages, comme les Riesling et Pinot, on fera d’autres cépages »18. Pour elle, les perceptions des conséquences du changement climatique sur la qualité des vins dépendent surtout de l’échelle temporelle, privilégiant souvent vision à court terme plutôt que vision à long terme ; « ils ne se posent pas trop de questions de ce qu’il arrivera en 2050. D’ici là ils seront peut-être morts »19.

Le réchauffement inquiète donc, surtout à long terme, les viticulteurs les plus jeunes et ceux qui s’inscrivent dans la perspective d’une transmission intergénérationnelle de plus en plus difficile à assurer. L’augmentation de la concentration en alcool et en sucre est problématique en raison de l’évolution des modes de consommation, notamment à l’international, puisque beaucoup de consommateurs se tournent vers des vins peu sucrés et peu alcoolisés :

Les consommateurs demandent moins les grands liquoreux. Tout ce qui est vendanges tardives, sélection grains nobles20.

Maintenant avec la météo des dernières années, les conditions clima­tiques, on a des vins plus alcoolisés. C’est pour ça aussi qu’on va vendanger tôt, pour éviter justement ça. Mais même si on vendange tôt, parfois ça arrive quand même. Donc si jamais ça continue ça, on va perdre un peu notre créneau marketing21.

Certains viticulteurs rencontrés, à l’image de la viticultrice citée ci-dessus, s’adaptent à cette tendance en réduisant leur production de vins doux et en misant encore plus sur les vins secs, qui sont aussi les plus sensibles au changement climatique. Cette observation chez les viticulteurs est également corroborée auprès des commerciaux du vin par Geneviève Teil22.

En dehors de l’élévation générale des températures, des périodes caniculaires ou très sèches dont la probabilité augmente fortement23 provoquent de plus en plus des stress thermiques et hydriques, induisant des blocages de maturités. Plusieurs viticulteurs parlent alors de vins aux « goûts de sécheresse ». Ils décrivent des feuilles flétries qui tombent, et qui ne permettent donc plus la photosynthèse. La vigne ne produit donc plus de sucre et les raisins ne mûrissent pas, restant petits, flétris et très acides.

… qui remanie leur identité rhénane

Par ailleurs, ces évolutions représentent un enjeu pour l’identité des vins rhénans. L’identité peut se définir, à la suite de Guy Di Méo, par un double jeu de différenciation et de rapprochement : « s’identifier […] revient à se différencier des autres tout en affirmant son appartenance à des catégories, des groupes, ou encore des espaces »24. Mise en avant par la notion de terroir, l’identité des vignobles dépend autant de facteurs naturels que de facteurs humains25. Le terroir se définit donc d’une part par un « ensemble géologique et biologique homogène »26, et comme une « construction sociale »27, à laquelle participent d’importants processus historiques et collectifs28. Les vins rhénans sont avant tout des vins blancs secs. Le cahier des charges de l’AOC Alsace définit par exemple ce type de vins comme « secs et minéraux, à l’acidité tendue et mure »29. L’augmentation de la concentration en sucres et en alcool est donc particulièrement dommageable non seulement pour les vins de la région, mais aussi pour la réputation du vignoble. En effet, s’il ne peut plus produire ses vins phares ou si la qualité de ceux-ci se détériore, ce sont les fondations de sa réputation qui s’ébranlent et sont à reconstruire. De plus, les cépages emblématiques de la région et le Riesling tout particulièrement sont menacés. En effet, des conditions fraîches sont particulièrement importantes pour un bon développement aromatique de celui-ci30, et c’est « vraiment le cépage qui souffre le plus du stress hydrique » selon certains viticulteurs. Selon eux, il pourrait par conséquent être amené à disparaître d’ici quelques années, au même titre que certains vins spécifiques, comme les « vins de glace », qui nécessitent des températures descendant sous les -7 °C31. Et avant même de disparaître, ces caractéristiques des Riesling et autres cépages risquent de complètement changer. De ce fait, les vins pourraient ne plus du tout correspondre au « type », tel que défini dans les cahiers des charges des appellations. La typicité des vins d’une appellation est en quelque sorte son identité, puisqu’elle relève bien du même double processus de différenciation et de rapprochement. En effet, un vin typique est « similaire aux autres vins d’une zone d’appellation »32, et implicitement également différent de ceux qui en sont exclus. L’année 2003 peut donner une idée des conditions à venir, l’été ayant été très chaud et sec. Une viticultrice par exemple se souvient des conséquences sur le Sylvaner, qui était « atypique. Ça ne ressemblait pas du tout à un Sylvaner […] ça n’avait plus rien à voir. Ça avait complètement changé les caractéristiques du vrai Sylvaner ». D’une part, le vin était très sucré, mais il s’était aussi coloré « comme un vin orange presque », car il faisait tellement chaud que le raisin avait commencé à macérer sur la vigne. Si ces modifications ne rendent pas forcément les vins mauvais, ils ne sont plus spécifiques des vignobles rhénans et n’en sont plus l’étendard. L’enjeu qui se pose est alors de redéfinir le « type » correspondant aux vins rhénans.

Par ailleurs, cela entraine une remise en cause des terroirs et de leur expression. En effet, c’est sur les terrains granitiques que le Riesling exprime le mieux son potentiel aromatique selon certains viticulteurs, mais c’est aussi là où il souffre le plus de la sécheresse, ce qui conduit paradoxalement à délaisser ces terrains ou à y planter d’autres cépages. Certains lieux-dits très reconnus (Grands Crus) pourraient ainsi perdre leur aptitude à produire des vins de qualité, en tout cas avec les cépages habituels :

Et après il y en a d’autres qui voudraient carrément déplacer certains vignobles exposés, et abandonner ceux qui sont trop exposés, et surtout sur des sols granitiques, […] qui créent du stress hydrique, surtout sur les Riesling […] Mais c’est là que tu fais les meilleurs Riesling, c’est sur du granite33.

Le changement climatique ne modifie pas seulement les potentialités des terroirs, mais aussi leur expression. En effet, celle-ci dépend de la profondeur d’enracinement, liée notamment à l’âge de la vigne. Or, lors d’hivers trop doux, la sève continue de circuler, ce qui épuise la vigne, qui devra être replantée plus fréquemment34. Des vieilles vignes à l’enracinement profond pourraient donc devenir plus rares, ce qui entrainerait une moindre expression des terroirs dans les vins et, in fine, une forme de banalisation.

Le changement climatique entraîne donc une modification des facteurs naturels définissant le lieu et, par conséquent, du terroir et de l’identité viti-vinicole. Cependant, ces évolutions ne sont pas seulement subies, mais offrent aussi une opportunité pour produire de nouveaux types de vins et de nouveaux cépages. Le vin orange, par exemple, qui commence à être produit en Alsace, est issu de la macération de raisins blancs avec la peau, comme pour les vins rouges. Le réchauffement apparaît d’ailleurs davantage favorable aux vins rouges, qui connaissent un intérêt croissant en Alsace35 :

On fait de plus en plus de rouges […] Moi j’aime bien les vins un peu type côtes du Rhône. Alors bien sûr c’est Pinot noir donc on n’aura pas un côte du Rhône, mais un effet de forte maturité avec un début de sèchement du raisin. Et ça, ça amène un certain type de goûts, de tannins, de velours en bouche. Moi je trouve des clients pour ces vins-là […] Donc pour certains rouges ça ne pose pas tant de problèmes que ça le réchauffement climatique36.

Pour les cépages, des expérimentations sont menées avec des variétés mieux adaptées aux conditions chaudes et sèches, comme la Syrah, dont les résultats sont remarquables, même si l’on verra que ces introductions font face à de nombreux blocages (voir infra, la partie sur les stratégies d’adaptation entre préservation de la tradition et renouvellement des vignobles).

