Apprendre sur la plateforme PARKUR la langue de la vie quotidienne, sur objectifs spécifiques et de spécialité à l’aune du CECRL et son Volume complémentaire

DOI : 10.57086/dfles.364

p. 121-137

Résumés

Le projet DELCYME (Developing E-Learning Capacities for Youth Mobility in Europe), financé par la Commission européenne avec des fonds du programme Erasmus+, a comme objectif principal le développement d’un programme multilingue — linguistique et interculturel — de préparation en ligne avec tutorat destiné à la formation de jeunes européens de moins de trente ans. Un autre objectif principal de DELCYME est d’aider à développer les compétences et le savoir-faire des jeunes européens dans des projets de mobilité professionnelle en contextes multilingues.
DELCYME est un projet de recherche piloté par l’OFAJ (Office Franco-Allemand pour la Jeunesse) à Paris/Berlin et le CAVILAM Alliance Française de Vichy (France) et qui réunit d’autres partenaires : l’Université de Milan (Italie), l’Université de Castille-La Manche (Facultés d’Education d’Albacete et de Cuenca), en Espagne, le Carl Duisberg Centrum d’Allemagne et l’association SEMPER AVANTI de Pologne.
Le projet DELCYME a construit la plateforme d’apprentissage en ligne PARKUR, qui offre des modules de formation en cinq langues (français, allemand, italien, polonais et espagnol) pour que des jeunes étudiants (formation professionnelle, universitaires, stagiaires…) préparent leur séjour dans l’un des pays parlant les langues impliquées de façon autonome, mais toujours guidés par une équipe de tuteurs formée dans le cadre du projet et qui accompagne les apprenants, les conseille dans leur parcours d’apprentissage et crée des liens entre eux, à travers un véritable réseau social d’apprentissage actif et collaboratif en ligne.
Notre contribution souhaite expliciter comment PARKUR parvient à faire travailler avec une même méthode, la langue de la vie quotidienne et celle sur objectifs spécifiques et de spécialité à l’aune du CECRL et son Volume Complémentaire.

The DELCYME (Developing E-Learning Capacities for Youth Mobility in Europe) project, funded by the European Commission with funds from the Erasmus+ program, has as its main objective the development of a multilingual – linguistic and intercultural – online preparation training that includes tutoring for young Europeans under the age of thirty. Another important objective of DELCYME is to help develop the skills and know-how of young Europeans in professional mobility projects in multilingual contexts.
DELCYME includes a research project piloted by the OFAJ (Franco-German Office for Youth) in Paris/Berlin and the CAVILAM Alliance Française of Vichy (France); it also brings together other partners: the University of Milan (Italy), the University of Castilla-La Mancha (Faculties of Education of Albacete and Cuenca in Spain), the Carl Duisberg Centrum (Germany) and the SEMPER AVANTI Association (Poland).
The DELCYME project relies on an online learning platform PARKUR, which offers training modules in five languages (French, German, Italian, Polish, and Spanish) for young students (vocational training, academics, trainees, etc.) to prepare for their stay in one of the host countries. It involves developing autonomous learning as well as social networking: as such a team of tutors trained within the framework of the project accompanies the learners, advises them in their learning path, and creates links between them, through active networking and collaborative online learning.
Our contribution wishes to explain how PARKUR manages to work with a common framework to include the teaching of language for everyday life, as well as for specific and specialty objectives in the light of the CEFR and its Complementary Volume.

Index

Mots-clés

descripteur, objectif spécifique, langue de spécialité, apprentissage en ligne, formation professionnelle

Keywords

descriptor, specific purpose, specialty language teaching, online learning, vocational training

Rubriques

Pratique de classe

Plan

Texte

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Introduction

Nul doute que la construction européenne passe, aujourd’hui plus que jamais, par la mobilité de ses citoyens, essentiellement pour des raisons professionnelles et académiques. La profonde crise de 2008 et celle à laquelle nous sommes confrontés actuellement après l’apparition de la Covid-19 ont creusé davantage les différences économiques entre les partenaires européens. Pour sa part, la Commission européenne, responsable du programme Erasmus+, gère et fixe des priorités en tant que garant de projets qui contribuent à améliorer les compétences des jeunes, augmentant ainsi leurs possibilités d’emploi. Soutenir leur entrée sur le marché du travail est une nécessité urgente. Dans ces conditions, le projet DELCYME et la plateforme PARKUR sont nés avec le désir de contribuer activement à l’amélioration de la mobilité européenne, en influant sur le développement des compétences linguistiques, interculturelles et professionnelles de ceux qui décident de franchir les frontières pour une expérience enrichissante, tout en leur offrant un avenir plus prospère.

