Didactique du FLES, volume 1 numéro 1 – Le CECRL : 20 ans après

Direction du numéro : Nathalie Gettliffe, université de Strasbourg et Gerald Schlemminger, Pädagogische Hochschule de Karlsruhe.

 

Publié en 2001, le cadre européen commun de références pour les langues (CECRL) a été conçu par la division des politiques linguistiques du Conseil de l’Europe comme un outil pour une éducation plurilingue au service du projet européen. Le triptyque « Apprendre, enseigner, évaluer » organise le document qui propose une approche centrée sur les besoins de l’apprenant, un enseignement fondé sur le développement de compétences consignées dans des descripteurs et une évaluation multiforme enregistrée dans un passeport des langues. Confrontés à un texte opaque par son organisation non-linéaire et par l’ambivalence assumée de certains repères (Coste 2006), les formateurs d’enseignants et les experts auprès du Conseil de l’Europe se sont alors mobilisés pour transcrire les axes forts du CECRL dans des ouvrages pédagogiques (Tagliante 2005 ; Lallement et Pierret 2007 ; Bourguigon 2010 ; Rosen et Reinhardt 2010 ; Robert et Rosen, 2010 ; RelEx et al, 2011).

Dans le domaine français, il s’est agi, dans un premier temps, de faire une lecture du CECRL comme un ouvrage qui propose un renouvellement méthodologique autour de la perspective actionnelle (Richer, 2005 ; Bourguignon, 2008) : la compétence communicative langagière s’inscrit dans le cadre plus large des compétences générales qui permettent à l’apprenant d’interagir dans un contexte social défini. L’apprenant n’est donc plus un sujet mais un acteur à part entière qui peut mobiliser toutes les ressources dont il dispose – y compris langagières - afin d’accomplir des actions en langue cible. Un second axe de lecture se centre sur le développement des compétences plurilingues et pluriculturelles consignées dans un porfolio européen des langues afin de valoriser les compétences (qui peuvent être partielles) de tout locuteur (Castellotti et Moore, 2005 ; Little, 2011). Ce profilage pourrait permettre en zone frontalière, dans le cadre de langues voisines ou d’enfants issus de l’immigration de moduler le curriculum pour prendre en compte les compétences déjà développées par les apprenants (Goullier, 2008).

Dans le contexte européen, nul ne peut contester l’importance du CECRL concernant l’harmonisation des niveaux de compétences de l’utilisateur élémentaire (A) à l’utilisateur expérimenté (C) en passant par l’utilisateur indépendant (B). Traduit dans toutes les langues européennes, le CECRL a aussi séduit d’autres pays qui cherchaient un référentiel pour attester de niveaux de langues (Nishiyama, 2009 ; Rong, 2010) ou un document susceptible de renouveler des pratiques pédagogiques (Beacco, 2008).

Toutefois, dès la parution du CECRL en 2001, des voix se sont élevées afin de pointer certaines dérives. Dès 2002, lors d’un colloque à Giessen (Allemagne), des didacticiens germanophones (Delouis, 2008) ont noté l’absence de réflexion didactique du CECRL qui s’appuient sur des notions parfois contradictoires ou dont les origines restent opaques. Le paradigme de référence s’éloigne du plurilinguisme avancé alors que la plupart des sources sont issues du milieu de la recherche anglophone et plus particulièrement des écrits des auteurs (auto-citations). L’esthétique et la création semblent oubliées et certains descripteurs problématiques. Au final, on reproche au CECRL un certain éclectisme qui ne permet pas aux enseignants de s’emparer facilement du référentiel avec des risques de glissements contestables vers l’évaluation tout azimut. Pour Puren (2006), le CECRL est un document inachevé où les propositions méthodologiques font cruellement défaut même si la perspective actionnelle pourrait être une piste de réflexion moyennant quelques aménagements. Frath (2008) remarque que la perspective actionnelle n’est aucunement le cœur du document alors que les ouvrages français de vulgarisation du CECRL développent exagérément cet aspect méthodologique. Silva (2011) pointe aussi les écarts linguistiques entre les différentes traductions du CECRL rendant compliqué la construction d’un métalangage partagé entre différents pays européens.

Alors que les attentes étaient fortes concernant la parution d’un Volume complémentaire en 2018 qui aurait pu préciser certaines orientations théoriques ou méthodologiques du CECRL (Martinez 2020), pour certaines critiques le divorce est consommé (Maurer et Puren, 2021) alors que pour d’autres, les pages introductives au Volume permettent de confirmer des axes majeurs (Goullier, 2019) ou d’entrevoir de nouvelles orientations méthodologiques autour de notions comme la médiation et la collaboration (Longuet et Springer, 2021).

Face à l’ambivalence qui accompagne la réception du CECRL depuis de nombreuses années, le numéro thématique « Le CECRL : 20 ans après » accueille toute proposition qui pourrait éclairer la manière dont le document est utilisé par différentes instances européennes (décideurs politiques, enseignants, concepteurs de manuels, apprenants) ou internationales dans le domaine du Français Langue Etrangère. Quelques axes pourraient se dégager concernant notamment :

  • Les constructions de curricula modulaires et/ou plurilingues/pluriculturels
  • L’utilisation des portfolios européen en langues
  • La formation des enseignants de langues
  • La formation en langues pour les migrants
  • Les dispositifs d’enseignement des langues régionales
  • Le découplage réception/production, oral/écrit
  • Les dispositifs transfrontaliers
  • Les descripteurs et leur utilisation
  • La rigidification ou le renouvellement des pratiques pédagogiques
  • L’internationalisation du CECRL
  • Les concepts-clés du CECRL (médiation, collaboration, interaction, …)
  • La conception des ressources ou des manuels de langues
  • La prise en compte de la dimension esthétique et/ou affective de la langue
  • Le rôle de l’anglais comme langue passerelle ou son déclin depuis le Brexit
  • L’utilisation des niveaux de compétences pour favoriser (Erasmus) ou limiter la circulation des personnes (test de nationalité)
  • L’auto-déclaration des niveaux par les usagers dans des CV
  • La création de référentiels internes pour les centres de langues

 

La date limite de soumission est le 15
mars pour une publication à l’été 2022.