Les stratégies d’adaptation modifient les paysages

Des transformations de pratiques qui laissent des marques…

Les stratégies d’adaptation modifient les paysages, la transformation la plus étendue étant probablement l’enherbement des vignobles. En 2002, seuls 30 à 35 % du vignoble alsacien était en effet enherbé37 alors que cette proportion atteint désormais la quasi-totalité du vignoble (97 % en 2021), avec le système d’au moins un rang sur deux laissé en herbe38. L’enherbement du vignoble allemand et suisse s’était largement répandu dès les années 1970, et aurait même inspiré les viticulteurs alsaciens39. Ainsi, un viticulteur alsacien nous a expliqué que quand il a commencé à semer des couverts dans ces vignes, cette pratique était très peu répandue en Alsace, et il se procurait donc les mélanges de graines chez un fournisseur allemand. L’enherbement n’est en général pas motivé directement par l’adaptation au changement climatique du point de vue du producteur. Elle peut venir d’une incitation ou contrainte réglementaire, en Allemagne et en Suisse afin de réduire la pollution de l’eau et, en Alsace, pour lutter contre l’érosion40. Ce dernier aspect relève bien d’un objectif d’adaptation au changement climatique, mais il s’agit plutôt d’une injonction « par le haut » que d’une mesure d’adaptation consciente des producteurs, comme par exemple dans le cas d’un viticulteur allemand qui a enherbé ses vignes pour respecter un zonage de protection contre la pollution des eaux aux nitrates. On parle alors d’adaptation fortuite (« incidental »41). L’enherbement est toutefois aussi parfois à l’initiative des viticulteurs, en raison d’aspects pratiques et techniques. Ainsi, l’adoption de cette pratique coïncide chez certains avec leur conversion à l’agriculture biologique. En effet, le désherbage mécanique est trop compliqué et coûteux sur des parcelles en coteaux et, sans herbicide ; il est alors plus simple de le réduire :

L’enherbement, on le fait finalement depuis relativement longtemps. […] Depuis qu’on est en bio, plus ou moins. […] Parce qu’auparavant on désherbait, plus ou moins. Enfin il y avait un peu de désherbage, pas trop non plus. Ce n’était jamais trop prononcé niveau produits phytos42.

Les viticulteurs ont néanmoins rapidement découvert l’intérêt de l’enherbement pour s’adapter au changement climatique, et notamment pour retenir la fraîcheur :

Ça maintient aussi un peu l’humidité, la rosée du matin, et ça… je crois qu’ils avaient mesuré. Tu as 2 ou 3 °C de différence, si tu as de l’herbe. Enfin 2 °C de moins quoi. Tu as beaucoup plus de fraîcheur s’il y a de l’herbe sous les pieds43.

Quoiqu’en soit la raison, l’enherbement du vignoble produit une réelle différence paysagère (Figure 2). En effet, selon la saison, les sols nus et enherbés se différencient nettement, et des couleurs différentes apparaissent, du brun du sol au vert de l’herbe, parfois agrémenté de fleurs telles que les muscaris et les tulipes des vignes qui avaient presque totalement disparu du fait des traitements phytosanitaires.

L’agroforesterie, qu’elle soit intra-parcellaire ou sous forme de haies en bordure de parcelle, représente un changement paysager encore plus impressionnant, même si cette pratique reste plus marginale. En effet, l’arbre est un élément paysager très visible. De plus, il s’accompagne chez l’un des viticulteurs pratiquant l’agroforesterie intra-parcellaire d’un mode de palissage différent et d’un écart plus important entre les rangs de vigne, ce qui facilite le passage des tracteurs. L’espace occupé par les arbres est ainsi compensé, alors que la gêne occasionnée est le principal frein à cette pratique mentionné par les producteurs. Comme pour l’enherbement, ce viticulteur met en avant le paysage créé par ce mode de conduite, et se fabrique une nouvelle identité spatio-productive en plaçant l’arbre et le système de palissage en lyre au centre de son étiquette. Dans les entretiens, s’adapter au changement climatique apparaît clairement comme une motivation à la plantation d’arbres, ceux-ci permettant d’atténuer les fortes chaleurs et ainsi de préserver la qualité des vins : « Les arbres peuvent aider, pour avoir de la fraîcheur […] Il faut détourner effectivement la puissance solaire »44. De plus, ils constituent aussi des barrières au ruissellement, et protègent donc le vignoble de l’érosion et des coulées d’eaux boueuses.

D’autres mesures d’adaptation ne sont pas non plus sans impacts paysagers, telles que l’aménagement de terrasses pour limiter l’érosion et les coulées d’eaux boueuses, ou les filets de protection contre la grêle et le gel. Au-delà de ces pratiques, les paysages peuvent aussi être modifiés par un déplacement des vignobles, sur les versants Nord ou plus en altitude45. Ainsi, des vignes réapparaissent dans certaines vallées, qui étaient jusqu’à présent dominées par des paysages de prairies ou de forêts : un des exemples les plus remarquables de reconquête des versants forestiers concerne le vignoble de Wihr-au-Val au cœur de la vallée de Munster, désormais le plus élevé d’Alsace, alors qu’il a disparu entièrement dans la commune voisine de Gunsbach (Figure 3).

Figure 2 : Les bandes de sol nu sont bien visibles dans le paysage.

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Cliché : Gaël Bohnert, CRÉSAT

Figure 3 : Vue depuis le vignoble de Wihr-au-Val.

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Cliché : Gaël Bohnert, CRÉSAT

… perçues différemment selon les acteurs et les époques

L’appréciation de ces modifications paysagères est très subjective, et elle varie selon les acteurs, leur idéologie et celle de leur époque. Elles peuvent être perçues positivement et mises en avant, comme par exemple sur l’étiquette mentionnée précédemment, car elles symbolisent un « verdissement du produit », associé à une image de nature. Mais puisqu’elles transforment les paysages habituels, elles remettent aussi en cause une partie de l’identité du métier de viticulteur. Ainsi, si l’enherbement est largement accepté aujourd’hui, cela n’a pas toujours été le cas, et encore actuellement, certaines formes d’enherbement ou l’agroforesterie sont parfois rejetées car créant un paysage trop « sauvage » (Figure 4), alors que la vigne devrait être « propre », signe d’une bonne gestion46. De plus, elle ne correspond alors plus à l’image véhiculée d’un « vignoble homogène, graphique et ordonné » et d’un « paysage construit et maîtrisé »47. Les paysages viticoles ont en effet été construits par l’action humaine et son histoire, conférant une spécificité à chaque vignoble. Ces vignobles moins structurés s’éloigneraient donc de l’unité du vignoble et de ses paysages typiques. Néanmoins, ils répondent aussi à un enjeu de diversification paysagère. Les vignobles alsaciens et badois présentent en effet des paysages variés qu’il s’agit de préserver48, mais également de promouvoir alors que les représentations du vignoble ont tendance à s’uniformiser49. Les arbres dans les parcelles ou en bordure et les terrasses peuvent largement contribuer à cette diversification paysagère, de même que d’autres modes de conduite (enherbement, palissage, etc.).

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Figure 4 : Certains types d’enherbement peuvent donner à la vigne un aspect sauvage renvoyant à la perception d’un manque d’entretien.

Cliché : Gaël Bohnert, CRÉSAT

Finalement, des modifications de paysages pourraient favoriser le maintien des caractéristiques des vins. En réponse à l’évolution des facteurs naturels, ce sont les facteurs humains qui sont mobilisés pour agir sur l’identité viti-vinicole. Cela permet en partie son maintien en ce qui concerne les produits, mais peut amener à une évolution de l’identité paysagère. Face à de tels changements, beaucoup appellent à redéfinir l’identité viti-vinicole de la région plutôt que de vouloir en maintenir à tout prix tous les aspects.

Les stratégies d’adaptation entre préservation de la tradition et renouvellement des vignobles

Adaptation et préservation de la tradition, deux objectifs contradictoires ?