Comment construire des outils en ligne pour apprendre des langues qui répondent aux besoins variés et protéiques d’une multitude de contextes et qui promeuvent l’apprentissage individualisé ? Comment faire pour regrouper sous l’égide d’une même méthodologie différents types de langues auxquelles les élèves de la formation professionnelle doivent faire face dans leurs déplacements ? Dans quelle mesure le CECRL (Conseil de l’Europe, 2001) et son Volume Complémentaire (Conseil de l’Europe, 2018) répondent-ils à ce défi qui nécessite au moins la combinaison d’une approche de langue étrangère avec des objectifs spécifiques et de spécialité ? Le projet DELCYME et la plateforme PARKUR ont tenté de répondre à ces questions.

La présente contribution aura pour point de départ non pas le questionnement scientifique d’un chercheur mais plutôt la vision pragmatique d’un auteur de matériels didactiques qui s’est vu confronté — avec l’équipe DELCYME — à la nécessité de faire des propositions concrètes pour un public déterminé. C’est donc un pari humble de celui qui, de l’autre côté du miroir comme l’a fait Alice elle-même, est amené à agir plus qu’analyser ou décrire son monde. En effet, une constante dans notre travail, aussi bien en tant qu’auteur de contenus dans PARKUR que de manuels de langues étrangères à des fins spécifiques, a été la réflexion sur la façon d’arriver à aborder une méthodologie commune à partir du CECRL, englobant l’enseignement-apprentissage des trois types de langues mentionnés ci-dessus.

1. Le projet DELCYME

Dans le cadre de l’augmentation de la mobilité en Europe et la mise en pratique de la nouvelle perspective actionnelle prônée par le CECRL est né la plateforme PARKUR1 et le projet européen DELCYME2. Le projet DELCYME (Developing E-Learning Capacities for Youth Mobility in Europe) vise à développer un programme multilingue de préparation à l’apprentissage en ligne pour la mobilité des jeunes adultes (préparation linguistique et interculturelle). De plus, DELCYME vise à développer les compétences et le savoir-faire des organisations travaillant dans un contexte non formel et qui ont la charge de la préparation à la mobilité. PARKUR est la plateforme d’apprentissage online animée par des tuteurs qui accompagneront les apprentis tout au long de leur apprentissage.

Selon un rapport de l’OCDE (2010, p. 15) — Perspectives des compétences 2015, Jeunesse, compétences et employabilité —, la crise économique a durement frappé les jeunes pour qui l’accès à un premier emploi est devenu plus difficile. Celle-ci a également accru le chômage : le taux de chômage des moins de 25 ans dans l’UE a stagné à 18,6 % en décembre 2016. Les jeunes peu qualifiés sont plus touchés que les jeunes titulaires d’un diplôme universitaire et ont plus de difficultés à accéder à la mobilité. Plusieurs programmes de mobilité leur offrent l’opportunité d’acquérir des expériences dans un autre pays européen ainsi que de développer de nouvelles compétences. Cependant beaucoup de jeunes ne saisissent pas cette occasion parce qu’ils ont peur. Une bonne préparation est une condition préalable importante pour renforcer leur motivation et développer ainsi leurs compétences linguistiques de base.

Pour ce projet de 31 mois (de février 2018 à décembre 2020), six organisations ont travaillé ensemble. DELCYME a été coordonné par l’OFAJ3 (Office Franco-Allemand pour la Jeunesse), qui a une longue expérience dans l’organisation de la mobilité et le développement d’outils de préparation linguistique et interculturelle. Pour ce qui est des autres partenaires, deux partenaires sont actifs dans le secteur de la formation linguistique non formelle (CAVILAM Alliance Française de Vichy4, CDC5) ; un autre est un acteur qui accueille activement et envoie à l’étranger des participants aux activités de mobilité en Pologne (SEMPER AVANTI) et deux autres sont des universités qui forment des professeurs de langues pour différents contextes (UCLM6, CALCIF7), ceux-ci apportent une perspective scientifique au projet. Le projet DELCYME (Developing E-Learning Capacities for Youth Mobility in Europe), financé par la Commission européenne avec des fonds du programme Erasmus+, a comme objectif principal le développement d’un programme multilingue — linguistique et interculturel — de préparation en ligne avec un tutorat destiné à la formation des jeunes européens de moins de trente ans. Un autre objectif principal de DELCYME est d’aider à développer les compétences et le savoir-faire des jeunes européens dans des projets de mobilité professionnelle en contextes multilingues.