Les propositions sont à envoyer à ngettliffe@unistra.fr et à schlemminger.gerald@gmail.com ainsi qu’à asso.rhenane.enseignants.fle@gmail.com.

La feuille de style se trouve sur le site www.arefle.fr

Bibliographie

Beacco, J.-C. (2008). Les cultures éducatives et le Cadre européen commun de référence pour les langues. Revue japonaise de didactique du français, 3(1), 6-18.

Bourguignon, C. (2008). Enseigner/apprendre les langues de spécialité à l’aune du Cadre Européen Commun de Référence. Recherche et pratiques pédagogiques en langues de spécialité - Cahiers de l’APLIUT, 28(2), 40‑48. https://doi.org/10.4000/apliut.3198

Bourguignon, C. (2010). Pour enseigner les langues avec le CECRL - Clés et conseils. Delagrave.

Castellotti, V. et Moore, D.  (2005). Les portfolios européens des langues : des outils plurilingues pour une culture éducative partagée. Repères29, 167–183.

Conseil de l’Europe (2018). Cadre européen commun de référence pour les langues : apprendre, enseigner, évaluer. Le volume complémentaire du CECRL avec de nouveaux descripteurs. Conseil de l’Europe.

Conseil de l’Europe. (2001). Cadre européen commun de référence – Apprendre, Enseigner, Évaluer. Didier.

Coste, D. (2006). Le Cadre européen commun de référence pour les langues : traditions, traductions, translations. Retour subjectif sur un parcours. Synergies Europe, 1, 40-46.

Delouis, A. (2008). Le cadre européen commun de référence pour les langues : compte rendu du débat critique dans l’espace germanophone. Les Langues Modernes, 2, 19-31.

Frath, P. (2008). Le Cadre européen commun de référence et le Portfolio européen des langues : où en sommes-nous ? Les Langues modernes, 2.

Goullier, F. (2008). La mise en œuvre du Cadre européen commun de référence pour les langues en Europe. Une réalité différenciée dans ses finalités et dans ses modalités. Revue internationale d’éducation de Sèvres, 47, 55-62

Goullier, F. (2019). Les clés du Cadre – Enjeux et actualité pour l'enseignement des langues aujourd'hui. Didier.

Lallement, B. et Pierret, N. (2007). L'essentiel du CECR pour les langues : le cadre européen commun de référence pour les langues : [école, collège, lycée]. Hachette éducation.

Little, D. (2011). Portfolio européen des langues : guide pour la planification, la mise en œuvre et l'évaluation de projets d'utilisation à l'échelle de l'établissement scolaire. Éditions du Conseil de l’Europe - Centre européen pour les langues vivantes.

Longuet, F. et Springer C. (2021). Autour du CECR - Volume complémentaire (2018) : médiation et collaboration. Une didactique de la relation écologique et sociosémiotique. Éditions des archives contemporaines.

Martinez, P. (2020). Compte-rendu de lecture de « CECR : par ici la sortie ! ». Langues modernes, 2, 146-151.

Maurer, B. et Puren, C. (2019). CECR : par ici la sortie ! Éditions des Archives Contemporaines.

Nishiyama N. (2009). L’impact du Cadre européen commun de référence pour les langues dans l’Asie du Nord-Est : pour une meilleure contextualisation du CECR. Revue japonaise de didactique du français, 4(1), 54-70

Puren, Ch. (2006). Le Cadre Européen Commun De Référence et la réflexion méthodologique en didactique des langues-cultures : un chantier à reprendre. Synergies Europe, 1, 74-80.

RelEx, Noijons, J., Bérešová J. et Breton G. (2011). Relier les examens de langues au Cadre européen commun de référence pour les langues : apprendre, enseigner, évaluer (CECR) : les points essentiels du manuel. Éditions du Conseil de l'Europe

Richer, J.J. (2005). Le Cadre européen commun de référence pour les langues : Des perspectives d'évolution méthodologique pour l'enseignement/apprentissage des langues? Synergies Chine, 1, 63-71

Robert, J.-P. et Rosen, E. (2010). Dictionnaire pratique du CECR. Ophrys éditions.

Rong F. (2010). Une contribution à la diffusion en Chine des notions de didactique des langues : le cas de l'expérience de traduction du Cadre Européen Commun de Référence du français au Chinois. Synergies Chine, 5, 171-177.

Rosen, É. et Reinhardt C. (2010). Le point sur le cadre européen commun de référence pour les langues. CLE international.

Silva, H. (2011). De l'illusion d'univocité à la revendication de la polyphonie : pour des lectures plurielles du Cadre européen commun de référence pour les langues. Synergies Europe, 6, 27-37.

Tagliante, Ch. (2005). L'évaluation et le cadre européen commun. CLE international.

Document annexe

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