Les vins et les paysages de la région constituent un patrimoine, construit au cours de l’histoire par le terroir et défendu par les AOC. Il est considéré par beaucoup de viticulteurs et de consommateurs comme une partie de l’identité locale, richesse à préserver absolument. Pourtant, nous avons vu que les évolutions causées par le changement climatique sont indéniables. Certains considèrent alors qu’il est illusoire d’espérer préserver à la fois les caractéristiques des vins et les pratiques traditionnelles. Il est alors nécessaire de s’adapter à ces évolutions, et il vaut mieux les anticiper pour ne pas se laisser dépasser. Mais ces adaptations sont fortement contraintes par la volonté de préserver la tradition :

Nous on a tendance avec nos AOC à vouloir être plutôt conservateurs […] on a trouvé des réponses. Mais des réponses où on sort un petit peu du cadre […] il y a un effet boule-de-neige qui peut vous amener jusqu’à la limite de la législation50.

D’autres sont vraiment en train de se dire, pour nous dans notre secteur ce serait bien qu’on puisse quand même mettre des choses […] Et d’autres vont dire on ne veut pas. Parce que si on ouvre les portes à ça… On va être dépendants. Je ne sais pas ce qui peut arriver derrière. Donc qualitativement est-ce que l’image va être dégradée ?51

Les cépages offrent une excellente illustration de ces tensions. Les blocages les plus évidents sont réglementaires, en lien avec les AOC, alors que le vin hors AOC ne représentait que 1,3 % de la production du pays de Bade52, 1 % de la surface en Alsace53, et 10 % de la production en Rhénanie-Palatinat54. Les cépages autorisés sont ainsi beaucoup plus restreints dans l’AOC Alsace et Jura55. Les cépages non traditionnels ne peuvent ainsi pas se développer en Alsace et dans le Jura suisse comme en Allemagne et le reste de la Suisse. Les appellations d’origine apparaissent alors comme barrière aux circulations de pratiques, et sont critiquées pour leur rigidité :

J’ai des cépages qui vont avec le climat, c’est tout simple […] On crée un problème qui n’existe pas […] Il faut arrêter avec les cépages traditionnels, c’est tout simple […] Il y a la politique qui empêche de mettre de nouveaux cépages sur le marché, parce que la tradition… […] La loi est le problème, pas le climat […] Avec les appellations, on essaie de créer… je ne sais pas quoi à la fin. Parce que c’est tellement débile. Une agriculture qui se tue soi-même tout simplement56.

Ce qui amène certains viticulteurs à s’en détacher57. Ils mettent alors en avant d’autres arguments pour promouvoir leurs vins que l’AOC : certification agriculture biologique ou biodynamie, paysages associés à la nature, etc. Ainsi, leur communication ne repose plus sur la typicité, mais davantage sur la différenciation :

C’est des bouteilles qui se vendent bien. C’est un vin qui se démarque. Donc la nouveauté, dans quelque chose de carré, ça fait toujours un petit appel d’air58.

Un passage d’une recherche de typicité vers celle de l’authenticité ?

De plus, la médiatisation du changement climatique contribue à une prise de conscience de la part des consommateurs (et des producteurs), dont les attentes évoluent vers davantage de prise en compte des problématiques environnementales. L’agriculture biologique et les représentations de « nature » sont d’excellents moyens de se différencier. Il s’agit de montrer que ses pratiques sont plus écologiques et que ses produits sont plus naturels, donc que le domaine est différent des autres.

Cela montre que l’innovation, définie ici comme l’introduction d’une nouveauté au sein d’un vignoble59, n’est pas forcément technologique, même si c’est souvent quasi exclusivement dans ce sens qu’elle est représentée dans les imaginaires, en raison notamment des discours médiatiques et politiques largement dominants de promotion de l’innovation technologique. Elle peut aussi reposer sur la naturalité et l’authenticité, concept mal défini60, qui met souvent en avant l’artisanat, par opposition justement à la technologie61. S’il est assez logique pour un vigneron « typique » de se revendiquer authentique, il est aussi possible de rechercher l’authenticité par l’innovation et en se différenciant du reste de l’appellation. Les vins « naturels » ou « nature » sont un parfait exemple. Ils constituent en effet une innovation puisqu’ils instaurent une nouveauté dans le monde du vin. Ils se différencient du reste de l’appellation, tout en évitant au maximum les procédés technologiques. Le contexte de changement climatique, et plus largement de crise environnementale, est propice aux innovations qui se réclament de l’authenticité, car beaucoup de consommateurs sont à la recherche de produits naturels, artisanaux, au sens où ils sont le fruit de processus naturels et d’un travail humain, plutôt que d’outils technologiques qui inspirent parfois peu confiance. Le fort engouement pour les vins biologiques, biodynamiques ou « natures » montre bien cette tendance :

On a commencé à faire des vins natures et on a trouvé ça intéressant […] Et puis on commençait à avoir des clients pour ces vins-là62.

Ceux qui ne passeraient pas bio n’auront pas d’avenir […] Alors à un moment on n’a pas passé le cap de la biodynamie parce que c’est assez contraignant en vinification. Mais on y va aussi, parce qu’on voit bien que s’il y a un effet de masse sur le bio, il va y avoir un effet de différenciation qui va s’atténuer63.

C’est clairement de cette stratégie alliant innovation et authenticité que relèvent les solutions fondées sur la nature64 comme l’agroforesterie, l’enherbement et le palissage mis en scène sur l’étiquette décrite plus haut, ou par la vinification en Qvevri65 par exemple. Il est intéressant de voir avec les cépages PIWI qu’une stratégie s’éloignant de la typicité peut en même temps se réclamer de l’authenticité. En effet, l’objectif affiché est de produire avec moins d’intrants, donc de façon plus naturelle et avec moins d’aides technologiques. On peut pourtant aussi considérer ces cépages comme des aides technologiques, puisqu’ils sont issus de la création variétale. Il apparaît donc que la définition de l’authenticité varie selon ce que les acteurs perçoivent comme naturel ou technologique.

Par ailleurs, l’adaptation peut aussi passer par la mobilisation et l’amélioration d’anciennes pratiques. Nous avons, par exemple, assisté à une journée de formation organisée par un groupe de viticulteurs et de prestataires utilisant la traction équine. Cette pratique offre de nombreux intérêts : moins de tassement du sol, pas de consommation de carburant et donc moins d’émissions de gaz à effet de serre, etc. Elle rentre également dans une logique de naturalité et d’authenticité, mais elle illustre dans le même temps l’articulation entre tradition et innovation, puisque toutes sortes d’outils, même les plus modernes, peuvent être adaptés à la traction équine grâce notamment à de l’auto-construction. Le cheval facilite de plus le passage de certains outils dans des parcelles difficilement mécanisables, et élargit ainsi la gamme des opérations possibles.

Mais puisque les productions hors AOC restent minoritaires, et que celles-ci sont considérées comme des freins à certaines stratégies d’adaptation, des débats émergent aussi pour faire évoluer les cahiers des charges. L’autorisation de nouveaux cépages ou l’irrigation est notamment exigée. Mais tous les viticulteurs ne sont pas du même avis sur les évolutions à apporter, comme l’illustre la question de l’irrigation. Celle-ci est en effet interdite dans l’AOC Alsace66 alors qu’il n’y a aucune restriction dans les AOC allemandes et suisses. Certes, l’irrigation reste aussi très rare en Allemagne, et cela malgré des programmes de subvention européens pour le goutte-à-goutte, car l’eau est peu disponible sur les coteaux et qu’il est nécessaire de signaler les prélèvements dans le milieu selon des procédures très strictes afin d’éviter la concurrence avec d’autres usages. L’irrigation demande de plus une charge de travail non négligeable. Malgré ces obstacles qui n’ont rien à voir avec les cahiers des charges, plusieurs viticulteurs alsaciens militent pour l’autorisation de l’irrigation : « J’aimerais bien irriguer, mais je n’ai pas le droit67 », en se référant notamment à ce qui se fait dans d’autres vignobles : « j’ai déjà vu en Suisse, ils irriguent »68. D’autres s’y opposent69, d’une part en raison de considérations pour la pérennité de la ressource à long terme :

Moi je reste persuadé que l’irrigation n’est pas une bonne solution. […] il suffit de regarder l’Australie et la Californie. L’usage excessif de l’eau à tort et à travers, à un moment, on raréfie complètement, on a des feux de forêt, on accélère l’effet…70.