Le projet DELCYME a construit la plateforme d’apprentissage en ligne PARKUR, offrant des modules de formation en cinq langues (français, allemand, italien, polonais et espagnol) pour que des jeunes étudiants (formation professionnelle, universitaires, stagiaires…) préparent leur séjour dans l’un des pays parlant les langues impliquées de façon autonome, mais toujours guidés par une équipe de tuteurs formée dans le cadre du projet et qui accompagne les apprenants, les conseille dans leur parcours d’apprentissage et crée des liens entre eux, à travers un véritable réseau social d’apprentissage actif et collaboratif en ligne.

Le plan de travail s’est organisé autour de quatre tâches :

  • Tâche A1
    • Gestion et communication entre les partenaires
    • Diffusion du projet
    • Mise en place d’un événement faisant la promotion des ressources éducatives libres
  • Tâche A2
    • Élaboration du contenu de la plateforme d’apprentissage en ligne
  • Tâche A3
    • Préparation des tuteurs qui accompagneront les apprenants pendant la formation en ligne
  • Tâche A4
    • Développement et gestion d’une communauté d’apprenants

Les principaux résultats attendus étaient les suivants :

  • La production d’approches et de contenus pédagogiques multilingues et numériques
  • La mise à disposition de ressources éducatives libres partagées qui peuvent être utilisées dans le domaine de l’éducation non formelle
  • Le développement des compétences des partenaires dans le domaine du numérique et des médias
  • La plateforme bénéficiera potentiellement à environ 200 apprenants/an dans chaque pays concerné
  • L’amélioration des compétences numériques
  • L’accès à un outil sur mesure qui prépare aux activités de mobilité professionnelle

2. Objectifs de DELCYME

Le CECRL a modifié en profondeur notre idée du processus d’enseignement-apprentissage en mettant l’enseignement au service de l’apprentissage et non l’inverse. On avait toujours pensé qu’il suffisait à l’enseignant d’enseigner pour que les apprenants apprennent. Désormais, donc, la méthodologie va être centrée sur l’apprenant, qui prend un rôle actif dans son apprentissage. D’un autre côté, on ne parlera plus d’étudiant ni d’élève mais d’apprenant, étant donné que le public dépasse de nos jours largement le cadre scolaire. Celui-ci devient un acteur social : il communique, mais il va au-delà de la communication, il agit. En tenant compte du Volume complémentaire (Conseil de l’Europe, 2018), le locuteur n’est plus seulement un acteur direct, mais il est aussi un facilitateur.

Par ailleurs, le processus inébranlable de la mondialisation a fait en sorte que les besoins des apprenants ont changé, notamment avec la mobilité professionnelle. Bien avant la naissance du cadre, on retrouve toute une série d’appellations, en fonction des circonstances dans lesquelles on enseigne la langue étrangère ou langue seconde : langue étrangère, langue sur objectifs spécifiques, langue d’accueil ou d’intégration, langue de spécialité, langue de scolarisation (bilingues), langue sur objectifs universitaires… On sait que les méthodes changent lorsque les besoins des apprenants changent aussi. Toutefois, il semblerait légitime de se demander si l’on ne pourrait pas développer une méthodologie qui puisse englober plusieurs besoins. Cela a été le défi que nous avons tenté de relever avec PARKUR en présentant simultanément la langue relative à la vie quotidienne, à la vie dans l’entreprise et à l’exercice des métiers.

PARKUR, plateforme d’apprentissage en ligne, s’adresse de manière prioritaire aux jeunes gens en formation professionnelle qui prévoient de faire un stage professionnel à l’étranger et dont le niveau dans la langue étrangère ne dépasse pas, en règle générale, le niveau A1-A2 du CECRL. D’autres jeunes désirant faire un stage ou un volontariat à l’étranger mais disposant d’une formation de niveau académique plus poussé pourront également utiliser la plateforme. Chaque apprenant dispose d’un niveau de langue, d’un volume horaire, de moments de disponibilité pour le travail sur la plateforme ainsi que d’intérêts d’apprentissage différents. La date d’arrivée sur la plateforme est également variable.

Figure 1 : Page d’accès à la plateforme PARKUR

Source : https://parkur.ofaj.org

L’un des objectifs du projet DELCYME est de promouvoir le multilinguisme. Les langues utilisées dans ce projet sont l’allemand, le français, l’espagnol, l’italien et le polonais. Il serait préférable que les participants à cette formation soient capables de comprendre et de parler au moins deux de ces langues. Le contenu et les tâches des phases en ligne ainsi qu’en face à face seront enseignés dans les quatre langues suivantes : l’allemand, le français l’espagnol et l’anglais. Pour certaines activités, cependant, l’utilisation de la langue maternelle est autorisée ou souhaitée.

3. Innovations méthodologiques : langue de vie quotidienne, vie en entreprise et exercice des professions.

Dans sa description du CECRL, Petit (2010) consacre une grande partie de son travail à l’étude du design des langues de spécialité au CECRL. L’auteur pense que :

Les spécialistes savent bien que la dénomination commune de langue de spécialité désigne de façon confortable, mais imprécise, un ensemble assez hétérogène de réalités de nature différente, chacun privilégié, en fonction de son expérience et de ses propres intérêts professionnels d’enseignement, ou de recherche. […] Constitue une langue de spécialité l’ensemble d’objets linguistiques et/ou langages définis par leur rapport à une « spécialité ». Le français des affaires, le français scientifique et technique, sont ainsi du français de spécialité ; anglais juridique, anglais médical, anglais spécialisé, etc. (Petit, 2010, p. 3)

Selon Petit (2010, p. 4), l’accent peut être mis, selon le cas, sur un ou plusieurs des aspects suivants :

  • Terminologie du domaine de spécialité ;
  • Particularités d’application d’une catégorie ou d’une structure linguistique déterminée dans le discours du domaine (sémantique-syntaxe du groupe nominal ; expression de la modalité ; etc.) ;
  • Caractéristiques des genres discursifs ou textuels représentatifs du domaine ; etc.

Bien que l’approche de la communication et la perspective d’action du cadre aient occupé une place prépondérante dans l’apprentissage des langues, il n’existe pas de méthodes intégratrices qui répondent aux nouveaux défis d’une économie mondialisée et de la mobilité professionnelle entre les pays européens. Compte tenu de la nécessité de l’échange et de la mobilité internationale, il serait nécessaire de recourir à des méthodes intégratrices regroupant les trois aspects : langue de vie quotidienne, vie en entreprise et exercice des professions.

3.1. Pédagogie centrée sur l’apprenant

Un apprenti de la voie professionnelle voulant faire un stage à l’étranger aura besoin d’utiliser la langue dans sa vie quotidienne (ouvrir un compte en banque), dans ses rapports à l’intérieur de l’entreprise (les premiers jours de stage) et pendant l’exercice de son métier (hôtellerie, restauration, électricité…). Les îlots d’apprentissage — unités didactiques sur PARKUR — comme éléments structurants du parcours des apprenants sur la plateforme répondent à ces trois contextes de vie. L’objectif est de créer un module d’apprentissage qui permette un parcours individualisé sur trois niveaux : la formation linguistique, la formation aux aspects professionnels et la formation interculturelle.

L’îlot ENVI, par exemple, comme îlot thématique centré sur les énergies renouvelables renvoie à des espaces de travail où se retrouvent apprenants et tuteurs de la plateforme pour des périodes limitées. Les exercices d’ENVI sont conçus sur la base de situations et de ressources variées, de préférence authentiques. Ces exercices servent à se préparer pour la réalisation de tâches avec d’autres apprenants avec le soutien d’un tuteur. De plus, les apprenants ont la possibilité de s’entraîner sur des activités en autoapprentissage qui leur permettent d’étoffer leur parcours sur la plateforme. En abordant notamment des sujets liés à la vie dans l’entreprise et à des métiers, PARKUR a vocation à aider les jeunes à se préparer à leur arrivée dans l’entreprise qui les accueille et à favoriser ainsi leur intégration dans l’autre pays.

3.2. Nouveaux descripteurs de compétences

La mise en cohérence d’objectifs spécifiques à partir de descripteurs du CECRL n’est pas chose facile, les descripteurs se révélant souvent soit inexistants, soit inadaptés. Par exemple la thématique Énergies renouvelables, PARKUR aborde trois types de langues associés directement à trois domaines : celui de la vie courante, celui de la vie en entreprise et celui de la profession elle-même. Ces trois variétés correspondent à la langue étrangère, à la langue sur objectifs spécifiques et la langue de spécialité. On trouve dans le cadre les descripteurs pour la langue étrangère, très peu d’éléments pour la langue sur objectifs spécifiques et rien sur la langue de spécialité.

De plus, la démarche prend appui sur l’approche actionnelle, les compétences et les tâches. ENVI, comme tous les îlots de PARKUR, s’organise sur trois étapes aboutissant chacune sur une tâche étape, où l’apprenant doit envoyer à son tuteur une réalisation individuelle écrite ou orale, répondant à une situation précise et avec des contraintes déterminées. Le tuteur envoie rapidement des commentaires sur ces réalisations, de façon à renforcer, corriger ou élargir la performance de l’apprenti.