D’autre part, l’irrigation est aussi rejetée car celle-ci ne permettrait pas l’expression des terroirs et du potentiel qualitatif de la vigne : « Irriguer c’est souvent signe d’excès de production, de baisse de qualité71 ». Le rejet de l’irrigation s’inscrit ainsi à la fois dans le respect des pratiques traditionnelles et de la « naturalité », puisque l’argument évoqué est que la vigne doit faire son cycle naturellement, en tirant les ressources de son milieu, quitte à réduire les rendements. Cet argument réfère donc à « l’authenticité », puisqu’il s’inscrit dans la volonté de produire le plus naturellement et artisanalement possible, avec un minimum d’aides technologiques, pour obtenir des vins qui révèlent les qualités du terroir et le savoir-faire du vigneron.

Les garants de la tradition, producteurs ou consommateurs ?

Comme on le voit, les blocages réglementaires ne sont pas forcément les plus forts. La tradition viti-vinicole locale est aussi défendue par les consommateurs, voire les viticulteurs eux-mêmes. En effet, bien que beaucoup de cépages soient autorisés en Allemagne, les cépages traditionnels restent largement majoritaires, car des cépages plus inhabituels seraient largement méconnus et rejetés par la majorité des consommateurs :

Du point de vue de la production, c’est génial. C’est parfait. Du point de vue de la vente, c’est très difficile […] Le consommateur allemand se focalise beaucoup sur les cépages. Il boit préférentiellement des monocépages, comme ça sonne si bien en français. Ils veulent du Pinot gris, du Pinot blanc, du Chardonnay, ou du Pinot noir, ou du Chasselas. Mais ils ne veulent pas de Johanniter, ou ils ne s’intéressent pas au Broner72.

Ainsi, malgré des possibilités fort différentes selon les pays, les cépages utilisés restent très similaires, marquant une culture commune dont il est difficile de se détacher quelle que soit la réglementation. La typicité reste donc un critère déterminant du succès des vins.

Enfin, des blocages sont aussi associés à une forme de pression sociale exercée entre viticulteurs. Ceux qui adoptent des pratiques ou des types de vins trop différents de leurs voisins risquent d’être marginalisés et isolés. Cela est bien visible pour les premiers à s’être convertis à l’agriculture biologique ou à la biodynamie : « J’étais le premier à cet endroit. Et ils m’ont dit que j’étais fou. — Parce que vous étiez bio ? — Oui ! Absolument cinglé »73, ou dans le cas de l’enherbement et de l’agroforesterie qui donnent une apparence trop sauvage, comme nous l’avons expliqué avant, ou encore de ceux qui adoptent des modes de palissage inhabituels :

Je n’ai pas beaucoup, échanges de connaissances, puisque mes idées ne sont pas forcément… Enfin par rapport aux vignes en lyre, comme les autres n’ont pas les perspectives de développement, puisqu’ils ont normalisé les plantations de vignes… Donc ça n’intéresse personne globalement. À part effectivement les clients. Mais dans les producteurs viticoles…74.

C’est donc aussi l’adoption de certaines pratiques par quelques viticulteurs « pionniers » qui peut amener à leur diffusion localement, s’ils parviennent à convaincre leur entourage. Un viticulteur nous a par exemple raconté avoir été sollicité après sa conversion à l’agriculture biologique par des collègues souhaitant faire de même. De plus, les viticulteurs eux-mêmes restent souvent attachés aux cépages traditionnels, car emblématiques de la région, ils correspondent à leur identité et leur savoir-faire. Ils voudraient ainsi par exemple « rester spécialistes des blancs75 », puisque c’est sur ces cépages que s’est construite la notoriété des vins rhénans. Produire d’autres cépages, notamment rouges comme la Syrah, présente le risque de perdre la spécificité des vins de la région et de ne plus réussir à vendre : « c’est bien beau de mettre de la Syrah, mais si tout le monde fait de la Syrah… On en fait déjà dans le Sud »76. Si les vins rhénans ne se distinguent plus par leurs cépages particuliers, il faut pouvoir redéfinir leur identité et poser d’autres bases à leur spécificité.

Un paradoxe apparaît finalement dans la volonté de préserver la tradition viti-vinicole locale : il est impossible de préserver les caractéristiques des vins sans modifier les pratiques et les paysages. Des évolutions sont donc inévitables, et il est important de définir collectivement quelles identités sont souhaitées pour les vignobles, afin de ne pas subir ces évolutions, mais d’orienter leur direction.

Discussion : Un contexte transfrontalier pour trouver des solutions communes ?

Le Rhin Supérieur pourrait offrir un contexte propice pour contribuer à répondre aux questions que pose le changement climatique concernant la préservation ou la modification des vins et des paysages, en raison des similitudes des conditions naturelles et humaines et des logiques de coopération transfrontalière.

Premièrement, il forme une entité cohérente partagée entre trois pays. Il s’agit en effet d’un fossé d’effondrement, constitué d’une plaine, séparée en deux par la frontière matérialisée par le Rhin, et encadrée de deux massifs de moyenne montagne : les Vosges et la Forêt-Noire. Ceux-ci sont « assez semblables dans leurs formes structurales et dans leur nature géologique », y compris dans la forme des vallées77. Les similitudes ne sont pas seulement Est-Ouest, mais aussi Nord-Sud, puisque les Vosges se prolongent dans le Palatinat78, et que la Forêt-Noire remonte également jusqu’au nord du pays de Bade79. Entre plaine et montagnes se trouvent les piémonts, qui sont eux aussi semblables du côté français et allemand80. Outre la topographie, la carte de la géologie de surface rend également compte de la similitude des conditions81. C’est majoritairement ici que se situent les vignobles, ainsi qu’à l’embouchure de certaines vallées (Figure 1). Ils bénéficient donc de conditions remarquablement symétriques82.

Les vignobles rhénans se caractérisent par ailleurs par une culture commune, qui se manifeste par les cépages, puisque nous avons vu que Riesling et Pinot sont des cépages emblématiques des vins alsaciens comme allemands. Les vins alsaciens sont d’ailleurs dénommés non pas selon le terroir, mais selon le cépage, ce qui est une particularité en France, et crée une proximité avec le système viti-vinicole allemand. Nous avons également vu la prédominance des vins secs en France comme en Allemagne. Ces vignobles sont donc très similaires, et font face aux mêmes problématiques. Une réflexion commune pourrait donc être utile, afin de partager les bonnes pratiques, puisque la frontière peut fournir des « opportunités résultant des différences de systèmes83 ». Et ce d’autant que le Rhin Supérieur est souvent cité comme un exemple de coopération transfrontalière84. Deux principaux objectifs ont été poursuivis au cours de son histoire : le développement de l’économie, mais aussi d’une « conscience régionale » apte à rapprocher les populations. Il s’agissait aussi de trouver des solutions à des problèmes communs, entre autres environnementaux85. Les conséquences du changement climatique sur les vignobles s’insèrent parfaitement dans ce type d’enjeux, et se prêtent donc particulièrement bien à une démarche conjointe dans ce cadre transfrontalier.

Pourtant, les frontières restent très hermétiques. Certes, les similitudes de ces vignobles résultent aussi d’influences mutuelles, notamment pour l’enherbement. Mais les échanges entre viticulteurs des trois pays restent néanmoins très rares, malgré des initiatives institutionnelles visant à les rapprocher, comme le projet Interreg Vitifutur entre 2017 et 2019. Les différences réglementaires peuvent être des barrières aux circulations, comme l’illustre le cas des cépages. La langue peut évidemment également être un obstacle important. Mais surtout, il semble que les producteurs ne se saisissent pas de cette échelle intermédiaire que constitue l’échelle transfrontalière, préférant s’appuyer sur des réseaux locaux, plus accessibles, et mondiaux, permettant de se confronter à des différences plus marquées.