Par exemple pour l’îlot ENVI, nous avons créés les étapes suivantes :

  • Étape 1 : S’informer sur les énergies renouvelables et les besoins auxquels elles répondent
  • Étape 2 : Proposer des solutions techniques d’énergie suivant le contexte
  • Étape 3 : Résoudre des problèmes d’une installation

3.3. Approche interculturelle

L’îlot se termine avec une tâche finale, où les apprenants doivent communiquer avec d’autres collègues d’autres pays et cultures. Les tâches finales sont en même temps l’aboutissement du parcours de l’îlot, du point de vue linguistique, puisque l’apprenant doit mettre en pratique les compétences acquises en vocabulaire, grammaire ou prononciation, mais aussi une mobilisation de ressources interculturelles puisque l’apprenant est aussi confronté à différentes visions et façons de faire, à travers les échanges sollicités dans cette dernière tâche. La collaboration devient ainsi une partie essentielle du parcours total d’apprentissage et une expérience d’anticipation aux échanges réels que les apprentis vivront lors de leurs séjours et leurs stages à l’étranger.

3.4 Les ressources

L’espace de cours sur la plateforme PARKUR de l’OFAJ constitue le noyau central de cette formation, où sont rassemblées toutes les informations utiles et nécessaires à la formation, telles que :

  • une sélection de documentation et sources, visant à mieux traiter les contenus de chaque îlot d’apprentissage,
  • des outils de communication virtuelle comme par exemple des forums, des chats, un espace virtuel de visioconférence…,
  • un réseau social permettant à tous de mieux faire connaissance avec de futurs collègues et de les contacter facilement à tout moment,
  • des activités diverses permettant de mieux comprendre les contenus de la formation et de les mettre en pratique, individuellement, en groupes ou en séance plénière, souvent suivies d’une phase de réflexion,
  • des informations et des dates butoir portant sur le déroulement, la structure et l’organisation de la formation.

4. La formation des tuteurs

L’une des pierres angulaires de la plateforme PARKUR est la présence d’une équipe de tutrices et tuteurs formés spécialement pour accompagner les apprenant(e)s dans leur apprentissage. Leur mission est d’accueillir, de motiver et de soutenir les apprenant(e)s dans leur travail sur la plateforme en tant que médiateurs (Barsi et Jardin, 2021 ; Piccardo, 2020). Sur PARKUR, deux profils différents de tutrices et tuteurs permettent d’assurer cet accompagnement en fonction du public visé. Une formation hybride de 12 semaines s’appuyant sur le schéma de tutorat a été conçue pour les tuteurs. Cette phase de formation est capitale car les tuteurs ont une mission d’accompagnement qui diffère de celle des enseignants « traditionnels » avec des compétences plus ciblées concernant l’autonomisation des apprenants au travers de scénarios préétablis.

Durant les phases à distance, ils sont amenés à traiter des contenus, faire des expériences avec des formats virtuels, préparer et effectuer des activités en ligne. Pendant la phase en présentiel, il s’agit de prendre du recul par rapport à leurs expériences en ligne pour les évaluer en discutant en groupes (Peer-Learning). Enfin, des ateliers pratiques leur permettent d’anticiper la phase de simulation pratique et de mieux se préparer à leur futur rôle de tuteur en ligne.

Phase 1 : Bienvenue

  • découvrir le projet DELCYME et les objectifs de la plateforme PARKUR
  • se familiariser avec la plateforme
  • faire connaissance avec les autres participants de la formation des tuteurs

Phase 2 : Rôle du tuteur en ligne PARKUR

  • mieux appréhender les facettes du rôle du tuteur en ligne
  • découvrir les deux profils de tuteur en ligne sur PARKUR
  • approfondir les différents aspects d’une consultation d’apprentissage efficace
  • élargir ses compétences pour mieux gérer l’analyse d’erreurs et donner un retour
  • se positionner dans son rôle par rapport au tutorat sur PARKUR

Phase 3 en présentiel

La rencontre en présentiel se déroule sur quatre jours et contribue à se préparer plus concrètement au rôle de tuteur en ligne pour la plateforme PARKUR. Cet atelier permet aux futurs tuteurs d’acquérir des techniques de communication et d’apprendre à appliquer différentes formes constructives de consultation et de conseil. Ils apprennent également à utiliser les techniques d’un retour constructif ainsi que quelques outils de suivi et de tutorat de la plateforme.

Après avoir présenté les deux différents types de tuteurs ainsi que leurs tâches respectives, l’équipe de formation accompagne les participants dans leur choix de l’un des deux types de tuteurs à la fin de cette phase. Cette rencontre donne également l’occasion de faire connaissance avec une partie de l’équipe qui développe la plateforme et de recevoir des informations plus claires de la part de l’OFAJ sur l’organisation de l’activité des tuteurs.