Conclusion

Alors que les caractéristiques des vins, les pratiques et les paysages sont toutes des composantes de la tradition viti-vinicole régionale défendue par les AOC, il est paradoxalement nécessaire de faire évoluer les pratiques pour préserver les caractéristiques des vins, ce qui se répercute aussi sur les paysages. Les modifications paysagères observées concernent pour le moment surtout l’échelle de la parcelle, en raison des modes de conduite de la vigne. Néanmoins, certains viticulteurs envisagent déjà de repenser la localisation de leurs terrains, délaissant certaines zones pour en gagner d’autres. Si ces mouvements sont actuellement restreints par les délimitations des appellations, on pourrait s’attendre à ce que dans quelques années émerge le débat sur la définition de ces zones, de même que ce qu’on observe déjà pour les cépages ou l’irrigation. Le changement climatique pourrait donc rapidement induire des modifications paysagères à une échelle bien plus visible.

On assiste ainsi à une remise en cause du lieu dans l’identité des vins, compensée par une mise en valeur accrue des pratiques. À cela s’ajoute une recherche croissante de différenciation, misant sur la singularité individuelle du domaine et sur des paysages et pratiques plus naturels ou écologiques, plutôt que sur l’identité collective de l’appellation et des vignobles de la région, autrement dit sur la typicité. Il n’empêche que celle-ci reste un déterminant majeur des stratégies des acteurs viti-vinicoles, en raison notamment du poids des cahiers des charges et des consommateurs. Que les évolutions soient choisies ou subies, les vins pourraient néanmoins de plus en plus s’éloigner du « type » tel qu’il a été défini par le lieu et par l’histoire, car le changement climatique modifie les facteurs naturels, et conduit indirectement à modifier les facteurs humains.

L’adaptation des vignobles met donc en jeu de profondes questions identitaires, qui génèrent de vifs débats, voire des conflits. Il ne faut cependant pas éviter ces débats, puisqu’il est nécessaire de redéfinir collectivement l’identité viti-vinicole régionale face à ces évolutions. Les échanges entre les acteurs des filières viti-vinicoles apparaissent alors indispensables et le débat sur l’évolution des appellations doit également être ouvert.

Par ailleurs, les vignobles du Rhin Supérieur font face à des problématiques communes alors qu’ils partagent des conditions proches et une forme de culture viti-vinicole commune, mise en évidence notamment par les cépages. La faiblesse des échanges entre viticulteurs français, allemands et suisses, malgré l’exemplarité de la coopération transfrontalière sur le plan institutionnel interroge. Si nous partons de l’hypothèse que les échanges transfrontaliers peuvent être de véritables atouts pour l’adaptation des vignobles rhénans au changement climatique, comment lever alors les difficultés auxquelles ils font face ? Dans ce contexte d’évolution des identités viti-vinicoles, les proximités existantes, à la fois géographiques et culturelles, pourraient, par exemple, être mises à profit pour un rapprochement des vignobles rhénans français, allemands et suisses, pour créer ou renforcer une identité viti-vinicole rhénane, permettant ainsi de mieux mettre en valeur les spécificités des vignobles et leur ancrage spatial et historique dans cette région.

1 Matthieu Sorel, Simon Mittelberger, Christine Berne et Aurélien Ribes, « Bilan climatique de l’année 2022 », La Météorologie, 120 (2023), fig. 1.

2 Thomas J. Bassett et Charles Fogelman, « Déjà vu or something new ? The adaptation concept in the climate change literature », Geoforum, 48 (2013)

3 Guillaume Simonet, « Une brève histoire de l’adaptation : l’évolution conceptuelle au fil des rapports du GIEC (1990-2014) », Natures Sciences

4 Sabrina de Matos Carlos, Dênis Antônio da Cunha, Marcel Viana Pires et Fabiana Rita do Couto-Santos, « Understanding farmers’ perceptions and

5 La première conférence internationale sur le climat a été organisée en 1980 : Jacques Theys, « Le climat : une question de temps », Natures Sciences

6 G. Simonet, « Une brève histoire de l’adaptation », art. cit.

7 Paul Averbeck, Oliver Frör, Nathalie Gartiser, Nadja Lützel et Florence Rudolf, « Climate change preparedness of enterprises in the Upper Rhine

8 Siri H. Eriksen, Andrea J. Nightingale et Hallie Eakin, « Reframing adaptation : The political nature of climate change adaptation », Global

9 Guillaume Simonet, « Note de recherche. L’adaptation, un concept systémique pour mieux panser les changements climatiques », Norois. Environnement

10 T.J. Bassett et C. Fogelman, « Déjà vu or something new? », art. cit.

11 Sandra Lavorel, Bruno Locatelli, Matthew J. Colloff et Enora Bruley, « Co-producing ecosystem services for adapting to climate change »

12 Ibid.

13 Nils Riach, Nicolas Scholze, Rüdiger Glaser, Sophie Roy et Boris Stern, « Changement climatique dans le Rhin Supérieur : un dossier bilingue avec

14 P. Aigrain, B. Bois, F. Brugière, E. Duchêne, I.G. de Cortazar-Atauri, J. Gautier, E. Giraud-Heraud, R. Hammond, H. Hannin, N. Ollat et J.M. 

15 Entretien avec une employée d’un domaine viticole depuis plus de trente ans et issue d’une famille de viticulteurs, Beblenheim.

16 Gregory V. Jones, Michael A. White, Owen R. Cooper et Karl Storchmann, « Climate Change and Global Wine Quality », Climatic Change, 73-3 (2005), p.

17 Philippe Baumert, « Les vins d’Alsace et le vignoble alsacien dans l’œuvre de Roger Dion : relecture et actualité de la pensée d’un des plus grands

18 Entretien cité note 54.

19 Ibid.

20 Entretien avec une viticultrice, Obermorschwihr.

21 Entretien avec un viticulteur, Rorschwihr.

22 Geneviève Teil, « Les vignerons seraient-ils climato-sceptiques ? Les effets du changement climatique analysés par les vignerons dans les

23 Yoann Robin, Agathe Drouin, Jean-Michel Soubeyroux, Aurélien Ribes et Robert Vautard, « Comment attribuer une canicule au changement climatique ? »

24 Guy Di Méo, « Le rapport identité/espace. Éléments conceptuels et épistémologiques », HAL SHS 2008, <halshs-00281929>.

25 Jean-Claude Hinnewinkel, « Les terroirs vitivinicoles, des systèmes géographiques complexes », Historiens & géographes, 404 (2008), p. 69-77.

26 Morgane Millet, Hommes, milieux, brebis et laits à la croisée des fromages, thèse de doctorat, université de Corse Pasquale Paoli, 2017 [En ligne :

27 Mark Anthony Arceño, « Variability and Change. Terroir and the Place of Climate among Central Ohio Winegrowers », Anthropology of food, S14 (2020)

28 Laurent Rieutort, « Terroir », Hypergeo (2012), p. 1-2 [En ligne : https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00922129].

29 Cahier des charges AOC Alsace ou Vin d’Alsace [En ligne : https://ava-aoc.fr/sites/default/files/cdcalsace_homologation_b.o.agri_ndeg2021-32.pdf].

30 Éric Duchêne et Christophe Schneider, « Grapevine and climatic changes : a glance at the situation in Alsace », Agronomy for Sustainable

31 Manfred Frietsch et Sofia Hesser, « Dem Eiswein wird es in der Region Freiburg grundsätzlich zu heiß – Eichstetten – Badische Zeitung », Badische

32 Sylvaine Boulanger, « Traditions et innovations : une interaction gagnante dans les vignobles français », Revue de géographie historique, 19-20 (

33 Entretien avec une viticultrice, Beblenheim.

34 Idem.

35 Jean Daniel Kientz, « Viticulture. Les grands crus alsaciens s’ouvrent au rouge », Dernières Nouvelles d’Alsace, 26 septembre 2022 [En ligne :

36 Entretien avec un viticulteur à Rohrschwihr.

37 Yves Le Bissonnais, Jacques Thorette, Cécile Bardet et Joël Daroussin, L’érosion hydrique des sols en France, IFEN, INRA, 2002.

38 I. N., « Enjeux de campagne. L’agriculture alsacienne soutenue dans sa transition », Dernières Nouvelles d’Alsace, 19 avril 2021 [En ligne : https:

39 Caroline Grégoire et Jens Lange, « Exploitation (et limites) de la notion de symétrie pour la quantification du transfert de pesticides dans les

40 Ibid.

41 Mark Pelling et Chris High, « Understanding adaptation: What can social capital offer assessments of adaptive capacity? », Global Environmental

42 Entretien avec une viticultrice, Beblenheim.

43 Idem.

44 Entretien avec un viticulteur, Andlau.

45 É. Duchêne, F. Huard, V. Dumas, C. Schneider et D. Merdinoglu, « The challenge of adapting grapevine varieties to climate change », Climate

46 Entretien avec un viticulteur, Andlau.

47 Ministère de l’Écologie, du développement durable et de l’énergie, Portrait du Piémont Viticole, http://www.paysages.alsace.developpement-durable.

48 Deutsches Weininstitut GmbH, Baden, https://www.germanwines.de/tourism/wine-growing-regions/baden/, consulté le 2 février 2022 ; Ministère de l’

49 Ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, Représentations et images du Piémont Viticole, http://www.paysages.alsace.

50 Entretien avec un viticulteur, Rorschwihr.

51 Entretien avec un conseiller viticole.

52 Statistisches Landesamt Baden-Württemberg, Weinmosternte in Baden-Württemberg seit 2002 nach Qualitätsstufen und Weinbaubereichen, https://www.

53 Agreste, Vignes selon le statut et l’orientation de l’exploitation – Disar-Saiku, https://agreste.agriculture.gouv.fr/agreste-saiku/?plugin=true&

54 Statistisches Landesamt Rheinland-Pfalz, Weinbestände am 31. Juli 2019, 2019 [En ligne : https://www.statistik.rlp.de/fileadmin/dokumente/berichte/

55 Cahier des charges AOC Alsace ou Vin d’Alsace, op. cit. ; AOC Jura, Aargau : « Weinbauverordnung » [En ligne : https://gesetzessammlungen.ag.ch/app

56 Entretien avec un viticulteur jurassien membre du réseau PIWI International, Soyhières.

57 J.D. Kientz, « Viticulture. La Grange de l’oncle Charles tourne le dos à l’AOP Alsace », Dernières Nouvelles d’Alsace, 3 novembre 2021 [En ligne :

58 Entretien avec un responsable technique.

59 Ce qui ne signifie pas non plus nécessairement qu’innovation doit être opposée à tradition : voir S. Boulanger, « Traditions et innovations », art.

60 Jay Gatrell, Neil Reid et Thomas L. Steiger, « Branding spaces: Place, region, sustainability and the American craft beer industry », Applied

61 S. Boulanger, « Traditions et innovations », art. cit.

62 Entretien avec une viticultrice, Obermorschwihr.

63 Entretien avec un viticulteur, Rorschwihr.

64 Il s’agit de mesures s’appuyant sur les processus écosystémiques, qui doivent pour cela être préservés ou restaurés : https://uicn.fr/

65 Il s’agit d’une grande jarre en terre cuite originaire de Géorgie, utilisée semi-enterrée par l’une des viticultrices rencontrées pour vinifier

66 Cahier des charges AOC Alsace ou Vin d’Alsace, op. cit.

67 Entretien avec une employée viticole alsacienne, Barr.

68 Entretien avec un conseiller viticole alsacien.

69 DNA, « Viticulture. Pour les jeunes vignerons alsaciens, l’irrigation n’est pas la solution », Dernières Nouvelles d’Alsace, 1er août 2019 [En

70 Entretien avec un viticulteur alsacien, Rorschwihr.

71 Entretien avec un conseiller viticole alsacien.

72 Entretien avec un viticulteur allemand membre du réseau PIWI International, Heitersheim (notre traduction).

73 Entretien avec un viticulteur certifié agriculture biologique depuis 1985, Hainfeld (notre traduction).

74 Entretien avec un viticulteur, qui apparaît très isolé en raison de ses pratiques atypiques, Andlau.

75 Entretien avec une employée viticole, Beblenheim.

76 Idem.

77 Jacques-Pierre Millotte, « L’homme et l’environnement naturel dans la vallée du Rhin supérieur », in P. Jud et S. Plouin (dir.), Habitats

78 Ibid.

79 Georges Dubois et Camille Dubois, La géologie de l’Alsace. Aperçu général et excursions géologiques, Strasbourg, Service de la carte géologique d’

80 Ibid.

81 https://sdi.georhena.eu/mapfishapp/map/a0644d6e7d3d1110efae2933204f64e8, consulté le 1er décembre 2021.

82 Caroline Grégoire et Jens Lange, « Exploitation (et limites) de la notion de symétrie pour la quantification du transfert de pesticides dans les

83 Bernard Reitel, « Le Rhin Supérieur, une région transfrontalière en construction ? Une approche géographique d’une situation frontalière », in

84 Pauline Pupier, « La “région métropolitaine trinationale du Rhin supérieur” : contrer la périphérie étatique par la centralité métropolitaine »

85 Birte Wassenberg, « Qu’est-ce qui motive la coopération transfrontalière dans l’espace franco-germano-suisse ? Approche historique », in Vivre et

Notes

1 Matthieu Sorel, Simon Mittelberger, Christine Berne et Aurélien Ribes, « Bilan climatique de l’année 2022 », La Météorologie, 120 (2023), fig. 1.

2 Thomas J. Bassett et Charles Fogelman, « Déjà vu or something new ? The adaptation concept in the climate change literature », Geoforum, 48 (2013), p. 42-53 [En ligne : https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0016718513000821].

3 Guillaume Simonet, « Une brève histoire de l’adaptation : l’évolution conceptuelle au fil des rapports du GIEC (1990-2014) », Natures Sciences Societes, Supplément 3 (2015), p. 52-64 [En ligne : https://www.cairn.info/revue-natures-sciences-societes-2015-Supp.%203-page-52.htm].

4 Sabrina de Matos Carlos, Dênis Antônio da Cunha, Marcel Viana Pires et Fabiana Rita do Couto-Santos, « Understanding farmers’ perceptions and adaptation to climate change : the case of Rio das Contas basin, Brazil », GeoJournal, 85-3 (2020), p. 805-821 [En ligne : https://doi.org/10.1007/s10708-019-09993-1].

5 La première conférence internationale sur le climat a été organisée en 1980 : Jacques Theys, « Le climat : une question de temps », Natures Sciences Sociétés, Supplément 3 (2015), p. 1‑2.

6 G. Simonet, « Une brève histoire de l’adaptation », art. cit.

7 Paul Averbeck, Oliver Frör, Nathalie Gartiser, Nadja Lützel et Florence Rudolf, « Climate change preparedness of enterprises in the Upper Rhine region from a business perspective – A multidisciplinary, transboundary analysis », NachhaltigkeitsManagementForum / Sustainability Management Forum, 27-2 (2019), p. 83-93 [En ligne : https://link.springer.com/10.1007/s00550-019-00485-x].

8 Siri H. Eriksen, Andrea J. Nightingale et Hallie Eakin, « Reframing adaptation : The political nature of climate change adaptation », Global Environmental Change, 35 (2015), p. 523-533 [En ligne : https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0959378015300509].

9 Guillaume Simonet, « Note de recherche. L’adaptation, un concept systémique pour mieux panser les changements climatiques », Norois. Environnement, aménagement, société, 245-4 (2017), p. 113-125 [En ligne : https://journals.openedition.org/norois/6252].

10 T.J. Bassett et C. Fogelman, « Déjà vu or something new? », art. cit.

11 Sandra Lavorel, Bruno Locatelli, Matthew J. Colloff et Enora Bruley, « Co-producing ecosystem services for adapting to climate change », Philosophical Transactions of the Royal Society B, 375-1794 (2020), p. 20190119 [En ligne : https://doi.org/10.1098/rstb.2019.0119].