Phase 4 en ligne

Après avoir pris leur décision pour l’un des deux types de tuteur avec l’aide de l’équipe de formation, les participants abordent, au cours de la seconde phase à distance durant six semaines, la question des taches concrètes du tuteur et, plus spécifiquement, traitent la gestion efficace de situations typiques du suivi et du conseil des apprenants en ligne. À cette occasion, des aspects importants du e-tutorat seront traités, tels que les conseils en matière d’apprentissage, la motivation, la mise en place d’activités de groupe dans les processus d’apprentissage en ligne. La phase de simulation se déroule dans les mêmes conditions que pour les « vrais » apprenants de PARKUR, de l’inscription, en passant par l’entretien de conseil individuel en ligne, jusqu’à la finalisation d’un îlot d’apprentissage avec les contenus d’apprentissage authentiques de PARKUR pendant une session de 12 jours.

Évaluation finale

Finalement, les participants sont invités à évaluer l’ensemble de la formation des tuteurs. Cette évaluation sous forme de questionnaire anonyme détaillé constitue un élément primordial ayant, non seulement une influence majeure sur les changements ou ajustements de la plateforme, mais aussi pour les formations futures. Les participants disposent de deux semaines pour cette évaluation.

5. Des îlots d’apprentissage par thèmes

Chaque apprenant suit un parcours individuel sur PARKUR. Celui-ci est construit à la suite d’échanges avec le tuteur, selon les accents thématiques et les objectifs d’apprentissage définis avec ce dernier. Les îlots d’apprentissage sont au cœur du parcours et traitent d’un thème. Un îlot est composé d’exercices, de tâches étapes et d’une tâche finale collective. Plusieurs îlots autour d’un même thème peuvent constituer un archipel. Les différentes étapes permettent aux apprenants de rassembler les éléments qui vont leur permettre d’acquérir les compétences nécessaires à la réalisation de la tâche finale collective. Lors de celle-ci un groupe d’apprenants participant à la même session réalise en commun une tâche basée sur la démarche actionnelle.

Tous les îlots d’un archipel traitent le même thème, par exemple « Restauration » mais ils permettent de travailler sur des aspects différents de celui-ci. Chaque îlot met l’accent sur une compétence langagière particulière et les îlots sont ainsi complémentaires entre eux. Ils forment un ensemble cohérent mais n’imposent pas une progression linéaire. Ainsi le premier îlot peut mettre l’accent sur la compréhension orale et visuelle, le deuxième sur certaines structures grammaticales pertinentes et le troisième sur l’expression orale ou écrite par exemple. L’apprenant peut ainsi, selon ses objectifs, être orienté vers l’îlot répondant au mieux à ses attentes. Au sein d’un îlot, le passage de l’étape 1 à l’étape 3 prévoit en revanche une légère progression.

Figure 2 : Schéma Archipel « Restauration »

Source : https://parkur.ofaj.org

Certains îlots traitent des thèmes liés à la vie quotidienne, d’autres liés à l’entrée dans la vie professionnelle alors que d’autres proposent des contenus axés sur une filière professionnelle particulière.

Figure 3 : Schéma îlot

Source : https://parkur.ofaj.org

Pour maintenir la motivation et la participation à un niveau élevé, on prévoit pour le travail d’entraînement et la réalisation des tâches étapes un volume de 90 à 120 minutes. Ainsi le temps de travail pour l’îlot entier, tâche finale collective comprise ne devrait pas dépasser 6 heures de travail. Il est ainsi possible de combiner au sein d’un îlot des tâches-étapes plus ou moins longues, l’objectif étant de ne pas dépasser 5 heures de temps de travail sans la tâche finale collective.

Les tâches-étapes sont réalisées de manière personnelle et donnent lieu à une interaction avecle tuteur, tandis que la tâche finale collective se fait en interaction avec les autres apprenants qui apprennent la même langue-cible mais peuvent avoir différentes langues 1. La tâche finale collective peut être une simulation ou encore la production d’un document oral/écrit en commun. Dans les îlots de spécialité concernant les métiers en contact avec le public, une simple simulation en vidéoconférence crée une situation non authentique due à l’absence physique. Il faut alors privilégier l’analyse/la comparaison de réactions ou de comportements à partir d’éléments déclencheurs (vidéos ou texte). Une autre solution a été de créer des scénarios nécessitant la prise de parole dans l’acte professionnel.

Selon les objectifs d’apprentissage visés, la tâche finale collective doit être conçue pour pouvoir se décliner sur plusieurs modes (réalisation individuelle puis commentaires des autres apprenants, concertation en groupe et réalisation individuelle ou concertation et réalisation en groupe) à définir au moment de la conception tout en laissant une liberté de manœuvre au tuteur selon la constitution du groupe à la session donnée. Elle doit toutefois nécessiter de l’interaction à un moment ou à un autre. L’apprenant doit pouvoir réaliser la tâche finale en environ 1 heure (60 à 75 minutes maximum), travail de préparation individuel compris (celui-ci ne devant pas dépasser le quart d’heure). De manière à assurer l’interaction souhaitée au sein des îlots, ceux-ci sont régulièrement ouverts dans le cadre de sessions durant de 10 à 12 jours. Chaque session accueille un groupe de 2 à 6 apprenants. À l’issue de la tâche finale, chaque apprenant reçoit un dernier feedback individualisé de la part du tuteur qui a mené l’îlot. Voici un exemple de tâche finale :

Figure 4 : Mettre en valeur une collection. Page 1 

Source : https://parkur.ofaj.org

Figure 5 : Mettre en valeur une collection. Page 2

Source : https://parkur.ofaj.org

Les îlots d’apprentissage doivent être accessible dès le niveau A1.2 et sans dépasser le niveau A2. Des compétences partielles (par exemple pour la compréhension orale et visuelle) peuvent néanmoins relever du niveau B1. Il est important ici de préciser qu’il ne s’agit pas de viser l’acquisition de toutes les compétences décrites dans le CECRL pour un niveau mais plutôt de se centrer sur l’entraînement des compétences jugées pertinentes pour l’expérience de stage.

Le développement de nouveaux îlots par un partenaire est basé sur une fiche descriptive proposée pour chaque îlot par les partenaires institutionnels et discutée au sein d’un groupe de travail par la suite. Elle contient, en plus de la description des compétences à intégrer, des propositions pour les tâches étapes et la tâche finale collective. Après la validation de cette fiche par la content manager suite à un échange collectif, les créateurs de contenu prennent en charge la didactisation de ces tâches et créent les exercices menant aux différentes tâches étapes. Ils formulent les consignes destinées aux apprenants et créent le matériel didactique qui serait éventuellement nécessaire.

6. Conclusion

Le CECRL apparaît au début du XXIe siècle pour mettre de l’ordre dans le processus d’enseignement-apprentissage des langues étrangères. Son Volume complémentaire le complète en plaçant la médiation au cœur du processus dans lequel l’autonomie de l’apprenant est encore plus valorisée. Le projet DELCYME est né à partir de cette réflexion et de l’union des trois types de langues rencontrés pendant une mobilité — langue du quotidien, langue sur objectifs spécifiques et langue de spécialité. Les méthodes d’enseignement ont toujours coexisté, mais il semblait nécessaire de franchir les frontières entre les différents types de langues car les besoins des apprenants, comme le montre PARKUR, ont changé. L’enseignement individualisé en fonction des besoins de l’apprenant est une pierre centrale dans la conceptualisation de la plateforme. Bien qu’encore en construction, PARKUR se présente comme un outil utile et fondamental pour l’apprentissage des langues dès la préparation d’une mobilité professionnelle en Europe. Il l’est en tant qu’outil autonome, en complément d’une formation plus traditionnelle et du point de vue linguistique, interculturel et professionnel.

1 https://parkur.ofaj.org

2 https://delcyme.org/?lang=fr

3 L'Office franco-allemand de la jeunesse est une organisation de coopération franco-allemande créée après la Seconde Guerre mondiale pour aider à la

4 Crée en 1964, sous l’impulsion des Universités de Clermont-Ferrand et de la ville de Vichy, le CAVILAM, Centre d’Approches Vivantes des Langues et

5 Carl Duisberg Centrum est un centre de formation basé à Cologne leader dans le domaine de la formation et des certifications internationales. Il

6 L’Université de Castilla-La Mancha (UCLM) est une université espagnole créée en 1982. Le Département des langues étrangères a signé de nombreux

7 L’Université de Milan, fondée en 1924, est une institution publique d’enseignement et de recherche multidisciplinaire. L’Université de Milan est la

Bibliographie

Barsi M. & Jardin A. (2021). Verso nuove frontiere della comunicazione: l’interazione on line e la mediazione. Riflessione sul Companion Volumen del QCER e il progetto Erasmus+DELCYME. https://riviste.unimi.it/index.php/promoitals/article/view/13942

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Conseil de l’Europe. (2018). Volume complémentaire avec des nouveaux descripteurs. Conseil de l’Europe.