12 Ibid.

13 Nils Riach, Nicolas Scholze, Rüdiger Glaser, Sophie Roy et Boris Stern, « Changement climatique dans le Rhin Supérieur : un dossier bilingue avec 24 cartes et 6 textes d’accompagnement », 2019 [En ligne : www.georhena.eu/fr/Cartotheque].

14 P. Aigrain, B. Bois, F. Brugière, E. Duchêne, I.G. de Cortazar-Atauri, J. Gautier, E. Giraud-Heraud, R. Hammond, H. Hannin, N. Ollat et J.M. Touzard, « L’utilisation par la viticulture française d’un exercice de prospective pour l’élaboration d’une stratégie d’adaptation au changement climatique », BIO Web of Conferences, 12 (2019), p. 03020 [En ligne : https://www.bio-conferences.org/10.1051/bioconf/20191203020].

15 Entretien avec une employée d’un domaine viticole depuis plus de trente ans et issue d’une famille de viticulteurs, Beblenheim.

16 Gregory V. Jones, Michael A. White, Owen R. Cooper et Karl Storchmann, « Climate Change and Global Wine Quality », Climatic Change, 73-3 (2005), p. 319-343 [En ligne : https://link.springer.com/10.1007/s10584-005-4704-2].

17 Philippe Baumert, « Les vins d’Alsace et le vignoble alsacien dans l’œuvre de Roger Dion : relecture et actualité de la pensée d’un des plus grands géographes français du xxe siècle », in H. Pina et F. Martins, The Overarching Issues of the European Space. Spatial Planning and Multiple Paths to Sustainable and Inclusive Development, Porto, Universidade do Porto – Faculdade de Letras da Universiade do Porto, 2015, p. 336‑352.

18 Entretien cité note 54.

19 Ibid.

20 Entretien avec une viticultrice, Obermorschwihr.

21 Entretien avec un viticulteur, Rorschwihr.

22 Geneviève Teil, « Les vignerons seraient-ils climato-sceptiques ? Les effets du changement climatique analysés par les vignerons dans les appellations d’origine protégée d’Anjou et d’Alsace », Cahiers Agricultures (2020), p. 9 [En ligne : https://www.cahiersagricultures.fr/articles/cagri/abs/2020/01/cagri190166/cagri190166.html].

23 Yoann Robin, Agathe Drouin, Jean-Michel Soubeyroux, Aurélien Ribes et Robert Vautard, « Comment attribuer une canicule au changement climatique ? », La Météorologie, 115 (2021), p. 28-36 ; Serge Planton, Laurent Bopp, Éric Brun, Julien Cattiaux, Fabrice Chauvin, Matthieu Chevallier, Philippe Ciais, Hervé Douville, Gérald Giraud, Jean-Michel Soubeyroux et Laurent Terray, « Évolution du climat depuis 1850 », La Météorologie, 88 (2015), p. 48-55.

24 Guy Di Méo, « Le rapport identité/espace. Éléments conceptuels et épistémologiques », HAL SHS 2008, <halshs-00281929>.

25 Jean-Claude Hinnewinkel, « Les terroirs vitivinicoles, des systèmes géographiques complexes », Historiens & géographes, 404 (2008), p. 69-77.

26 Morgane Millet, Hommes, milieux, brebis et laits à la croisée des fromages, thèse de doctorat, université de Corse Pasquale Paoli, 2017 [En ligne : https://hal.inrae.fr/tel-02788804].

27 Mark Anthony Arceño, « Variability and Change. Terroir and the Place of Climate among Central Ohio Winegrowers », Anthropology of food, S14 (2020) [En ligne : https://journals.openedition.org/aof/10723].

28 Laurent Rieutort, « Terroir », Hypergeo (2012), p. 1-2 [En ligne : https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00922129].

29 Cahier des charges AOC Alsace ou Vin d’Alsace [En ligne : https://ava-aoc.fr/sites/default/files/cdcalsace_homologation_b.o.agri_ndeg2021-32.pdf].

30 Éric Duchêne et Christophe Schneider, « Grapevine and climatic changes : a glance at the situation in Alsace », Agronomy for Sustainable Development, 25-1 (2005), p. 9399 [En ligne : http://www.edpsciences.org/10.1051/agro:2004057].

31 Manfred Frietsch et Sofia Hesser, « Dem Eiswein wird es in der Region Freiburg grundsätzlich zu heiß – Eichstetten – Badische Zeitung », Badische Zeitung, 14 janvier 2021 [En ligne : https://www.badische-zeitung.de/dem-eiswein-wird-es-in-der-region-freiburg-grundsaetzlich-zu-heiss].

32 Sylvaine Boulanger, « Traditions et innovations : une interaction gagnante dans les vignobles français », Revue de géographie historique, 19-20 (2021) [En ligne : https://journals.openedition.org/geohist/2864].

33 Entretien avec une viticultrice, Beblenheim.

34 Idem.

35 Jean Daniel Kientz, « Viticulture. Les grands crus alsaciens s’ouvrent au rouge », Dernières Nouvelles d’Alsace, 26 septembre 2022 [En ligne : https://www.dna.fr/economie/2022/09/26/le-hengst-un-etalon-qui-se-pare-de-rouge-a-wintzenheim].

36 Entretien avec un viticulteur à Rohrschwihr.

37 Yves Le Bissonnais, Jacques Thorette, Cécile Bardet et Joël Daroussin, L’érosion hydrique des sols en France, IFEN, INRA, 2002.

38 I. N., « Enjeux de campagne. L’agriculture alsacienne soutenue dans sa transition », Dernières Nouvelles d’Alsace, 19 avril 2021 [En ligne : https://www.dna.fr/politique/2021/04/18/l-agriculture-alsacienne-soutenue-dans-sa-transition].

39 Caroline Grégoire et Jens Lange, « Exploitation (et limites) de la notion de symétrie pour la quantification du transfert de pesticides dans les vignobles badois et alsaciens », Revue Géographique de l’Est, 47-2 (2007), p. 79-90 [En ligne : https://journals.openedition.org/rge/93].

40 Ibid.

41 Mark Pelling et Chris High, « Understanding adaptation: What can social capital offer assessments of adaptive capacity? », Global Environmental Change, 15-4 (2005), p. 308-319 [En ligne : http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0959378005000154].

42 Entretien avec une viticultrice, Beblenheim.

43 Idem.

44 Entretien avec un viticulteur, Andlau.

45 É. Duchêne, F. Huard, V. Dumas, C. Schneider et D. Merdinoglu, « The challenge of adapting grapevine varieties to climate change », Climate Research, 41-3 (2010), p. 193-204 [En ligne : https://www.int-res.com/abstracts/cr/v41/n3/p193-204/].

46 Entretien avec un viticulteur, Andlau.

47 Ministère de l’Écologie, du développement durable et de l’énergie, Portrait du Piémont Viticole, http://www.paysages.alsace.developpement-durable.gouv.fr/spip.php?article137, consulté le 2 février 2022.

48 Deutsches Weininstitut GmbH, Baden, https://www.germanwines.de/tourism/wine-growing-regions/baden/, consulté le 2 février 2022 ; Ministère de l’Écologie, du développement durable et de l’énergie, Dynamiques et enjeux paysagers du Piémont Viticole, http://www.paysages.alsace.developpement-durable.gouv.fr/spip.php?article140, consulté le 2 février 2022.

49 Ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, Représentations et images du Piémont Viticole, http://www.paysages.alsace.developpement-durable.gouv.fr/spip.php?article139, consulté le 2 février 2022.

50 Entretien avec un viticulteur, Rorschwihr.

51 Entretien avec un conseiller viticole.

52 Statistisches Landesamt Baden-Württemberg, Weinmosternte in Baden-Württemberg seit 2002 nach Qualitätsstufen und Weinbaubereichen, https://www.statistik-bw.de/Landwirtschaft/Weinwirtschaft/Weinmosternte.jsp, consulté le 28 octobre 2021.

53 Agreste, Vignes selon le statut et l’orientation de l’exploitation – Disar-Saiku, https://agreste.agriculture.gouv.fr/agreste-saiku/?plugin=true&query=query/open/G_0018#query/open/G_0018, consulté le 24 août 2021.

54 Statistisches Landesamt Rheinland-Pfalz, Weinbestände am 31. Juli 2019, 2019 [En ligne : https://www.statistik.rlp.de/fileadmin/dokumente/berichte/C/4023/C4023_201900_1j_L.pdf].

55 Cahier des charges AOC Alsace ou Vin d’Alsace, op. cit. ; AOC Jura, Aargau : « Weinbauverordnung » [En ligne : https://gesetzessammlungen.ag.ch/app/de/texts_of_law/915.712/versions/2766]; AOC Basel Landschaft, Basel Stadt et Solothurn : « Verordnung über den Pflanzenbau » [En ligne : https://bl.clex.ch/frontend/versions/pdf_file_with_annex/2428] ; AOC Baden : « Antrag auf eine neue Änderung » [En ligne : https://ec.europa.eu/geographical-indications-register/eambrosia-public-api/api/v1/attachments/38384] ; AOC Pfalz : Publication of a communication of approval of a standard amendment to a product specification for a name in the wine sector referred to in Article 17(2) and (3) of Commission Delegated Regulation (EU) 2019/33 2022/C 272/05, 2022 [En ligne : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?uri=CELEX:52022XC0715(03)].

56 Entretien avec un viticulteur jurassien membre du réseau PIWI International, Soyhières.

57 J.D. Kientz, « Viticulture. La Grange de l’oncle Charles tourne le dos à l’AOP Alsace », Dernières Nouvelles d’Alsace, 3 novembre 2021 [En ligne : https://www.dna.fr/economie/2021/11/04/video-la-grange-de-l-oncle-charles-tourne-le-dos-a-l-aop-alsace].

58 Entretien avec un responsable technique.

59 Ce qui ne signifie pas non plus nécessairement qu’innovation doit être opposée à tradition : voir S. Boulanger, « Traditions et innovations », art. cit.

60 Jay Gatrell, Neil Reid et Thomas L. Steiger, « Branding spaces: Place, region, sustainability and the American craft beer industry », Applied Geography, 90 (2018), p. 360-370 [En ligne : http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0143622816301977].

61 S. Boulanger, « Traditions et innovations », art. cit.

62 Entretien avec une viticultrice, Obermorschwihr.

63 Entretien avec un viticulteur, Rorschwihr.

64 Il s’agit de mesures s’appuyant sur les processus écosystémiques, qui doivent pour cela être préservés ou restaurés : https://uicn.fr/solutions-fondees-sur-la-nature/, consulté le 08/07/2022.

65 Il s’agit d’une grande jarre en terre cuite originaire de Géorgie, utilisée semi-enterrée par l’une des viticultrices rencontrées pour vinifier certains vins.

66 Cahier des charges AOC Alsace ou Vin d’Alsace, op. cit.

67 Entretien avec une employée viticole alsacienne, Barr.

68 Entretien avec un conseiller viticole alsacien.

69 DNA, « Viticulture. Pour les jeunes vignerons alsaciens, l’irrigation n’est pas la solution », Dernières Nouvelles d’Alsace, 1er août 2019 [En ligne : https://www.dna.fr/economie/2019/08/01/pour-les-jeunes-vignerons-l-irrigation-n-est-pas-la-solution].

70 Entretien avec un viticulteur alsacien, Rorschwihr.

71 Entretien avec un conseiller viticole alsacien.

72 Entretien avec un viticulteur allemand membre du réseau PIWI International, Heitersheim (notre traduction).

73 Entretien avec un viticulteur certifié agriculture biologique depuis 1985, Hainfeld (notre traduction).

74 Entretien avec un viticulteur, qui apparaît très isolé en raison de ses pratiques atypiques, Andlau.

75 Entretien avec une employée viticole, Beblenheim.

76 Idem.

77 Jacques-Pierre Millotte, « L’homme et l’environnement naturel dans la vallée du Rhin supérieur », in P. Jud et S. Plouin (dir.), Habitats, mobiliers et groupes régionaux à l’âge du fer, Dijon, ARTEHIS Éditions, 2003, p. 15-26 [En ligne : https://books.openedition.org/artehis/17101].

78 Ibid.

79 Georges Dubois et Camille Dubois, La géologie de l’Alsace. Aperçu général et excursions géologiques, Strasbourg, Service de la carte géologique d’Alsace et de Lorraine, 1955 [En ligne : https://www.persee.fr/doc/sgeol_0080-9020_1955_mon_13_1].

80 Ibid.

81 https://sdi.georhena.eu/mapfishapp/map/a0644d6e7d3d1110efae2933204f64e8, consulté le 1er décembre 2021.

82 Caroline Grégoire et Jens Lange, « Exploitation (et limites) de la notion de symétrie pour la quantification du transfert de pesticides dans les vignobles badois et alsaciens », Revue Géographique de l’Est, 47-2 (2007), p. 79-90 [En ligne : https://journals.openedition.org/rge/93].

83 Bernard Reitel, « Le Rhin Supérieur, une région transfrontalière en construction ? Une approche géographique d’une situation frontalière », in Vivre et penser la coopération transfrontalière, vol. I : Les régions frontalières françaises. Contributions du cycle de recherche sur la coopération transfrontalière de l’université de Strasbourg et de l’Euro-Institut de Kehl, Stuttgart, Franz Steiner Verlag, 2010, p. 289-306.

84 Pauline Pupier, « La “région métropolitaine trinationale du Rhin supérieur” : contrer la périphérie étatique par la centralité métropolitaine », Belgeo. Revue belge de géographie, 2 (2019) [En ligne : https://journals.openedition.org/belgeo/32078].

85 Birte Wassenberg, « Qu’est-ce qui motive la coopération transfrontalière dans l’espace franco-germano-suisse ? Approche historique », in Vivre et penser la coopération transfrontalière, op. cit., vol. I, p. 95-115.

Illustrations

Figure 1 : Localisation des vignobles du Rhin Supérieur et des acteurs enquêtés.

Figure 1 : Localisation des vignobles du Rhin Supérieur et des acteurs enquêtés.

Sources : GeoRhena, GADM. Réalisation : Gaël Bohnert, CRÉSAT

Figure 2 : Les bandes de sol nu sont bien visibles dans le paysage.

Figure 2 : Les bandes de sol nu sont bien visibles dans le paysage.

Cliché : Gaël Bohnert, CRÉSAT

Figure 3 : Vue depuis le vignoble de Wihr-au-Val.

Figure 3 : Vue depuis le vignoble de Wihr-au-Val.

Cliché : Gaël Bohnert, CRÉSAT

Figure 4 : Certains types d’enherbement peuvent donner à la vigne un aspect sauvage renvoyant à la perception d’un manque d’entretien.

Cliché : Gaël Bohnert, CRÉSAT

Citer cet article

Référence papier

Gaël Bohnert, « Le changement climatique remet-il en cause l’identité des vins et des vignobles dans le Rhin Supérieur ? », Revue du Rhin supérieur, 5 | 2023, 157-182.

Référence électronique

Gaël Bohnert, « Le changement climatique remet-il en cause l’identité des vins et des vignobles dans le Rhin Supérieur ? », Revue du Rhin supérieur [En ligne], 5 | 2023, mis en ligne le 22 décembre 2023, consulté le 28 avril 2024. URL : https://www.ouvroir.fr/rrs/index.php?id=383

Auteur

Gaël Bohnert

Gaël Bohnert est doctorant en géographie au laboratoire CRÉSAT (université de Haute Alsace) et ingénieur en systèmes agricoles et agroalimentaires durables au sud. Sa thèse porte sur les stratégies d’adaptation au changement climatique en viticulture et grandes cultures et aux réseaux mobilisés par les agriculteurs dans l’espace transfrontalier du Rhin Supérieur.

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