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OCDE. (2014). OECD Skills Outlook 2015 Youth, Skills and Employability. OECD Publishing.

OFAJ. (s.d.). PARKUR. https://parkur.ofaj.org

Petit, M. (2010). Le discours spécialisé et le spécialisé du discours : repères pour l’analyse du discours en anglais de spécialité. E-rea, 8 (1). doi.org/10.4000/erea.1400

Piccardo, E. (2020). La mediazione al cuore dell’apprendimiento lingüístico per una didattica 3.0. Italiano LinguaDue, 12(1), 561-585.

Notes

1 https://parkur.ofaj.org

2 https://delcyme.org/?lang=fr

3 L'Office franco-allemand de la jeunesse est une organisation de coopération franco-allemande créée après la Seconde Guerre mondiale pour aider à la réconciliation. Sa mission est de promouvoir les relations bilatérales entre les jeunes des deux pays et de contribuer ainsi à leur intégration. Il possède des programmes d'échange et d'apprentissage linguistique qui ont inspiré le projet DELCYME. https://www.ofaj.org.

4 Crée en 1964, sous l’impulsion des Universités de Clermont-Ferrand et de la ville de Vichy, le CAVILAM, Centre d’Approches Vivantes des Langues et des Médias, a rejoint le réseau international de l’Alliance Française en 2012. 

5 Carl Duisberg Centrum est un centre de formation basé à Cologne leader dans le domaine de la formation et des certifications internationales. Il gère également des projets éducatifs transfrontaliers pour le secteur des affaires internationales et les institutions.

6 L’Université de Castilla-La Mancha (UCLM) est une université espagnole créée en 1982. Le Département des langues étrangères a signé de nombreux accords institutionnels avec des universités du monde entier qui permettent le développement de différents programmes de mobilité internationale.

7 L’Université de Milan, fondée en 1924, est une institution publique d’enseignement et de recherche multidisciplinaire. L’Université de Milan est la première université italienne dans la plupart des classements internationaux et la seule université italienne appartenant à la Ligue des universités européennes de recherche (LERU).

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Référence papier

Alfredo Segura Tornero, « Apprendre sur la plateforme PARKUR la langue de la vie quotidienne, sur objectifs spécifiques et de spécialité à l’aune du CECRL et son Volume complémentaire », Didactique du FLES, 1:1 | 2022, 121-137.

Référence électronique

Alfredo Segura Tornero, « Apprendre sur la plateforme PARKUR la langue de la vie quotidienne, sur objectifs spécifiques et de spécialité à l’aune du CECRL et son Volume complémentaire », Didactique du FLES [En ligne], 1:1 | 2022, mis en ligne le 30 juin 2022, consulté le 24 avril 2024. URL : https://www.ouvroir.fr/dfles/index.php?id=364

Auteur

Alfredo Segura Tornero

Docteur en études de philologie de l’université de Castille-La Manche et licence en philologie de l’université de Salamanque. Il est titulaire d’un DEA (Diplôme d’études approfondies) de l’université de Poitiers et a étudié une année à l’université Paris VII. Il possède également un master d’espagnol langue étrangère de l’université de Salamanque. Il enseigne la didactique des langues étrangères à la faculté d’éducation de l’université de Castille — La Manche. Ses deux principaux domaines de recherche sont la didactique des langues étrangères et l’énonciation discursive appliquée aussi bien au discours littéraire que cinématographique. Il s’intéresse particulièrement aujourd’hui à l’enseignement des langues au moyen de TICE et de plateformes virtuelles d’enseignement-apprentissage. Il est l’auteur de publications dans différentes revues spécialisées et dans des éditoriaux de prestige autour de ses deux domaines de spécialisation. À noter : Français pour étrangers – Cahier d’activités – Approfondissement, Nathan ; Voie Express Français niveau perfectionnement, Nathan ; Vocabulaire de l’espagnol des affaires, Nathan ; Vocabulaire d’espagnol commercial – Livre parascolaire, Nathan ; Visión global, Nathan; Buen viaje, Paris ; Textos y Métodos Activos – BTS 1ère et 2ème années ; Planeta BAC Pro BTS : Textos y métodos, 2009, Nathan. Il a récemment participé au projet DELCYME (Developing E.Learning Capacities for Youth Mobility in Europe), projet européen réalisé avec des fonds de la Commission européenne et dans lequel cinq organisations européennes ont collaboré étroitement. Il fait également partie du groupe consolidé et reconnu par le gouvernement d’Aragon de recherche DICLES (Discours, culture, langue, enseignement et société) de la faculté de lettres de l’université de Saragosse.

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